Le 20 janvier 2009
En guise d’introduction proposée
par le traducteur.
La question
Israélo-Palestinienne ne date pas de l’Holocauste, le double
langage non plus :
Extrait du rapport King-Crane
(août 1919), exprimant les positions publiques des Grandes
Puissances à travers la Société des Nations, ancêtre de l’ONU.
Dans son adresse du 4 juillet 1918, le président
Wilson a posé le principe suivant comme l’un des quatre
objectifs majeurs pour lesquels combattent les peuples associés
du monde. “Le règlement de toute question, qu’il s’agisse de
territoire, de souveraineté, d’arrangement économique ou de
relations politiques, [doit se faire] sur la base de la libre
acceptation de ce règlement par les gens directement concernés
et non sur la base de l’intérêt ou de l’avantage matériel de
n’importe quelle autre nation ou n’importe quel autre peuple qui
viendrait à désirer un règlement différent au nom de son
influence ou de sa supériorité dans le monde”.
Si ce principe doit s’appliquer et si les voeux
de la population de la Palestine doivent décider de ce qui doit
être fait de la Palestine, alors il y a lieu de rappeler que sa
population non juive (pratiquement les 9/10 du total) s’oppose
énergiquement à l’ensemble du programme sioniste … Soumettre un
tel peuple à une immigration juive illimitée et à une pression
financière constante pour qu’il vende la terre représenterait
une violation grossière du principe ci-dessus et, quand bien
même elle satisferait aux formes de la légalité, une violation
du simple droit des gens.
Au même moment ; extrait d’un
mémorandum privé adressé par Lord Balfour au Cabinet Britannique
(août 1919).
En Palestine, nous n’avons pas l’intention de
nous attarder à considérer les souhaits des habitants actuels de
ce pays ... Les Quatre Grandes Puissances se sont engagées
envers le Sionisme. Et le Sionisme, juste ou pas, bon ou
mauvais, se justifie par une longue tradition, dans les
nécessités du présent et dans les espérances du futur ; il a une
importance bien plus profonde que les désirs ou que les
préjudices ressentis par les 700.000 Arabes qui habitent ce pays
à l’heure actuelle ... Malgré tout le respect que l’on pourrait
accorder au point de vue des autochtones, les Puissances n’ont
pas l’intention de les consulter. En bref, en ce qui concerne la
Palestine, les puissances n’ont pris aucun engagement qui ne
soit à l’évidence faux, ni n’ont fait aucune déclaration
politique qu’ils n’aient l’intention de renier, au moins quant à
la lettre.
« Exterminez toutes les brutes » : Gaza 2009
Samedi 27 décembre 2008 la dernière attaque en
date est lancée contre les Palestiniens sans défenses. Elle fut
minutieusement préparée, depuis plus de 6 mois selon la presse
israélienne. Le plan comprend deux aspects, l’un militaire et
l’autre de propagande. Il est basé sur les leçons de l’invasion
israélienne du Liban en 2006, mal programmée et peu
« expliquée » au public. Nous pouvons donc être certains que ce
qui a été fait a été intentionnel et programmé.
Ainsi en est-il sûrement du moment de
l’agression : un peu avant midi, quand les enfants sortent de
l’école et que les foules s’affairent dans les rues de Gaza
densément peuplée. Quelques minutes suffiront pour tuer plus de
225 personnes et en blesser 700. Début de bon augure au massacre
en masse de civils sans défense, pris au piège dans une petite
cage, sans moyen d’en échapper.
Dans sa rétrospective « inventaire des gains de
la Guerre de Gaza » le correspondant du New York Times Ethan
Bronner a classé cet acte comme une réussite des plus
significatives. Israël a anticipé l’avantage de paraître
« devenir fou » en causant une terreur totalement
disproportionnée, doctrine qui remonte aux années 1950. « Les
Palestiniens à Gaza ont reçu le message dès le premier jour »
écrit Bronner, « quand les avions de guerre d’Israël ont frappé
d’un coup de multiples cibles au beau milieu d’un samedi matin.
Environ 200 furent tués instantanément, terrifiant le Hamas et
bien sûr tout Gaza ». La tactique du « devenir fou » semble
avoir porté ses fruits conclut Bronner : il y a « certaines
indications que les Gazaouis ressentent tellement de douleur
qu’ils ne soutiendront plus le Hamas », gouvernement qu’ils ont
élu. A ce propos, je ne me souviens pas de la rétrospective du
Times « inventaire des gains de la Guerre de Tchétchénie », bien
que les gains en furent élevés.
La préparation minutieuse comprenait aussi
certainement la fin de l’agression, soigneusement planifiée,
juste avant l’investiture d’Obama pour minimiser la menace
(lointaine) qu’il puisse émettre quelques critiques sur ces
crimes odieux soutenus par les USA.
Deux semaines après le début de ce Shabbat
agressif, Gaza étant déjà ensevelie sous les décombres et le
bilan humain avoisinant les 1000 morts, l’agence de secours et
de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans
le Proche-Orient (UNWRA), dont dépend la survie de la plupart
des Gazaouis, annonce que l’armée israélienne lui refuse
l’acheminement de l’aide vers Gaza, arguant que la frontière est
fermée durant la fête du Shabbat. Pour honorer le jour saint, on
refuse nourriture et médicaments aux Palestiniens sur le point
de mourir, pendant que des centaines d’autres sont massacrés par
les bombardiers et les hélicoptères de fabrication étasunienne.
Cette double norme de respect scrupuleux du
Shabbat ne provoque que peu, ou pas du tout la critique. Cela
s’explique. Dans les annales criminelles du couple
Israël-Etats-Unis, cette cruauté et ce cynisme ne méritent pas
même une note de bas de page. C’est trop courant. Pour citer un
parallèle significatif, en juin 1982 l’invasion Israélienne du
Liban, avalisée par les Etats-Unis, commença par le bombardement
des camps de réfugiés Palestiniens de Sabra et Shatila, qui
devinrent ensuite les symboles des terribles massacres
supervisés par les IDF (Forces de « Défense » Israéliennes). Le
bombardement toucha l’hôpital local - l’hôpital Gaza - et tua
plus de 200 personnes selon le témoignage d’un universitaire
étasunien spécialiste du Moyen-Orient. Cette boucherie fut
l’acte d’ouverture d’une hécatombe qui extermina quelque 15 à
20.000 personnes et détruisit la plus grande partie du Sud Liban
et de Beyrouth, avec le soutien militaire et diplomatique des
Etats-Unis. Soutien sous forme de veto au Conseil de Sécurité de
l’ONU dont les résolutions visaient à bloquer cette agression
criminelle menée en fait pour protéger Israël d’un règlement
pacifique et politique, et non les Israéliens souffrant sous
d’intenses tirs de roquettes, inventions commodes de
l’imagination d’apologistes.
Tout cela est normal et commenté assez
ouvertement par de hauts dignitaires israéliens. Il y a 30 ans,
le chef d’état-major Mordechai Gur observait que depuis 1948
« nous avons combattu une population habitant des villages et
des villes ». Ou, résumé par le plus notoire des analystes
militaires israéliens Zeev Schiff, « l’armée israélienne a
toujours, délibérément et consciemment visé les populations
civiles … l’armée n’a jamais distingué les cibles civiles [des
militaires…mais] intentionnellement attaqué des objectifs
civils ». Les raisons furent expliquées par l’éminent homme
politique Abba Eban : « il y avait un but rationnel, atteint en
définitive, de toucher les populations civiles afin qu’elles
exercent une pression pour l’arrêt des hostilités ». Le
résultat, comme l’avait bien compris Eban, devait permettre à
Israël de mettre en œuvre sans obstacles son plan d’expansion
illégale et de répression brutale. Eban commentait l’analyse par
le premier Ministre Begin des attaques du gouvernement
Travailliste contre des civils ; Begin, selon les mots d’Eban,
donnait une image « d’Israël infligeant sans raison la mort et
l’angoisse à des populations civiles comme le firent des régimes
que ni Mr Begin ni moi n’oserions appeler par leur nom ». Eban
ne contestait pas les faits qu’analysait Begin, mais le
critiquait de les exposer publiquement. Cela ne concernait pas
non plus Eban, ni ses admirateurs, que son plaidoyer en faveur
d’une terreur d’état massive puisse lui-même remémorer des
régimes dont il n’oserait prononcer le nom.
Les justifications d’Eban de la terreur d’état
sont perçues comme convaincantes par des autorités respectées.
Pendant que l’attaque israélo-étasunienne récente faisait encore
rage, le chroniqueur du Times Thomas Friedman expliquait que la
tactique d’Israël, comme celle adoptée au cours de l’invasion du
Liban en 2006, est basée sur un principe sain : « essayer
« d’éduquer » le Hamas en infligeant de lourdes pertes à ses
militants et des souffrances terribles à la population de
Gaza ». Cela se comprend d’un point de vue pratique, comme ce
fut le cas au Liban où « la seule dissuasion à long terme fut
d’exposer les civils - les familles et employeurs des militants
- à de telles calamités pour qu’ils ne soutiennent plus le
Hezbollah dans le futur ». Avec une telle logique, les efforts
de Ben Laden pour « éduquer » les étasuniens le 11/09 étaient
aussi dignes d’éloges, tout comme les attaques Nazies à Lidice
et Oradour, la destruction de Grozny par Poutine et d’autres
tentatives notoires « d’éducation ».
Israël a fait beaucoup d’efforts pour afficher
son attachement à ces principes directeurs. Le correspondant du
New York Times, Stephen Erlanger, rapporte que les associations
de défense des Droits de l’Homme sont « troublés par les frappes
d’Israël sur des bâtiments censément civils, comme le Parlement,
les commissariats et le Palais Présidentiel » et, pourrions nous
ajouter, les villages, les maisons, les camps de réfugiés
densément peuplés, les systèmes d’adduction et d’épuration
d’eau, les hôpitaux, les écoles et les universités, les
mosquées, les installations de secours des Nations Unies, les
ambulances et en fait tout ce qui peut soulager la douleur de
victimes insignifiantes. Un haut officier du renseignement
israélien a expliqué que l’armée israélienne avait attaqué
« deux facettes du Hamas - la résistance c’est-à-dire son aile
militaire, et sa dawa (NDT : en arabe, technique de prosélytisme
religieux), c’est-à-dire son aile sociale », cette dernière
étant un euphémisme pour désigner la société civile. Il a fait
valoir que « le Hamas était un seul bloc, » et de continuer,
« dans une guerre, les instruments de contrôle politique et
social sont des cibles aussi légitimes que les caches de
roquettes ». Erlanger et ses éditeurs ne font aucun commentaire
sur l’apologie directe et la pratique massive du terrorisme
visant des civils, et, comme on l’a déjà noté, les
correspondants et chroniqueurs acceptent ou justifient
explicitement les crimes de guerre. Mais, selon la norme,
Erlanger ne manque pas de souligner que les roquettes du Hamas
sont « une violation flagrante du principe de discrimination,
correspondant à la définition classique du terrorisme. »
Comme d’autres familiers de la région, le
spécialiste du Moyen-Orient Fawwaz Gerges observe : « Ce que les
responsables israéliens et leurs alliés étasuniens ne
comprennent pas c’est que le Hamas n’est pas seulement une
milice armée, mais un mouvement social avec une large base
populaire, profondément ancré dans la société ». Donc, quand ils
déploient leurs plans pour détruire « l’aile sociale » du Hamas,
ils détruisent en fait la société palestinienne.
