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Le
capital contre l’Islam (partie 2/2)
Abdelaziz Chaambi, Nadjib Achour, Youssef Girard Mercredi
30 janvier 2008
Contre la civilisation capitaliste qui réduit
l’Homme à l’état de marchandise, l’intellectuel iranien
Ali Shariati expliquait qu’« une des mission de
Mohammed consiste donc à arracher l’homme de la terre, de cette
vie de porc, d’animal, d’individualiste pour le faire évoluer
vers Dieu ».
Cette mission de faire évoluer l’Homme
vers Dieu, le Prophète de l’Islam la réalisa en transmettant
le message de l’unicité divine, at-tawhid, contre
l’idolâtrie et le fétichisme qui régnaient à l’époque
dans la péninsule arabique. L’appel à l’unicité divine
reposait sur la négation de la divinité aux idoles de l’époque,
tel que Houbal, Uzza, Allat ou Manat, pour ne vouer un culte
exclusif qu’à Allah.
De même, avant Mohammed (PSL), les prophètes
et les messagers d’Allah (ST) luttèrent contre l’idolâtrie
et le fétichisme régnant dans leur société respective au nom
du tawhid. Allah dans le Coran nous dit : « Nous
avons envoyé dans chaque communauté un messager [pour leur dire] :
« Adorez Allah et écartez-vous du Taghout » »
; « et Nous n’avons envoyé avant toi aucun
Messager à qui nous n’ayons révélé : « Point de
divinité en dehors de Moi. Adorez-Moi donc ».
Le prophète Nouh dénonça les idoles Wadd,
Sawa, Yaghut, Ya’uq et Nasr
et annonce à son peuple : « Je suis pour vous un
avertisseur explicite afin que vous n’adoriez qu’Allah. Je
crains pour vous le châtiment d’un jour douloureux ».
Le prophète Ibrahim brisa les idoles qu’adorait son peuple
pour l’appeler au tawhid. Il affirma : « Je
désavoue totalement ce que vous adorez, à l’exception de Celui
qui m’a créé, car c’est lui qui me guidera ».
Dans le Sinaï, le prophète Moussa combattit les adorateurs du
Veau d’Or au nom du tawhid.
Le tawhid repose en Islam sur la
profession de foi : « La ilaha illa Allah » [Il
n’y a point de divinité à part Allah]. Cette profession de foi
commence par une négation de toutes les idoles et de tous les fétiches
en dehors d’Allah.
Une négation de tous les pouvoirs afin de
libérer l’Homme des oppressions sociales pour le lier à Allah.
En ce sens l’Islam contient un message profondément libérateur
puisqu’il tend à affranchir les Hommes de leurs semblables et
des forces sociales oppressives pour lier l’Homme uniquement et
directement à Allah.
A propos du caractère libérateur de cette
profession de foi, Abd ar-Rahman al-Kawakibi écrivait que les
despotes « ont peur de la science, jusqu’à craindre
que les gens ne comprennent le sens des mots « Il n’est de
Dieu que Dieu », et ne sachent pourquoi (ce verset) est
privilégié, et pourquoi l’Islam est fondé sur lui. L’Islam,
voire même l’ensemble des religions, est fondé sur le fait
qu’il n’est de Dieu que Dieu, c’est-à-dire que personne
d’autre que Lui ne saurait être véritablement adoré, personne
d’autre que la créature suprême.
Or, l’adoration signifie
l’humiliation et la soumission. Dès lors, la signification du
verset « Il n’y est de Dieu que Dieu » est que
personne d’autre que Dieu ne mérite qu’on s’humilie et
qu’on se soumette à lui. Comment les despotes pourraient-ils
tolérer que leurs sujets connaissent ce sens et agissent selon
lui ? »
Sous le règne de la marchandise, produit
par la civilisation capitaliste, le despote ne prend pas forcément
l’apparence d’un individu mais plutôt celui d’un système
global dans lequel « l’homme n’est plus rien » pour
reprendre les mots de Karl Marx. De fait, pour réduire a néant
cette profession de foi potentiellement libératrice, la
civilisation capitaliste s’attache à intégrer à son système
réificateur l’Islam comme toutes les autres formes de cultures
non-marchandes qui pourraient réduire ou contester son emprise
totale sur la vie des Hommes et des sociétés.
L’Islam réifié, fétichisé, est ainsi
intégré dans ses panthéons du marché que sont les grandes
surfaces. Il est transformé en bijou doré que l’on porte
autour du cou, en habit que l’on revêt, en nourriture que
l’on mange. L’Islam fétichisé, vidé de tout contenu
spirituel et civilisationnel, se transforme en objet de
consommation que l’on achète, que l’on consomme et que
d’autres vendent. On vend et on achète de l’Islam comme on
vendrait et on achèterait n’importe quel produit.
Cependant cette intégration de l’Islam réifié
au panthéon du marché se fait sous la coupe des idoles de la
civilisation capitaliste : l’argent, le profit, la
marchandise, le marché ou le capital
lui-même. En effet, la civilisation capitaliste divinise ces
notions en les transformant en absolu supérieur à l’Homme, aux
cultures et aux spiritualités qui doivent impérativement leur être
soumis.
Ainsi, à la suite de certains théologiens
chrétiens de la libération, comme Hugo Assmann et Franz
Hinkelammert, nous pouvons définir le système capitaliste comme
idolâtre.
C’est dans la théologie implicite du
paradigme économique et dans la pratique dévotionnelle fétichiste quotidienne
que se manifeste la « religion économique » de la
civilisation capitaliste.
La divinisation du marché fabrique des
idoles sans autel visible donc plus difficile à combattre.
