Opinion
« Lorsque le peuple
un jour veut la vie... »
Mohamed Belaali
Mardi 25 janvier 2011
(Idha-ch-cha'bu yawman...)
Lorsque le peuple un jour veut
la vie
Force est au destin de répondre
Aux ténèbres de se dissiper
Aux chaînes de se briser...
C'est ce poème de A. Chebbi(1) que
les tunisiens hommes et femmes, scandaient, la plupart du temps,
avec émotion et détermination dans leur lutte magnifique contre
le tyran Ben Ali. L'étincelle allumée par Mohamed Bouazizi a
enflammé tout un peuple et a emporté l'une des plus cruelles
dictatures . Le peuple tunisien vient d'écrire une page
glorieuse et lumineuse de son histoire.
Quelle gifle, quelle belle gifle donnée à tous ceux qui
pensent que les révolutions appartiennent à un âge révolu. Ils
sont surpris aujourd'hui par les événements historiques qui se
déroulent en Tunisie. Ils le seront davantage encore demain
lorsque d'autres peuples suivront l'exemple tunisien.
Belle gifle également administrée magistralement par le
peuple tunisien à ceux qui propagent l'idée selon laquelle les
peuples sont incapables de se débarrasser de leurs dirigeants
lorsqu'ils les trahissent. Ils oublient seulement que ce sont
les peuples qui font leur histoire, même s'ils ne la font pas
dans des conditions et circonstances choisies par eux. La
révolution tunisienne vient de le démontrer d'une manière
éclatante.
La victoire du peuple
tunisien,fait
unique dans le monde arabe,
c'est aussi la défaite
totale des bourgeoisies nationales incapables de porter le
moindre projet de développement économique et social digne de ce
nom. Elles se sont toujours méfiées du peuple. Elles l'ont
méprisé, marginalisé et humilié. Les bourgeoisies arabes, en
tournant le dos au peuple, se sont littéralement vendues aux
multinationales, à la Banque mondiale et au FMI dont elles
appliquent avec zèle les programmes d'ajustement structurel.
Leur enrichissement rapide et scandaleux est d'autant plus
révoltant que l'immense majorité de la population vit dans la
misère. Ce sont des bourgeoisies sous développées, parasites,
corrompues et, somme toute, inutiles.
Cette belle révolution a montré au grand jour , s'il en est
besoin encore, le visage hideux de la bourgeoisie occidentale,
notamment française qui a soutenu honteusement le dictateur Ben
Ali jusqu'à la dernière minute. Son soutien indéfectible à tous
les tyrans de la planète ne faiblira pas avec la chute du
despote tunisien; bien au contraire. Elle s'accrochera de toutes
ses forces à ceux qui restent encore, et ils sont hélas très
nombreux, de peur de les voir disparaître à leur tour. Ces
régimes constituent, localement,ses
meilleurs alliés pour asservir et piller les richesses des
peuples. La démocratie bourgeoise n'est nullement incompatible
avec la tyrannie et la dictature. Dès qu'un peuple se soulève
pour chasser un dictateur et améliorer sa situation économique,
sociale et politique, la bourgeoisie occidentale tente par tous
les moyens d'avorter le mouvement populaire et de maintenir,
vaille que vaille, le statu quo. L'exemple de la révolution
tunisienne est très probant à cet égard. La bourgeoisie
occidentale est l'ennemides peuples et du progrès.
L' immense espoir que la
révolution tunisienne a fait naître dans les masses populaires
arabes n'a d'égal que le désespoir et la souffrance qu'elles
endurent depuis fort longtemps. Les exemples d'immolation par le
feu, même si leur nombre reste pour l'instant très limité, se
multiplient un peu partout dans le monde arabe malgré que le
suicide est interdit par l'Islam, rappelé à plusieurs reprises,
entre autres, par les autorités religieuses d'Al-Azhar. C'est
que l'enfer de la situation vécue au jour le jour par la
population est réellement insupportable et le désir du
changement est immense. Chaque jour les médias arabes font état
de nouvelles tentatives. De la Mauritanie à l'Égypte en passant
par l'Algérie et le Yémen, on cherche à reproduire le geste de
Mohamed Bouazizi. Ces actes tragiques se produisent le plus
souvent dans l'espace public, devant la mairie, la préfecture,
le commissariat ou devant le parlement, c'est-à-dire devant les
symboles du pouvoir en place.
«C’était le seul moyen de
dénoncer la hogra, le mépris, la mal-vie dans laquelle on
s’engouffre»
disait Touati Senouci qui a
tenté de s'immoler devant la wilaya ( préfecture) de
Mostaganem en Algérie. (2).
Mohamed Aouichia s'est immolé lui aussi par le feu le 12 janvier
2011. Sur son lit d'hôpital, il explique son geste:«Moi
je ne fais pas de politique. Je lutte pour le social et pour
avoir un toit où je puisse vivre décemment avec mes enfants. Je
pense qu’il n’y a personne qui peut dormir avec sa sœur ou sa
fille de 20 ans dans une même chambre. Il y a de flagrantes
injustices dans ce pays. Les responsables vivent tous dans de
luxueuses villas alors que des centaines de familles vivotent
dans des conditions intenables (…) Pour moi El Intisar aou El
Intihar, (la victoire ou le suicide)»(2).
Le monde arabe est en pleine période de gestation. Demain, il
donnera peut être naissance à une nouvelle société construite
par le peuple et pour le peuple.
Bouazizi, la révolution tunisienne et ses martyrs sont
jalousement gardés dans le cœur de tous les opprimés du monde
arabe.
(1) Abou
el Kacem Chebbi(1909-
1934) poète tunisien de langue arabe. Les vers cités font partie
de l'hymne national de la Tunisie.
(2)
http://www.elwatan.com/weekend/7jours/immolation
Le dossier Tunisie
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