Gerges est peut-être trop gentil. Il est
hautement improbable que les responsables étasuniens et
israéliens - ou les médias et autres commentateurs - ne
comprennent pas ces faits. Au contraire, ils adoptent
implicitement la posture habituelle de ceux qui monopolisent les
moyens de la violence : d’un coup de poing nous pouvons écraser
toute opposition, et si le bilan civil de nos attaques brutales
est lourd, c’est aussi bien : peut-être les survivants
seront-ils convenablement éduqués.
Les officiers des IDF savent très bien qu’ils
détruisent la société civile. Ethan Bronner cite un colonel
israélien qui dit que lui et ses hommes ne sont pas très
« impressionnés par les combattants du Hamas ». « Ce sont des
villageois avec des armes », a déclaré un tireur sur un blindé
de transport de troupe. Ils ressemblent à ces victimes des
criminelles IDF durant l’opération « poigne de fer » en 1985
dans le Sud Liban occupé, dirigée par Shimon Peres, l’un des
plus grands chefs terroristes de l’ère de la « Guerre contre la
Terreur » de Reagan. Au cours de ces opérations, des commandants
israéliens et des analystes stratégiques ont expliqué que les
victimes étaient des « terroristes villageois », difficile à
éradiquer parce que « ces terroristes opèrent avec le soutien de
la majorité de la population locale ».
Un commandant israélien se plaint que « le
terroriste ... a de nombreux yeux, car il vit ici ». Dans le
même temps, le correspondant militaire du Jérusalem Post décrit
les problèmes rencontrés par les forces israéliennes dans sa
lutte contre les « terroristes mercenaires », « fanatiques assez
dévoués à leurs causes pour prendre le risque d’être tués en se
battant contre l’armée israélienne », qui doit « maintenir
l’ordre et la sécurité » dans le Sud Liban occupé, malgré « le
prix que les habitants devront payer ». Le problème a été
familier aux Etasuniens dans le Sud Vietnam, aux Russes en
Afghanistan, aux Allemands dans l’Europe occupée, et a d’autres
agresseurs qui se rejoignent dans la mise en œuvre de la
doctrine Gur-Eban-Friedman.
Gerges estime que la terreur d’État israélienne
va échouer : le Hamas, écrit-il, “ne peut pas être effacé sans
massacrer un demi-million de Palestiniens. Si Israël réussit à
tuer les hauts dirigeants du Hamas, une nouvelle génération plus
radicale que l’actuelle les remplacera rapidement. Le Hamas est
une réalité de la vie. Il ne partira pas, et ne hissera pas le
drapeau blanc, quel que soit le nombre de victimes qu’il ait à
déplorer“.
Peut-être, mais il y a souvent une tendance à
sous-estimer l’efficacité de la violence. Il est
particulièrement étrange que cette croyance se développe aux
Etats-Unis. Pourquoi en sommes-nous là ?
Le Hamas est régulièrement dépeint comme « le
Hamas soutenu par l’Iran, qui se consacre à la destruction
d’Israël ». On le trouvera difficilement décrit comme « le Hamas
démocratiquement élu, qui a longtemps été en faveur d’un
règlement à deux États, en accord avec le consensus
international » - bloqué depuis plus de 30 ans par les
États-Unis et Israël qui rejettent catégoriquement et
explicitement le droit des Palestiniens à l’autodétermination.
Tout cela est vrai, mais inutile à la Ligne du Parti, donc
superflu.
Les détails mentionnés plus haut, bien que
mineurs, nous apprennent néanmoins quelque chose sur nous-mêmes
et nos clients. Comme d’autres détails. Par exemple, quand la
dernière agression américano-israélienne sur la bande de Gaza a
commencé, un petit bateau, la Dignité, faisait route de Chypre
vers Gaza. A bord, les médecins et les militants des Droits de
l’Homme avaient l’intention de briser le blocus criminel imposé
par Israël et d’apporter de l’aide médicale à la population
emprisonnée. Le navire a été intercepté dans les eaux
internationales par la marine israélienne qui l’avait déjà
sévèrement percuté, le coulant presque, mais il a réussi à se
traîner jusqu’au Liban. Israël a publié ses mensonges
ordinaires, réfutés par les journalistes et les passagers à
bord, y compris le correspondant de CNN Karl Penhaul et l’ancien
représentant des États-Unis et candidat présidentiel du Parti
Vert, Cynthia McKinney. C’est un crime grave - bien pire par
exemple que le détournement de bateaux au large des côtes de la
Somalie. Il est passé, sans attirer beaucoup l’attention.
L’acceptation tacite de tels crimes reflète celle que la bande
de Gaza est un territoire occupé, qu’Israël est en droit de
l’assiéger avec l’aval des gardiens de l’ordre international
pour perpétrer des crimes en haute mer et mettre en œuvre ses
actions punitives envers la population civile qui désobéirait à
ses ordres - sous des prétextes auxquels nous revenons toujours,
presque universellement acceptés, mais clairement intenables.
De nouveau ce manque d’attention a du sens.
Pendant des décennies, Israël a détourné des bateaux dans les
eaux internationales entre Chypre et le Liban, tuant ou enlevant
leurs passagers, les transférant parfois dans des prisons en
Israël, y compris des prisons secrètes ou chambres de torture,
les détenant en otages pendant de nombreuses années. Étant donné
que ces pratiques sont courantes, pourquoi traiter ces nouveaux
crimes autrement qu’avec un bâillement ? Chypre et le Liban ont
réagi très différemment, mais qui sont-ils dans l’ordre des
choses ?
Qui se soucie par exemple que les rédacteurs du
Daily Star au Liban, généralement pro-occidentaux, écrivent que
« Près d’un million et demi de personnes dans la bande de Gaza
sont soumis à la gestion meurtrière de l’un des pays à la
technologie la plus avancée, mais à la morale de machines
militaires des plus régressives. On suggère souvent que les
Palestiniens sont devenus dans le Monde Arabe ce que les Juifs
étaient en Europe avant la Seconde Guerre mondiale, et il y a
une certaine vérité à cette interprétation. Il est donc
approprié et totalement abject que, tout comme les Européens et
les Nord Américains détournaient les yeux quand les nazis
perpétraient l’Holocauste, les Arabes ne fassent rien pendant
que les Israéliens massacrent les enfants Palestiniens ». La
brutale dictature Egyptienne qui bénéficie de l’aide militaire
américaine la plus importante après Israël est peut-être le plus
honteux des régimes Arabes.
Selon la presse libanaise, Israël continue
« d’enlever régulièrement des civils libanais du côté libanais
de la Ligne bleue [la frontière internationale], comme récemment
en Décembre 2008 ». Et bien sûr « les avions israéliens violent
quotidiennement l’espace aérien libanais, en violation de la
Résolution 1701 des Nations Unies » (Amal Saad-Ghorayeb,
chercheur libanais, Daily Star, 13 janvier). Cela aussi advient
depuis longtemps. En condamnant l’invasion israélienne du Liban
en 2006, l’éminent analyste stratégique israélien Zeev Maoz
écrit dans la presse israélienne que « Israël a violé l’espace
aérien libanais en effectuant des missions de reconnaissance
aérienne presque chaque jour depuis son retrait du Sud Liban, il
y a six ans. Certes, ces survols aériens n’ont pas fait de
victimes libanaises, mais une violation des frontières reste une
violation des frontières. Ici encore la morale d’Israël n’est
pas des plus élevées ». Et en général, il n’y a aucune
justification au « consensus établi en Israël que la guerre
contre le Hezbollah au Liban est une guerre juste et morale »,
un consensus “fondé sur une mémoire sélective à court terme, sur
une vision du monde introverti, et sur des doubles standards. Ce
n’est pas une guerre juste, l’utilisation de la force est
excessive et aveugle, et son but ultime est l’appropriation.“
Comme Maoz le rappelle aussi au lecteur
israélien, les survols avec bangs supersoniques pour terroriser
les Libanais sont les moindres crimes israéliens au Liban, sans
parler des cinq invasions depuis 1978 : « Le 28 Juillet 1988,
les forces spéciales israéliennes ont enlevé le cheikh Obeid, et
le Mai 21 1994 Israël a enlevé Mustafa Dirani, responsable de la
capture du pilote israélien Ron Arad [quand il bombardait le
Liban en 1986]. Israël les détient avec 20 autres Libanais
capturés dans des conditions inconnues, et gardés longtemps en
prison, sans jugement. Ils ont été détenus comme « monnaie
d’échange » humaine. Apparemment, quand le Hezbollah enlève des
Israéliens pour en faire des prisonniers d’échange cela est
moralement répréhensible, et passible de sanctions militaires.
Quand Israël le fait, c’est tout à fait normal », bien que ce
soit sur une plus grande échelle et depuis de très nombreuses
années.
Les pratiques ordinaires d’Israël sont
éloquentes au-delà même de ce qu’elles révèlent sur la
criminalité d’Israël et le soutien de l’Occident. Comme
l’indique Maoz, ces pratiques soulignent la parfaite hypocrisie
de la revendication constante par Israël du droit d’envahir de
nouveau le Liban en 2006, lorsque des soldats furent capturés à
la frontière. C’était la première action transfrontalière du
Hezbollah au cours des six années qui ont suivi le retrait
d’Israël du Sud Liban, occupé en violation des ordres du Conseil
de Sécurité datant de 22 ans, alors que pendant ces six années,
Israël a violé la frontière presque tous les jours, avec
impunité et dans notre silence.