Pourtant Allah, dans le Coran, a mis en garde à de nombreuses
reprises les croyants contre le fait de Lui associer une divinité :
« Parmi les hommes, il en est qui prennent en dehors
d’Allah, des égaux à Lui, en les aimant comme on aime Allah.
Or les croyants sont les plus ardents en l’amour d’Allah.
Quand ils verront le châtiment, ils sauront que la force tout
entière est à Allah » ;
« certes Allah ne pardonne pas qu’on Lui donne quelque
associé. A part cela, Il pardonne à qui Il veut. Mais quiconque
donne à Allah quelque associé commet un énorme péché » ;
« n’invoqué donc personne avec Allah ».
Le prophète Ibrahim – al-Khalil -
invoquait Allah en disant : « Préserve- moi ainsi
que mes enfants de l’adoration des idoles. Ô mon Seigneur,
elles (les idoles) ont égaré beaucoup de gens ».
Parmi les idoles de la civilisation
capitaliste, l’argent tient une place particulière , car il est
au fondement de l’échange marchand. La devise de l’idole
« argent » est inscrite sur chaque billet de dollar US :
« In God we Trust ».
Allah, dans le Coran, nous a pourtant mis en
garde contre cette idole qui aliène l’Homme et lui fait
confondre l’avoir avec l’être : « Pour
l’amour des richesses il [l’Homme] est certes ardent » ;
« les âmes sont portées à la ladrerie » ;
« A ceux qui thésaurisent l’or et l’argent et ne les
dépensent pas dans le sentier d’Allah, annonce un châtiment
douloureux, le jour où (ces trésors) seront portés à
incandescence dans le feu de l’Enfer et qu’ils en seront cautérisés,
front et dos : voici ce que vous avez thésaurisé pour
vous-mêmes. Goûtez de ce que vous thésaurisiez ».
Mettant en garde contre l’argent, le prophète
Mohammed (PSL) affirmait dans un hadith : « Pour
toute communauté il y a une fitna et celle de ma communauté
c’est l’argent ».
Dans un autre hadith, le prophète mit également les croyants en
garde contre le fait de vouloir accumuler des richesses pour
elle-même : « Si l’Homme avait une rivière
d’or, il en voudrait une deuxième et si il en avait une deuxième
il en voudrait une troisième mais il n’y a que la terre pour
combler les yeux de l’enfant d’Adam (la tombe) ».
Mohammed (PSL) avait compris que lorsque l’argent, médiateur
de toute chose, se transforme en seul critère de la puissance,
l’Homme devient objectivement aliéné par cet argent. Ainsi,
celui qui possède de l’argent fini par être possédé par lui.
La civilisation capitaliste et ses nouvelles
idoles que sont l’argent, le profit, la marchandise, le marché
ou le capital, exigent, comme les fétiches des temps anciens, des
sacrifices humains au nom de contraintes « objectives », « scientifiques »,
comptables, profanes, apparemment areligieuses.
En fait, la théologie idolâtre du marché,
depuis Thomas Robert Malthus jusqu’aux institutions financières
internationales, comme le FMI et la Banque Mondiale, est une théologie
sacrificielle : elle exige des pauvres, des opprimés, des mostadh’afin
qu’ils offrent leurs vies sur l’autel des idoles de la
civilisation capitaliste.
Rappelons qu’aujourd’hui près de 800
millions de personnes souffrent de la faim dans le monde. En
France, 2 millions de personnes sont mal nourries. En 2000, sur
une population de 6 milliards d’habitants, on en comptait 2,7
milliards vivant au-dessous du seuil de pauvreté, et, parmi eux,
1,3 milliard définis comme « extrêmement pauvres »
car disposant de moins d’un dollar par jour.
En 2003, le nombre de pauvres a crû de 100
millions, atteignant 2,8 milliards. En 2005, la France
comptait 7,13 millions de personnes, soit 12,3 % de la
population, vivant sous le seuil de pauvreté. Dans le monde, en
2005, 1 enfant sur 18 est mort dans sa première année. Cela représente
7,6 millions de décès d’enfants de moins d’un an en une année.
Tel est le visage des pauvres, des opprimés,
des mostadh’afin sacrifiés quotidiennement sur les
autels des idoles de l’argent, du profit, de la marchandise, du
marché ou du capital auxquels la civilisation capitaliste idolâtre
voue un véritable culte.
Si l’Islam veut retrouver le caractère
libérateur qu’il avait à ses débuts lorsqu’il luttait
contre les idoles et les fétiches de la péninsule arabique, il
devra affronter les nouvelles idoles que sont l’argent, le
profit, de la marchandise, du marché ou du capital. S’il ne
s’attache pas à lutter contre cette nouvelle forme d’idolâtrie,
il ne sera plus qu’un des multiples objets de la civilisation
capitaliste. Un fétiche soumis aux idoles supérieures de la
civilisation capitaliste. L’Islam sera alors une religion figée
et réifiée liant plus les croyants au monde marchand qu’à
Allah.
Dans cette lutte de l’Islam pour la libération
de l’Homme, les mostadh’afin ont une place particulière,
puisque ce sont les premières victimes de la civilisation
capitaliste idolâtre. La foi en cet Islam libérateur, celui qui
se réalise dans la lutte des mostadh’afin contre
l’oppression de la civilisation capitaliste, s’accomplit nécessairement
dans la négation des fausses divinités de l’argent, du profit,
de la marchandise, du marché ou du capital c’est-à-dire en
retrouvant le souffle libérateur du tawhid.
Abdelaziz Chaambi; membre fondateur de Divercité. Il
est également membre du Collectif des Musulmans de France
Nadjib Achour
Youssef Girard
Abdelaziz
Chaambi, Nadjib Achour, Youssef Girard. Le capital contre
l’Islam (partie 1/2)
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Publié le 5 février 2008 avec l'aimable autorisation d'Oumma.com
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