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Opinion
La résistance des
peuples arabes a traversé la méditerranée
Mohamed Belaali
Place Tahrir
Puerta del Sol
Mardi 31 mai 2011
«Nous sommes plus qu’hier mais moins que demain!»
disaient les révoltés espagnols de
la Puerta del Sol au centre de Madrid. «La
plus grande violence est la
pauvreté»
scandaient les indignés de la place Syntagma d'Athènes.
«A bas la dictature
financière!»
s'exclamaient les manifestants de Rossio à Lisbonne.
Les peuples se réveillent les uns
après les autres. Ils sont déterminés à prendre en charge
eux-mêmes leur destin pour l'arracher à un système qui tend de
plus en plus à dominer et à contrôler la vie des hommes pour
mieux la transformer en une vulgaire marchandise. De la Tunisie
à l'Égypte, du Maroc au Yémen, de l'Espagne au Portugal, de la
Grèce à l'Islande, les citoyens, hommes et femmes, jeunes et
moins jeunes, travailleurs et chômeurs relèvent la tête et
opposent une magnifique résistance pacifique au pouvoir de leurs
gouvernements, élus ou non, qui exécutent servilement les
décisions du FMI, de la Banque mondiale, des marchés financiers,
des agences de notation, des banquiers etc. La résistance au
capitalisme a traversé la méditerranée et s'installe en Europe.
Les liens de solidarité et de
fraternité entre les peuples en lutte effacent les
frontières et les préjugés nationaux qui les séparent et les
opposent les uns aux autres. La révolte contre l'injustice et
pour la dignité les a unis dans
la lutte pour un monde
différent et meilleur. Les révoltés de la Puerta del Sol ont
reçu ce message de soutien des jeunes révolutionnaires égyptiens
de la place Tahrir «Nous, en tant qu'activistes égyptiens,
qui avons protesté à Tahrir pendant de nombreuses journées (...)
saluons votre lutte. Grâce à notre unité entre les différentes
forces et mouvements sociaux(...) nous avons fait un grand pas
en avant pour un monde meilleur»
(1).
Dans le monde arabe, les
peuples se soulèvent contre de véritables dictatures, soutenues
par les bourgeoisies occidentales, qui les oppriment et les
humilient depuis des décennies. En Europe, c'est la dictature de
l'argent qui les étouffe et les marginalise. Il s'agit dans les
deux cas de deux visages, hideux, d'un même système, le
capitalisme. Au Nord comme au Sud, nonobstant les spécificités
et les différences importantes de chaque formation sociale
locale, ce sont les conditions d'existence réelles qui ont
poussé les peuples à se soulever. Ce sont les mêmes vautours qui
élaborent lâchement dans l'ombre les différents plans
d'ajustement structurel, de rigueur, d'austérité etc. pour
affamer les peuples par le biais d'une classe politique
corrompue et totalement soumise au diktat du capital. Les
peuples l'ont compris. Ils rejettent ces partis politiques qui,
une fois au pouvoir, les trahissent systématiquement et
appliquent avec un zèle singulier des politiques économiques qui
servent uniquement et strictement les intérêts des plus riches.
«Nos rêves ne rentrent pas
dans vos urnes»
disait un slogan de la Puerta
del Sol. Il ne s'agit bien sûr que d'un slogan, mais il montre
bien la méfiance des citoyens envers cette démocratie du capital
qui a enfanté une espèce de dictature imposant aux citoyens de
«choisir» entre deux partis qui appliquent la même politique;
c'est le parti unique de la bourgeoisie !
«Ce que nous voulons c’est une
vraie démocratie, une vraie politique élaborée par les citoyens
(...) Le message que nous voulons envoyer c’est que nous ne
sommes pas des marchandises entre les mains des politiques et
des banquiers»
disait une indignée de la Puerta del Sol (2).
De Ben Ali à Sarkozy, de
Moubarak à Zapatero en passant par Socrates et
Papandréou,
les visages et les situations sont certes différents,
mais les politiques imposées sont toujours au service d'une
seule et même classe sociale, la bourgeoisie développée ou sous
développée. La complicité des dirigeants du Nord avec ceux du
Sud est un fait bien établi. Ce n'est pas par hasard
que le gouvernement
français a soutenu le dictateur tunisien jusqu'au dernier pas
dans l'avion qui l'a transporté en Arabie Saoudite, l'autre
dictature qui écrase en ce moment même la révolte du peuple de
Bahreïn (3). Ce n'est pas par hasard non plus si
l'administration américaine a apporté son soutien à Moubarak au
mépris des millions d'égyptiens qui demandaient son départ. Et
lorsque les peuples relèvent la tête et commencent à camper sur
les places publiques et à occuper les rues et les quartiers
pacifiquement, les classes dominantes utilisent d'abord leur
arme redoutable et efficace, les médias. Leur silence
aujourd'hui sur les luttes des peuples arabes et les mouvements
d'indignation qui se développent en Espagne, en Grèce et au
Portugal notamment, est éloquent. Et si les citoyens continuent
ensuite à résister et relèvent le plafond de leurs exigences, la
classe politique au pouvoir utilise la répression et la
brutalité. Évidemment, la bourgeoisie européenne est plus
«civilisée» et sa brutalité est moins «violente» que celle
déployée à Bahreïn ou au Yémen par exemple. Mais cela ne
l'empêche pas de brutaliser les manifestants pacifiques de la
Plaça Catalunya à Barcelone ou de la Bastille à Paris. Silence
sur les luttes, répression et brutalité exercées sur des
citoyens et citoyennes pacifiques, au Nord comme au Sud de la
méditerranée, sont les seules réponses que peuvent offrir les
classes dirigeantes aux revendications légitimes des peuples.
Les révoltes dans le Monde
arabe et en Europe sont le produit des circonstances et des
conditions matérielles réelles dans lesquelles, malgré des
différences notables,
les hommes et les femmes sont méprisés et humiliés. Et c'est
contre ces conditions sociales méprisables que les masses se
sont soulevées pour les renverser radicalement.
Mohamed Belaali
(1) «Nosotros,
como activistas egipcios que protestamos en Tahrir durante
muchos días, exigiendo la democracia y la justicia social,
enviamos nuestro saludo a vuestra lucha. Con nuestra unidad en
Tahrir entre las diferentes fuerzas y movimientos sociales,
entre jóvenes y mayores, uniendo a millones de personas pobres y
trabajadoras, derrocamos al dictador Mubarak, y dimos un gran
paso adelante en la lucha por un mundo mejor»
http://tomalaplaza.net/apoyos/
(2)
http://www.pouruneconstituante.fr/spip.php?article415
(3) voir «répression et résistance à
Bahreïn»
http://www.legrandsoir.info/Repression-et-resistance-a-Bahrein.html
Le dossier Bahreïn
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