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Opinion

L'échec du processus démocratique en Egypte :
une aubaine pour les djihadistes
Mohamed Tahar Bensaada

Lundi 5 août 2013

Les groupes djihadistes qui n’ont jamais parié un centime sur la voie démocratique se frottent les mains et attendent leur heure. Les provocateurs de la police, de la sûreté de l’Etat et des Baltadjia sont leurs premiers recruteurs.

Les USA viennent de décider de fermer provisoirement leurs ambassades dans une quinzaine de pays arabes dans ce qui est présenté comme une mesure préventive contre des projets d’attentats planifiés par la nébuleuse d’Al Qaida. Les informations faisant état d’une possible recrudescence des attaques visant les intérêts américains dans la région viennent renforcer un climat de tension extrême que la multiplication des violences, ces derniers jours, en Afghanistan, en Irak, au Yémen et en Syrie, n’a pas manqué de raviver. 

La décision américaine semble également en relation avec un évènement qui a fait la une dans les principaux titres de la presse américaine. Aymen Al Zawahiri, le successeur de Ben Laden à la tête d’Al Qaida, vient de pointer du doigt le rôle qu’auraient joué les Américains dans le coup d’Etat contre le président Morsi non sans avoir, au passage, rappelé combien ce coup d’Etat vient, de son point de vue, confirmer l’ « illégitimité » et l’inefficacité de la voie démocratique électorale et la naïveté de ceux qui en attendent le salut, dans une critique directe adressée aux Frères Musulmans coupables à ses yeux d’avoir abandonné la Charia de Dieu au profit de la « souveraineté populaire ». La conclusion lapidaire de Zawiri coule de source : le salut viendra du « djihad » armé contre l’Amérique et ses alliés locaux.

Dans ce contexte, les Américains sont en droit de se poser une nouvelle fois la question qu’ils n’arrêtent pas de se poser depuis les attentats du 11 septembre 2001 : « Pourquoi nous sommes à ce point haïs dans le monde musulman? »

Sans avoir besoin de revenir à la politique belliciste américaine dans la région depuis le soutien inconditionnel à la politique colonialiste et expansionniste d’Israël jusqu’aux guerres d’agression contre l’Irak en passant par la guerre contre l’Afghanistan depuis 2001, les Américains pourraient se pencher sur la politique suivie par leur pays face à ce qu’il faut bien appeler un coup d’Etat en Egypte..

Tergiversations américaines

Pour le moins qu’on puisse dire, la « diplomatie de la démocratie et des droits de l’Homme », qui a servi d’étendard à l’Amérique pour justifier ses dernières guerres impériales dans la région, semble en panne en Egypte. Comme l’a rappelé si malicieusement le chroniqueur britannique Robert Fisk, visiblement un coup d’Etat est un coup d’Etat…sauf quand cela se passe en Egypte.

A la rigueur, on pourrait admettre que l’Administration Obama a hésité à qualifier le coup d’Etat militaire égyptien par son nom pour éviter de décider la suspension de l’aide annuelle de 1,5 Milliard de dollars, dont la majeure partie est destinée à l’armée égyptienne, et pour se donner la possibilité de continuer à peser sur les évènements en cours.

Cependant, dans une sortie pour le moins maladroite, le chef de la diplomatie américaine, John Kerry n’a fait que confirmer les appréhensions de ceux qui pensent que l’Amérique soutient au fond l’intervention de l’armée égyptienne en déclarant que cette dernière est intervenue pour éviter une guerre civile et pour « rétablir la démocratie ».

Certes, le lendemain, dans une déclaration condamnant les violences et appelant à une solution politique négociée qui n’exclut aucune partie, John Kerry a semblé corriger sa déclaration de la veille. Outre qu’elles montrent l’embarras des dirigeants américains, ces déclarations contradictoires ne sont guère rassurantes pour ceux qui attendent mieux de la part de la première puissance mondiale dans une région aussi sensible pour la paix et la stabilité internationales.


John Kerry à Londres en compagnie du ministre émirati des Affaires étrangères

Si les tergiversations des officiels américains s’expliquent par le souci de ne mécontenter aucun des protagonistes principaux de la crise, il faut reconnaître qu’elles ont abouti au résultat contraire. Des deux côtés, du côté des militaires et de leurs amis civils comme du côté des islamistes, on n’hésite pas à accuser l’Administration américaine d’être indifférente à la « volonté populaire » égyptienne.

Si on peut admettre que dans l’absolu, les Américains ne sont ni avec les islamistes ni avec les militaires et leurs alliés laïcs dans la mesure où la seule chose qui compte pour eux est la préservation de leurs intérêts stratégiques, il n’en reste pas moins que l’armée égyptienne, qui dépend pour l’essentiel de l’approvisionnement américain et dont l’encadrement supérieur est formé par les Américains depuis les Accords de Camp David, constitue manifestement un allié plus sûr que les Frères Musulmans. Ces derniers paient entre autres le prix de leur proximité avec le Hamas à un moment où celui-ci est appelé à être neutralisé pour faire place nette à son rival de l’Autorité nationale palestinienne, au moins dans certaines lectures américaines influencées par les analyses des lobbies pro-israéliens qui sont, comme on le sait, assez bien placés dans les rouages de l’Administration américaine.

