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LA PALESTINE ET LA CRISE DES RELATIONS INTERNATIONALES

Comment construire un ordre mondial juste ?
Mustapha Cherif


Jeudi 17 septembre 2009

L’ordre mondial n’a jamais été autant injuste et inégalitaire.

Comment croire que le prétendu processus de paix israélo-palestinien puisse être relancé dans un contexte de répression, de colonisation et d’inégalités? L’ordre mondial n’a jamais été autant injuste et inégalitaire. Face aux incertitudes, la responsabilité demeure collective. Il n’y a pas d’alternative à un ordre politique transformé pour rééquilibrer les rapports de force. 20 ans après la chute du mur de Berlin et la fin de la logique de Yalta, si le monde est en voie d’unification sur certains aspects liés au progrès technique, à la dictature du marché et à la communication, par contre la stratégie d’hégémonie de puissances néolibérales et les déséquilibres suscitent des réactions et un cycle de violence. Cela peut mener le monde à des catastrophes. Dans ce climat géopolitique explosif, la situation au Moyen-Orient est centrale, sans commune mesure avec d’autres régions du monde. Il y a un enchevêtrement de conflits et de recul du droit jamais connu auparavant. Toute la bonne volonté du monde et tous les gestes d’espérance que les partisans du dialogue des civilisations peuvent exprimer, pour bâtir un monde de paix entre l’Orient et l’Occident, resteront voués à l’impasse, si la question de la colonisation de la Palestine n’est pas réglée.
La violence dont le monde arabe et l’Afrique étaient victimes au XIXe siècle avait plusieurs formes. Aujourd’hui, c’est le retour de la violence sous d’autres formes, encore plus sophistiquées. Des multinationales, des intellectuels et des institutions accompagnent les opérations d’ingérence et d’embargo. Fait aggravant, les inégalités s’amplifient avec la complicité de régimes locaux et les mouvements qui instrumentalisent la religion. Cependant, tout comme le monde musulman n’est pas monolithique, l’Occident ne l’est pas non plus. Des chercheurs et des hommes politiques de la rive nord constatent les injustices et tentent d’y remédier. Avec les USA dirigés aujourd’hui par un président attaché au dialogue, l’Union européenne soucieuse de normes juridiques et les pays du Sud, du Venezuela à la Turquie, et du Brésil à l’Algérie et l’Afrique du Sud, qui sont engagés pacifiquement pour faire reculer la loi du plus fort, il est possible de penser un nouvel ordre international juste.

Un nouvel ordre juste est encore possible
Il est temps d’y penser et d’agir, car sur le plan des valeurs de la mondialisation, l’échec est patent. La crise économique, morale et l’insécurité dominent. Au niveau du monde musulman le cycle de la décadence est loin d’être rectifié. Comme pour feindre d’oublier que la vie elle-même est contredite par une généralisation de la désignification, des caractéristiques du monde actuel incluent une recherche éperdue du profit à tout prix et un intérêt porté sur les modalités du monopole, plutôt que sur ce qui est commun. Alors que généralement l’ère «moderne» est associée avec les Lumières européennes, du milieu du XVIIIe siècle, les causes des dérives actuelles sont rarement interrogées. La violence du système libéralo-militaro-économique porte préjudice autant à l’humanité qu’à la planète, elle s’impose partout, comme continuité du mouvement de déshumanisation. Elle exclut le droit à la différence et le sens de la mesure dans la gestion du monde.
Les réactions de l’extrémisme «politico-religieux» et mafieux, dans ce contexte, renforcent l’anarchie et apportent de l’eau au moulin des nouveaux conquérants. Il n’y a jamais eu autant de concentration des instruments de décision dans un seul pôle, ni autant de forces israéliennes et occidentales au Moyen-Orient. Cela alimente les conflits, multiplie les fronts, affaiblit les Etats et transforme des mouvements de résistance en source de problèmes, de menaces et d’exacerbation des contradictions sur le plan interne, comme pour le Hezbollah au Liban. La politique injuste du deux poids, deux mesures des puissants à l’encontre du monde arabe et l’absence de démarche mobilisatrice et émancipatrice dans ce même monde arabe suscitent désespoir, violence et exil.
Le dossier du nucléaire iranien, la situation en Palestine, en Irak, en Afghanistan, au Pakistan et l’instabilité qui guette toute la région sont symptomatiques de la politique déraisonnable des grandes puissances et l’impuissance des systèmes locaux. La paix dans le monde est menacée par les extrémistes de tous bords, à commencer par ceux qui tiennent actuellement les rênes à Tel-Aviv. Il n’y a pas plus injuste et lâche que les embargos criminels qui frappent les populations désarmées, comme hier en Irak et aujourd’hui à Ghaza et en Cisjordanie: situation inhumaine, marquée par une accélération de la colonisation, qui bafoue tous les principes universels. Ces pratiques déshonorent le droit international et rendent caducs les discours dominants.

