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Du « mouton
dans la baignoire » aux moutons dans l’isoloir
L’AN 1
de la résistance civique et démocratique à l’État sarkozyste
La rédaction
Lundi 7 mai 2007
Nul d’entre nous n’oserait contester le caractère
pluraliste et démocratique du scrutin du 6 mai. Qu’on le
veuille ou non, il convient d’admettre que c’est bien une
majorité de nos compatriotes (53 % environ) qui a porté Nicolas
Sarkozy à la présidence de la République. Le
national-sarkozysme qui, ces dernières semaines, a très
largement joué sur les peurs, les divisions, les passions et les
fantasmes identitaires et sécuritaires, a triomphé dans les
urnes, sans que l’on puisse véritablement parler de
manipulations ou de fraudes électorales.
Pourtant, si force est d’admettre qu’il n’y
a pas eu de bourrage des urnes françaises, à l’instar des
scrutins truqués dans certains régimes autoritaires du Sud,
l’on a bien assisté, en revanche, à une véritable opération
de bourrage des crânes. De ce point de vue, le sarkozysme
constitue sans aucun doute un autoritarisme démocratique qui
parvient à instrumentaliser habilement tous les ressorts du
« pluralisme médiatique » pour imposer ses vues,
comme une forme de « propagande consentie ». D’une
certaine manière, l’on serait tenté de dire que le « mouton
dans la baignoire » (cf. le discours de Toulon du 7/2/2007)
a incontestablement contribué à fabriquer des « moutons
dans l’isoloir », agitant le spectre du « communautarisme
musulman » pour créer un semblant d’unité nationale face
à une menace prétendument commune.
Plus de 52 % des Français ont suivi comme des
moutons de Panurge Nicolas Sarkozy, non parce que ce dernier répondait
à leurs problèmes quotidiens (l’emploi, le chômage, le
logement, la vie chère, etc.), mais d’abord parce qu’il
incarnait l’image du sauveur face à un « danger
imaginaire », qu’il a fabriqué de toute pièce, tel un
apprenti sorcier qui pour faire croire à l’efficacité de ses
potions magiques, invente la maladie de son patient. En effet,
Nicolas Sarkozy a inventé le « mal français »,
convainquant les électeurs qu’ils étaient gravement atteints
de maux divers, tels que l’immigration, l’islam, les
banlieues, la repentance… Et, le pire, c’est que les Français
ont fini par s’autopersuader qu’ils étaient réellement
malades, se jetant aveuglement dans les bras du charlatan électoral.
C’est peut-être là le fait le plus inquiétant
pour l’évolution de notre démocratie française : les
campagnes électorales laissent libre cours à toutes les sortes
de démagogies sécuritaires, identitaires et xénophobes qui ne
sont jamais sanctionnées et finissent pas payer sur le plan
politique.
Les « puristes » de la morale et des
idéaux républicains ont été balayés dans les urnes car précisément
ils n’ont pas compris qu’une élection se gagne à coups de
petites phrases allusives sur « le mouton dans la baignoire »,
la polygamie, la délinquance génétiquement programmée, la
repentance honteuse, le fléau migratoire, la réhabilitation de
l’œuvre coloniale…, autant de thèmes qui relèguent les défenseurs
des valeurs démocratiques au bas du classement de l’efficacité
propagandiste. La morale de l’histoire électorale française de
ces quinze dernières années, c’est précisément qu’il n’y
a plus de morale. Avec Nicolas Sarkozy, c’est la capacité à
faire triompher dans les urnes l’immoralité politique dans sa
plus pure perfection
Mais ne nous trompons pas : si Nicolas
Sarkozy développe des relents autoritaires, il est loin pour
autant de correspondre à la caricature du général dictateur
Tapioca dans les albums de Tintin. Sa conception autoritaire de la
démocratie se marie volontiers à une pratique aiguisée du
clientélisme d’Etat, qu’il a d’ailleurs largement expérimenté
lors de son passage au ministère de l’Intérieur.
Loin de provoquer un conflit ouvert et frontal
avec les quartiers populaires, les banlieues ou certaines couches
de la population française (celles qu’il dénonce à longueur
de discours), il tentera probablement de les acheter en leur
distribuant des gratifications symboliques, matérielles, voire pécuniaires,
s’il en était besoin. Car, disposant désormais d’un contrôle
quasi-total sur l’appareil d’Etat, Nicolas Sarkozy peut espérer
enclencher un vaste processus de clientélisation de la société
française et, en particulier, des classes populaires et des
classes moyennes.
Gageons que d’ici quelques semaines, sinon
quelques mois, Nicolas Sarkozy aura su s’entourer de conseillers
pro-américains et pro-israéliens en politique étrangère, de
« musulmans de service » pour le culte islamique et la
gestion des âmes musulmanes ordinaires (un nouveau CFCM encore
plus allégeant que le premier et composé majoritairement de béni-oui-oui
à la solde du patron), de Beurs et de Beurettes exotiques
largement subventionnés pour la gestion des quartiers dits
« difficiles », d’intellectuels de cour pour louer
les bienfaits de sa politique culturelle, voire de syndicalistes
très coopératifs pour légitimer sa « politique sociale »
très libérale.
Sur ce plan, il convient de rester lucide :
Nicolas Sarkozy va pratiquer un autoritarisme « chirurgical »,
en essayant de ne pas trop heurter - dans un premier temps du
moins - les sensibilités et les susceptibilités des Français.
Ne rêvons pas trop : la France ne va pas se soulever
massivement contre les projets de Nicolas Sarkozy et dans les
premiers mois les clients du « nouveau système »
seront certainement plus nombreux que les résistants.
Dans ces conditions et compte tenu du déploiement
efficace de ce clientélisme autoritaire dans tous les secteurs de
la société française (la sarkozysation lente mais sûre de la République),
il paraît utopique et même totalement irresponsable d’attendre
le « grand soir » de la révolte anti-Sarkozy. Seul
l’établissement d’un rapport de force permanent de type démocratique
permettra de résister à l’autoritarisme sarkozyste et de
maintenir en vie des espaces de liberté, au sein desquels nous
pourrons continuer à agir.
Entre le scénario d’une opposition rangée,
attendant patiemment l’heure de l’alternance politique
(c’est le syndrome de l’immobilisme calculateur qui guette
certaines franges du PS) et une attitude de radicalité
contestataire et totalement inefficace sur le plan des
mobilisations (la solution nihiliste prônée par certaines
composantes de l’extrême gauche), c’est à la construction
d’une véritable résistance civique et démocratique à l’Etat
sarkozyste qu’il convient de s’atteler urgemment. En espérant,
qu’en 2012, « le mouton dans la baignoire » ne se
transformera plus en « moutons dans l’isoloir » mais
en citoyens éveillés et éclairés qui rejetteront en bloc la démocratie
autoritaire, communautaire et sécuritaire tant rêvée par
Nicolas Sarkozy.
La rédaction Oumma.com
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