Mais forts des renseignements recueillis sur place par leurs diplomates et leurs espions, les Américains savent qu’aucune solution stable ne pourrait aboutir à long terme sans les Frères Musulmans et leurs alliés. C’est pourquoi leur ligne diplomatique reste malgré tout marquée par un certain pragmatisme qui semble décevoir leurs alliés égyptiens et arabes qui auraient souhaité que les Américains leur donnent le feu vert pour l’éradication de leurs opposants islamistes.

Même s’il ne faut pas négliger les facteurs internes qui ont précipité le coup d’Etat et notamment la vigueur des forces contre-révolutionnaires qui ont continué à disposer de puissants intérêts financiers et de relais au sein de l’ « Etat profond » (police et Justice) et des médias publics et privés, il est difficile d’ignorer les interférences internationales dans la crise égyptienne.

Si rien n’indique que les interférences américaines et occidentales en général ont été plus décisives que les interférences des deux pétromonarchies du Golfe qui ont parrainé le coup d’Etat (Arabie saoudite et Emirats arabes unis), en revanche, les Américains et les Européens seraient mal avisés de se cacher derrière une soi-disant impuissance qu’aucun observateur ne prendrait au sérieux.

Les chances d’une solution politique

En effet, les diplomaties américaine et européenne disposent d’assez de moyens de pression amicaux sur leurs alliés politiques et militaires en Egypte pour favoriser une détente politique propice à une sortie de crise honorable pour les deux parties même si dans le fond il est regrettable de mettre sur le même pied d’égalité les demandes de ceux qui revendiquent le respect de la légalité constitutionnelle et ceux qui la bafouent.


Le sous-secrétaire d’Etat américain William Burns reçu par le président intérimaire égyptien

Même si cela peut paraître tout à fait légitime du point de vue du droit, un retour pur et simple à la situation d’avant le 30 juin semble aujourd’hui irréaliste surtout que les adversaires des islamistes semblent préférer le risque d’une effroyable guerre civile à l’éventualité d’un retour au pouvoir du président Morsi. Tout en montrant une certaine intransigeance, quand ils déclarent notamment qu’ils ne n’accepteront rien de moins que le retour du président Morsi, les Frères Musulmans et leurs alliés, ont laissé entendre qu’ils restent ouverts à toute proposition de solution politique dans le cadre de la légalité constitutionnelle étant entendu que les formes et les modalités d’une telle solution politique devraient faire l’objet d’une négociation sérieuse entre les parties concernées.

Tarek Al Malat, dirigeant du parti Al Wassat et porte-parole de la délégation de l’ « Alliance pour la légalité constitutionnelle » qui a été reçue, le samedi 03 août, par le sous-secrétaire d’Etat américain, William Burns, a certes réclamé la réunion préalable des conditions d’une véritable réconciliation nationale qui passe par l’arrêt de la répression et la libération des cadres politiques emprisonnés. Mais il a en même temps montré une certaine ouverture politique en déclarant que si on s’entête à exclure le président Morsi du processus de transition démocratique en prenant pour argument politique la manifestation hostile du 30 juin, il faudrait aussi tirer logiquement les conséquences des manifestations incessantes depuis un mois contre le coup d’Etat et exclure du processus le chef de la junte, le général Al Sissi

Les facilitateurs américains et européens qui font la navette entre le Caire et leurs capitales respectives depuis quelques jours savent qu’aucune stabilité politique ne saurait être garantie en Egypte sans les Frères Musulmans et sur ce plan ils semblent confortés dans leur position par les déclarations des dirigeants du pouvoir actuel qui prétendent qu’ils n’ont jamais prévu l’exclusion des Frères Musulmans dans leur « feuille de route ». Mais outre les déclarations peu rassurantes des courants « éradicateurs » qui appellent à l’interdiction pure et simple des partis islamistes dans la future constitution, il est difficile d’accorder du crédit aux promesses des chefs de la junte militaire quand on sait que la plupart des dirigeants islamistes sont soit en prison soit recherchés par les services de sécurité sans parler de la vague d’arrestations des militants et des sympathisants dont on ne connaît pas le chiffre exact mais que des organisations des droits de l’Homme estiment à plusieurs milliers sur l’ensemble du territoire.

Appeler les islamistes et leurs alliés à négocier, ou pire encore à « rejoindre » la fameuse « feuille de route » des militaires, dans ces conditions, relève d’un chantage obscène et les facilitateurs américains et européens seraient mal avisés de donner l’impression qu’ils capitulent devant le chantage des militaires.

