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Sarkozy, Israël et les juifs
Second extrait de la postface
inédite
Paul-Eric Blanrue
Paul-Eric Blanrue
Lundi 28 décembre 2009
SECOND EXTRAIT DE LA POSTFACE INÉDITE
DE LA 3e ÉDITION, PARUE EN DÉCEMBRE 2009,
DE SARKOZY, ISRAËL ET LES JUIFS
(sans les notes de bas de page)
(...)
Si le silence médiatique que j’affronte n’est guère
surprenant, compte tenu de ce que nous savons, il est
d’autant plus remarquable que, depuis la parution de cet
ouvrage, ma thèse n’a cessé de s’enrichir de nouvelles
preuves.
Entre le 20 et le 24 avril 2009, alors que la première
édition de ce livre était à l’impression, nous avons d’abord
assisté à l’affaire Durban II, dont j’ai annoncé dans les
pages précédentes qu’elle était préparée de longue date par
les réseaux pro-israéliens, qui craignaient que cette
conférence de l’ONU contre le racisme, tenue à Genève, ne
servît de caisse de résonance aux critiques de l’État juif,
habituellement tenus à l’écart de toute manifestation ayant
quelque éclat médiatique. Comme l’écrivit Alain Gresh sur
son blog : « Rarement une conférence des Nations unies aura
donné lieu, en Occident, à une campagne aussi puissante de
désinformation, de fantasmes et de mensonges. »
Comme prévu, Israël, les États-Unis et quelques autres pays
(les Pays-Bas, l’Italie, l’Allemagne, la Nouvelle-Zélande,
l’Australie et le Canada) refusèrent d’y participer. La
France était présente, mais avait annoncé qu’elle réagirait
au cas où Israël serait mis sur la sellette.
Dans son discours inaugural, le président Mahmoud
Ahmadinejad dénonça le « gouvernement raciste » implanté au
Moyen-Orient « sous le prétexte de la souffrance des Juifs
». Il fut applaudi par la majorité des participants. Bien
que, à la demande du représentant des Nations unies,
celui-ci n’eût pas annoncé, comme il en avait l’intention,
que l’Holocauste lui semblait « ambigu et douteux », trois
membres de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) –
son président Raphaël Haddad, Jérémy Cohen et Jonathan
Hayoun -, arborant perruques multicolores et nez rouges,
hurlèrent en chœur au racisme iranien et tentèrent, sans y
parvenir, d’atteindre Ahmadinejad en jetant leurs postiches
de clown sur le podium. Ils se firent aussitôt expulser et
leurs badges d’entrée leur furent retirés. Mais
l’ambassadeur français auprès de l’ONU à Genève, qui
dirigeait la délégation française, quitta à son tour la
salle en compagnie de ses collègues de l’Union européenne,
en guise de protestation contre les propos tenus.
Par la suite, Nicolas Sarkozy s’empressa de condamner «
totalement ce discours de haine », tandis que Bernard
Kouchner - à l’inverse de Barack Obama, qui envisage un
dialogue avec l’Iran - faisait savoir qu’« aucun compromis
n’est possible » avec Ahmadinejad.
Au bilan, la résolution finale de Durban II fit silence sur
l’apartheid israélien et les crimes de guerre commis à Gaza,
désormais largement connus et authentifiés, et à propos
desquels la France ne condamna nullement l’État juif
contrairement au président du Venezuela Hugo Chavez, qui
alla jusqu’à dénoncer un « génocide ». La France ne réagit
pas davantage à la décision du ministère israélien de
l’Éducation, qui annonça, au mois de juillet, la
suppression, pourtant « négationniste », du terme Nakba
(Grande Catastrophe), très généralement utilisé en arabe
pour désigner la création de l’État juif en 1948 dans les
manuels scolaires à destination des Arabes israéliens.
Seul l’Iran était blâmable.
D’ailleurs, Sarkozy inaugura le 26 mai la base interarmes à
Abou-Dhabi, dans les Émirats arabes unis, la première base
militaire française dans le Golfe. « La France montre ainsi
qu’elle est prête à prendre toutes ses responsabilités pour
garantir la stabilité dans cette région essentielle pour
l’équilibre du monde », déclara le président. De fait, il se
trouve aussi que, géographiquement, les Émirats arabes unis
font face à l’Iran. Selon Le Figaro, la France se
donnait « les moyens de riposter », pas moins. Nicolas
Sarkozy se signala à nouveau au mois de juin, lors de
l’élection du président iranien, en refusant catégoriquement
de reconnaître la légalité (et la légitimité) du vote qui
renouvelait pour quatre ans le mandat d’Ahmadinejad.
