Tunisie
On achève bien les
révolutions aussi !
Mohamed Ridha Bouguerra
Lundi 9 avril 2012
Le souvenir de la célébration de la Fête
des martyrs, lundi 9 avril, en l’An II
de la Révolution, laissera à tous les
démocrates de ce pays un goût amer dans
la bouche et une forte impression de
désenchantement!
Par
Mohamed Ridha Bouguerra
Les coups de matraque et les bombes
lacrymogènes, qui ont accueilli les
manifestants en ce jour de recueillement
national, rappellent les plus tristes
souvenirs de l’ère de la dictature dont
nous avons cru avoir définitivement
tourné la page!
Photo
Fethi BelaId-Afp
La trahison
et le parjure
La sauvagerie avec laquelle a été
réprimée la manifestation de ce 9 avril
2012 est-elle logiquement concevable
après un certain 14 janvier? Au
spectacle désolant qu’offraient ce matin
l’avenue Habib Bourguiba noire de gaz et
les rues avoisinantes également
embrunies, la honte ne devrait-elle pas
faire rougir ceux qui ont posé leurs
fesses dans les fauteuils ministériels
après les élections du 23 octobre
dernier? Ne nous ont-ils pas tant juré
et promis, ces nouveaux hommes au
pouvoir, un changement radical grâce
auquel les Tunisiens allaient
définitivement accéder au digne statut
de citoyens égaux en droits et en
devoirs?
Or, les yeux larmoyants, les visages
ensanglantés et les membres cassés de
manifestants apeurés et souffrants ne
les accusent-ils pas de trahison et de
parjure?
Déjà, deux jours plus tôt, le 7
avril, un traitement similaire avait été
réservé aux jeunes diplômés chômeurs.
Mais ce n’était là, apparemment, qu’une
mise en train, une sorte de répétition
générale avant la grande et massive
entrée en scène d’aujourd’hui des forces
de l’ordre secondées par des milices
maintenant bien rôdées à cet exercice de
casser du manifestant!
Les bombes
lacrymogènes pourchassent les
manifestants dans les rues adjacentes.
Ph. Mohamed Mdala
La fin de la
récréation?
Il est à noter que ces milices
n’apparaissent chaque fois sur le
théâtre des opérations que lorsque les
manifestants ne sont pas des salafistes!
Car, il apparaît aux yeux de tous
aujourd’hui que le ministère de
l’Intérieur ne traite pas sur le même
pied d’égalité les intégristes
extrémistes et les autres citoyens
désireux de s’exprimer sur la voie
publique. Il suffit de se rappeler le
dimanche 25 mars et la manière avec
laquelle ont été ménagés ceux qui ont
escaladé l’horloge de la place du 14
janvier pour y hisser leur sinistre
drapeau noir ainsi que ceux qui ont
agressé physiquement les femmes et les
hommes du Quatrième art devant le
Théâtre municipal lors de la célébration
de la Journée mondiale du théâtre.
Alors, doit-on en conclure qu’il y a
désormais en Tunisie deux catégories de
citoyens, inégalement traitées, ceux qui
portent la barbe et ceux qui ont le
visage glabre? Ennahdha a-t-elle décidé
de cajoler les uns et de servir du
bidule aux autres? Le peuple s’est-il
soulevé contre le Rcd pour se trouver
soumis à une nouvelle dictature, celle
d’Ennahdha?
La
manifestation a pourtant commencé
calmement
Après le Rcd,
Ennahdha?
L’interdiction de manifester sur
l’avenue Bourguiba qui a été, dans les
faits, étendue à l’avenue Mohamed V
également arrosée de gaz lacrymogène,
est-elle le signal que l’on est en train
de siffler la fin de la récréation?
A-t-on décidé en haut-lieu que la
Révolution a déjà entièrement atteint
ses buts du moment où elle a porté le
parti religieux au pouvoir? La Liberté
devient-elle donc gênante aux yeux des
religieux ? Est-ce une nouvelle page de
la période post-Révolution qui s’ouvre ?
La répression est-elle sa marque
distinctive ? Est-ce ainsi qu’on achève
la Révolution ?
Ne devrait-on pas mettre en garde
Ennahdha et lui dire que c’est sa propre
tombe qu’il a commencé à creuser sur
l’avenue Bourguiba ce 9 avril 2012 et
non celle de la Révolution qu’il cherche
manifestement à enterrer?
Qu’on le veuille ou non, à partir du
14 janvier 2011, c’est une nouvelle ère
qui a commencé pour les Tunisiens où, à
la peur qui n’a plus de place, a succédé
l’aspiration à la liberté dans une
Tunisie ouverte, moderne, tolérante et
démocratique.
Il sera, désormais, bien difficile de
revenir à la case départ, celle du tout
répressif. Nos nouveaux et si peu têtes
politiques gouvernants devraient bien y
réfléchir avant de rééditer le coup
d’aujourd’hui sur l’avenue Habib
Bourguiba. A un 14 janvier pourra bien
succéder un autre 14 janvier et cette
fois le perdant ne se nommera pas Rcd
mais bien Ennahdha!
Mohamed Ridha Bouguerra,
Universitaire.
Photo de la banniere:Photos
Reuters-Zoubeir Souissi
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Publié le 10 avril 2012 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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