De nouveau l’hypocrisie routinière. Ainsi Thomas
Friedman tout en expliquant comment ces sous-races doivent être
« éduquées » par la violence terroriste, écrit que l’invasion
israélienne du Liban en 2006, détruisant encore une fois une
bonne partie du Sud Liban et de Beyrouth, tuant un millier de
civils, était un acte juste d’autodéfense en réponse au crime du
Hezbollah « lançant sans raisons une guerre au-delà de la
frontière reconnue par l’ONU entre Israël et le Liban, alors
qu’Israël s’est retiré unilatéralement du Liban ». Si l’on
ignore le mensonge et use de la même logique, les attaques
terroristes contre les Israéliens, jugées beaucoup plus
destructrices et meurtrières que toutes autres, seraient
pleinement justifiées en réponse aux pratiques criminelles
d’Israël au Liban et en haute mer, qui dépassent largement le
crime du Hezbollah de capturer deux soldats à la frontière.
L’ancien spécialiste du Moyen-Orient du New York Times connaît
très bien ces crimes, du moins s’il lit son journal : par
exemple, le paragraphe 18 d’un article sur l’échange de
prisonniers en Novembre 1983 remarque sans s’y attarder que les
37 prisonniers arabes « ont été capturés récemment par la marine
israélienne alors qu’ils tentaient d’aller de Chypre à
Tripoli », au nord de Beyrouth.
Bien sûr, toutes ces conclusions sur les actions
appropriées contre les riches et les puissants sont fondées sur
un vice fondamental : nous c’est nous et eux c’est eux. Ce
principe essentiel, profondément enraciné dans la culture
Occidentale, suffit à infirmer la comparaison la plus appropriée
et le raisonnement le plus parfait.
Pendant que j’écris, un autre bateau est en
route de Chypre vers Gaza, « transportant des aides médicales
d’urgence dans des boîtes scellées, ayant passées les douanes de
l’aéroport international et du port de Larnaca », selon les
organisateurs. Les passagers comprennent des membres du
Parlement européen et des médecins. Israël a été avisé de leur
intention humanitaire. Avec une pression populaire suffisante,
ils pourraient réaliser leur mission dans la paix.
Les nouveaux crimes que les Etats-Unis et Israël
ont commis dans la bande de Gaza au cours des dernières semaines
ne rentrent pas facilement dans une catégorie standard - sauf
dans la catégorie familière dont j’ai donné plusieurs exemples,
et dont je donnerais d’autres. Littéralement, ces crimes
relèvent de la définition officielle par le gouvernement nord
américain de « terrorisme », mais cette désignation ne rend pas
compte de leur énormité. Ils ne peuvent être appelés
« agressions », parce qu’ils sont menés dans les territoires
occupés, comme les États-Unis le reconnaissent tacitement. Dans
leur vaste érudition de l’histoire de la colonisation
israélienne dans les territoires occupés, les Seigneurs de la
Terre (Lords of the Land), Idit Zertal et Akiva Eldar remarquent
qu’après qu’Israël a retiré ses forces de Gaza en août 2005, les
ruines du territoire n’ont pas été libérées, « pas même un jour
de l’emprise militaire d’Israël, ni du prix de l’occupation que
les habitants paient chaque jour ... Israël a laissé derrière
une terre brûlée, des services dévastés et un peuple sans
présent ni avenir. Les colonies ont été détruites dans un
retrait sans pitié par un occupant barbare qui en fait continue
de contrôler le territoire et de tuer et harceler ses habitants
grâce à sa formidable puissance militaire » - appliquée avec une
extrême sauvagerie et avec le soutien sans faille et la
participation des Etats-Unis.
Les attaques israélo-étasuniennes sur Gaza se
sont multipliées en janvier 2006, quelques mois après le retrait
officiel, lorsque les Palestiniens ont commis un crime
véritablement odieux : ils ont voté « dans la mauvaise
direction », dans une élection libre. Comme d’autres, les
Palestiniens ont appris que l’on ne désobéit pas impunément aux
ordres du Maître, qui continue à fabuler sur son « aspiration à
la démocratie », sans susciter le ridicule de l’élite, une autre
réussite impressionnante.
Puisque les termes « agression » et
« terrorisme » sont inadaptés, un nouveau terme est nécessaire
pour décrire la torture sadique et lâche de personnes
emprisonnées sans aucune possibilité de fuite, pendant qu’elles
sont réduites en poussière par les produits les plus
sophistiqués de la technologie militaire des Etats-Unis -
utilisées en violation du droit international et même de la loi
étasunienne, mais contre un état unilatéralement déclaré
hors-la-loi, ce qui est encore un autre détail technique mineur.
Un autre détail technique mineur ; le 31 décembre, alors que les
habitants de Gaza terrorisés cherchaient désespérément un abri
contre l’impitoyable agression, Washington a engagé un navire
marchand allemand pour transporter un lourd chargement de Grèce
en Israël, 3.000 tonnes de « munitions » non identifiées. Cette
expédition « faisait suite à l’affrètement d’un navire de
commerce pour transporter des États-Unis vers Israël une
cargaison plus importante de matériel militaire, avant les
frappes aériennes de décembre sur la bande de Gaza », a indiqué
Reuters. Tout cela en plus des 21 milliards de dollars en aide
militaire américaine fournie par l’administration Bush à Israël,
en majorité sous forme de subventions. « L’intervention d’Israël
dans la bande de Gaza a été largement alimentée par des armes
fournies par les Etats-Unis, payées avec l’argent des
contribuables », selon les informations de la New America
Foundation, qui surveille le commerce des armes. La dernière
expédition a été contrariée par la décision du gouvernement Grec
d’interdire l’utilisation de ses ports « pour
l’approvisionnement de l’armée israélienne ».
La réponse de la Grèce aux crimes israéliens
soutenus par les Etats-Unis est assez différente de l’attitude
soumise de la plupart des dirigeants d’Europe. Cette distinction
montre que Washington a peut-être été très réaliste en
considérant la Grèce comme faisant partie du Proche-Orient, et
non de l’Europe, jusqu’à la chute en 1974 de la dictature
fasciste soutenue par les Etats-Unis. Peut-être que la Grèce
est-elle trop civilisée pour faire partie de l’Europe.
Si d’aucun avait trouvé curieux le moment de ces
livraisons d’armes à Israël et s’était informé plus avant, le
Pentagone avait une réponse : la cargaison arriverait trop tard
pour appuyer l’attaque de la bande de Gaza, et le matériel
militaire quel qu’il soit, devait être pré-positionné en Israël
en vue d’une éventuelle utilisation par l’armée étasunienne.
C’est peut-être exact. L’un des nombreux services qu’Israël
offre à son patron est de lui fournir une base militaire à la
périphérie des plus grandes ressources énergétiques du monde. Il
peut donc servir de base avancée pour une agression des
États-Unis - ou pour utiliser des termes techniques, pour
« défendre la région du Golfe » et « assurer sa stabilité ».
L’énorme flux d’armes vers Israël sert beaucoup
d’autres objectifs. L’analyste politique du Moyen-Orient Mouin
Rabbani observe qu’Israël peut tester des armes nouvelles contre
des cibles sans défense. Cela sert Israël et les États-Unis
« doublement en fait, puisque des versions moins performantes de
ces mêmes armes sont ensuite vendues à prix fort aux Etats
Arabes, qui contribuent efficacement à l’industrie militaire des
Etats-Unis et aux subventions militaires étasuniennes en
Israël ». C’est un rôle supplémentaire d’Israël dans un
Moyen-Orient dominé par les États-Unis, et l’une des raisons
pour lesquelles Israël est favorisé par les autorités Fédérales,
ainsi que par un large éventail de sociétés de haute technologie
des États-Unis et, bien sûr, l’industrie militaire et de
renseignements.
Au-delà d’Israël, les États-Unis sont de loin
les principaux fournisseurs d’armes au reste du monde. Le récent
rapport de la Fondation New America conclut que « les armes et
les Ecoles Militaires des États-Unis ont joué un rôle dans 20
des 27 plus grandes guerres du monde en 2007 », représentant 23
milliards de dollars de recettes, et 32 milliards en 2008. Il
n’est pas étonnant que parmi les nombreuses résolutions
auxquelles les États-Unis se sont opposés lors de la session de
l’ONU de décembre 2008 figure un appel pour la réglementation du
commerce des armes. En 2006, les États-Unis ont été les seuls à
voter contre le traité, mais ils ont eu un partenaire en
novembre 2008 : le Zimbabwe.
D’autres voix se sont fait entendre à la session
des Nations Unies de décembre. Une résolution sur « le droit du
peuple palestinien à l’autodétermination » a été adoptée par 173
voix contre 5 (États-Unis, Israël, et des dépendances des îles
du Pacifique). Dans l’isolement international, le vote réaffirme
avec force le rejectionisme américano-israélien. De même, une
résolution sur « la liberté universelle de voyager et sur
l’importance capitale du regroupement familial » a été adoptée
avec l’opposition des États-Unis, d’Israël et des dépendances du
Pacifique, vraisemblablement en pensant aux Palestiniens.
En votant contre le droit au développement les
États-Unis ont perdu Israël, mais gagné l’Ukraine. En votant
contre le « droit à l’alimentation », les États-Unis étaient
seuls, un fait particulièrement frappant dans le contexte de la
formidable crise alimentaire mondiale qui éclipse la crise
financière pesant sur les économies occidentales.
Il y a de bonnes raisons pour que ces votes
soient constamment cachés et enfouis par les médias et les
intellectuels conformistes dans les replis profonds de la
mémoire. Il ne serait pas sage de révéler au public ce
qu’impliquent les votes de leurs représentants. Dans le cas
présent, il serait évidemment contreproductif de faire savoir au
public que le rejectionisme des Etats-Unis et d’Israël,
interdisant le règlement pacifique préconisé depuis longtemps
par la communauté internationale, atteint un tel extrême qu’il
refuse même aux Palestiniens le droit absolu à
l’autodétermination.
A Gaza, un bénévole héroïque, le médecin
norvégien Mads Gilbert, a décrit une vision d’horreur, une
« Guerre totale contre la population civile de Gaza ». Il a
estimé que la moitié des victimes sont des femmes et des
enfants. Les hommes aussi, selon les normes de notre culture,
sont presque tous des civils. Gilbert signale qu’il a à peine vu
un militaire parmi les centaines de blessés. Les IDF
acquiescent ; le Hamas « combat de loin - ou pas du tout », dit
Ethan Bronner dans son « inventaire des gains » de l’agression
américano-israélienne. Donc, les forces humaines du Hamas
restent intactes, et ce sont surtout les civils qui souffrent :
un résultat positif, selon une doctrine largement répandue.
