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IRIS

Pour qui sont ces sifflets au dessus du Stade de France ?
Pascal Boniface


Pascal Boniface- Photo IRIS

17 octobre 2008

Les sifflets entendus au Stade de France le 14 octobre lors du match France-Tunisie ont suscité une tempête politique. Le Président de la République a convoqué dès le lendemain le Président de la Fédération Française de Football. Le Premier ministre a déclaré qu’il aurait mieux valu annuler le match.

La Fédération Française de Football avait pourtant pris toutes les précautions, le match a été qualifié de match de l’amitié, et l’hymne national français a été chanté par une chanteuse d’origine tunisienne. Exceptionnellement, les deux équipes ont posé ensemble, et non séparément comme à l’accoutumée, pour la photo d’avant match. Ils sont rentrés sur le terrain de la même façon. Le dispositif de sécurité a bien fonctionné puisque, après le but de Benzema qui portait le score à 3-1, il a été renforcé pour éviter toute entrée intempestive sur la pelouse. La Fédération ne pouvait ni refuser de vendre des billets aux jeunes d’origine maghrébine, ni encadrer chacun d’entre eux par un policier. Elle est donc, en l’occurrence, victime et non responsable.


Respect, intégration, racisme, identité nationale sont les ressorts de cette polémique. Un match de football entre équipes nationales est ce qui en révèle de façon la plus certaine les ressorts de l’identité nationale.

L’équipe de France a joué à l’extérieur devant 70.000 spectateurs qui remplissaient le Stade de France, stade qui méritait mal son nom ce soir-là. Les supporters de la Tunisie étaient les plus nombreux et les plus bruyants. Pourtant, il n’y avait presque que des Français ou des résidents en France. Il n’y a pas eu de vols spéciaux venant de Tunisie pour supporter l’équipe nationale. Ceux qui ont sifflé la Marseillaise sont donc majoritairement des jeunes Français d’origine tunisienne.


Ils ont donc une identité partagée entre la France et la Tunisie. Ils encouragent d’ordinaire l’équipe de France, mais lorsque celle-ci joue contre leur pays d’origine, leur cœur va à la Tunisie. Ils se sentent donc Français au quotidien, mais Tunisiens lorsque leur pays de résidence et leur pays d’origine s’affrontent. Volonté de rappeler ses racines, volonté de s’exprimer sur un problème d’intégration (ou de non-intégration), soutien du faible présumé contre le fort supposé, volonté de défier l’autorité, il y avait tout ce cocktail pour expliquer ce phénomène aux origines multiples. Il y a aussi là un problème de génération. Les plus de 40 ans ont déploré ces sifflets qui ont été le fait de la jeunesse. Il y a eu également une part de mimétisme des Français d’origine tunisienne, comme des Français d’origine algérienne ou marocaine qui avaient déjà sifflé la Marseillaise. Car le problème ce sont bien les sifflets qui ont accompagné la Marseillaise, et qui ont ulcéré les responsables politiques, choqué de nombreux Français et meurtri de nombreux Maghrébins résidant en France. Aurait-il fallu annuler le match ? On peut penser que cela aurait été un remède pire que le mal, et que cela aurait pu dégénérer. Ces sifflets ont été pénibles, mais aucune violence n’a été à déplorer.


Contrairement à ce qu’ont dit certains commentateurs, le fait de siffler les hymnes nationaux, n’est pas exceptionnel. Cela se produit à chaque match international. La différence est que, généralement, c’est l’équipe visiteuse qui voit son hymne sifflé. Or, la France hier était supposée jouer à domicile. En cas d’identité partagée, il est très différent d’exprimer une préférence envers l’une (soutenir l’équipe tunisienne) et de l’hostilité envers l’autre (huer l’hymne français). Lorsque l’équipe des Etats-Unis joue à domicile contre une équipe latino-américaine, les spectateurs prennent partie pour cette dernière, mais ne sifflent ni l’hymne, ni l’équipe américaine.


Lors des deux derniers matchs France-Israël, le même stade de France était divisé entre ceux qui encourageaient l’équipe de France et ceux qui applaudissaient l’équipe d’Israël, mais ni l’équipe de France, ni la Marseillaise n’ont été sifflées. Cela signifie tout simplement que la question de l’intégration ne se pose pas de la même façon pour les Latino-Américains aux Etats-Unis, et pour les Juifs de France, que pour les Maghrébins en France.


Hatem Bernafa, né tunisien et qui a choisi la nationalité française pour jouer en Equipe de France, a été le joueur français le plus sifflé. Par ceux-là mêmes qui l’idolâtrent ordinairement, qui sont fiers de son parcours et qui iront l’applaudir chaleureusement le 19 novembre s’il joue contre l’Uruguay. Mais si ce qui s’est passé n’est pas anodin, il convient de ne pas non plus dramatiser à l’excès l’événement, sauf à donner une victoire symbolique aux siffleurs. Ne pas entamer un match si l’hymne est sifflé pourrait poser des problèmes de sécurité. Comment évacuer dans le calme un stade ? Et le fera-t-on si c’est un hymne étranger qui est sifflé ?


Ces sifflets vont malheureusement donner des arguments à tous ceux qui estiment que les Maghrébins ne sont pas tout à fait des Français comme les autres. Les jeunes qui les ont donc déclenchés ont été particulièrement irresponsables. Alors qu’ils n’avaient probablement pas de projet politique leurs actes ont eu une grande portée politique. Ils ont voulu exprimer un malaise vis-à-vis de leur intégration. Ils sont venus l’aggraver.

 

Pascal Boniface, directeur de l'IRIS

 

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Publié le 17 octobre avec l'aimable autorisation de l'IRIS.



Source : IRIS
http://www.iris-france.org/...


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