IRIS
BHL n'est pas
seulement ridicule, il est surtout dangereux
Pascal Boniface
Pascal Boniface - Photo IRIS
Jeudi 15 avril 2009
Il est de bon ton, dans de nombreux milieux, de se
gausser de Bernard-Henri Lévy et d’affecter à son égard, une
indifférence ironique. L’affaire Botul – dont BHL a le culot de
s’estimer victime – n’est ni sa première, ni sa dernière
escroquerie intellectuelle. La carrière de BHL est faite
d’affabulations et de ratés monumentaux, qu’il veuille créer un
journal, faire un film, écrire une pièce de théâtre ou un livre.
Il y a un écart grandissant entre l’écho médiatique qui lui est
donné et la désaffection du public, qui n’est pas dupe.
Les journalistes qui font semblant de le prendre au sérieux
voient leur propre crédibilité atteinte. Soit ils ne connaissent
pas l’étendue des mensonges de BHL et ils sont donc
incompétents. Soit ils lui donnent une tribune en connaissance
de cause et ils ne sont pas honnêtes, privilégiant leur intérêt
personnel (BHL sait renvoyer l’ascenseur) sur le respect de la
déontologie et du public. Mais BHL n’est pas simplement
ridicule, il est également dangereux. Dangereux car au-delà de
ses proclamations voltairiennes, il cherche à faire taire ceux
qui ne sont pas d’accord avec lui. Au-delà de ses appels à la
paix au Proche Orient, il favorise des politiques qui prolongent
le conflit.
Au nom d’une certaine éthique, il cherche à définir les
limites de ce qui est acceptable ou non dans le débat public et
à en exclure ceux qui ne partagent pas ses vues. Et il n’hésite
pas pour cela à déformer les propos et idées de ceux qui lui
déplaisent pour en obtenir la condamnation, le tout au nom de la
morale, toujours invoquée, rarement respectée.
C’est un faussaire doublé d’un Maccarthyste. Etre en
désaccord avec lui, c’est forcément encourir le soupçon
d’antisémitisme. Et il fait un amalgame qui mériterait un zéro
pointé à un étudiant faisant une telle faute, entre opposition à
la politique du gouvernement d’Israël, qu’il assimile à de
l’antisionisme (opposition à l’existence de l’Etat d’Israël) et
antisémitisme (haine des juifs).
Au cours d’un débat organisé par Radio Communauté juive
le 23 mars, BHL s’en est pris une nouvelle fois à moi en me
traitant de « triste personnage », ce dont il a le droit, mais
en m’attribuant des propos qu’il sait pertinemment que je n’ai
jamais tenus. Il m’accuse d’avoir préconisé une attitude
pro-palestinienne en fonction du poids plus important de la
communauté arabe en France par rapport à la communauté juive,
reprenant une thèse largement colportée pour disqualifier une
argumentation jugée gênante par ceux qui refusent la moindre
critique à l’égard du gouvernement israélien. Dans la note au PS
de 2001 – que j’ai reproduite dans mon livre Est-il permis de
critiquer Israël ? (Robert Laffont), je recommandais au
contraire de ne pas appliquer une approche communautariste sur
le conflit au Proche Orient, mais de faire valoir les principes
universels, ceux-la mêmes qui ne sont pas appliqués à ce
conflit.
Un jugement, confirmé en appel, m’avait d’ailleurs rendu
justice. A propos de cette note, il était écrit dans le
délibéré : "ce document au ton mesuré constitue une analyse,
laquelle peut être approuvée ou critiquée, de la situation au
Proche-Orient, comme de la façon dont elle est perçue en France
et propose au Parti Socialiste d’adopter une position plus
juste, aux yeux de son auteur, et plus conforme à l’intérêt bien
compris des deux communautés particulièrement concernées sur le
territoire national par le conflit. "
BHL le sait pertinemment. Il m’avait mis en cause
publiquement dans le passé, je lui avais écrit pour rétablir la
vérité sans obtenir de réponse. Il déforme sciemment ma pensée
pour la rendre condamnable. Le procédé est indigne d’un
intellectuel. Sans doute pensait-il que je n’aurais pas eu écho
de sa diatribe tenue devant un public communautaire.