Ces estimations ont été confirmées par un
responsable humanitaire de l’ONU John Holmes, qui a informé les
journalistes qu’il était « assez probable » que la plupart des
civils tués étaient des femmes et des enfants, dans cette crise
humanitaire qui « empire de jour en jour tandis que la violence
se poursuit ». Mais nous pourrions être réconfortés par les
paroles du ministre israélien des Affaires étrangères Tzipi
Livni, la colombe en chef de la campagne électorale actuelle,
qui a assuré au monde qu’il n’existe pas de « crise
humanitaire » à Gaza, grâce à la bienveillance d’Israël
Comme d’autres qui se préoccupent des êtres
humains et de leur sort, Gilbert et Holmes ont plaidé en faveur
d’un cessez-le-feu. Pas immédiat cependant. « A l’ONU le samedi
soir, les États-Unis ont empêché le Conseil de Sécurité
d’émettre une déclaration officielle appelant à un cessez-le-feu
immédiat », dit en passant le New York Times. La raison
officielle était qu’ « il n’y avait aucune indication que le
Hamas respecte un engagement ». Dans les annales des
justifications du plaisir de massacrer, celle-ci doit se classer
parmi les plus cyniques. Cela bien sûr c’était sous Bush et
Rice, qui seront bientôt remplacés par Obama qui répète avec
compassion que « si les missiles tombaient où mes deux filles
dorment, je ferais tout pour mettre fin à cela ». Il fait
référence aux enfants israéliens, non pas aux centaines d’êtres
mis en lambeaux dans la bande de Gaza par les armes
étasuniennes. A part cela, Obama garde le silence.
Quelques jours après, sous une intense pression
internationale, les Etats-Unis ont soutenu une résolution du
Conseil de Sécurité appelant à un « cessez-le-feu durable ».
Adoptée 14-0, les États-Unis s’abstenant. Les faucons d’Israël
et des Etats-Unis étaient fâchés que les États-Unis n’y opposent
pas leur veto, comme d’habitude. L’abstention cependant a suffi
à donner à Israël, si ce n’est le feu vert, au moins le feu
orange pour l’escalade de la violence à laquelle il s’est
consacré comme prévu, jusqu’au moment de l’investiture d’Obama.
Le cessez-le-feu (théorique) étant entré en
vigueur le 18 janvier, le Centre Palestinien pour les Droits de
l’Homme a publié ses chiffres pour le dernier jour de
l’agression : 54 Palestiniens tués dont 43 civils désarmés,
parmi lesquels 17 enfants. Pendant ce temps, les IDF ont
continué à bombarder les maisons civiles et les écoles des
Nations Unies. L’estimation du nombre total de morts atteint
1184, dont 844 civils comptant 281 enfants. Les FDI ont continué
à utiliser des bombes incendiaires dans la bande de Gaza et à
détruire des maisons et des terres agricoles, obligeant les
civils à fuir leurs foyers. Quelques heures plus tard, Reuters
signalait plus de 1300 tués. Le personnel du Centre Al Mezan,
qui surveille attentivement les victimes et les destructions, a
visité des zones auparavant inaccessibles en raison de
bombardements massifs et incessants. Ils y ont découvert les
cadavres de dizaines de civils en décomposition dans les
décombres des maisons détruites ou rasées par les bulldozers
israéliens. Des quartiers entiers avaient disparus.
Le nombre de morts et de blessés est
certainement sous-estimé. Et il est peu probable qu’il y aura
une enquête sur ces atrocités. Les crimes de nos ennemis
officiels sont soumis à de rigoureuses enquêtes, mais les nôtres
sont systématiquement ignorés. Une pratique générale, encore une
fois, et compréhensible de la part des Maîtres.
La résolution du Conseil de Sécurité appelait à
l’arrêt du trafic d’armes vers Gaza. Les États-Unis et Israël
(Rice-Livni) se sont rapidement mis d’accord sur les mesures à
adopter pour atteindre ce but, se concentrer sur les armes
iraniennes. Il n’est pas nécessaire d’arrêter la contrebande
d’armes étasuniennes vers Israël, car il n’y a pas de
contrebande : l’énorme flux d’armes est tout à fait public, même
s’il n’est pas signalé, comme dans le cas de la livraison
d’armes prévue quand le massacre dans la bande de Gaza était en
cours.
La résolution appelait également à « assurer la
réouverture totale des points de passage, sur la base de
l’Accord sur les Mouvements et l’Accès (AMA) signé en 2005 entre
l’Autorité Palestinienne et Israël ». Cet accord stipulait que
les accès vers Gaza seraient ouverts de façon continue et
qu’Israël permettrait le passage des biens et des personnes
entre la Cisjordanie et la bande de Gaza.
L’accord Rice-Livni n’a rien à voir avec cet
aspect de la résolution du Conseil de Sécurité. Les États-Unis
et Israël avaient déjà abandonné l’accord de 2005 dans le cadre
de leur punition contre le mauvais vote des Palestiniens lors de
l’élection libre de janvier 2006. La conférence de presse de
Rice après l’accord Rice-Livni a souligné les efforts constants
de Washington pour saper les résultats d’une élection libre dans
le monde arabe. « Il y a beaucoup à faire », a t-elle dit,
« pour sortir Gaza de l’obscurité du règne du Hamas et lui
montrer la lumière que peut apporter la très bonne gouvernance
de l’Autorité Palestinienne », - c’est-à-dire, ce qu’elle peut
apporter tant qu’elle reste un serviteur fidèle, minée par la
corruption et résolue à mener à bien une répression sévère, en
bref obéissante.
De retour d’une visite dans le monde arabe,
Fawwaz Gerges réaffirma avec force ce que d’autres sur place
avaient dit. L’offensive israélo-étasunienne sur la bande de
Gaza a exaspéré les populations et suscité une haine amère
contre les agresseurs et leurs collaborateurs. « Il suffit de
dire que ceux que l’on appelle les États Arabes modérés [ceux
qui prennent leurs ordres de Washington] sont sur la défensive,
et que le front de résistance mené par l’Iran et la Syrie est le
principal bénéficiaire. Une fois de plus, Israël et
l’administration Bush ont donné une victoire facile aux
dirigeants iraniens ». En outre, « le Hamas va certainement
devenir une force politique plus puissante que jamais, qui
surpassera sûrement le Fatah, l’appareil de gouvernement de
l’Autorité Palestinienne du Président Mahmoud Abbas », le favori
de Rice.
Comme le dit le London Financial Times, il est
bon de garder à l’esprit que grâce aux remarquables
correspondants d’Al-Jazeera, des émissions de télévision en
direct et régulières fournissent une « analyse calme et
équilibrée du chaos et de la destruction » et offrent « une
alternative sévère aux chaînes hertziennes », ne laissant pas le
monde arabe strictement ignorant de ce qui se passe à Gaza. Dans
les 105 pays où l’autocensure n’est pas si efficace que chez
nous, les gens peuvent voir d’heure en heure ce qui se passe, et
l’impact est très grand. Aux États-Unis, le New York Times
suggère que « le black-out quasi-total d’Al-Jazeera ... est sans
doute lié à sa forte critique du gouvernement des États-Unis au
début de la guerre en Irak et à sa couverture de l’invasion
américaine ». Rumsfeld et Cheney l’ont contesté, donc de toute
évidence les médias indépendants ne pouvaient qu’obéir.
Il existe un débat très mesuré sur ce que les
assaillants espèrent obtenir. Parmi les objectifs qui sont
discutés il y a le rétablissement de ce que l’on appelle « la
force de dissuasion » qu’Israël a perdu à la suite de ses échecs
au Liban en 2006 - c’est-à-dire la capacité de terroriser tout
opposant potentiel et de le soumettre. Il existe cependant des
objectifs plus fondamentaux qui ont tendance à être occultés,
même s’ils semblent assez évidents à la vue de l’histoire
récente.
Israël a quitté Gaza en septembre 2005. Les
jusqu’au-boutistes rationnels israéliens, comme Ariel Sharon le
saint patron des colons, ont compris l’absurdité de
subventionner quelques milliers de colons israéliens illégaux
dans les ruines de Gaza, protégés par les IDF, alors qu’ils
profitaient de peu de terres, et de ressources limitées. Il
était plus logique de faire de Gaza la plus grande prison du
monde et de transférer les colons en Cisjordanie, territoire de
grande valeur, où Israël est très explicite sur ses intentions,
en paroles et évidemment en actes. L’un des buts est d’annexer
les terres cultivables, les réserves d’eau, et les agréables
banlieues de Jérusalem et de Tel-Aviv, dans l’enceinte du mur de
séparation, déclaré illégal mal à propos par la Cour
Internationale de Justice. Cela comprend un agrandissement
conséquent de Jérusalem, en violation des directives, également
mal à propos, du Conseil de Sécurité qui remontent à 40 ans.
Israël a également pris le contrôle de la vallée du Jourdain,
soit environ un tiers de la Cisjordanie. Ce qui subsiste est
encerclé et coupé en trois par des extensions des colonies
juives : l’une à l’est du Grand Jérusalem à travers la ville de
Ma’aleh Adumim, développée dans les années Clinton pour diviser
la Cisjordanie ; et deux au nord, à travers les villes d’Ariel
et de Kedumim. Les morceaux qui restent aux Palestiniens sont
séparés par des centaines de points de contrôle le plus souvent
arbitraires.
Les points de contrôle n’ont aucun rapport avec
la sécurité d’Israël, et si certains sont destinés à protéger
les colons, ils sont simplement illégaux, comme l’a statué la
Cour Internationale de Justice. En réalité, leur principal but
est de harceler la population palestinienne et de fortifier ce
que l’activiste israélien pour la paix Jeff Halper appelle la
« matrice de contrôle », visant à rendre la vie insupportable
aux « bêtes à deux pattes » qui seront comme des « cafards
drogués courrant en rond dans une bouteille » s’ils cherchent à
rester dans leurs maisons et sur leurs terres. Tout cela est
assez juste, car ils sont « comme des sauterelles par rapport à
nous », et leurs chefs pourront être « écrasé contre les rochers
et les murs ». La terminologie est celle des plus hauts
dirigeants politiques et militaires israéliens, les « Princes »
vénérés. Et ces attitudes façonnent les politiques.