Un livre entier serait nécessaire pour dévoiler les
manipulations médiatiques dont les Occidentaux, et les
Français en particulier, ont été abreuvés lors de cette
tentative de « révolution colorée » sous influence
anglo-saxonne. Dans Marianne, Régis Soubrouillard fut
l’un des rares journalistes à tenter de mettre un bémol à la
propagande qui s’abattit alors sur le pays ; il remarqua
fort justement que tandis « que Barack Obama s’est montré
d’une grande prudence dans ses réactions aux élections
iraniennes, partisan d’un dialogue inéluctable avec l’Iran,
la France a opté pour l’intransigeance, s’inscrivant dans
les pas de Bush, au risque de braquer le pouvoir et la rue
iranienne (…) Une différence de positionnement stratégique
avec les Euro-péens résumée par le géographe et spécialiste
de l’Iran, Bernard Hourcade, interrogé par le JDD.fr : “ Les
États-Unis ont compris que l’Iran existait et qu’il fallait
faire avec. Il s’agit d’une différence fondamentale avec les
pays européens – et la France notamment – qui considèrent
que le dialogue avec l’Iran passe par un changement de
régime ”. »
À rebours d’un président américain prudent et avisé, qui
tentait de remettre les États-Unis sur les rails au risque
de se brouiller avec le lobby pro-israélien, et alors même
que les experts ne trouvaient pas de preuves pour conclure à
la fraude électorale, Sarkozy prenait exemple sur l’un des
plus belliqueux chefs d’État que l’Amérique ait connus, à
seule fin de soutenir Israël envers et contre tout. La jeune
universitaire Clotilde Reiss fit les frais de cette
politique, qui n’améliora pas non plus l’image de la France
auprès des pays émergents.
Quels furent les intellectuels français qui s’alignèrent sur
la position sarkozyenne et appelèrent, du parvis des Droits
de l’homme, place du Trocadéro à Paris, à soutenir les
manifestants iraniens contre la « confiscation » de leur
vote ? Ceux-là mêmes dont j’ai évoqué dans ce livre l’action
inlassable en faveur d’Israël : Bernard-Henri Lévy et Alain
Finkielkraut, suivis de Marek Halter. Et ceci, alors que le
Jerusalem Post remarquait que les juifs iraniens «
estimaient que la vie en République islamique est meilleure
sous le président Mahmoud Ahmadinejad qu’elle ne l’aurait
été sous son rival Mir Hossein Moussavi ». Trois mois plus
tard, le même BHL se lancerait (en compagnie de Claude
Lanzmann, d’Elie Wiesel, de Simone Veil et du CRIF) dans une
campagne contre la candidature de l’Égyptien Farouk Hosni,
qui briguait le poste de directeur général de l’UNESCO. Avec
plus de succès, cette fois-ci.
Au moment où l’affront fait à l’Iran était le plus criant,
Libération nous apprenait, pour comble, que la France
était « humiliée par Tsahal ». Jean-Pierre Perrin écrivait
ainsi : « Si Nicolas Sarkozy fait beaucoup d’efforts pour se
rapprocher de l’État hébreu, on ne peut pas dire que la
réciproque soit vraie. À preuve, la multiplication des “
bavures ” commises par les forces de sécurité israéliennes à
l’encontre de ressortissants français en mission et
soigneusement étouffées par le Quai d’Orsay. Lundi, la
directrice du centre culturel français de Naplouse
(Cisjordanie) a été sortie de son véhicule, jetée à terre et
rouée de coups par des militaires israéliens près de
Jérusalem. “ Je peux te tuer ”, a lancé en anglais l’un des
soldats. Sa voiture portait pourtant desplaques
diplomatiques. Depuis, on lui a déconseillé de porter
plainte pour ne pas “ gêner ” la visite de Nétanyahou.
