IRIS
Sisyphe l'avait
facile par rapport aux Palestiniens
Pascal Boniface
Pascal Boniface - Photo IRIS
Lundi 6 septembre 2010
Sisyphe subissait certes un supplice sans cesse répété... mais
du moins voyait-il son but, à savoir le sommet du rocher où il
devait porter sa pierre. L’objectif final semble toujours pour
les Palestiniens hors de vue. Un optimisme
convenu est affiché par tous les protagonistes des négociations
directes israélo-palestiniennes qui viennent de reprendre. Les
Américains hôtes de l’événement étant les plus démonstratifs.
Tout ceci est normal, il serait pour le moins curieux de donner
l’impression dès le départ de n’avoir pas confiance dans un
processus si difficile à redémarrer. Mais les rappels
historiques sont un cimetière des espoirs déçus, très nombreux
en ce qui concerne les espoirs de paix au Proche-Orient. Dans la
période récente rappelons juste que George W. Bush parlait de sa
vision d’un Etat palestinien d’ici un an en 2005 et que le
sommet d’Annapolis de l’automne 2007 évoquait le même
calendrier.
Au-delà de ces rappels, un certain nombre de considérations
vient d’ores et déjà fournir des éléments d’inquiétude sur la
suite des événements. Il y a tout d’abord la volonté de certains
groupes armés palestiniens de faire dérailler le processus avant
même sa reprise. Les négociations n’étaient pas encore ouvertes
qu’une attaque armée terroriste venait tuer quatre colons
israéliens en Cisjordanie. Que ce type d’attentats reprenne et
les voix qui, en Israël, disent que décidément il n’est pas
possible de s’entendre avec les Palestiniens, trouveront un écho
grandissant. Il n’est pas certain que le gouvernement israélien
actuel reprenne à son compte la formule d’Itzhac Rabin qui
affirmait vouloir continuer le processus de paix comme s’il n’y
avait pas de terrorisme, et combattre le terrorisme comme s’il
n’y avait pas de processus de paix. Le Hamas avait déjà beaucoup
contribué à faire obstacle au processus d’Oslo par ses
attentats. En y procédant de nouveau, il renforce la droite et
l’extrême droite israélienne formant avec elles une alliance
objective des ennemis de la paix.
Autre obstacle, la fin du moratoire sur la colonisation
décrété par le gouvernement israélien, qui prend fin le 26
septembre. Benyamin Nétanyahou a indiqué qu’il ne prolongerait
pas. Mahmoud Abbas a déclaré que la fin de ce moratoire
l’empêcherait de poursuivre les négociations. Nétanyahou
pourrait peut-être faire un geste en prolongeant ce moratoire
fusse, provisoirement. Il en tirerait ainsi un bénéfice
politique important auprès des Américains et apparaîtrait comme
déterminé à poursuivre sérieusement les négociations et à
parvenir à un accord. Le fera-t-il ? Sa coalition
gouvernementale pourrait-elle y survivre ? Rien n’est moins sûr.
Mais il y a plus préoccupant : Nétanyahou a déclaré qu’on ne
pourrait parvenir à une paix véritable et durable seulement à
condition que des concessions pénibles et mutuelles des deux
côtés soient faites. Cela veut donc dire que les Palestiniens
doivent également faire des concessions. Sur quoi ? Les futures
frontières de l’État palestinien ? Doivent-ils renoncer à voir
l’ensemble des territoires occupés être libérés ? Dans de
précédents accords informels, il avait été prévu qu’Israël
puisse conserver une partie des colonies à condition qu’il y ait
un accord avec les Palestiniens et une compensation
territoriale. La concession que devraient faire les Palestiniens
consisterait-elle à oublier cette compensation ? Après avoir
accepté de créer leur Etat sur seulement 22 % de la Palestine
mandataire, devront-ils faire de nouvelles concessions
territoriales ? Devront-ils accepter une concession pénible et
mutuelle sur Jérusalem ?
Oded Eran, directeur de l’institut d’études de sécurité
nationale à l’université de Tel-Aviv, a déclaré que si on
n’accepte pas le statu quo et qu’on ne peut pas obtenir un
accord sur tous les problèmes centraux, il faut une alternative
pour une solution partielle tout en gardant à l’esprit
l’objectif final. N’est-ce pas une façon d’annoncer la création
d’un État palestinien réduit ? Cela ne cache-t-il pas une
volonté de faire jouer le fait accompli ?
C’est le paradoxe du conflit israélo-palestinien qui en fait
un conflit unique. Aucun Etat, y compris les Etats-Unis, ne
reconnaît les conquêtes militaires de 1967 et encore moins
l’annexion de Jérusalem. Celles-ci sont illégales juridiquement.
Mais lorsqu’on parle d’un règlement du conflit, il n’y a aucune
exigence à l’égard d’Israël pour se conformer au droit
international. On espère un accord entre deux parties comme si
elles étaient sur un pied d’égalité. Or il y a une différence
entre elles. Les Palestiniens ont juridiquement raison mais sont
militairement inférieurs. Et personne ne semble vouloir que le
droit soit appliqué. On laisse au contrevenant la décision de
s’y conformer. Ce qui est rarement source d’application du
droit.
Pascal Boniface, Directeur de l'IRIS
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Publié le 6 septembre 2010 avec l'aimable autorisation de l'IRIS.
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