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Les inculpés du 11 novembre
Julien Coupat,
prisonnier politique
Olivier Bonnet
Samedi 31 janvier 2009
C’était notre billet du 27 décembre
dernier :
Liberté pour Julien et Yldune, incarcérés sans aucune preuve.
Que s’est-il passé depuis ? Une bonne nouvelle d’abord : Yldune
Levy, la compagne de Julien Coupat que l’on voit ci-contre à
la Une du Point
du 16 janvier, à la sortie de Fleury Mérogis, a enfin été
libérée. Mais Julien, lui, reste en prison. Et c’est
insupportable.
La
cour d’appel a refusé hier une énième demande de mise en
liberté. Officiellement pour "empêcher
une pression sur les témoins et une concertation frauduleuse
entre la personne mise en cause et les coauteurs et complices",
selon l’arrêt de la Cour
repris par Bakchich.Info.
Qui ironise, traitant Coupat d’ "héritier
en puissance d’action directe"
menaçant, si on le libère, de "faire
régner à nouveau la terreur et les retards sur les rames et
parmi les usagers des transports en commun".
Parce qu’il faut le redire ici :
la qualification d’entreprise terroriste
est scandaleuse pour ce qui n’est qu’un acte de malveillance
n’ayant jamais mis en danger la vie de quiconque.
L’arrêt précédent de la cour d’appel, celui du 23 décembre
condamnant Coupat à passer Noël en prison, est à cet égard
hallucinant : il est qualifié de "profondément
ancré dans une logique dévastatrice"
et son maintien en détention a pour but de "mettre
fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public (…)
s’agissant d’une idéologie de destruction cherchant à ébranler
les structures de la société par des attaques massives et
violentes contre les moyens de communication suscitant une très
vive inquiétude dans l’ensemble de la population".
Des attaques massives et violentes, deux sabotages de caténaires
dont on n’a qui plus est aucune preuve que Coupat ait quoi que
ce soit à y voir ?
Le 22 janvier dernier,
Médiapart
révèle que le seul témoin à
charge, "qui a gravement mis en
cause sur procès-verbal Julien Coupat – dernier suspect encore
incarcéré –, ne serait pas crédible. Cet homme est notamment
sous le coup d’une condamnation pour « dénonciation de délits
imaginaires ». Mais ça
n’ébranle pas la cour d’appel puisqu’elle maintient, encore et
toujours, Julien en prison. C’est aujourd’hui son 78e
jour de tôle. Un pur scandale. Citons ce qu’en dit le sociologue
belge Jean-Claude Paye, auteur de
La fin de l’Etat de droit : La lutte
antiterroriste, de l’état d’exception à la dictature,
dans une tribune
publiée par La libre Belgique :
"Dorénavant un individu est
arrêté comme terroriste, pas à cause d’actes commis, mais parce
qu’il est nommé comme tel par la police. Le 11 novembre 2008,
dans le cadre de “l’opération Taïga”, 150 policiers ont encerclé
Tarnac. Simultanément, des perquisitions étaient menées à Rouen,
Paris, Limoges et Metz. L’interpellation de 10 jeunes gens est
avant tout un spectacle destiné à créer l’effroi. Leur
arrestation serait en rapport avec des actes de sabotage de
lignes de la SNCF,
qui ont causé, le 8 novembre, le retard de certains
TGV sur la
ligne Paris-Lille. Les actes malveillants, l’arrachage de
plusieurs caténaires, ont été qualifiés de terroristes, alors
qu’ils n’ont, à aucun moment, menacé la vie humaine.
