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IRIS
Armées
: le budget fou de Bush
Pascal Boniface
Pascal Boniface / Libération
/ 19 février 2007
Six cent vingt-trois
milliards de dollars. C'est le chiffre astronomique des dépenses
militaires américaines pour 2008. Il comprend le budget
ordinaire du Pentagone et le surcoût de la guerre d'Irak. Il
est en augmentation de 10,5 % par rapport à l'année précédente
et de 62 % par rapport à 2001. Malgré cela, les chefs d'état-major
des trois armes se plaignent de n'avoir pas suffisamment
d'argent pour le système de communication satellitaire de
pointe Tsat et déplorent la diminution du nombre de navires de
guerre. Mais quelle serait l'ampleur d'un budget acceptable pour
eux ? Les Etats-Unis devraient dépasser la barre des 50 % de dépenses
militaires. A eux seuls, ils sont responsables de 80 % de la
hausse mondiale des dépenses militaires mondiales. Pendant la
guerre du Vietnam, les dépenses militaires représentaient 9,4
% du PNB américain. Elles ne sont aujourd'hui que de 4 %, mais
c'est une remontée puisqu'elles n'étaient que de 3 % avant le
11-Septembre. La guerre d'Irak a d'ores et déjà coûté aussi
cher que celle du Vietnam, soit 660 milliards de dollars. C'est
bien une nouvelle course à l'armement qu'ont lancée les
Etats-Unis, mais une course solitaire et bien inutile. En 1989,
avant la chute du mur de Berlin, les Etats-Unis avaient, en
dollars constants, dépensé 450 milliards de dollars. La guerre
contre le terrorisme coûte donc bien plus cher que celle contre
l'Union soviétique. La Chine, même si les statistiques peuvent
n'être pas tout à fait fiables, réalise moins de 40 milliards
de dollars en dépenses militaires, ce qui la place dans un
rapport de 1 à 10, voire moins, avec les Etats-Unis. Si les dépenses
militaires chinoises ont triplé depuis dix ans, elles restent
bien modestes comparées à celles des Etats-Unis. Tandis
qu'avec 18 milliards de dollars, la Russie est loin derrière.
L'Iran, qui fait si peur aux Etats-Unis, dépense 4,5 milliards
par an ! Le Royaume-Uni 50, le Japon 45, la France 41 et l'Inde
22 milliards. Tous sont des nains militaires par rapport aux
Etats-Unis. Mais ces derniers en tirent-ils un avantage si évident
?
A quoi peut servir
cette véritable gabegie ? L'augmentation exponentielle des dépenses
militaires américaines est un défi à toute rationalité.
George W. Bush peut-il dire, au moment où les besoins sociaux
de son pays sont importants, où il ne semble pas que l'on ait
tenu compte des leçons de l'ouragan Katrina, que c'est par ce
biais qu'il peut réellement améliorer la sécurité de ses
compatriotes ? Concrètement, les Etats-Unis sont-ils plus en sécurité
aujourd'hui qu'il y a six ans ? C'est loin d'être certain.
Faut-il rappeler que la menace terroriste est par définition
asymétrique et que les attentats du 11-Septembre n'ont coûté
«que» 100 000 dollars, selon un rapport de l'Organisation des
Nations unies ? L'irrationalité semble aux commandes. Plus
Washington augmente ses dépenses militaires, plus il est tenté
d'utiliser la force et plus il développe l'hostilité à son égard,
et donc son insécurité. Comment ne pas voir que l'approche du
tout-militaire qui semble guider la réflexion des Etats-Unis
est une impasse non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour
le monde entier ? Les 660 milliards dépensés pour la guerre
d'Irak ne sont pas venus augmenter la sécurité, mais au
contraire ont développé l'insécurité et la violence.
N'auraient-ils pas été mieux utilisés à des fins de développement,
d'éducation ou de santé publique ? L'Organisation mondiale de
la santé estime à 25 milliards de dollars par an l'effort nécessaire
pour éradiquer le sida, la malaria et les maladies établies grâce
à la vaccination. Cet argent n'est pas réuni et des millions
de personnes, dont de nombreux enfants, en meurent chaque année.
Les Etats-Unis, avec
leur armée, sont très économes avec les pays du Sud. Alors
que les Nations unies ont fixé à 0,7 % du PNB des pays riches
le niveau nécessaire de contribution à l'aide publique au développement
pour éradiquer la misère, Washington ne consacre que 0,13 % à
cet objectif.
Faut-il d'ailleurs
rappeler qu'en 2006, le chiffre total de l'aide publique
mondiale au développement a été de 100 milliards de dollars,
dont 19 milliards qui concernent l'allègement massif de la
dette irakienne ? L'Irak aura donc, outre le coût de la guerre,
représenté cette année un cinquième de l'aide publique au développement.
L'ONU estime qu'avec 15
milliards de dollars par an, on pourrait fournir de l'eau
potable à l'ensemble des habitants de la planète, avec 20
milliards on pourrait éliminer la sous-alimentation, tandis
qu'avec 12 milliards on fournirait une éducation de base à
chaque enfant. Imaginons que les Etats-Unis prennent en charge
ne serait-ce qu'un de ces objectifs, au lieu d'augmenter leurs dépenses
militaires, la popularité qu'ils en tireraient serait une bien
meilleure contribution à leur propre sécurité.
Pascal Boniface
Directeur de l'IRIS
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