Mardi, c’est le directeur du centre culturel de
Jérusalem-Ouest, Olivier Debray, qui, à bord d’un véhicule
pourvu de plaques consulaires, a été insulté par des
policiers. (…) D’une façon générale, le corps consulaire
français se plaint de la violation régulière par les
policiers et les soldats israéliens des usages consulaires
»…
Tout ça pour ça ?, eût dit Claude Lelouch.
Fin juin, Israël attaquait également un bateau en mission du
Free Gaza Movement, le Spirit of Humanity, qui ne frayait
pourtant pas dans les eaux israéliennes, et kidnappèrent
vingt et un travailleurs des droits humains de onze pays,
parmi lesquels Mairead Maguire, Prix Nobel de la paix, et
Cynthia McKinney, ancienne membre du Congrès américain. Les
passagers et l’équipage furent emmenés de force vers Israël.
On n’entendit point Bernard Kouchner protester contre cette
atteinte aux droits de l’homme.
Durant l’été 2009, en France, le procès de Youssouf Fofana
fit dire à Alexandre Adler (voir chapitre 6) qu’il existait
un « antisémitisme invisible », ce qui irrita tout de même
certains journalistes. Mais ce furent surtout la burqa et le
niqab qui soulevèrent les passions hexagonales. Combien
étaient-elles, ces femmes qui portent le vêtement du
scandale ? « 367 », comme le prétendait une enquête de la
Direction centrale du renseignement intérieur ? « 2 000 »,
comme on le dit plus tard, ou davantage encore ?
Étaient-elles des terroristes islamistes en puissance,
susceptibles de camoufler des bombes sous leur voile
intégral ? Fallait-il une loi spéciale pour les empêcher de
se vêtir comme elles l’entendaient ?
Ce qui demeure certain, c’est que peu de journaux
insistèrent sur le fait que le rapporteur de la mission
parlementaire ad hoc n’était autre que l’UMP Éric Raoult
(voir chapitre 5), président de l’Association des élus amis
d’Israël (ADELMAD), qui avait d’ailleurs préfacé, en 2007,
un livre avec le député PCF André Gérin (président de ladite
mission), opportunément intitulé Les Ghettos de la
République.
Début août, Philippe de Villiers, président du Mouvement
pour la France (MPF), qui avait jadis vertement critiqué
Sarkozy, annonça quant à lui qu’il intégrait le comité de
liaison de la majorité présidentielle, une structure
destinée à élargir le socle électoral sarkozyste en vue des
prochains scrutins. C’était le même de Villiers qui avait
déclaré en mai 2006 à Israël magazine : « Je suis
heureux de voir que beaucoup de gens de la communauté juive
de France se retrouvent dans mon combat contre ce fléau de
l’islamisation. (…) Les juifs de France sont les premiers
touchés par ce phénomène et ils savent qu’ils peuvent
compter sur ma détermination pour les défendre. Nous
défendrons ensemble la civilisation contre la barbarie. »
Puis, à la fin du mois, Nicolas Sarkozy nomma la conseillère
UMP de Paris, Valérie Hoffenberg, représentante spéciale de
la France pour la dimension économique, culturelle,
commerciale, éducative et environnementale du processus de
paix au Proche-Orient. Directrice pour la France de
l’American Jewish Committee (AJC) - cet organisme sioniste
qui avait appuyé la candidature de Sarkozy en 2007 (voir
chapitre 3) -, Mme Hoffenberg fut ainsi chargée de prendre «
toutes les initiatives concrètes » susceptibles de créer «
un climat favorable à la paix dans les domaines économique,
culturel, éducatif et environnemental ».
Pour faire bonne mesure, le 1er septembre, l’ancien
socialiste Gaston Kelman fut nommé conseiller du ministre de
l’Immigration, Éric Besson. Ce « militant de la cause des
Noirs » venait d’écrire un opuscule intitulé « Juifs et
Noirs dans l’histoire récente : convergences et dissonances
», paru aux Études du CRIF. Enfin, une dernière donnée est
indiscutable : depuis la sortie du présent livre, la presse
ne cesse d’évoquer la « menace nucléaire iranienne », comme
on brandissait jadis les « armes de destruction massive » de
Saddam Hussein à seule fin de prédisposer les esprits à
l’éventuelle guerre à venir.