L’accusation, qui dit disposer de nombreux indices, notamment
des écrits et la présence de cinq suspects près de lignes
sabotées au moment des faits, reconnaît n’avoir aucune élément
matériel de preuve. C’est leur profil qui justifie leur
inculpation. Ils ont été arrêtés car “ils
tiennent des discours très radicaux et ont des liens avec des
groupes étrangers” et nombre
d’entre eux “participaient de
façon régulière à des manifestations politiques”,
par exemple : “aux cortèges
contre le fichier Edvige et contre le renforcement des mesures
sur l’immigration”. Quant à leur
logement, il est désigné comme un “lieu
de rassemblement, d’endoctrinement, une base arrière pour les
actions violentes”.
Bien qu’ils
seraient le “noyau dur d’une
cellule qui avait pour objet la lutte armée”,
la plupart seront rapidement libérées, certains sous condition,
d’autres assignés à résidence, mais ils resteront inculpés.
(...) Le discours du pouvoir
procède à un double déplacement : de simples actes de sabotages,
comme il peut, par exemple, y en avoir dans un mouvement social,
sont qualifiés de terroristes et ces actes sont nécessairement
attribués aux jeunes de Tarnac, bien que la police reconnaît
l’absence de tout élément matériel de preuve.
(...)
L’absence d’éléments matériels permettant de poursuivre les
inculpés n’est pas niée, mais la nécessaire prévalence des faits
est renversée au profit de la primauté de l’image construite par
le pouvoir. La position de Mme Alliot-Marie,
reprise au sein d’un rapport de la Direction Centrale du
Renseignement Intérieur, est particulièrement intéressante : “Ils
ont adopté la méthode de la clandestinité,
assure la ministre. Ils
n’utilisent jamais de téléphones portables et résident dans des
endroits où il est très difficile à la police de mener des
inquisitions sans se faire repérer. Ils se sont arrangés pour
avoir, dans le village de Tarnac, des relations amicales avec
les gens qui pouvaient les prévenir de la présence d’étrangers.”
Mais la ministre en convient : “Il
n’y a pas de trace d’attentats contre des personnes.”
Ces déclarations résument bien l’ensemble de l’affaire. Ce qui
fait de ces jeunes gens des terroristes, c’est leur mode de vie,
le fait qu’ils tentent d’échapper à la machine économique et
qu’ils n’adoptent pas un comportement de soumission “proactive”
aux procédures de contrôle. Ne pas avoir de téléphone portable
devient un indice établissant des intentions terroristes.
Rétablir le lien social est également un comportement incriminé
(...).
Dans les déclarations de Mme Alliot-Marie
la référence aux faits, en l’absence de tout indice matériel
probant, ne peut être intégrée rationnellement et engendre la
phase du délire, une reconstruction du réel avec l’image du
terrorisme comme support. Ce processus est également visible
dans les rapports de police, dans lesquels s’opère, au niveau du
langage, toute une
reconstruction fantasmatique de la réalité.
Ainsi, comme indice matériel prouvant la culpabilité des
inculpés, la police parle “de
documents précisant les heures de passage des trains, commune
par commune, avec horaire de départ et d’arrivée dans les gares”.
Un horaire de la SNCF
devient ainsi un document particulièrement inquiétant, dont la
possession implique nécessairement la participation à des
dégradations contre la
compagnie de chemins de fer.
(...)
L’affaire des “autonomes” de Tarnac n’a pas
grand chose à voir avec la vieille notion d’ennemi intérieur et
la stigmatisation traditionnelle des opposants politiques. Ici,
on ne s’attaque pas à une idéologie déterminée, à une forme de
conscience, mais simplement au corps, à des comportements, au
refus de s’abandonner à la machine économique. Il ne s’agit donc
pas de démanteler une avant garde, mais de montrer que le refus
de faire de l’argent, d’éviter les dispositifs de contrôle ou la
volonté de refaire du lien social constituent une forme
d’infraction, la plus grave qui existe dans notre société, un
acte terroriste. Cela concerne tout un chacun et non seulement
une minorité."
Grande
manifestation aujourd’hui à Paris contre l’antiterrorisme
: départ à 15 h du
RER
Luxembourg.
Le site du
Comité de soutien aux inculpés du 11
novembre
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