Tunisie-Politique
Moncef Marzouki,
«son» Mufti extrémiste
et l'islam zitounien
Monia Kallel Mouakher
Mercredi 23 octobre 2013
Lettre
ouverte au président provisoire de la
république, Moncef Marzouki, qui a fait
entrer l'extrémisme au Palais de
Carthage et l'a même introduit dans les
institutions de l'Etat.
Par Monia
Kallel Mouakher*
Je suis de ceux qui respectent la
hiérarchie, la discipline et les
institutions de l'Etat.
Je suis de ceux qui étaient gênés de
voir les trois présidents se faire
renvoyer par les agents de la sûreté
nationale.
Je suis également de ceux qui croient
à la force du ressenti, et
l'imprévisibilité du comportement
humain, de ceux qui pensent que personne
n'est à l'abri d'un moment-bourrasque
qui balaye les plans et les idées les
plus accomplis.
En un instant (d'un certain 19
octobre 2013), des agents de la sûreté
nationale, venus assister aux obsèques
de leurs camarades, écrasés sous un
soleil de plomb, excédés de fatigue, de
colère, et de chagrin crient
«dégage», le célèbre slogan plus
libérateur qu'insulteur.
La rhétorique
salafiste pure et dure de «votre» Mufti
Cet instant, je l'ai vécu en écoutant
quelques heures après (sur la chaîne
nationale Watania 1) le Mufti de la
République.
Le «dégage», je l'ai
profondément pensé et je viens, par la
présente, l'écrire à vous, M. le
Président, qui avez choisi (?) de nommer
ce personnage à ce poste. Passons sur
son arrogance, sa brutalité, sa haine de
Bourguiba, ses falsifications de
l'Histoire de la Tunisie et de son
histoire.
Il est, nous sermonne-t-il, «un
prédicateur, un orateur et un savant»,
sorti de l'école zitounienne et nourri
du savoir des cheikhs Fadhel et Tahar
Ben Achour. Ces déclarations, taillées
pour la circonstance, sont contredites
par une rhétorique salafiste pure et
dure.
Hamda
Saied, le faux disciple de Tahar Ben
Achour
et vrai sympathisant d'Oussama Ben
Laden.
Le hasard a voulu qu'avant de voir
«notre» Mufti avec son beau
costume traditionnel tunisien, j'ai vu
sur le plateau d'une chaîne privée (à
laquelle vous avez accordé plus d'une
interviews) un barbu béret noir et qamis
blanc qui se réclame d'Ansar Charia, et
exprime ouvertement son allégeance au
mouvement Al-Qaïda.
Mais, étrange coïncidence, le
disciple de Ben Achour et le disciple de
Ben Laden tiennent exactement le même
discours: un discours mécanique,
manichéen, accusateur et diviseur. Il y
a le «nous» et le «vous»
(habituels), le musulman et le laïc,
l'islam vrai et l'islam pâle, dégradé.
Bourguiba, comme les Français (on est
plus indulgent avec l'Amérique !!!)
affirment l'un et l'autre (en usant des
mêmes mots), a «réduit» l'islam
à des «histoires», des «contes»
comme si leurs «analyses»
relevaient d'un rigoureux savoir, comme
si les idéologues étaient plus crédibles
que les conteurs, ou les politiques plus
fiables que les fabulistes, comme si une
religion, une culture ou une
civilisation pouvait survivre à ses
légendes, et ses structures
imaginaires!!!
Des
terroristes sur les plateaux de
télévision
Je veux bien continuer à croire au
«prestige de l'Etat», mais
pouvez-vous m'expliquer, M. le
Président, pourquoi et comment vous avez
porté l'ignorance à nos écrans?
Pourquoi et comment un gouvernement
qui prétend n'avoir aucun lien avec les
terroristes et promet de les combattre
protège-t-il leurs théoriciens, leurs
sympathisants et leurs discoureurs?
Les Ligues
de protection de la révolution, les
"pasdarans" d'Ennahdha,
au Palais de Carthage.
N'avez-vous pas noté, dans l'un de
vos livres, que pour un Arabe, la parole
est un acte et un engagement? Pourquoi
et comment offre-t-on des tribunes à des
individus qui viennent nous débiter des
démonstrations frivoles fantaisistes
pour minimiser la gravité de la
situation qui est en train de coûter la
vie à nos soldats (les barbus de
Goubellat, nous dit-on, cherchaient des
trésors enfouis dans la montagne, et le
Mufti nous explique que «le
terrorisme a commencé le jour où
Bourguiba a enlevé le voile aux femmes
et fermé la Zitouna»)?
Pourquoi et comment certaines chaînes
de télévision accueillent-elles des
extrémistes qui appartiennent à des
organisations classées par les
gouvernants dans la catégorie des
terroristes sans que ces mêmes
gouvernants, bien à l'affût, pourtant,
des «médias de la honte», ne
lèvent pas la moindre petite voix?
M. le Président, je veux bien croire
au manque d'expérience des chefs
actuels, à la difficulté de la situation
(économique et sociale) à condition
qu'on respecte ma mémoire, mes
sentiments et l'intelligence de ce
peuple qui, après avoir «dégagé»
le dictateur, se voit gouverner par des
politiques aussi sourds à ses
aspirations, aussi irrespectueux de sa
dignité et aussi prompts à s'abriter
derrières les scénarios complotistes.
M. Ali Larayedh, le chef du
gouvernement, ne trouve pas mieux, pour
justifier les «pancartes» du «dégage»
(brandies au bout de 80 minutes
d'attente) que d'accuser certains
«partis» d'avoir «préparé le
coup», infantilisant ainsi les
hommes qui veillent sur sa sécurité, et
la nôtre, et qui protègent
courageusement nos frontières...
Bilel
Chaouachi, membre de l'organisation
terroriste Ansar Charia,
a l'honneur des plateaux de télévision:
le terrorisme est devenue une opinion.
Quand il voulait sonder l'opinion
publique, le premier habitant de
Carthage et le fondateur de l'Etat
tunisien, demandait à son tailleur, et
homme de confiance, de lui rapporter ce
dont parlent les gens. Permettez-moi, M.
le Président, de jouer ce rôle et de
vous dire que dans les marchés et dans
les cafés, dans la rue et à
l'université, l'histoire du
«nouveau» Mufti est sur toutes les
lèvres. Les commentaires sont plus ou
moins sévères, plus ou moins construits
mais tous semblent saisis par son
intervention.
Alors, pourquoi, pourquoi, M. le
Président, avez-vous permis à ce
personnage de s'introduire dans nos
familles et de tenir un discours le
moins qu'on puisse dire est qu'il nous
est étranger?
* Universitaire.
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Publié le 23 octobre 2013 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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