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Analyses
En avant pour Gaza !
Nabil Ennasri
Vendredi 25 décembre 2009
La situation dans la bande de Gaza
est proche de la catastrophe. Voilà près d’un an, le
gouvernement israélien lançait son effroyable offensive qui
plongeait cette petite bande de terre dans l’horreur. Au vu du
monde entier, un peuple sans défense subissait les foudres d’une
armée surpuissante qui déployait à son encontre une puissance de
feu dévastatrice. Devant un tel carnage et face au silence
complaisant d’une communauté internationale impuissante, une
conscience mondiale s’est indignée et s’est élevée pour dire non
à la barbarie. Depuis, un large mouvement de solidarité en
faveur de la cause palestinienne a vu le jour – en témoigne la
prometteuse campagne de boycott d’Israël, “BDS“[1]
– dont il est impératif
aujourd’hui de prolonger les acquis.
Car la situation à Gaza – comme ailleurs en
Cisjordanie – n’a fait qu’empirer depuis l’hiver dernier. Le
million et demi de Gazaouis est toujours privé de tout, victime
d’un blocus abject qui prive des centaines de milliers de
familles des denrées alimentaires de base. La bande de Gaza
n’échappe pour l’instant à la famine que grâce à l’assistance
alimentaire des Nations Unies. La majorité des habitants vit en
dessous du seuil de pauvreté, le blocus a anéantit toute vie
économique tandis que réapparaissent des maladies qu’on pensait
appartenir au passé. Prise entre le marteau et l’enclume, Gaza
prend désormais les allures d’un véritable camp d’internement où
la situation, déjà épouvantable, se dégrade jour après jour.
Le pire, c’est
que cet embargo implacable risque de durer encore longtemps.
Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, les autorités
égyptiennes viennent d’annoncer la construction d’une barrière
en acier qui doit être déployée tout au long de la frontière
avec la bande de Gaza et dont la profondeur pourrait aller
jusqu’à 30 mètres sous terre ! L’objectif d’un tel projet est de
mettre un terme à « l’économie des tunnels » qui représente
pourtant la seule soupape permettant à Gaza d’échapper à
l’asphyxie[2].
Si ce projet arrive à terme, la bande de Gaza, qui figure parmi
les territoires les plus densément peuplés de la planète, sera
totalement étranglée, parachevant ainsi les noirs desseins du
gouvernement d’extrême droite de Benyamin Netanyahou.
Face à cette
brutalité dont on a peine à réaliser l’ampleur, il est du devoir
des citoyens de ce monde d’agir pour soulager la détresse d’un
peuple qui souffre depuis plus de soixante ans d’une occupation
qui n’en finit plus. Entre non-assistance à peuple en danger et
impunité à l’égard d’un Etat agresseur, les Etats-Unis, l’Europe
et le monde arabe ont fait le choix de la lâcheté. A l’inverse
de cette trahison, des millions d’individus ont décidé de ne pas
laisser ce crime contre l’humanité se perpétrer dans le silence.
C’est dans cet esprit que s’inscrit la “Marche de la liberté à
Gaza“ qui, initiée par le mouvement international de solidarité
avec le peuple palestinien et soutenue par de nombreuses
associations de défense des droits de l’homme, doit se rendre à
Gaza le 27 décembre 2009, date qui marquera le premier
anniversaire du début de l'agression israélienne. Cette Marche,
qui ferra converger vers la porte de Rafah des milliers de
volontaires provenant de plus de quarante pays du monde,
constituera ainsi un moment fort illustrant cet élan de
sympathie en faveur de ce peuple martyr[3].
Nous appelons toutes les consciences, éprises de justice et de
dignité, à soutenir et relayer cet évènement majeur dont
l’objectif principal est non seulement de briser ce blocus
infâme mais également d’inscrire dans la durée la solidarité
avec la cause palestinienne qui ne doit pas plus être soumise
aux aléas de la couverture médiatique du conflit. Et ce n’est
pas la dernière annonce du gouvernement égyptien de nous refuser
l’entrée de Gaza qui nous fera reculer. La démarche qui nous
anime s’inscrit dans la non-violence et la légalité mais surtout
dans une détermination que rien ni personne ne pourra freiner.
Dans un récent
éditorial, le journal Le Monde relevait au sujet de la
situation des droits de l’homme en Russie que « maintenir
derrière les barreaux un malade sans qu’il puisse bénéficier
d’un traitement médical adéquat relève de la torture »
ajoutant que cela s’apparentait à « un traitement inhumain
prohibé par les articles 3 et 7 de la Convention européenne des
droits de l’homme ». Qu’en est-il quand ce même traitement
est infligé non pas à un homme mais à près d’un million et demi
d’individus ? Que dire en plus si ce déni d’existence dure
depuis maintenant plus de trois ans ? Si la communauté
internationale ne se donne pas les moyens de faire cesser cette
brutalité d’un autre âge, il appartient à nous, citoyens,
organisations de la société civile, syndicats et partis
politiques, de briser ce mur du silence et de forcer Israël à
respecter les droit élémentaires de la dignité humaine.
Aujourd’hui plus que jamais, le peuple gazaoui a besoin de notre
soutien et de notre solidarité. Alors, en avant pour Gaza !
[1] Campagne de “Boycott
Désinvestissement Sanctions“ à l’égard d’’Israël lancée par des
dizaines d’organisations de la société civile palestinienne en
2005 et qui prend de plus en plus d’ampleur dans le monde. En
Europe, l’un des axes majeurs de cette campagne de Boycott est
la lutte contre l’implantation de la société israélienne Agrexco
à Sète, dans le sud de la France. Cf. notamment :
http://www.bdsmovement.net/ et
http://www.coalitioncontreagrexco.com/ ainsi que Israël
est-il menacé par une campagne de désinvestissement ?
Le Monde diplomatique, Septembre 2009.
[2] Le Caire tente-t-il de
fermer les tunnels, seul moyen de survie de Gaza, Le
Monde, 15 décembre 2009.
[3] Pour plus d’informations
sur cette Marche et pour suivre son déroulement, cf. notamment
http://www.urgence-gaza.com/ ou
http://europalestine.com/MarchePourGaza/
Ennasri Nabil, Diplômé de l’Institut
d’Etudes Politiques d’Aix-en-Provence, est actuellement étudiant
en théologie musulmane à l’Institut européen des sciences
humaines de Château-Chinon. Il est également membre du Collectif
des Musulmans de France (CMF).
Les analyses de Nabil Ennasri
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