Opinion
L'émir du Qatar à
Gaza: les dessous d'un flop
Mounadil al Djazaïri
Prêts à
accueillir l’émir du Qatar
Jeudi 25 octobre
2012
La presse nous parle abondamment de
la visite de l’émir du Qatar, cheikh
Hamad ben Khalifa al-Thani, dans la
bande de Gaza.
On peut lire que
Yigal palmor, porte-parole du
ministère israélien des Affaires
étrangères, s’est dit « atterré »
que le Qatar ait pris le parti d’une
formation considérée par les
Etats-Unis et l’Union européenne
comme une organisation terroriste.
Il est cependant évident que cet un
évènement qu’on ne saurait minimiser n’a
pu se produire que grâce à l’assentiment
des autorités sionistes. Ces dernières
ont d’ailleurs tenu à montrer, avant et
après cette visite, qu’elles restaient
maîtresses du jeu en bombardant ce
territoire comme elles ont coutume de le
faire.
On ne peut pas préjuger des
conséquences diplomatiques de cette
visite dont l’objectif est avant tout de
renforcer la position du Hamas, moins
face au régime sioniste que face à
l’Autorité Palestinienne et s’inscrit
dans la recomposition du paysage
politique arabe recherchée par les Etats
Unis et les monarchies (démocratiques)
du Golfe.
Le fait que le Hamas soit classé par
les Etats Unis parmi les organisations
terroristes ne constitue en rien une
entrave à cette recomposition
palestinienne. Les Etats Unis n’ont en
effet pas hésité à s’allier avec ce
qu’on appelle des djihadistes en Libye
et même en Syrie, et ils se sont
longtemps servis des Moudjahidine Khalq
iraniens, pourtant inscrits sur la liste
des organisations terroristes il y a peu
de temps encore.
Le Qatar entend sans doute remercier
le Hamas pour s’être démarqué du régime
syrien qui offrait encore tout récemment
à ce mouvement les moyens de son
déploiement vers les Palestiniens de
l’extérieur et vers des pays amis de la
cause palestinienne.
De fait, le soutien à la cause
palestinienne est un des paramètres de
la légitimité de tout gouvernement arabe
et c’est cet attribut qu’entend
s’accaparer l’émir du Qatar après en
avoir supposément privé le régime de
Damas.
Comme il se doit,
Le Comité exécutif de
l’Organisation de libération de la
Palestine (OLP) a dénoncé la visite,
appelant les pays arabes à « ne pas
poursuivre la politique
d’établissement d’une entité
séparatiste dans la bande de Gaza,
qui sert fondamentalement les
desseins israéliens ».
De fait, ce qu’on a du mal à
percevoir, c’est ce que retirera le
projet national palestinien de cette
visite et de ces annonces. Elle enfonce
un coin supplémentaire entre l’OLP et le
Hamas, c’est un des buts recherchés,
alors qu’il faudrait au contraire
rapprocher ces deux organisations et
éloigner l’OLP de l’entité sioniste.
C’est tout le contraire qui va se
passer et le risque est bien présent de
confirmer le régime sioniste dans la
possibilité de constituer des
Bantoustans palestiniens, l’un sous la
dépendance du Qatar et de l’Egypte,
l’autre directement supervisé par le
régime sioniste et la Jordanie à un
moindre degré. Jusque à l’expulsion
complète et progressive des Palestiniens
de Cisjordanie qui céderont toute la
place aux colons.
L’émir a, nous dit-on, inauguré un
certain nombre de projets et annoncé des
centaines de millions de dollars
d’investissements dans la bande de Gaza,
pour construire des routes et des
logements notamment.
Faute de règlement politique, ces
réalisations seront détruites lors de la
prochaine offensive sioniste contre
Gaza. Et l’émir est peut-être venu avec
de l’argent mais sans proposition
politique correspondant aux aspirations
nationales du peuple palestinien.
Exactement comme lors de sa première
visite à Gaza en 1999.
Et la solution des bantoustans, même
avec un soupçon de prospérité, ne
répondra pas aux aspirations du peuple
palestinien qui la rejettera
nécessairement.