La Palestine au centre des enjeux du nouvel ordre
La campagne de la soldatesque israélienne, l’une des plus puissantes armées du monde, menée contre la population civile palestinienne de Ghaza, écrasant des femmes, des personnes âgées et des enfants, avec des armes non conventionnelles, détruisant des écoles, des hôpitaux et des camps de réfugiés, au su et au vu du monde entier, montre le degré d’injustice. Tout le monde a entendu parler de crimes de guerre auparavant, mais la transgression israélienne est différente. Elle a été soutenue par la majorité de la population juive israélienne et commise à ciel ouvert. Cela devrait interpeller la conscience universelle. Par le passé, l’Urss de Staline a commis des crimes dans des goulags éloignés, l’Allemagne nazie pratiquait ses génocides dans des régions cachées et les forces coloniales en Afrique massacraient les populations dans des montagnes ou forêts isolées. Les Israéliens, eux, massacrent en plein jour sous nos yeux. Il n’existe pas de conflit israélo-palestinien, mais un système qui tue dans l’impunité totale.
Il y a une psychose israélienne dans laquelle la cruauté est banalisée. Existe-t-il une possibilité de stopper le sionisme de son expédition sanguinaire? Existe-t-il une possibilité de sauver le cours de l’Histoire? Il ne s’agit pas de se focaliser sur ce drame de colonisation, mais de comprendre que cela bloque toute possibilité d’un ordre mondial juste et qu’Israël est la partie émergée de l’iceberg du monde dominant. Des puissances occidentales par mauvaise conscience sont complices et sujettes à la «politique aveugle de la peur», aggravée par des interventions mortelles de néoconservateurs. Puisque le président Obama, venu pour tenter de mettre fin à la brutalité, semble avoir des difficultés à opérer un vrai changement, tous les pays devraient l’aider, pour mettre fin à la spirale suicidaire. En Occident, l’héritage chrétien permet la possibilité d’une éthique universelle. Il reste à amener les Israéliens, enivrés par le déséquilibre du rapport de force militaire, à rejoindre le reste de l’humanité en adoptant une politique juste et morale. Cela ne se fera pas sans accompagnement de la communauté internationale et d’actes collectifs concrets.
La situation a atteint un tel degré de barbarie que des juifs conscients clament «pas en notre nom», montrant ainsi qu’ils ne sont pas tous inconditionnels du sionisme, et apportent une caution aux mouvements de soutien à la lutte des Palestiniens. Mais le plus important réside dans les raisons politiques du soutien à la lutte des Palestiniens, c’est-à-dire l’injustice commise en 1948 à leur encontre, qui est devenue une tragédie depuis 1967. Il s’agit d’expliciter les raisons politiques par la remise en question de l’idéologie qui sous-tend l’Etat d’Israël, c’est-à-dire le sionisme, qui a conduit à la destruction de la société palestinienne, menée au nom des persécutions antijuives commises en Europe. Le refus sioniste de reconnaître que les Israéliens devraient être comme les autres peuples, entérine a posteriori l’innommable antisémitisme qui voulait séparer les juifs du monde. Garantir la légitime existence et sécurité de deux Etats, israélien et palestinien, égaux en droits et devoirs, côte à côte, passe par le chemin de l’égalité entre les peuples. Tout comme, il n’y a pas d’avenir ni de région stable si la démocratie ne s’instaure pas du dedans des pays arabes. Ce qui est tout à fait possible, contrairement à ce qui est colporté comme prétextes infondés sur les prétendus obstacles culturels et sociaux.

Réinventer des relations internationales fondées sur le droit
Des intellectuels juifs reconnaissent que si le sionisme s’est retrouvé au centre de la vie juive et de l’Occident après le désastre du génocide, il constitue aujourd’hui un danger pour les Juifs et pour le monde entier. Par sa politique inique fondée sur la loi de la jungle, il alimente d’autres extrémismes et mène le monde vers des conflits sans fin et un risque de déflagration. L’éventuel bombardement des sites nucléaires iraniens par Israël qui, paradoxalement, dispose de plus de 250 bombes nucléaires, représente un risque majeur, qui mettra le feu aux poudres. L’Iran a pourtant proposé de coopérer à propos de l’Afghanistan, de la lutte contre le terrorisme, et dans le domaine de l’énergie, ainsi que pour la mise en place d’un système destiné à éliminer les armes nucléaires. Sur le fond, c’est-à-dire la nature du système mondial, la formation du G20, premier signe positif pour relancer le multilatéralisme, ne peut se limiter à calmer les esprits face au désordre et au chaos en perspective, et ne peut suppléer à la réforme de l’ONU et à la force du droit en vue de changer en profondeur la situation déplorable des relations internationales.
A travers le monde, dans les vingt prochaines années la question de la circulation des personnes, de l’immigration et des flux démographiques va se compliquer et nécessitera un traitement humain et équitable. Seuls le codéveloppement, la formation accélérée des ressources humaines des pays du Sud et la révision des règles qui régissent actuellement l’économie mondiale peuvent dessiner un autre horizon. La démographie galopante, couplée aux injustices et aux agressions du système mondial, est en train de transformer des villes et des régions du monde en un champ voué à des formes exacerbées de la violence et des résistances. Pourtant, l’immense majorité des citoyens du monde, sachant qu’il n’y a pas d’alternative au vivre-ensemble, aspirent à la paix et à la justice. Pour répondre à leur attente, les renforcer dans leur conviction et mettre fin à leurs peurs et colères, il reste à réinventer des relations internationales fondées sur le droit et sur le fait qu’il ne devrait pas y avoir de peuple au-dessus de la loi, ni de politique coupée de la morale. Il reste un avenir si, en lieu et place de l’unilatéralisme, de l’arrogance et de l’égoïsme, la logique du dialogue, de la négociation et du respect mutuel l’emporte.

 

Mustapha Cherif, Professeur en relations internationales
Intellectuels@yahoo.fr
www.mustapha-cherif.net

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Publié le 17 septembre 2009 avec l'aimable autorisation de l'
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Source : L'Expression
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