Les délires des dirigeants politiques et
militaires sont bénins par rapport aux prêches des autorités
rabbiniques. Ce ne sont pas des personnalités marginales. Au
contraire, elles sont très influentes dans l’armée et chez les
colons, que Zertal et Eldar appellent les « Seigneurs de la
Terre », et ont un immense impact politique. Les soldats
combattant dans le nord de Gaza furent gratifiés d’une visite
« charismatique » de deux grands rabbins, qui leur ont expliqué
qu’il n’existe pas d’ « innocents » à Gaza, que tout le monde y
est donc une cible légitime, en citant un célèbre passage des
Psaumes priant le Seigneur de saisir les enfants des oppresseurs
d’Israël et les jeter contre les rochers. Les rabbins ne
marchaient pas en terre inconnue. Un an plus tôt, comme le
rapporte le Jérusalem Post, l’ancien chef rabbin Séfarade a
écrit au Premier ministre Olmert, l’informant que tous les
civils dans la bande de Gaza sont collectivement coupables des
tirs roquettes, ainsi il n’y a « absolument aucune interdiction
morale au massacre aveugle de civils pendant une éventuelle
offensive militaire massive sur la bande de Gaza visant à
arrêter les tirs de fusées ». Son fils, grand rabbin de Safed, a
surenchéri : « S’ils ne s’arrêtent pas après que nous en ayons
tué 100, alors nous devons en tuer 1.000, et s’ils ne s’arrêtent
pas après 1.000, alors nous devons en tuer 10.000. S’ils ne
s’arrêtent pas, nous devons en tuer 100.000, même un million. Ce
qu’il faudra pour les faire cesser. »
Des points de vue similaires sont exprimés par
des personnalités laïques étasuniennes. Quand Israël a envahi le
Liban en 2006, le professeur Alan Dershowitz de l’Ecole de Droit
de Harvard, a expliqué dans le journal libéral en ligne
Huffington Post, que tous les Libanais sont des cibles légitimes
de la violence israélienne. Les citoyens du Liban “payent le
prix“ de leur soutien au « terrorisme » - c’est-à-dire leur
soutien à la résistance à l’invasion israélienne. En
conséquence, les civils libanais ne sont pas plus protégés des
attaques que les Autrichiens qui soutenaient les nazis. La fatwa
du rabbin séfarade s’applique à eux. Dans une vidéo sur le site
Internet du Jérusalem Post, Dershowitz continua à ridiculiser
les propos sur le rapport excessif entre les morts Palestiniens
et Israéliens : il doit être porté à 1.000 pour un, dit-il, ou
même 1.000 pour zéro, signifiant que les brutes devaient être
complètement exterminées. Bien sûr, il se réfère à des
« terroristes », une vaste catégorie qui inclut les victimes du
pouvoir israélien, car « Israël n’a jamais pour cible des
civils », déclara-t-il avec insistance. Il s’ensuit que les
Palestiniens, les Libanais, les Tunisiens, ou quiconque se
trouve sur le chemin de l’impitoyable armée du Saint État est un
terroriste, ou une victime accidentelle de leurs justes crimes.
Il n’est pas facile de trouver de contreparties
historiques à de telles prestations. Il est peut-être instructif
qu’elles semblent couler de source dans la culture
intellectuelle et morale dominante - quand elles émanent de
« notre côté ». Dans la bouche d’ennemis officiels, de tels mots
susciteraient une juste indignation et des appels à la vengeance
sous forme de violences préventives massives.
L’affirmation selon laquelle « notre camp » ne
vise jamais les civils est une doctrine familière à ceux qui
monopolisent les moyens de la violence. Et elle contient une
part de vérité. Nous n’essayons pas en général, de tuer des
civils déterminés. Au contraire, nos actions sont meurtrières,
nous le savons, elles tuent de nombreux civils, mais sans
intention spécifique d’en tuer un en particulier. En droit, ces
pratiques courantes pourraient relever de la catégorie de
non-assistance à personne en danger, mais ce n’est pas une
désignation correcte pour la pratique et la doctrine impériale
standard. Ce serait plutôt comme marcher dans une rue en sachant
que l’on peut tuer des fourmis, mais sans intention de le faire,
parce qu’elles sont si insignifiantes que ça n’a pas
d’importance. Il en est de même quand Israël effectue des
actions sachant qu’il va tuer des « sauterelles » et des « bêtes
à deux pattes » qui infestent les terres qu’il « libère ». Il
n’y a pas de bon terme pour désigner cette forme de dépravation
morale par trop familière et sans doute pire que le meurtre
délibéré.
Dans l’ancienne Palestine, les propriétaires
légitimes (par décret divin, selon les « Seigneurs de la
Terre ») peuvent décider d’accorder aux cafards drogués quelques
parcelles éparses. Pas par droit, cependant : « Je pensais, et à
ce jour je crois encore, que notre peuple a un droit éternel et
historique sur l’ensemble de cette terre », déclara en soulevant
les applaudissements le Premier Ministre Olmert à une session
plénière du Congrès en mai 2006. Dans le même temps, il
annonçait son programme de « convergence » pour prendre le
contrôle de tout ce qui a de la valeur en Cisjordanie, laissant
les Palestiniens moisir dans des recoins isolés. Il n’a pas été
précis sur les frontières de « l’ensemble du territoire », mais,
pour de bonnes raisons, l’entreprise sioniste ne l’a jamais
été : l’expansion permanente est une dynamique interne très
importante. Si Olmert est toujours fidèle à ses origines dans le
Likoud, il peut avoir voulu dire les deux côtés de la Jordanie,
y compris l’état actuel de Jordanie, ou tout du moins les
régions qui ont de la valeur.
Le « droit éternel et historique à l’ensemble de
la terre » de notre peuple contraste radicalement avec l’absence
de tout droit de l’autodétermination pour les habitants
temporaires, les Palestiniens. Comme indiqué précédemment, cette
dernière position a été réaffirmée, par Israël et son patron à
Washington en décembre 2008, dans leur isolement habituel
accompagné d’un silence retentissant.
Les plans esquissés par Olmert en 2006 ont
depuis été abandonnés comme insuffisamment ambitieux. Mais ce
qui remplace le programme de convergence et les actions qui
s’ensuivent quotidiennement pour sa mise en œuvre sont
approximativement les mêmes dans leur conception générale. Cela
remonte aux premiers jours de l’occupation, lorsque le ministre
de la Défense Moshe Dayan expliquait poétiquement que « la
situation d’aujourd’hui ressemble à la relation complexe entre
un bédouin et la jeune fille qu’il a ravie contre sa volonté ...
Vous les Palestiniens, en tant que nation, ne voulez pas de nous
aujourd’hui, mais nous allons changer votre attitude en vous
imposant notre présence ». Vous allez « vivre comme des chiens,
et celui qui partira, partira », tandis que nous prendrons ce
que nous voudrons.
Que ces programmes soient criminels n’a jamais
été mis en doute. Immédiatement après la guerre de 1967, le
gouvernement israélien a été informé par sa plus haute autorité
juridique, Teodor Meron, que « la colonisation civile des
territoires administrés contrevenait aux dispositions formulées
par la quatrième Convention de Genève », le fondement du droit
international humanitaire. Le ministre de la Justice d’Israël en
convenait. La Cour Internationale de Justice a approuvé à
l’unanimité cette conclusion essentielle en 2004, et la Haute
Cour israélienne a approuvé techniquement tout en étant en
désaccord dans la pratique, selon son style habituel.
En Cisjordanie, Israël peut poursuivre ses plans
criminels avec l’appui des Etats-Unis et sans être dérangé,
grâce à l’efficacité de son contrôle militaire et maintenant
grâce à l’aide des forces de sécurité palestiniennes
collaborationnistes, armées et entraînées par les États-Unis et
les dictatures alliées. Il peut aussi procéder régulièrement à
des assassinats et autres crimes pendant que les colons
sévissent sous la protection des IDF. Mais, alors que la
Cisjordanie a été soumise par la terreur, il y a encore des
résistances dans l’autre moitié de la Palestine, la bande de
Gaza. Cela aussi doit être réprimé pour que les plans
israélo-étasuniens d’annexion et de destruction de la Palestine
puissent se développer sans gêne.
D’où l’invasion de Gaza.
Le moment de l’invasion a vraisemblablement été
influencé par les prochaines élections israéliennes. Dès les
premiers jours du carnage, le commentateur israélien Ran HaCohen
a calculé qu’Ehud Barak qui reculait fortement dans les sondages
a gagné un siège au Parlement pour 40 morts Arabes.
Cela peut changer cependant. Comme les crimes
ont dépassé ce que la campagne de propagande israélienne
soigneusement préparée a été en mesure de cacher, même des
faucons israéliens avérés se sont inquiétés que le carnage
« Détruit l’âme [d’Israël] et son image. Il le détruit sur les
écrans de télévision du monde, dans les salons de la communauté
internationale et surtout dans l’Amérique d’Obama (Ari
Shavit) ». Shavit était particulièrement préoccupé qu’Israël
« bombarde une installation des Nations Unies ... le jour où le
secrétaire général de l’ONU est en visite à Jérusalem », un acte
« au-delà de folie » estima-t-il.
Pour ajouter quelques détails, cette
« installation » était la base de l’ONU dans la ville de Gaza et
contenait les entrepôts de l’UNRWA. Selon son directeur John
Ging, le pilonnage a détruit « des centaines de tonnes de
nourriture et de médicaments d’urgence qui devaient être
distribuées aujourd’hui dans les abris, les hôpitaux et les
centres d’alimentation ». Les frappes militaires ont aussi
détruit les deux étages de l’hôpital al-Qods, et y ont mis le
feu, ainsi qu’à un deuxième entrepôt géré par le Croissant-Rouge
palestinien. L’hôpital du quartier fortement peuplé de Tal-Hawa
a été détruit par les chars israéliens « après que des centaines
d’habitants de Gaza terrorisés y eurent trouvé refuge quand les
forces terrestres israéliennes sont entrées dans le quartier »,
a indiqué l’Associated Press.
Il n’y avait plus rien à sauver à l’intérieur
des ruines fumantes de l’hôpital. « Ils ont bombardé le
bâtiment, le bâtiment de l’hôpital. Il a pris feu. Nous avons
essayé d’évacuer les malades, les blessés et les personnes qui
étaient là. Les pompiers sont arrivés et ont éteint le feu, qui
a repris de nouveau et ils l’ont de nouveau éteint, et il s’est
rallumé une troisième fois », a raconté l’auxiliaire médical
Ahmad Al-Haz à l’AP. On soupçonne que l’incendie pourrait avoir
été déclenché par le phosphore blanc, également mis en cause
dans de nombreux autres incendies et brûlures graves.