Côté Hamas, l’heure est à
l’enthousiasme apparemment puisque :
Acclamé par des
milliers de Palestiniens, alors
que sa limousine cahotait sur la
chaussée défoncée qu’il a promis de
reconstruire, l’émir a ensuite été
accueilli avec les honneurs par
Ismaïl Haniyeh, Premier ministre de
l’administration mise sur pied par
le mouvement islamiste.
Et peut-on lire aussi :
« Aujourd’hui, vous annoncez
officiellement
la levée du blocus politique et
économique imposé à la bande de
Gaza », a dit à cheikh Hamad le chef
du gouvernement du Hamas Ismaïl
Haniyeh, à l’occasion de la pose à
Khan Younès (sud) de la première
pierre d’un projet immobilier
destiné à des familles défavorisées,
qui portera le nom de l’émir.
« Aujourd’hui, nous abattons le
mur du blocus (israélien) grâce à
cette visite historique et bénie »,
a-t-il ajouté.
L’émir n’a pourtant rien annoncé de
tel. Il a simplement dit qu’il allait un
peu dorer la cage dans laquelle sont
enfermés les habitants de Gaza, dont la
plupart sont des réfugiés ou descendants
de réfugies d’autres régions de la
Palestine.
Si la direction du Hamas et certains
Palestiniens semblent se bercer
d’illusions sur l’impact de la visite de
l’émir, l’opinion palestinienne fait
preuve semble-t-il de plus de maturité.
Et c’est sans doute pour cette raison
que l’engouement populaire pour cette
visite est plus apparent que réel.
Vous voulez une preuve ?
L’émir du Qatar annule son discours
dans le stade de Gaza
par Ibrahim Barzak | Associated
Press – 23octobre 2012 traduit de
l’anglais par Djazaïri
Ville de Gaza, Bande de Gaza –
L’émir de Qatar a annulé un discours
qu’il devait prononcer devant les
Palestiniens dans le plus grand
stade de football de la ville de
Gaza.
Les responsables du Hamas
présents dans le stade ont annoncé
l’annulation et ordonné aux milliers
de personnes présentes ce mardi de
rentrer chez elles.
Ce discours était le point
d’orgue de la visite historique de
l’émir dans la bande de Gaza.
Le Hamas a invoqué l’emploi du
temps chargé de l’émir quand il a
annoncé le changement. Mais le stade
n’était plein qu’à environ un
cinquième de sa capacité au moment
de l’annonce de l’annulation.
A la place, l’émir a prononcé un
discours devant un auditoire
beaucoup plus réduit à l’université
de Gaza.
Comme on le voit, pas plus l’OLP que
le Hamas ou l’émir du Qatar ne doivent
se faire d’illusions quant à leur
popularité réelle auprès de la
population palestinienne. Tous
incarnent, à des degrés divers,
l’incapacité des élites politiques
arabes à être à la hauteur des enjeux.
L’OLP va peut-être commencer à en
prendre conscience suite à son échec aux
élections municipales en Cisjordanie. Il
faudra sans doute un peu plus de temps à
un Hamas grisé par son succès
diplomatique pour comprendre qu’une
légitimité acquise dans les urnes il y a
quand même quelques années, ne signifie
pas un blanc seing ou une adhésion
unanime à des démarches qui contribuent
à diviser les Palestiniens et à mettre
en échec leur projet national.
Le déblocage de la situation
s’amorcera peut-être une fois que la
crise syrienne s’apaisera au profit, je
l’espère, d’une solution conforme à
l’intérêt national syrien et arabe.
Après tout, c’est bel et bien avec les
basses manœuvres du Qatar, de l’Arabie
saoudite, de la Turquie et des Etats
Unis que s’est nouée cette évolution
inattendue et funeste de la scène
politique palestinienne.
Le Hamas qui incarnait jusque là
l’esprit de résistance a pris le chemin
du renoncement pour une poignée de
dollars. Il lui reste quand même encore
un petit bout de chemin à faire pour
rejoindre l’OLP dans l’abjection.
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