BHL n’aime pas tellement le débat public, il n’accepte les
interviews que si elles sont faites par des gens obséquieux ou
par des amis, mais jamais les débats contradictoires où il
risquerait d’être pris au piège de ses insuffisances et
contradictions. Il dénature ainsi les règles du débat
intellectuel. En 2003, nous devions débattre dans l’émission sur
France 2 de Guillaume Durand. Il venait de publier son « roman
enquête » sur l’affaire Pearl et moi Est-il permis de
critiquer Israël ?. Il est intervenu auprès du Président de
France Télévision pour pouvoir être interviewé à part.
Pire encore, il cherche à créer un réflexe de peur au sein de
la communauté juive en lui inventant des ennemis inexistants,
négligeant ainsi ses véritables ennemis. Faisant donc sciemment
et consciemment de la désinformation, il trahit ainsi son devoir
d’intellectuel – qui est d’éclairer le débat – et son idéal
proclamé d’universalisme en surjouant la carte du
communautarisme.
Sur le plan international, il se dit pour la paix. Une fois
de plus ce sont de sa part, des paroles sans aucun ancrage dans
la réalité. Il ne va bien sûr pas dire qu’il est pour la guerre,
même s’il a soutenu les deux dernières lancées par Israël et
dont les populations civiles libanaises et palestiniennes ont
été les principales victimes. Il s’attaque régulièrement à ceux
qui, en France, sont pour la paix mais estiment que pour y
arriver, il est nécessaire que le gouvernement israélien change
de politique. Il n’a jamais eu de lien avec le camp de la paix
en Israël et encore moins avec les différentes et admirables ONG
qui luttent pour faire reconnaître le droit des Palestiniens. Il
a toujours été du côté du gouvernement israélien, que celui-ci
s’engage dans de réelles négociations, comme ce fut le cas sous
Rabin, ou qu’il refuse de le faire, comme c’est le cas de
Netanyahu. Son approche est donc ultra-communautariste. Mais
comme BHL veut jouer aux consciences universelles, il n’a
d’autre recours que de traiter d’antisémites ceux qui dénoncent
ses contradictions.
Son attachement à la paix est sans racines, sans réalité,
simplement verbal, au point qu’il s’inquiète qu’Obama puisse
faire des pressions sur Netanyahu, sous l’influence d’autres
« sinistres individus », qui seraient mes équivalents aux
Etats-Unis. Que BHL puisse craindre qu’Obama, dont on se
rappelle qu’il se vante d’avoir été celui qui l’a fait connaître
en France, puisse faire pression sur Netanyahu, montre bien de
quel côté il est. Il préfère le maintien en place d’un
gouvernement de droite et d’extrême droite. N’est-ce pas à
l’inverse, l’absence de pressions exercées sur Netanyahu qui
explique le blocage de la situation ? BHL peut-il se dire à la
fois pour la paix tout en préférant Netanyahu à Obama ? Tzipi
Livni n’a pas voulu entrer dans ce gouvernement parce qu’elle
estime justement qu’il ne veut pas de paix, paix qu’elle juge
être conforme à l’intérêt d’Israël.
Passons sur l’utilisation qu’il fait du terme « lobby juif ».
Si un autre que lui avait utilisé l’expression, n’y aurait-il
pas eu une tempête de protestations ? Mais BHL a tous les
droits. Je sais que nous ne sommes pas sur un pied d’égalité.
Non pas tant parce qu’il n’a jamais eu à travailler pour gagner
sa vie, et qu’il en a profité pour bâtir auprès de lui un réseau
d’obligés, de courtisans ou de gens prudents qui ne veulent pas
s’opposer à lui. Je comprends pourquoi, après des mois de
négociations avec ARTE pour la réalisation de documentaires
géopolitiques, je n’ai eu aucune suite. BHL est le Président du
Conseil de surveillance d’ARTE.
Non, ce qui nous distingue c’est que mon éducation m’a
toujours conduit à respecter les autres, à ne pas mentir
sciemment pour convaincre. Autant de contraintes dont BHL a
toujours été exempté.
Curieuse société française où les médias font une affaire
d’Etat pour une faute de main dans la surface de réparation, et
qui continuent d’honorer un multirécidiviste de l’escroquerie
intellectuelle
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Publié le 18 avril 2010 avec l'aimable autorisation de l'IRIS.
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