IRIS
Obama et Sarkozy en compétition pour la
paix au Proche-Orient ?
Pascal Boniface
Pascal Boniface - Photo IRIS
Lundi 2 février 2009
Nicolas Sarkozy a proposé la tenue d’une conférence
internationale qui permettrait de poser les bases d’une paix
durable au Proche-Orient. Il souhaite qu’elle soit organisée à
Paris, ce qui serait pour lui une belle victoire diplomatique.
Reste à savoir si Israéliens, Palestiniens et également
Américains sont prêts à le lui accorder. Nicolas Sarkozy veut
effectivement continuer à marquer sa présence internationale
tout en faisant de la politique intérieure, la France comptant
la plus grande communauté juive et la plus grande communauté
musulmane en Europe.
Chacun est conscient que la trêve intervenue entre Israël et le
Hamas, pour bienvenue qu’elle soit, est fragile. Faute de
conclure un accord de paix véritable, tirs de roquettes et
bombardements aériens peuvent reprendre à tout moment pour le
malheur des populations et le bonheur des extrémistes de tous
bords.
L’Europe, premier partenaire commercial d’Israël et premier
contributeur d’aide aux Palestiniens, n’est pas sans arguments.
Elle a les moyens de jouer un rôle stratégique et politique plus
important dans la région si elle se sert de ses atouts et ne se
contente pas d’être un « guichet ». Or, pour l’heure, il y a au
Proche-Orient un grand écart entre l’importance économique de
l’Europe et son faible poids politique.
Paris pourrait-elle accueillir une conférence historique
débouchant sur une paix tant attendue ? Ou ne pourrait-elle être
simplement l’hôte d’une conférence portant sur l’aide à la
reconstruction de Gaza ? Cette reconstruction, faute d’un accord
de paix véritable, ne pourrait être que très provisoire et une
reprise des violences viendrait de nouveau tout détruire. Le
Commissaire européen Louis Michel a déjà indiqué que les
contribuables européens étaient fatigués de financer des
infrastructures aux Palestiniens amenées à être détruites par la
suite par l’armée israélienne.
Mais d’autres problèmes subsistent dans l’optique de cette
éventuelle conférence. L’Europe et la France doivent toujours
faire face à la contradiction consistant à refuser de négocier
avec le Hamas tant que celui-ci n’aura pas reconnu
officiellement Israël et renoncé à la violence, alors que le
Hamas tient Gaza et a même renforcé ses positions par rapport au
Fatah après les bombardements israéliens. Pour être désagréable,
le rôle central du Hamas n’en est pas moins une réalité qui doit
être prise en compte par les uns et les autres si l’on veut
avancer vraiment. Pour le moment, les tentatives de le mettre à
l’écart, en pensant que les Palestiniens allaient se détourner
de lui, n’ont pas été payantes, bien au contraire.
Nicolas Sarkozy devra également faire un effort en direction de
la Turquie, à qui il refuse pour le moment l’adhésion à l’Union
européenne, Ankara étant l’un des rares interlocuteurs à être
entendu à la fois par Israël et par le Hamas. Demeure également
inconnue la nature du gouvernement qui sortira des élections du
10 février en Israël. Ce nouveau gouvernement sera-t-il prêt à
accepter des concessions véritables pour aller vers un accord de
paix ? Les Européens et la France seront-ils prêts à exercer des
pressions si ces concessions apparaissaient insuffisantes ?
L’élection d’Obama et la nomination de George Mitchell - qui
s’est signalé dans le passé pour être capable d’une franchise
avec les dirigeants israéliens, chose à laquelle les
responsables américains ne nous ont plus habitué depuis huit
ans -, est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle pour
Nicolas Sarkozy. La bonne nouvelle est que les Etats-Unis vont
certainement enfin cesser d’être le spectateur passif de la
destruction du processus de paix israélo-palestinien. Obama qui,
semble-t-il, ne voulait pas faire du conflit israélo-palestinien
une priorité n’a désormais plus le choix. Face à l’importance du
désastre humain et stratégique après les bombardements de Gaza,
il lui faut s’engager. La mauvaise nouvelle est que s’il
s’engage vraiment, ce ne sera pas pour jouer le rôle de brillant
second d’une diplomatie européenne emmenée par la France.
Mais au final, si Européens et Américains, ainsi que les pays
arabes, s’entendent pour signifier aux protagonistes israéliens
et palestiniens que la guerre récente est la dernière qu’ils
pouvaient accepter et qu’il faut y mettre fin définitivement,
sauf à déstabiliser les régimes arabes modérés et faciliter le
terrain aux islamistes radicaux et terrorisme, ce serait une si
belle victoire qu’elle mériterait et supporterait d’avoir
plusieurs pères.
Pascal Boniface, directeur de l'IRIS Tous les droits des auteurs des Œuvres
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Publié le 3 février 2009 avec l'aimable autorisation de l'IRIS.
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