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IRIS

Back to USSR ou retour aux politiques de puissance ?
Pascal Boniface


Pascal Boniface- Photo IRIS

27 août 2008

Résultat de la mini-guerre qui a opposé la Russie à la Géorgie, Moscou vient de reconnaître l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud.

Sur le terrain, cela ne change rien, les régions échappant depuis longtemps au contrôle de Tbilissi. Juridiquement, cette reconnaissance ne devrait pas être suivie par d’autres à l’exception de la Biélorussie et peut-être de quelques républiques d’Asie centrale. Pourtant, sans que l’on puisse parler de retour à la guerre froide, ces évènements ont une importance stratégique majeure.

La Russie est indubitablement le grand vainqueur de cet affrontement. Elle a mis en déroute les troupes géorgiennes. Elle va renforcer son contrôle sur les provinces sécessionnistes d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie. Son armée s'est offert une victoire militaire bienvenue après trop d'humiliations (de l'Afghanistan à la Tchétchénie) contre la petite armée géorgienne. L'armée géorgienne était certes une proie facile, mais équipée par les Etats-Unis, ce qui renforce la satisfaction de Moscou.

La première leçon de ce conflit – et la plus évidente –, est le retour en force de la Russie sur la scène internationale. L’époque où, après l’implosion de l’Union Soviétique, Moscou était devenue une non-puissance, incapable de faire valoir son point de vue sur les grandes questions stratégiques, en proie au chaos sur le plan économique (le PNB russe a été divisé par deux entre 1991 et 2000) est bel et bien révolue. La Russie a été impuissante face aux élargissements successifs de l’OTAN, à la guerre du Kosovo, aux tentatives de recomposition géostratégiques du Proche-Orient, à l’implantation américaine en Asie centrale. Elle faisait le dos rond, en attendant des temps meilleurs. La signature d’un partenariat stratégique avec l’OTAN en 2002 a été considérée à tort comme l’acceptation d’une suprématie américaine. Poutine a, avec fermeté pour les uns et brutalité pour les autres, rétabli l’autorité de l’Etat en interne et le respect des intérêts nationaux sur le plan international. L’augmentation du prix des matières premières énergétiques, due en grande partie à la guerre d’Irak, a renfloué l’économie russe.

Le grand perdant est le Président géorgien pro-américain Saakachvili. Il a fait d'incroyables erreurs d'analyses en surestimant le soutien américain et en sous-estimant les capacités de réaction de la Russie. A-t-il pu croire que son opération de reconquête de l'Ossétie (région sous contrôle russe qui a fait sécession de la Géorgie en 1992) laisserait les Russes sans réaction ? Cela aurait signifié que la Russie ne pesait plus rien, non seulement sur la scène mondiale mais également dans le Caucase. Misait-il au contraire sur une réaction russe brutale qui l'aurait fait passer pour une victime et lui aurait valu la solidarité occidentale ? Il a alors confondu solidarité verbale et alliance militaire. Il peut certes se réjouir d'être particulièrement considéré à Washington. Mais si les Etats-Unis sont prêts à le soutenir politiquement dans son bras de fer avec Moscou, à équiper son armée, à favoriser son adhésion à l'OTAN, ils ne vont certainement pas envoyer des troupes à son secours. Ils ont déjà suffisamment à faire avec l'Irak et l'Afghanistan et n'ont ni la volonté, ni les moyens d'ouvrir un nouveau front encore plus incertain.

Si Saakachvili a essayé de forcer la main des Américains en se lançant dans cette aventure militaire, il s'est lourdement trompé.

L'affrontement russo-géorgien est sans doute le dernier clou planté dans le cercueil de la thèse du monde unipolaire. La défaite géorgienne est celle d'un allié de Washington que celui-ci n' a pu empêcher. La fermeté de réaction des Etats-Unis est verbale, mais sans conséquence sur le terrain. On peut gager que la Russie se remettra sans peine de l'annulation de manœuvres militaires conjointes avec les Etats-Unis. L'hyperpuissance américaine se trouve impuissante face à un événement stratégique majeur. Une fois encore, à vouloir profiter de son avantage, elle a subi un cruel contrecoup. Et George W. Bush ne peut pas compenser cette défaite stratégique par une victoire idéologique ou morale. Ses appels au respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Géorgie peuvent paraître déplacés pour celui qui a déclenché une guerre d'une envergure bien plus grande contre l'Irak ou qui a soutenu celle d'Israël contre le Liban. Et on a du mal a comprendre la logique consistant à approuver le principe de la sécession du Kosovo et condamner celle de l'Ossétie ou de l'Abkhazie.

Il ne faut pas se tromper. Ce n'est pas à un retour de la guerre froide auquel nous assistons. Nous ne sommes pas en présence de deux blocs militaires antagonistes ayant des alliés sur chaque continent et se livrant une guerre idéologique qui ne peut se résoudre que par la défaite de l'un et la victoire de l'autre. Ce dont nous sommes témoins, c'est le retour à des politiques de puissance où chacun défend – bien ou mal – son intérêt national autant qu'il le peut.

Les Européens ont certes des intérêts nationaux différents de ceux de la Russie. Mais ils ne doivent pas les nier et cesser de penser que la Russie acceptera toutes nos décisions car elle n’a pas d’autre choix, et qu’il ne faut pas tenir compte de ses déclarations qui ne sont que du bluff. Et s'ils veulent faire prévaloir les leurs, ils doivent d'abord partir d'une analyse exacte du rapport de force. S'ils veulent faire triompher leur valeurs, ils ont intérêt à être cohérents et à les respecter eux-mêmes en ne leur donnant pas une application sélective.

Il serait temps que certains Occidentaux cessent de raisonner avec des principes à géométrie variable, avec des actions similaires condamnées dans un cas et approuvées dans l'autre, selon qu'elles ont été entreprises par un allié ou protégé ou par un rival.

Relire les articles
Les pièges du Kosovo - (La Croix, 19 février 2008) et Le retour en force de la Russie - (Témoignage Chrétien, 1er mars 2007)



Source : IRIS
http://www.iris-france.org/...


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