La guerre au Liban
constitue certainement le dernier clou planté dans le cercueil
de projet américain de grand Moyen-Orient. On se rappelle que
celui-ci, lancé après la guerre d'Irak, prévoyait de démocratiser
la région pour y apaiser les tensions et permettre, à terme,
une réconciliation entre Israël et ses voisins, le règlement
du conflit israélo-palestinien et une stabilisation réelle de
la région.
Or, avec le feu vert
donné par Washington à Israël pour lancer sa guerre contre le
Liban, démocratie multiconfessionnelle et pacifique, la région
subit une nouvelle déstabilisation et le fossé entre Israël
et les Arabes s'est encore creusé un peu plus. Et c'est peu
dire que la crédibilité américaine - dont l'impuissance
volontaire face à la détermination israélienne a été éclatante
-, en a pris un sérieux coup. Et elle n'en avait pas besoin.
Israël a échoué à réaliser
ses buts de guerre, il n'a pas réussi à briser le Hezbollah,
qui sort au contraire renforcé du conflit, auréolé du
prestige de celui qui a su tenir tête à un pays auquel
personne ne s'oppose vraiment. Et le Liban ne s'est pas déchiré
dans une guerre civile.
Si Israël récupère
les deux soldats enlevés, ce sera dans le cadre d'un échange,
fût-il déguisé, ce qu'Israël a refusé au départ, préférant
recourir à la guerre. Les ennemis les plus déterminés d'Israël
dans la région, l'Iran et la Syrie se sont également renforcés.
Israël demande le strict respect des résolutions 1559 et 1701
du Conseil de sécurité, alors qu'il fait peu de cas d'autres résolutions
comme la 242, tout comme des règles solidement établies du
droit international (comme l'interdiction de recourir à la
guerre, au blocus, pour ne pas parler du droit humanitaire).
Tel-Aviv exige le déploiement d'une force internationale
efficace au Liban Sud, alors qu'il l'a toujours refusée pour
les territoires palestiniens.
Enfin, les Palestiniens
ont été les grands oubliés de cette guerre. Car alors qu'on
évoquait au moins le sort des victimes libanaises, la presse était
quasi-muette sur les opérations militaires menées à Gaza,
qui, proportionnellement à la population, ont fait un nombre
encore plus important de morts.
Si Israël accepte
l'intervention de la communauté internationale au Liban,
pourquoi la refuser pour la Palestine ? La solution ne peut
venir que d'un règlement global qui ne peut concerner que le
seul Liban. Il y a une fenêtre d'opportunité pour la mise en
œuvre d'une conférence internationale à l'instar de ce qui a
été fait à Madrid en 1991.
Ca c'est la version
optimiste des choses. Le problème est qu'Israël refuse cette
perspective, et il sait qu'il n'en subira aucun réel inconvénient
à court terme, car les Etats-Unis continueront de le soutenir.
Pourquoi, dès lors, Israël modifierait-il son attitude ? Les
Etats-Unis verraient leur impopularité accrue du fait de leur
soutien aveugle à Israël, mais aucun gouvernement arabe ou
européen n'en tirera de conclusions concrètes.
Washington ne voudra
pas changer d'attitude. La nature ayant horreur du vide, cet
espace politique délaissé sera occupé par des forces
radicales. On risque donc d'avoir à moyen et court terme de
nouvelles déconvenues.
Pascal
Boniface / Témoignage chrétien / 7 septembre 2006