|
FACE À L'HÉGÉMONIE
Une riposte réfléchie
Mustapha Chérif
Jeudi 16 décembre 2010
Depuis 1991, date de la première guerre du
Golfe, une stratégie d’hégémonie mondiale et de «recolonisation»
sous de nouvelles formes du Monde arabe, ciblé comme nouvel
ennemi, est perceptible. La dernière décision des USA au sujet
de la Palestine en est tragiquement l’illustration. Revirement
prévisible, les Etats-Unis ont abandonné le principe d’obtenir
un arrêt de la colonisation israélienne en Cisjordanie. Il est
important en premier lieu de s’en prendre à nous-mêmes. Le Monde
arabe vit dans la démission et le sous-développement, incapable
de changer le rapport de force.
L’aveuglement
Les USA prétendent que c’est pour se concentrer sur les
«problèmes centraux» du conflit. C’est un fait d’une extrême
gravité, qui contredit les discours pacificateurs, dope
l’extrémisme de tous bords et annonce des lendemains sombres.
L’un des objectifs de Barack Obama de parvenir à une solution à
deux Etats vient d’être sabordé.
Ce que Bush avait affirmé le 17 janvier 1991 «Un nouvel ordre
mondial», se concrétise sous les traits d’un ordre chaotique
depuis 2003, deuxième guerre en Irak. La loi du plus fort, la
dérive impériale, totalitaire et répressive fait des ravages.
Jamais le sionisme extrémiste n’a atteint un tel degré
d’arrogance et de mainmise sur les courroies de décisions
politiques et financières dans le monde. Cependant, les
sionistes extrémistes auraient tort de pavoiser, car c’est la
course vers l’abime et la preuve que leur aveuglement est
suicidaire.
Nul ne peut vivre en guerre perpétuelle avec tous ses voisins et
le monde entier. En sachant que le sionisme c’est
l’antijudaïsme, par le refus de mettre fin à la colonisation, ce
n’est pas seulement le peuple palestinien qui est perdant, c’est
aussi le peuple israélien. L’immense majorité des musulmans à
travers le monde ne confond pas entre juif et sioniste et reste
attaché à la fraternité abrahamique, mais constate que
l’amalgame est fait à dessein entre «terrorisme» et «musulman».
La propagande sioniste extrémiste est au zénith, avec un féroce
gouvernement d’extrême droite en Israël, profitant de la
faiblesse du Monde arabe et de la crise économique mondiale,
pour faire diversion et harceler les dirigeants occidentaux.
L’opinion internationale est soumise à la désinformation, qui
met l’accent sur le «nouvel ennemi» l’Arabe, le musulman,
l’iranien, le Turc. La notion «d’islamophobie» n’est pas un abus
de langage produit par les fondamentalistes, c’est l’expression
d’une stratégie antimusulmane au coeur des visées hégémonistes.
L’incitation à la haine et à la violence à l’encontre des
musulmans a atteint des cimes d’indécence.
Tout est fait pour qu’Israël soit perçu comme la victime. Israël
se donne le beau rôle d’avant-garde de la civilisation
occidentale. Alors qu’il est le fossoyeur de la paix et du
rapprochement entre les peuples. Lors des fameux pourparlers à
Camp David sous l’égide de Bill Clinton, le mensonge qui a fait
le tour du monde se résumait à ceci: «Yasser Arafat a refusé les
propositions généreuses d’Ehud Barak.». Pour la majorité de la
presse occidentale les Palestiniens ont toujours tort et Israël
a toujours raison. Il est important d’alerter les peuples sur la
politique du deux poids, deux mesures, car c’est le devenir de
l’humanité qui est en jeu.
Des multinationales, des intellectuels et des institutions
accompagnent les opérations de répression, d’ingérence et
d’embargo. Fait aggravant, les inégalités s’amplifient parfois
avec la complicité de régimes locaux et les mouvements qui
instrumentalisent la religion. Il est urgent de comprendre les
mécanismes qui caractérisent les rapports de force, et les
manipulations, en vue de tenter de desserrer l’étau.
Faire notre autocritique
Le Brésil et l’Argentine, pas seulement le Venezuela, Cuba, le
Nicaragua, et le Costa Rica, et demain l’Uruguay qui prévoit de
faire de même, ont compris que le devenir est commun. Ils
viennent de reconnaître l’Etat palestinien dans les frontières
de 1967, vu le jusqu’au-boutisme israélien au service de
l’hégémonie du système mondial inique prôné par les
néoconservateurs américains et des Européens.
Il est urgent de faire notre autocritique. Les régimes arabes
divisés ont depuis longtemps commencé leur descente aux enfers.
Ils sont paralysés par l‘épouvantail «fondamentaliste». Leur
image est celle de l’archaïsme et de l’immobilisme. La parodie
qui se déroule lors d’élections dans les pays arabes émet une
image catastrophique. Le discours iranien visant la destruction
d’Israël a un effet inverse, les Occidentaux font bloc.
Pour riposter de manière réfléchie, il est urgent de sortir de
la léthargie et d’identifier les sources de nos faiblesses.
Elles se situent dans notre difficulté à fonder un Etat de
droit, une société du savoir et penser un projet de modernité
allié à l’authenticité. A cet égard, depuis la Nahdha, sauf
exception, aucune réelle réforme de fond n’a eu lieu. Alors que
d’autres pays musulmans comme la Turquie, la Malaisie et
l’Indonésie et bien sûr non-musulmans comme le Japon, la Chine,
l’Inde et la Corée, ont reformulé leur développement. Il est
temps de reprendre la place qui nous revient dans l’ordre du
monde et assumer notre responsabilité.