Bien entendu, en face des Américains et des Européens, il y a des militaires et des courants laïcs grisés par leur force et croyant peut-être un peu trop au fait que l’antipathie de certains cercles occidentaux et israéliens influents à l’égard des islamistes suffirait à leur procurer le soutien des chancelleries occidentales surtout après que les militaires aient réussi leur premier examen diplomatique qui a consisté à imposer un blocus total à Gaza et à fermer la quasi-totalité des tunnels, au grand bonheur des Israéliens, et après que les médias publics et privés égyptiens aient montré la couleur en actionnant une virulente campagne xénophobe d’incitation à la haine et à la violence contre les Palestiniens

Mais la politique n’est pas seulement affaire de sentiments. La stabilité politique régionale à laquelle tiennent malgré tout Américains et Européens risque d’être gravement compromise par l’aventurisme des militaires et de leurs alliés laïcs. Et toute hésitation de la part des Américains et des Européens dans ce dossier risque d’être interprétée par les militaires égyptiens et leurs alliés comme une faiblesse ou pire, comme un blanc-seing les autorisant à aller au clash avec leurs opposants islamistes.

Pour tenter d’éviter le pire à l’Egypte et à la région et pour sauver leurs propres intérêts et garantir la sécurité de leur seul et véritable allié naturel dans la région, l’Etat d’Israël, surtout à un moment où ils sont engagés à parrainer une reprise des négociations israélo-palestiniennes dans des conditions plus que douteuses, les Américains semblent avoir compris l’intérêt de désamorcer cette crise avant qu’il ne soit trop tard. Devant le chantage du général Al Sissi qui les accuse d’ « avoir tourné le dos à l’Egypte », les Américains ont visiblement fait appel à leurs alliés du Golfe pour qu’ils tentent, chacun de son côté, de modérer leurs alliés respectifs à l’intérieur de l’Egypte : les Emiratis devraient modérer leurs amis militaires tandis que les Qataris devraient pousser leurs alliés Frères Musulmans à plus de souplesse.

Quelle que soit la teneur des pourparlers tenus secrets, les Américains et les Européens n’ont pas intérêt à donner l’impression qu’ils cautionnent le fait accompli des militaires. Aucun réalisme diplomatique ne saurait justifier l’ignorance pure et simple de l’ampleur et de la profondeur de la mobilisation populaire contre le coup d’Etat durant cinq longues semaines et qui n’est pas près de s’arrêter si des signes d’un retour sérieux au processus démocratique ne sont pas perçus. Ce serait tout simplement un grave et dangereux déni de la réalité. Malgré un discours pseudo-nationaliste suranné, les « élites » aussi bien militaires que civiles qui tiennent aujourd’hui en otage l’Egypte sont malheureusement plus sensibles aux pressions occidentales qu’aux pressions de leur propre peuple qu’elles méprisent de manière éhontée.


Le sit-in de la place Rabaa Al Adawiya devenu un symbole de la résistance populaire au coup d’Etat

Les risques d’une dangereuse radicalisation

Les atermoiements des Américains et des Européens au début pouvaient s’expliquer par un attentisme compréhensible au vu de la complexité de la situation et du chantage exercé aussi bien par les appareils médiatiques violemment hostiles aux islamistes que par leurs alliés saoudiens et émiratis. Cependant, la mobilisation extraordinaire des forces attachées à la légalité constitutionnelle devrait aujourd’hui finir par les convaincre que la politique du fait accompli des généraux égyptiens et de leurs alliés civils, malgré le vacarme disproportionné d’une « société civile » surmédiatisée et les pétrodollars des monarchies du Golfe, n’a aucun avenir à moins d’accepter à payer chèrement le prix des dangereux dérapages qui pourraient en résulter.

Au moment où les diplomates américains et européens disent qu’ils sont en train de déployer des efforts considérables pour faciliter une solution politique en Egypte, il faudrait peut-être rappeler l’essentiel du drame qui se joue devant nous : si par malheur, les protagonistes de la crise égyptienne échouent à revenir au processus de transition démocratique pacifique et si les faucons de la coalition actuellement au pouvoir finissent par imposer la solution qui consiste à disperser par la force les sit-in et les manifestations populaires au prix d’un bain de sang, la seule leçon logique qui risque d’être retenue par une partie des vaincus d’un brutal rapport de forces serait d’abandonner les « mirages » de la voie démocratique et électorale et de la résistance pacifique.

Le risque serait alors grand que les forces islamistes qui croient encore aujourd’hui dans la démocratie se laissent aller à une radicalisation qui pourrait se transformer en une insurrection armée aux conséquences incalculables sur la stabilité et la paix de la région. Les groupes djihadistes qui n’ont jamais parié un centime sur la voie démocratique se frottent les mains et attendent leur heure. Les provocateurs de la police, de la sûreté de l’Etat et des Baltadjia sont leurs premiers recruteurs.

Réaliste ou exagérée, la perception fortement partagée par de larges secteurs de l’opinion arabe et musulmane que ce coup d’Etat n’aurait pas eu lieu sans la complicité américaine risque de renforcer la « haine » dont sont l’objet les Américains dans le monde musulman et qu’ils disent ne pas comprendre. Le « clash des civilisations » cher à Huntington et le « djihad » de Zawahiri auraient malheureusement de quoi se nourrir mutuellement au prix de violences inouïes qui ne feront que démultiplier le nombre des victimes innocentes qui sont chaque jour sacrifiées au nom de slogans divers et creux mais tout aussi ravageurs.

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Publié le 6 août 2013 avec l'aimable autorisation d'Oumma.com

 

 

   

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Source : Oumma
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