Opinion
La déferlante
islamophobe :
Musulmans de France, l'année 1433 sera
rude !
Nabil
Ennasri
Samedi 3 décembre
2011
La situation se tend de
plus en plus. Le chroniqueur Eric
Naulleau avait raison :
« le langage utilisé pour stigmatiser le
musulman aujourd’hui est le même que
celui utilisé pour les juifs des années
30 »… C’est vrai qu’en l’espace de
quelques semaines, l’avalanche de faits,
de propos ou d’actes islamophobes est
hallucinante. En plus des dégradations
de mosquées et profanations de
cimetières devenues régulières, c’est
aujourd’hui au tour des pouvoirs publics
de légitimer un discours de rejet et
d’installer ce qui ressemble de plus en
plus à des juridictions d’exceptions. Le
climat devient lourd en France.
Tellement lourd que nombreux sont les
musulmans qui préfèrent désormais l’exil
ou la hijra. La preuve en 4 actes.
Acte I : L’islamophobie dans
les bancs de l’école. Pour bien préparer
les esprits au choc des civilisations,
rien de mieux que de leur inculquer dès
leur plus jeune âge les stéréotypes les
plus affligeants. Un ami m’a fait
parvenir les cours d’histoire de son
cousin dans une école du sud de la
France. Résultat : le cours de CM1 qui
parle d’Islam est sidérant. En moins de
vingt lignes, les musulmans sont décrits
comme de vilains antisémites qui suivent
les paroles d’un bédouin fou.
Ceci suivi d’une
narration toute approximative de la
bataille de Poitiers en 732. Il faut
marteler aux petits enfants que les
envahisseurs arabo-musulmans ont été
stoppés par les armées chrétiennes.
Message subliminal : les musulmans,
disciples de Mahomet, ne peuvent faire
partie intégrante du peuple français.
L’islamophobie dans les têtes commence
donc dès les bancs de l’école. Ici,
nulle mention de l’apport spirituel et
civilisationnel du prophète de l’islam.
On préfère ériger des barrières
psychologiques qui justifieront, à
terme, le rejet et la confrontation.
Acte II : l’islamophobie dans
les tribunaux. D’abord l’histoire de la
crèche Baby-loup. Affaire révoltante et
pour cause. Alors que la Halde avait
donné raison à la plaignante qui portait
le foulard, certains milieux laïcards
islamophobes ont jugé bon de s’acharner
pour faire plier cette autorité
administrative indépendante et au final
sont parvenus à leur but : la validation
par la justice d’une discrimination qui
touche, encore et toujours, les femmes
voilées. Il est vrai qu’en face de la
sœur discriminée, l’artillerie lourde
avait été déployée : de Manuel Valls à
Elisabeth Badinter en passant par
Jeannette Boughrab, tout ce que la
France compte d’islamophobes s’était
réunis pour remporter une victoire
symbolique décisive.
Au passage, remarque
intéressante : ces mêmes milieux
islamophobes où gravitent nombre
d’intellectuels faussaires sont
curieusement ceux qui se font, de
manière permanente, les avocats
inconditionnels de la politique
criminelle d’Israël…Pour finir sur cette
islamophobie qui gagne les prétoires,
retenons la dernière affaire où un
Tribunal administratif a jugé bon de
valider la décision d’une école
élémentaire de Montreuil d’interdire aux
mamans voilées l’accompagnement de leurs
enfants lors des sorties scolaires. Ces
deux affaires ont été rendues à quelques
semaines d’intervalles.
Acte III : l’islamophobie dans
la loi. Et voilà que le Sénat qui vient
de basculer à gauche ne trouve rien
d’autre à faire que de déposer une
proposition de loi visant à interdire le
port du voile musulman dans les crèches
ainsi que dans les centres de loisirs et
de vacances . Le Sénat, dont Mediapart
vient de mettre en évidence les
pratiques scandaleuses de népotisme, a
l’outrecuidance de nous donner une leçon
de démocratie et de laïcité. Mais que
font ces messieurs lorsque, par exemple,
la mairie de Paris finance, sur deniers
publics et à hauteur de plusieurs
millions d’euros, les crèches loubavitch
juives ? Rien, aucune réaction de nos
hommes politiques et aucune déclaration
de nos élites médiatiques. Le “deux
poids, deux mesures“ encore et toujours.
Et une laïcité de combat qu’on fourvoie
sans aucun scrupule uniquement quand il
s’agit de s’attaquer à l’islam.
Acte IV : l’année hégirienne
qui débute sera très rude mais elle
annonce le début d’une nouvelle année
encore plus chaude. 2012 est une année
électorale et à l’image de la déferlante
anti-islam qui traverse nombre de pays
européens, la recette qui a fait
triompher les partis populistes en
Suisse ou aux Pays-Bas va certainement
structurer la prochaine campagne
électorale. On va jouer sur les peurs,
les fantasmes et désigner le musulman
comme le bouc-émissaire d’une France
frappée par la crise et en pleine
interrogation identitaire. En plus,
l’actualité du Printemps arabe est là
pour confirmer la suspicion généralisée
autour de cette religion conquérante qui
rafle les suffrages dans les pays arabes
et que rien ne semble contenir.
La grosse ficelle à
l’air de plaire : sondage après sondage,
de plus en plus de français avouent
percevoir la religion musulmane comme la
« plus inquiétante ».Alors que faire ?
Il n’y a pas de secret, il faut se
battre. Se battre intelligemment pour
résister à ce rouleau-compresseur.
D’abord, en suscitant un esprit de
rassemblement des organisations
musulmanes car l’heure est grave.
Nous ne pouvons nous
payer le luxe de la dispersion quand
l’ennemi ne fait pas de distinction dans
son entreprise machiavélique de
diabolisation. En utilisant l’arme du
vote pour se rendre massivement aux
urnes et sanctionner ceux des élites
politiques qui passent leur temps à
stigmatiser l’étranger, faute d’être en
mesure de proposer de véritables projets
sociaux alternatifs. Et en commençant à
nous poser de sérieuses questions quant
au sens à donner à notre présence dans
des sociétés où la haine de l’islam n’a
d’égale que le délitement des valeurs
morales.
Nabil Ennasri,
"Diplômé de l’Institut d’Etudes
Politiques d’Aix-en-Provence, est
actuellement doctorant à l’Université de
Strasbourg et étudiant en théologie
musulmane..." Il a séjourné dans
plusieurs pays du Golfe (Qatar, Emirats
Arabes Unis). Son mémoire « Le champ
politico-religieux du Qatar : une vision
estudiantine » obtenu en vue de la
validation du Master II (Recherche) «
Politique Comparée » à été rédigé sous
la direction du professeur François
Burgat. Il est également membre du
Collectif des Musulmans de France
Publié le 4 décembre 2011 avec l'aimable
autorisation d'Oumma.com
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