Opinion
L'encombrant
soutien de BHL à Martine Aubry
Pascal Boniface
Pascal
Boniface - Photo IRIS
Mardi 30 août 2011
Bernard Henri Lévy,
faute de pouvoir soutenir Dominique
Strauss Kahn, s'est répandu depuis un
mois pour proclamer que Martine Aubry
avait ses faveurs pour l'élection
présidentielle de 2012. Personne dans
l'entourage de cette dernière n'a
sollicité ce soutien, qui est le
résultat d'une initiative aussi
unilatérale que bruyante, de BHL.
Cependant, si ni Martine Aubry, ni son
entourage ne l'a encore revendiqué et
s’en est encore moins félicité, pour le
moment nul ne l'a récusé ouvertement.
Ce soutien pourrait cependant très
rapidement s'avérer n'être non pas
inutile mais coûteux pour Martine Aubry,
dans un premier temps dans la primaire
qui l'oppose principalement à François
Hollande, puis en cas d’éventuelle
victoire lorsqu'il s'agira d'affronter
Nicolas Sarkozy.
En quoi la caution de BHL peut-être
utile ? Chacun lui reconnaît un accès,
une influence dans les médias,
incomparables en France. Mais on peut
penser que Martine Aubry n'a pas de réel
déficit en la matière. Cependant, dès
qu'on s'éloigne du cercle des
éditorialistes et des responsables de
journaux, la popularité de BHL est moins
évidente. Le rejet qu il suscite est
plus net. J'ai pu le mesurer à
l'université d'été du PS à La Rochelle,
par le nombre de personnes qui sont
venues me parler avec empathie de mon
livre Les Intellectuels faussaires.
BHL se dit de gauche. En quoi l'est-il ?
En quoi est-il crédible sur ce point ?
La gauche prône plutôt l'égalité des
individus. BHL est convaincu qu'il y a,
d’un côté une petite élite dont il fait
partie qui a tous les droits, des gens
d'essence supérieure, dont il est
l’archétype, et de l’autre, une masse
qui doit se contenter de les admirer et
d’acquiescer à leur choix.
La gauche est plutôt pour la correction
des inégalités et la redistribution.
Notre philosophe rentier, qui a hérité
d'une fortune sans jamais avoir à
travailler de sa vie, ne s'est jamais
aventuré sur les questions sociales. Au
moment où quelques grandes fortunes et
dirigeants d'entreprise disent leur
accord pour payer plus d'impôts, il se
garde bien de rejoindre cet appel, lui
qui pourtant n'a jamais été avare de
signature de pétitions.
Si malgré cela Martine Aubry remportait
les primaires socialistes, le soutien de
BHL serait un cadeau empoisonné dans le
duel qu'elle aurait à mener contre
Nicolas Sarkozy.
Tout au long de la campagne, BHL, a qui
bien sur tous les médias demanderont son
avis, ira en répétant qu'il soutient
Martin Aubry mais que Nicolas Sarkozy
est le président le plus formidable que
la Ve république ait jamais connu du
fait de son action en Libye. Il voudra
ainsi montrer son objectivité connue de
tous, disant que bien sûr il soutient
Martine Aubry mais que le meilleur en
toute honnêteté est bien Nicolas
Sarkozy.
Dans la légende qu’il écrit, BHL a
alerté et mobilisé, puis Sarkozy a suivi
et sauvé la Libye. Dans la réalité, si
les appels initiaux de BHL sont
indéniables, heureusement que Sarkozy ne
l’a pas suivi totalement, sinon nous
aurions été bombarder la Libye sans
mandat de l’ONU.
C’est quand même l’action de Juppé et du
Quai d’Orsay – que BHL déteste – qui
nous ont évité une répétition de Suez
1956.
En réalité, il y aura très peu
d’électeurs qui vont se décider en
fonction des choix de BHL. Ces positions
vont faire un buzz médiatique, feront
discuter les éditorialistes, mais
n’auront aucun impact sur l’opinion.
Cela va simplement agrandir encore un
peu le fossé entre les uns et les autres
Tous les droits des
auteurs des Œuvres protégées reproduites
et communiquées sur ce site, sont
réservés.
Publié le 31 août 2011 avec l'aimable
autorisation de l'IRIS.
Le sommaire de Pascal Boniface
Les dernières mises à jour
|