Ces soupçons sont confirmés par Amnesty
International après que l’arrêt des bombardements intensifs a
permis d’enquêter. Avant, tandis qu’il perpétrait ses crimes
dans une fureur sans frein, Israël avait évidemment interdit
tout journaliste, même israélien. L’utilisation par Israël de
phosphore blanc contre les civils de Gaza est « claire et
indéniable », a indiqué Amnesty International. Son utilisation
répétée dans des zones civiles densément peuplées « est un crime
de guerre », a conclu Amnesty International. Les enquêteurs ont
trouvé des éclats de phosphore blanc disséminés dans les
bâtiments résidentiels toujours en feu, « mettant en danger
d’autres résidants et leurs biens », en particulier les enfants
« attirés par les débris d’armes et souvent ignorant des
dangers ». Les cibles principales, disent-ils, ont été
l’enceinte de l’UNRWA, où le « phosphore blanc est tombé à côté
de camions de carburant et a provoqué un immense incendie qui a
détruit des tonnes d’aide humanitaire » bien que les autorités
israéliennes « avaient assuré qu’aucune nouvelle attaque ne
serait lancée sur le complexe ». Le même jour, « un obus au
phosphore blanc est tombé sur l’hôpital Al-Qods dans la ville de
Gaza causant aussi un incendie qui a obligé le personnel de
l’hôpital à évacuer les patients... le phosphore blanc qui tombe
sur la peau brûle profondément, jusqu’aux muscles et même aux
os, et brûle jusqu’à ce qu’il soit privé d’oxygène ». Qu’ils
soient commis intentionnellement ou par indifférence cynique,
ces crimes sont inévitables quand une telle arme est utilisée
dans des attaques sur les civils.
Il est toutefois erroné de se concentrer
uniquement sur les violations flagrantes par Israël du jus in
bello (le Droit pendant la Guerre, en latin), lois destinées à
interdire des pratiques trop sauvages. L’invasion elle-même est
un crime beaucoup plus grave. Et si Israël avait infligé des
terribles dégâts avec des arcs et des flèches, ce serait
toujours un acte criminel d’une extrême perversion.
Une agression a toujours un prétexte : dans ce
cas, la patience d’Israël a été « poussée à bout » par les
attaques à la roquette du Hamas, comme dit Barak. Mantra répété
à l’infini sur le droit d’Israël d’utiliser la force pour se
défendre. La thèse est partiellement défendable. Les tirs de
roquettes sont criminels et il est vrai qu’un Etat a le droit de
se défendre contre des attaques criminelles. Mais il ne s’ensuit
pas qu’il a le droit de se défendre par la force. Cela va bien
au-delà de tout principe que nous pourrions ou devrions
accepter. L’Allemagne nazie n’avait pas le droit d’utiliser la
force pour se défendre contre le terrorisme des partisans. La
Nuit de Cristal n’est pas justifiée par l’assassinat par
Herschel Grynszpan d’un membre de l’Ambassade d’Allemagne à
Paris. Les Britanniques n’avaient pas le droit d’utiliser la
force pour se défendre contre la (très réelle) terreur des
colons américains cherchant l’indépendance, ou pour terroriser
les Catholiques irlandais en réponse à la terreur de l’IRA - et
quand ils ont finalement appliqué une politique sensée, tenant
compte de revendications légitimes, la terreur a pris fin. Il ne
s’agit pas de « proportionnalité », mais d’abord du choix de
l’action : existe-t-il une alternative à la violence ?
Tout recours à la force doit s’appuyer sur des
arguments indiscutables, et nous devons nous demander si Israël
y satisfait en réprimant sans relâche depuis plus de 40 ans
toute résistance à ses actions criminelles quotidiennes à Gaza
et en Cisjordanie. Peut-être puis-je citer un de mes entretiens
à la presse israélienne sur les plans de convergence pour la
Cisjordanie annoncés par Olmert : « Les Etats-Unis et Israël ne
tolèrent aucune contestation à ces plans, et préfèrent laisser
croire - à tort bien sûr - qu’ « il n’y a pas de partenaire »,
tout en continuant à appliquer ces plans depuis longtemps. On
peut rappeler que la bande de Gaza et la Cisjordanie sont
reconnues comme entité unique, et si la résistance aux
programmes israélo-étasuniens d’annexion et de morcellement est
légitime en Cisjordanie, il l’est aussi à Gaza ».
Le journaliste américano-palestinien Ali
Abunimah a fait remarquer ; « Il n’y a pas de roquettes tirées
sur Israël depuis la Cisjordanie, et pourtant, les exécutions
extrajudiciaires par Israël, le vol des terres, les pogroms et
les enlèvements par les colons, n’ont jamais cessé un seul jour
au cours de la trêve. L’Autorité Palestinienne de Mahmoud Abbas
soutenue par l’Occident a accepté toutes les exigences d’Israël.
Sous le regard satisfait des conseillers militaires des
États-Unis, Abbas a réuni ses « forces de sécurité » afin de
lutter contre la résistance au nom d’Israël. Rien de cela n’a
épargné un seul Palestinien de Cisjordanie de la colonisation
sans relâche d’Israël » - avec l’appui sans faille des
États-Unis. Le parlementaire palestinien respecté, le Dr.
Mustapha Barghouti, ajoute qu’après la mascarade de Bush à
Annapolis en novembre 2007, et sa rhétorique édifiante sur son
dévouement à la paix et à la justice, les attaques israéliennes
sur les Palestiniens ont fortement augmenté, de près de 50% en
Cisjordanie, en même temps que le nombre de colonies
israéliennes et les points de contrôle. Il est évident que ces
actes criminels ne sont pas une réponse aux roquettes de Gaza,
mais que ce pourrait être l’inverse, comme le suggère Barghouti.
Les réactions aux crimes d’une puissance
d’occupation peuvent être condamnées comme criminelles et
politiquement insensées, mais ceux qui n’offrent aucune
alternative n’ont pas de raisons morales pour émettre de tels
jugements. La conclusion vaut particulièrement pour ceux qui aux
États-Unis choisissent d’être directement impliqués dans les
crimes continus d’Israël - par leurs paroles, leurs actions, ou
leur silence. D’autant plus parce qu’il y a très clairement des
alternatives non-violentes - qui ont toutefois l’inconvénient
d’aller à l’encontre des programmes d’expansion illégale.
Israël a un moyen évident de se défendre :
mettre un terme à ses actions criminelles dans les territoires
occupés et accepter le consensus international qui, de longue
date, appelle à la coexistence de deux États. Ce règlement a été
bloqué par les États-Unis et Israël depuis plus de 30 ans,
depuis le premier veto opposé par les Etats-Unis à une
résolution du Conseil de Sécurité de 1976 appelant en ces termes
un règlement politique. Je ne vais pas une nouvelle fois
détailler ce passé peu glorieux, mais il est important d’être
conscient que le rejet israélo-étasunien d’aujourd’hui est
encore plus flagrant que par le passé. La Ligue arabe est même
allé au-delà du consensus qui appelle à la totale normalisation
des relations avec Israël. Le Hamas a maintes fois appelé à un
règlement à deux États selon ce consensus international. L’Iran
et le Hezbollah ont clairement dit qu’ils respecteraient tout
accord accepté par les Palestiniens. Cela laisse les États-Unis
et Israël dans un splendide isolement, pas seulement verbal.
Un rappel plus précis est informatif. Le Conseil
National Palestinien a accepté officiellement le consensus
international en 1988. La réponse du gouvernement de coalition
Shamir-Peres, confirmée par le Département d’État de James
Baker, est qu’il ne peut y avoir un “État palestinien de plus“
entre Israël et la Jordanie - cette dernière étant déjà un Etat
palestinien par décret des Etats-Unis et d’Israël. Les accords
d’Oslo qui ont suivi ont écarté toute possibilité pour des
Droits Nationaux Palestiniens. La menace qu’ils puissent être
obtenus sous une quelconque forme a été systématiquement écartée
pendant l’année de négociation des Accords d’Oslo, par
l’expansion constante et illégale des colonies de peuplement
d’Israël. Colonisation qui s’accéléra en 2000, dernière année au
pouvoir du Président Clinton et du Premier ministre Barak,
pendant les négociations de Camp David qui se tinrent avec le
même sous-entendu.
Après avoir blâmé Yasser Arafat pour la rupture
des négociations de Camp David, Bill Clinton se rétracta et
reconnut que les propositions des États-Unis et d’Israël étaient
trop extrémistes pour les Palestiniens. En décembre 2000, il a
présenté ses « mesures », vagues mais plus ouvertes. Il a
ensuite annoncé que les deux parties avaient accepté les
mesures, alors que toutes deux avaient exprimé des réserves. Les
deux parties se sont rencontrées à Taba en Egypte en janvier
2001 et ont été très proches d’un accord, qu’elles auraient pu
conclure en quelques jours, ont-ils déclaré dans leur dernière
conférence de presse. Mais les négociations ont été annulées
prématurément par Ehud Barak. Cette semaine à Taba est la seule
pause en plus de 30 ans dans le rejectionisme
américano-israélien. Il n’y a aucune raison pour que cela ne
puisse se produire à nouveau.
La version préférée, rappelée récemment par
Ethan Bronner, est que « Beaucoup à l’étranger se souviennent de
M. Barak comme le Premier Ministre qui en 2000 est allée plus
loin que n’importe quel dirigeant israélien dans les offres de
paix aux Palestiniens. Mais il faut voir comment l’accord a
capoté et a dégénéré dans un violent soulèvement palestinien, en
l’excluant du pouvoir ». Il est vrai que « beaucoup à
l’étranger » croient à ce conte de fées trompeur, grâce à ce que
Bronner et un trop grand nombre de ses collègues appellent le
« journalisme ».
Il est communément admis qu’une solution à deux
États est désormais inaccessible, parce que si l’armée
israélienne tentait d’expulser les colons, cela conduirait à une
guerre civile. C’est peut-être vrai, mais d’autres arguments
sont nécessaires. Sans recourir à la force pour expulser les
colons illégaux, l’armée israélienne pourrait simplement se
retirer dans les frontières établies par les négociations. Les
colons au-delà de ces frontières auraient le choix entre quitter
leurs maisons subventionnées pour retourner en Israël, ou y
rester sous autorité palestinienne. Le schéma était identique
lors de la mise en scène soignée du « traumatisme national »
dans la bande de Gaza en 2005, si grossièrement trompeuse
qu’elle fut raillée par les commentateurs israéliens. Il aurait
suffi à Israël d’annoncer que les IDF se retiraient, pour que
les colons subventionnés pour profiter de leur vie dans la bande
de Gaza montent discrètement dans les camions mis à leur
disposition pour se rendre à leur nouvelle résidence
subventionnée en Cisjordanie. Mais cela n’aurait pas produit les
images tragiques d’enfants angoissés ou d’exaltés criant « plus
jamais ça ».
En résumé, contrairement à l’affirmation
constamment répétée, Israël n’a pas le droit d’utiliser la force
pour se défendre contre les roquettes de la bande de Gaza, même
si elles sont considérées comme des crimes terroristes. En
outre, les raisons sont transparentes. Le prétexte pour le
lancement de l’attaque est sans fondement.