Après la Déclaration d’indépendance à Alger par le Conseil
palestinien dirigé par Yasser Arafat le 15 novembre 1988, une
centaine de pays avaient reconnu la Palestine, sans que cet
«État» ait atteint d’autre réalité qu’un territoire représentant
8% des terres et celle d’une autorité sous le contrôle d’Israël.
Demain, si les pays arabes se réforment et agissent pour que
cette indépendance soit confirmée au Conseil de sécurité ou par
les deux tiers des pays à l’Assemblée générale, ce sera un pas
décisif.
Tout comme le Monde musulman n’est pas monolithique, l’Occident
ne l’est pas non plus. Des associations et des hommes politiques
de la rive Nord constatent les dérives du système mondial et
tentent d’y remédier. Avec des courants d’opinion éclairés au
sein de l’Union européenne, soucieux de normes juridiques et
d’autres pays engagés pour faire reculer la loi du plus fort, il
est encore possible de penser un nouvel ordre international
juste.
Par le passé, sans l’appui de sa population, l’Urss de Staline a
commis des crimes dans des goulags éloignés, l’Allemagne nazie
exécutait ses victimes dans des régions cachées et les forces
coloniales en Afrique massacraient dans des montagnes ou forêts
isolées. La transgression israélienne est commise à ciel ouvert,
soutenue par la population israélienne qui s’est radicalisée,
intoxiquée par la propagande et traumatisée par des actes
désespérés de la résistance palestinienne. Cela devrait
interpeller la conscience.
Par le dialogue avec les forces de paix au sein des communautés
juives de par le monde, il faut essayer de stopper le sionisme
extrémiste. On ne doit pas désespérer de sauver le cours de
l’histoire, et préserver le vivre-ensemble. Le Monde musulman et
l’Occident sont condamnés à la coexistence. Il ne s’agit pas de
se focaliser sur ce drame de la colonisation en Palestine, mais
de comprendre qu’il bloque toute possibilité d’un ordre mondial
juste et qu’Israël entre les mains des extrémistes sionistes est
la partie immergée de l’iceberg du monde dominant inique. Israël
à obtenu que son statut au sein de l’UE et de l’Ocde soit
rehaussé. De la part des USA et de certains pays européens un
soutien financier, militaire et diplomatique sans précédent est
accordé à Israël. C’est un blanc seing à l’impunité.
Cependant, tout n’est pas perdu. Réagissant à la déclaration
américaine, la chef de la diplomatie de l’UE, Catherine Ashton,
a dit constater «avec regret que les Israéliens n’ont pas été en
mesure d’accepter une prolongation du moratoire comme le
demandaient l’Union européenne, les Etats-Unis et le
Quartette... la colonisation est illégale au regard du droit
international et constitue un obstacle à la paix». En outre, un
rapport de l’UE avertit que la politique d’Israël «met gravement
en danger» un règlement israélo-palestinien à deux Etats. «Si
les tendances actuelles ne sont pas arrêtées de manière urgente,
la perspective de Jérusalem-Est comme future capitale d’un Etat
palestinien devient improbable». Plus encore, 26 anciens
responsables européens, comme Javier Solana prédécesseur
d’Ashton, l’ancien MAE, français, Hubert Védrine, et le
Britannique Chris Patten fustigent l’intransigeance des
Israéliens, demandent à fixer un ultimatum et de s’adresser à
l’ONU.
Aider Obama
Il faut restituer le problème dans le contexte de la grave crise
économique mondiale et la montée des populismes et extrémismes
de droite: cela pollue les démocraties qui se raidissent tant
vis-à-vis des migrants que des problèmes de décolonisation. Des
spécialistes (1) de la finance internationale constatent que
récemment, a eu lieu un événement important, passé inaperçu. En
effet, Ambac Financial, le grand assureur obligataire américain,
s’est inscrit sous protection du chapitre 11 de la loi sur les
faillites aux Etats-Unis.
L’inscription en faillite du groupe devant l’US Bankruptcy Court
de Manhattan est considérée comme le signe précurseur d’une
catastrophe économique à venir. Les fonds sont souvent les biens
de richissimes en relation avec des lobbys qui soutiennent le
sionisme.
C’est un signe précurseur que le système financier international
risque de s’effondrer. Face aux risques majeurs de crash, tous
les chantages s’exercent. La crise systémique actuelle met en
évidence le défaut structurel du capitalisme: la concentration
de capitaux dans les mains de quelques acteurs et les lobbys
sionistes excellent pour profiter de la situation. Ils
obtiennent tout de leurs clients, en même temps ils sont
pyromanes.
Au vu de l’impuissance des USA et de notre marasme interne, il
ne reste qu’à se réformer pour viser le moyen et long terme et à
court terme aider Obama par la riposte en deux volets: la
reconnaissance massive de l’Etat palestinien et le boycott
mondial d’Israël. Car la souveraineté des Etats et la liberté
des peuples, affaiblies et relatives, sont en danger. En liaison
avec des pays conscients des enjeux et les mouvements
démocratiques, il est urgent de mettre en place les voies de
pression, afin de changer le rapport de force et clarifier la
conception du monde que l’on veut. La communauté internationale
ne doit pas être l’otage d’une idéologie suicidaire: le sionisme
extrémiste allié au capitalisme sauvage.
(1) Gilles Bonafi
Mustapha Cherif, Spécialiste du dialogue des civilisations
www.mustapha-cherif.net
Droits de reproduction
et de diffusion réservés © L'Expression
Publié le 16 décembre 2010 avec l'aimable autorisation de l'Expression
Partager
Le sommaire de Mustapha Cherif
Dernières mises à
jour
|