En mai 2009, l’ancien ambassadeur d’Israël en France, Elie
Barnavi, donna une conférence sur le thème « Guerre et Paix
au Proche Orient : nouvelles donnes ? ». Il achevait son
discours en approuvant l’approche de Barack Obama, « la
négociation sans préalable ». Toutefois, il précisait que, «
dans une deuxième phase, au cas (probable) où la négociation
échouerait », il faudrait procéder « à un renforcement des
sanctions ». Puis, « au cas où le régime des sanctions
lui-même n’obtiendrait pas les résultats escomptés
(notamment à cause des réticences chinoises et russes) », on
en viendrait à une troisième phase : « l’apocalypse des
frappes aériennes. »
Prolongeant ce discours, Benjamin Netanyahu demanda, au mois
d’août, des « sanctions paralysantes » contre l’Iran, pour
l’empêcher de se doter de l’arme nucléaire, ajoutant que si
le Conseil de sécurité des Nations unies ne parvenait pas à
s’entendre sur un durcissement des sanctions, les Etats-Unis
et l’Europe devraient prendre des sanctions de leur côté.
Au même moment, le gouvernement français faisait savoir
qu’il envisageait de nouvelles représailles si l’Iran ne
reprenait pas les discussions sur son programme nucléaire. «
Qui peut croire les dirigeants iraniens ? », se demanda
Nicolas Sarkozy, au retour de ses trois semaines de
vacances, face aux ambassadeurs français réunis à l’Élysée.
Il menaça l’Iran d’un « renforcement très substantiel des
sanctions » si le pays ne répondait pas favorablement aux
propositions de reprise des négociations avec les
Occidentaux sur son programme nucléaire, bien qu’Ahmadinejad
n’ait cessé de nier son intention de se pourvoir de l’arme
atomique - ce que confirme aussi le spécialiste de l’Iran,
président du Global Americana Institute, John Cole,
professeur à l’université de Michigan, qui insiste sur le
caractère anti-islamique, aux yeux du clergé chiite et du
Guide suprême, de la fabrication et de l’emploi de cette
arme de destruction.
Le 6 octobre, Claude Guéant précisa, dans un entretien au
Figaro, la position de Sarkozy sur des sanctions contre
l’Iran. Il y évoqua notamment une « restriction des flux
financiers ou l’interdiction des exportations de
produitssensibles ». Il ajouta, à la manière de Kouchner : «
Si les négociations n’aboutissent pas, il faut tout faire
pour éviter la guerre, et notamment une initiative de
bombardements décidée par Israël. Pour éviter une escalade
dangereuse, le président pense qu’il y a encore un palier à
franchir dans le degré des sanctions économiques contre
l’Iran ». Il s’alignait ainsi sur l’agenda israélien.
Le jour précédent, le chef d’état-major israélien Gabi
Ashkenazi s’était envolé pour la France, afin d’y
rencontrer, entre autres, son homologue français, Jean-Louis
Georgelin. Ce voyage eut lieu alors que plusieurs officiers
israéliens couraient le risque d’être arrêtés en Europe pour
leur participation à des crimes de guerre dans la bande de
Gaza. Peu avant, Ashkenazi avait déclaré que « la meilleure
façon de lutter contre le nucléaire iranien consiste à
imposer des sanctions ». Si celles-ci échouaient, avait-il
fait savoir, « Israël aura parfaitement le droit de se
défendre avec tous les moyens nécessaires », car « le
nucléaire iranien est une menace pour le monde entier. »
Tout le monde semble oublier, cependant, qu’à Vienne, au
mois de septembre 2009, la conférence générale de l’Agence
internationale pour l’énergie atomique (AIEA) a exprimé « sa
préoccupation » face à l’arsenal atomique d’Israël. Les
États arabes réussirent, en effet, à faire passer un texte
appelant « Israël à adopter le Traité de non-prolifération
(TNP) et placer ses sites nucléaires sous les garanties de
sauvegarde de l’AIEA ». Les pays occidentaux tentèrent
d’empêcher un vote sur cette résolution, mais leur motion
fut repoussée et la résolution finalement adoptée. C’est la
première fois, depuis 1991, qu’une telle résolution a été
adoptée à l’AIEA sur Israël, considéré comme l’unique
puissance atomique du Proche-Orient. La délégation
israélienne « déplora » ce vote et annonça par avance que
l’État juif « ne coopérera pas ».
D’où vient le vrai danger ? Quel pays a adopté un
comportement à risque ?
Il conviendrait d’y réfléchir à deux fois.
(...)
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