Une question plus précise doit être posée.
Israël a-t-il des alternatives pacifiques à court terme à
l’utilisation de la force en réponse aux roquettes tirées de
Gaza ? L’une d’elles serait d’accepter un cessez-le-feu. Israël
l’a parfois fait, mais il l’a instantanément violé. Le plus
récemment en juin 2008. Le cessez-le-feu prévoyait l’ouverture
des frontières pour « permettre le transport de toutes les
marchandises qui avaient été interdites ou limitées dans la
bande de Gaza ». Israël a formellement accepté, mais a
immédiatement annoncé qu’il ne respecterait pas l’accord ni
l’ouverture des frontières jusqu’à ce que le Hamas libère Gilad
Shalit, un soldat israélien capturé par le Hamas en juin 2006.
Les roulements de tambour continus à propos de
la capture de Shalit sont encore une fois une hypocrisie
flagrante, même en oubliant qu’Israël a une longue histoire
d’enlèvements. L’hypocrisie ne peut être plus flagrante que dans
ce cas. La veille de la capture de Shalit par le Hamas, des
soldats israéliens sont entrés dans la ville de Gaza et ont
enlevé deux civils, les frères Muammar, les emmenant en Israël
rejoindre les milliers d’autres prisonniers détenus là-bas sans
aucune charge, près de 1.000. L’enlèvement de civils est un
crime beaucoup plus grave que la capture d’un soldat d’une armée
attaquante, mais de cela on ne parle jamais, seulement et
toujours de la fureur provoquée par l’enlèvement de Shalit. Et
tout ce qui reste en mémoire, la cause du blocage de la paix,
c’est la capture de Shalit, un autre exemple de la différence
entre les humains et les bêtes à deux pattes. Shalit doit être
rendu - au cours d’un juste échange de prisonniers.
C’est après la capture de Shalit que les
attaques militaires implacables d’Israël contre Gaza, de
simplement vicieuses, sont devenues vraiment sadiques. Mais il
faut rappeler que même avant la capture, après son retrait en
septembre, Israël a tiré plus de 7.700 obus sur le nord de Gaza,
ne suscitant pratiquement aucun commentaire.
Après le rejet du cessez-le-feu de juin 2008
qu’il avait officiellement accepté, Israël a maintenu son siège.
Pouvons-nous rappeler qu’un siège est un acte de guerre. En
fait, Israël a toujours insisté sur un principe encore plus
fort : entraver l’accès au monde extérieur, même par un siège
partiel, est un acte de guerre justifiant la violence massive en
réponse. Les entraves à son passage par le détroit de Tiran ont
fait partie des prétextes d’Israël pour envahir l’Égypte (avec
la France et l’Angleterre) en 1956, et pour son entrée en guerre
en juin 1967. Le siège de Gaza est total, pas partiel, à part
quelques exceptions quand, selon leur bon vouloir les occupants
le relâchent un peu. Et il est beaucoup plus préjudiciable à
Gaza que la fermeture du détroit de Tiran l’était pour Israël.
Les partisans de la doctrine et des actions israéliennes ne
devraient donc avoir aucun problème à justifier les attaques à
la roquette sur le territoire israélien depuis la bande de Gaza.
Bien sûr et encore, nous sommes confrontés au
principe infirmatif : nous c’est nous, eux c’est eux.
Israël non seulement a maintenu le siège après
juin 2008, mais il l’a fait avec une extrême rigueur. Il a même
empêché l’UNRWA de reconstituer ses stocks, « de sorte que
lorsque le cessez-le-feu a pris fin, nous avons manqué de
nourriture pour les 750.000 personnes qui dépendent de nous », a
déclaré le directeur de l’UNRWA John Ging à la BBC.
Malgré le siège israélien, les tirs de roquettes
ont fortement diminué. Le cessez-le-feu a été rompu le 4
novembre par un raid israélien dans la bande de Gaza entraînant
la mort de 6 Palestiniens, et des tirs de roquettes en
représailles (aucune victime). Le prétexte invoqué pour
justifier le raid était qu’Israël avait repéré un tunnel dans la
bande de Gaza qui pourrait servir à capturer un autre soldat
israélien. Comme un certain nombre de commentateurs l’ont noté,
le prétexte est totalement absurde. Si ce tunnel existait et
atteignait la frontière, Israël aurait pu facilement le boucher
à cet endroit. Mais comme d’habitude, le faux prétexte israélien
a été jugé crédible.
Quelle a été la vraie raison de l’attaque
israélienne ? Nous n’avons pas d’éléments de preuve sur les
plans d’Israël, mais nous savons que le raid est intervenu peu
avant des entretiens prévus entre le Fatah et le Hamas au Caire,
visant à « aplanir leurs divergences et à créer un gouvernement
unifié », signale le correspondant britannique Rory McCarthy. Ce
devait être la première rencontre Fatah-Hamas depuis la guerre
civile de juin 2007 qui a donné le contrôle de la bande de Gaza
au Hamas, et cela aurait été une étape importante pour la
diplomatie. Israël a une longue histoire de provocations en vue
de dissuader la menace diplomatique, certaines ayant déjà été
mentionnées. Ceci en est sûrement une autre.
La guerre civile qui a laissé le contrôle de la
bande de Gaza au Hamas est communément décrite comme un coup
d’Etat militaire du Hamas, ce qui démontre à nouveau sa nature
diabolique. Le monde réel est un peu différent. La guerre civile
a été organisée par les États-Unis et Israël, dans une grossière
tentative de coup d’Etat pour renverser le Hamas, porté au
pouvoir par des élections libres. Cela est connu du public au
moins depuis avril 2008, quand David Rose a publié dans Vanity
Fair un rapport détaillé et documentée sur la façon dont Bush,
Rice, et le sous-conseiller pour la sécurité nationale Elliott
Abrams « ont soutenu la force armée aux ordres de l’homme fort
du Fatah Muhammad Dahlan, déclenchant une guerre civile
sanglante dans la bande de Gaza et en laissant le Hamas plus
fort que jamais ». Ce rapport a été récemment confirmé dans le
Christian Science Monitor (12 janvier, 2009) par Norman Olsen,
qui a travaillé 26 ans aux Affaires Etrangères, dont quatre dans
la bande de Gaza et quatre autres à l’ambassade américaine à
Tel-Aviv, puis est devenu coordinateur associé pour le
contre-terrorisme au Département d’Etat. Olson et son fils
détaillent les manigances du Département d’État destinées à
assurer que leur candidat, Abbas, gagne les élections de janvier
2006 - ce qui aurait été salué comme un triomphe de la
démocratie. Après ce bidouillage raté des élections, ils se sont
tournés vers la répression des Palestiniens et l’armement d’une
milice dirigée par l’homme fort du Fatah Mohammed Dahlan. Mais
« les voyous de Dahlan ont agi trop tôt » et une action
préventive du Hamas a fait échouer la tentative de coup d’Etat,
menant à des mesures bien plus sévères de la part des Etats-Unis
et d’Israël pour punir la désobéissance du peuple de Gaza. La
Ligne du Parti est plus crédible.
En novembre, après qu’Israël a rompu le
cessez-le-feu de juin 2008 (quoiqu’il ait été), le siège a été
encore renforcé, avec des conséquences encore plus désastreuses
pour la population. Selon Sara Roy, une des meilleures
spécialistes universitaires de la bande de Gaza, « Le 5
novembre, Israël a fermé tous les points de passage dans la
bande de Gaza, réduisant considérablement, et parfois refusant,
le passage de vivres, de médicaments, de carburant, de gaz de
cuisine, et de pièces détachées pour l’adduction et
l’assainissement de l’eau... Au cours de novembre, une moyenne
de 4,6 camions de nourriture est entrée chaque jour d’Israël à
Gaza comparée à 123 camions par jour en octobre. L’entrée de
pièces de rechange pour la réparation et l’entretien des
équipements d’eau a été refusée pendant plus d’un an.
L’Organisation Mondiale de la Santé vient d’indiquer que la
moitié des ambulances de la bande de Gaza est hors service » -
les autres sont rapidement devenus des cibles pour les attaques
israéliennes. La seule centrale électrique de Gaza a été
contrainte de suspendre son activité, faute de carburant, et ne
peut pas être démarrée par manque de pièces de rechange, en
attente dans le port israélien d’Ashdod depuis 8 mois. La
pénurie d’électricité a conduit à une augmentation de 300% des
cas de brûlures à l’hôpital Shifaa dans la bande de Gaza, dues à
l’utilisation de feux de bois. Israël interdit le passage du
chlore, de sorte que d’ici à la mi-décembre, l’accès à l’eau
dans la ville de Gaza et au nord a été limité à six heures tous
les trois jours. Les pertes humaines induites ne sont pas
comptabilisées dans les victimes palestiniennes de la terreur
israélienne.
Après l’attaque israélienne du 4 novembre, la
violence a augmenté des deux côtés (tous les morts sont
palestiniens) jusqu’à ce que le cessez-le-feu prenne
officiellement fin le 19 décembre et que le Premier Ministre
Olmert autorise l’invasion à grande échelle.
Quelques jours plus tôt, le Hamas avait proposé
de revenir à l’accord de cessez-le-feu de juillet, qu’Israël
n’avait pas respecté. Robert Pastor, historien et ancien haut
fonctionnaire de l’administration Carter a transmis la
proposition à un « haut fonctionnaire » de l’armée israélienne,
mais Israël n’a pas répondu. Au contraire, le chef du Shin Bet,
l’organisme de sécurité intérieure d’Israël, cité le 21 décembre
par des sources israéliennes, a dit que le Hamas est prêt à
poursuivre la « trêve » avec Israël, alors que son aile
militaire poursuit ses préparatifs de guerre.
« Il y avait clairement une alternative à
l’approche militaire pour arrêter les tirs de roquettes », a
déclaré Pastor, s’en tenant à la question restreinte de la bande
de Gaza. Il y avait aussi une alternative de bien plus grande
portée mais rarement évoquée : l’acceptation d’un règlement
politique incluant tous les territoires occupés.
Le haut correspondant diplomatique d’Israël
Akiva Eldar, rapporte que peu de temps avant qu’Israël lance son
invasion à grande échelle, le samedi 27 décembre, « le chef du
bureau politique du Hamas Khaled Mechaal avait annoncé sur le
site Internet Iz al-Din al-Qassam, qu’il était prêt, non
seulement à un « arrêt de l’agression » mais proposait de
revenir à l’arrangement de Rafah de 2005, avant que le Hamas ne
remporte les élections et ne s’empare de la région. Cet
arrangement prévoyait que les points de passages seraient
supervisés conjointement par l’Egypte, l’Union européenne, la
présidence de l’Autorité palestinienne et le Hamas », et comme
indiqué précédemment, a appelé à l’ouverture de passages pour
les denrées faisant cruellement défaut.
Une des revendications des apologistes les plus
simplistes de la violence israélienne est que dans le cas de
l’attaque actuelle, « comme dans de nombreux autres cas dans le
dernier demi-siècle - la guerre au Liban de 1982, le « gant de
fer » qui répond à l’Intifada de 1988, la guerre au Liban de
2006 - les Israéliens ont réagi à des actes intolérables de
terreur avec la volonté d’infliger des douleurs atroces, pour
donner une leçon à l’ennemi » (David Remnick, éditeur du New
Yorker). Comme cela a déjà été mentionné, l’invasion de 2006 ne
peut être justifiée que par un cynisme épouvantable. La réponse
vicieuse à l’Intifada de 1988 est trop amorale pour être
discutée ; une interprétation bienveillante pourrait être
qu’elle reflète une étonnante ignorance. Mais l’explication de
Remnick de l’invasion de 1982 est tellement fréquente, une
réussite remarquable de propagande ininterrompue, qu’elle mérite
quelques rappels.
Sans aucun doute, la frontière israélo-libanaise
a été calme pendant un an avant l’invasion israélienne, au moins
à partir du Liban vers Israël, du nord au sud. Toute l’année,
l’OLP a scrupuleusement observé un cessez-le-feu appuyé par les
Etats-Unis, en dépit de constantes provocations israéliennes, y
compris des bombardements faisant de nombreuses victimes
civiles, probablement destinées à susciter des réactions qui
pourraient être utilisées par Israël pour justifier une invasion
planifiée avec soin. Israël n’a obtenu que deux petites
répliques symboliques. Il a alors lancé l’invasion avec un
prétexte trop absurde pour d’être pris au sérieux.
L’invasion n’a effectivement rien à voir avec
des « actes intolérables de terrorisme », mais avec des actes
intolérables de diplomatie. Cela n’a jamais été un mystère. Peu
après que l’invasion soutenue par les Etats-Unis ait commencé,
le meilleur spécialiste universitaire des Palestiniens en
Israël, Yehoshua Porath - qui n’est pas une colombe - a écrit
que la réussite d’Arafat à maintenir le cessez-le-feu constitue
« une véritable catastrophe aux yeux du gouvernement israélien »
car elle ouvre la voie à un règlement politique. Le gouvernement
espérait que l’OLP recourrait au terrorisme, affaiblissant la
menace qu’il puisse devenir « un partenaire légitime de
négociations pour de futurs accords politiques. »
Les faits ont été bien compris en Israël, et non
dissimulés. Le Premier ministre Yitzhak Shamir a déclaré
qu’Israël avait opté pour la guerre parce qu’il y avait « un
terrible danger ... pas tant militaire que politique », incitant
l’excellent satiriste israélien B. Michael à écrire « l’excuse
boiteuse d’un danger militaire, ou d’un danger tout court, pour
la Galilée est morte ». Nous « avons effacé le danger
politique » en frappant les premiers et à temps. Maintenant,
« Dieu merci, il n’y a plus personne à qui parler ». L’historien
Benny Morris a reconnu que l’OLP avait observé le cessez-le-feu,
et a expliqué que « le caractère inévitable de la guerre était
l’OLP en tant que menace politique sur Israël, et la volonté
d’Israël de garder les territoires occupés ». D’autres encore
ont franchement reconnu ces faits incontestés.
En première page dans un article de réflexion
sur la dernière invasion de Gaza, le correspondant du New York
Times, Steven Lee Meyers, écrit que « D’une certaine manière,
les attaques sur Gaza rappellent le pari qu’Israël avait pris,
et en grande partie perdu, au Liban en 1982 [quand] il l’a
envahi pour éliminer la menace des forces de Yasser Arafat ».
Correct, mais pas dans le sens auquel il pense. En 1982, comme
en 2008, les attaques ont été nécessaires pour éliminer la
menace d’un règlement politique.
L’espoir de la propagande israélienne était que
les intellectuels et les médias occidentaux achèteraient
l’histoire qu’Israël n’avait fait que réagir à une pluie de
roquettes sur la Galilée, « intolérables actes de terrorisme ».
Et ils n’ont pas été déçus.
Ce n’est pas qu’Israël ne veuille pas la paix,
tout le monde veut la paix, même Hitler la voulait. La question
est : à quelles conditions ? Depuis ses origines, le mouvement
sioniste a compris que pour atteindre ses buts, la meilleure
stratégie serait de retarder un règlement politique, tout en
construisant des faits sur le terrain. Même les quelques
accords, comme ceux de 1947, ont été conçus par la direction
sioniste comme des étapes provisoires pour poursuivre
l’expansion. La guerre du Liban de 1982 a été un exemple
spectaculaire de la peur extrême de la diplomatie. Elle a été
suivie par le soutien d’Israël au Hamas afin de saper l’OLP
laïque et ses initiatives de paix irritantes. Un autre exemple
qui devrait être familier est constitué par les provocations
israéliennes avant la guerre de 1967 - au moins 80% des
incidents, selon le ministre de la Défense Moshe Dayan - visant
à déclencher une réponse syrienne qui aurait pu être utilisée
comme prétexte à la violence et à la conquête d’autres terres.
L’histoire remonte loin en arrière. L’histoire
officielle de la Haganah, la force militaire d’avant l’Etat
Juif, raconte l’assassinat en 1924 du poète juif religieux Jacob
de Haan, accusé d’avoir conspiré avec la communauté juive
traditionnelle (la vieille Yichouv) et le Haut Comité Arabe
contre les nouveaux immigrants et leur entreprise de
colonisation. Et il y a eu de nombreux exemples depuis.
L’effort pour retarder un compromis politique a
toujours eu un sens parfait, de même que les mensonges qui
l’accompagnent sur le « manque de partenaire pour la paix ». Il
est difficile d’imaginer une autre façon de contrôler la terre
où vous êtes indésirable.
Des raisons semblables sous tendent la
préférence d’Israël pour l’expansion plutôt que pour la
sécurité. Sa violation du cessez-le-feu le 4 novembre 2009 en
est l’un des nombreux exemples récents.
Une chronologie d’Amnesty International montre
que le cessez-le-feu de juin 2008 avait « apporté d’énormes
améliorations dans la qualité de vie des habitants de Sderot et
d’autres villages israéliens près de Gaza, où auparavant les
gens vivaient dans la crainte des prochains tirs de roquettes
palestiniens. Toutefois, à proximité, dans la bande de Gaza, le
blocus israélien reste en place et la population n’a pas encore
vu les bénéfices du cessez-le-feu ». Mais les gains en matière
de sécurité pour les villes d’Israël près de la bande de Gaza
ont été manifestement dépassés par le besoin de dissuader les
initiatives diplomatiques qui pourraient entraver l’expansion en
Cisjordanie et d’écraser toute résistance résiduelle en
Palestine.
La préférence pour l’expansion sur la sécurité a
été particulièrement manifeste depuis la décision fatale
d’Israël en 1971. Soutenu par Henry Kissinger, il a rejeté
l’offre du président d’Egypte Sadate, d’un traité de paix global
qui n’offrait rien aux Palestiniens - un accord que les
Etats-Unis et Israël ont été obligés d’accepter à Camp David,
huit ans plus tard, après une guerre qui fut presque un désastre
pour Israël. Un traité de paix avec l’Egypte aurait mis fin à
toute menace à la sécurité, mais il y avait un quiproquo
inacceptable : Israël aurait dû abandonner ses vastes programmes
de peuplement dans le nord-est du Sinaï. La sécurité était, et
est toujours, une priorité moindre que l’expansion. Des preuves
évidentes de cette conclusion sont fournies par l’étude
magistrale sur la sécurité et la politique étrangère d’Israël
« Défense de la Terre Sainte », par Zeev Maoz.
Aujourd’hui, Israël pourrait avoir la sécurité
et des relations normalisées et intégrées dans la région. Mais
il préfère clairement l’expansion illégale, les conflits, et
l’exercice répété de la violence. Actions qui ne sont pas
seulement criminelles, meurtrières et destructrices, mais qui
sapent sa propre sécurité à long terme. Le spécialiste militaire
des Etats-Unis et du Moyen-Orient Andrew Cordesman écrit
qu’Israël peut être sûr de sa force militaire pour écraser la
bande de Gaza sans défense. Mais il ajoute, « ni Israël ni les
États-Unis ne peuvent profiter d’une guerre qui produit une
réaction [amère] de l’une des voix les plus sages et les plus
modérées du Monde Arabe, celle du Prince Turki al-Fayçal
d’Arabie Saoudite, qui a dit le 6 janvier : « Avec ces massacres
et effusions de sang d’innocents dans la bande de Gaza,
l’administration Bush a laissé [à Obama] un héritage déplorable
et une position dangereuse ... Assez, c’est assez ! Aujourd’hui
nous sommes tous des Palestiniens et nous recherchons le martyre
pour Dieu et pour la Palestine, en mémoire de ceux qui sont
morts dans la bande de Gaza ».
Une des voix les plus sages en Israël, celle
d’Uri Avnery, dit qu’après la victoire militaire israélienne,
« Une cicatrice restera dans la conscience du monde, l’image
d’un monstre taché de sang, Israël, prêt à chaque instant à
commettre des crimes de guerre et à refuser toute contrainte
morale. Cela aura de graves conséquences pour notre futur, notre
position dans le monde et nos chances de parvenir à la paix et
au calme. En fin de compte, cette guerre est aussi un crime
contre nous-mêmes, un crime contre l’État d’Israël ».
Il y a de bonnes raisons de croire qu’il a
raison. Israël est délibérément en train de devenir le pays le
plus haï au monde. Israël est aussi en train de perdre la
confiance de l’Occident, y compris celle des jeunes Juifs
américains qui sont peu susceptibles de tolérer encore longtemps
ses crimes choquants. Il y a quelques décennies, j’ai écrit que
ceux qui se déclarent « partisans d’Israël » sont en réalité des
partisans de sa dégénérescence morale et de sa destruction
probable. Malheureusement, ce jugement semble de plus en plus
crédible.
Pendant ce temps, nous observons tranquillement
un événement rare dans l’histoire, ce que le défunt sociologue
israélien Baruch Kimmerling appelait « politicide », le meurtre
d’une nation - à notre porte.
Traduction par Laurent EMOR pour le Grand Soir
http://www.legrandsoir.info
ARTICLE ORIGINAL
http://www.zcommunications.org/znet/viewArticle/20316
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