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Opinion
Procès de militants du BDS:
Des procès politiques, une entrave à nos libertés
Michèle Sibony
Michèle Sibony
Vendredi 8 octobre 2010
Une version écourtée de cet article a été publié dans "Politis"
du 7 octobre 2010.
Une série de procès commandés par la Garde des Sceaux
Alliot-Marie est engagée depuis quelques mois contre plusieurs
militants associatifs du mouvement de solidarité avec la
Palestine.
L'indignation légitime devant la poursuite de l'occupation et de
la colonisation par Israël, devant le siège de la population de
Gaza que cet État a illégalement engagé et continue depuis 5
ans, devant les innombrables violations du droit international,
de traités signés, le non respect des décisions de la cour
internationale de justice, a culminé avec la violente attaque
militaire de la population de Gaza en 2009.
Les associations du mouvement de solidarité français ont alors
répondu à l'appel du BDS lancé par la société civile
palestinienne en 2005. La complicité des gouvernements européens
et tout particulièrement du gouvernement français qui tout en
refusant d'appliquer les sanctions requises par les accords
européens, renforcent leurs liens commerciaux industriels
militaires, culturels avec la puissance occupante, place
aujourd'hui tous les citoyens devant leurs responsabilités:
-Exiger que le droit s'applique à Israël comme à tout autre
État, faire pression ici sur nos gouvernements pour obtenir
qu'il applique le droit avec les sanctions prévues par la
législation européenne,
-arrêter de consommer des produits israéliens entrant en toute
illégalité en Europe, et bénéficiant de dédouanements indus sont
aujourd'hui une revendication politique légitime et citoyenne.
? Rien n'est fait par ce gouvernement pour appliquer et faire
appliquer le droit. Au contraire force est de constater que
toute évolution de la situation vers des conditions réelles de
paix juste et durable se heurte aujourd'hui à une intolérable
collusion du gouvernement français avec le régime colonial et
d'apartheid israélien et ses supplétifs en France.
L'appel au boycott citoyen des productions agricoles
industrielles culturelles et militaires issues de ce régime
jusqu'à ce qu'il respecte le droit, tous les droits auxquels se
réfèrent les nations démocratiques, n'a à l'évidence rien à voir
avec les poursuites intentées contre les militants pour
«incitation à la haine raciale». Nombre des associations
impliquées dans le BDS ont connu l'époque du Boycott de
l'Afrique du Sud en France, et à cette époque aucun militant
n'avait été poursuivi. Pourquoi aujourd'hui et avec Israël? Le
boycott de l'Afrique du Sud a aidé cet État à changer de nature,
et à devenir celui de tous ses citoyens. Incitation à la haine
raciale? Plutôt collusion scélérate du gouvernement français
avec le régime israélien.
France Israël: une collusion scélérate.
Les plaintes et les pressions sont aujourd'hui à la fois
impulsées par les Parquets sur ordre de la Garde des Sceaux, et
le fait d'associations juives communautaires, ailleurs on dirait
communautaristes, constituées lors de la deuxième Intifada pour
défendre la politique israélienne en France, dont le BNVCAVA
dirigé par Sami Gozlan, membre du comité directeur du CRIF , et
Avocats sans frontières constituée par William Goldnadel élu
cette année au comité directeur du CRIF. Cette «association »
est responsable des procès intentés à des intellectuels et
journalistes français comme Daniel Mermet, Edgar Morin, Eric
Hazan, procès dont le but était précis: museler toute critique
d'Israël au moment où il frappait avec le plus de violence la
population palestinienne occupée. Et l'outil utilisé chaque fois
identique: critiquer le régime colonial israélien équivaut à de
l'antisémitisme. Scandaleux glissement, (sémantique aurait dit
un autre de ces missi dominici Finkielkraut) qui produit ce
qu'il prétend chercher à éviter, ce que Daniel Bensaïd avait
appelé une action de «pompier pyromane».
Esther Benbassa résumait ainsi la nouvelle définition de
l'antisémite imposée par ces serviteurs d'Israël, qui venaient
d'obtenir la condamnation pour antisémitisme d'Edgar Morin :
«Le nouvel antisémite» n’est plus celui qui hait le juif, mais
le juif démocrate incapable de fermer les yeux sur le sort
quotidien des Palestiniens placés sous occupation israélienne.
Curieux renversement augmentant sensiblement le nombre
d’intellectuels antisémites en Israël même! Car il ne manque pas
là-bas de juifs clamant haut et fort, dans les médias, leur
rejet des décisions de leur gouvernement et n’hésitant pas à
prendre des risques pour créer des passerelles de rapprochement
avec les Palestiniens...» Le Monde Diplomatique: Edgar Morin
juste d'Israël.
Il s'agit bien aujourd'hui d'étendre cette infamante accusation
d'antisémitisme non pas aux citoyens de toutes origines qui
haïssent les juifs, mais à tous ceux qui refusent de fermer les
yeux sur l'étranglement, et le démantèlement de la Palestine.
Le gouvernement français qui choisit de criminaliser cet appel
citoyen et politique au boycott du régime israélien d'occupation
et de colonisation pour le respect et l'application du droit,
traite en criminels les réfugiés dits sans papiers et traduit en
justice ceux qui leur manifestent une solidarité d'être humain.
l'Europe entière ( à part Berlusconi!) le condamne aujourd'hui
pour ses circulaires discriminantes et sa politique raciste
contre les Roms . Ses ministres tiennent des propos islamophobes
et antiarabes, et proposent des lois et des enquêtes sur
l'identité nationale chargées de semer haine et division.
Par le refus des sanctions, la complicité du silence et
aujourd'hui la répression de la solidarité civile il cautionne
la politique du pire israélienne en garantissant à cet Etat de
faire la chasse aux boycotteurs. Daniel Shek, l’ambassadeur
d’Israël en France le confirmait ainsi il y a quelques mois:
«Nous encourageons des organisations à porter plainte contre les
organisateurs du boycott. Nous conduisons des activités
politiques à l’ambassade en liaison directe avec des ministres,
des organisations, des étudiants et des consommateurs, qui se
réveillent». The Marker, Tel-Aviv, 27 janvier 2010. cité dans Le
monde diplomatique de février 2010 (Boycott: la contre-offensive
d’Israël et de ses amis- Dominique Vidal).
Pourtant le bilan est simple et les faits vérifiables:
Aucun produit israélien n'entre légalement en Europe
aujourd'hui, au regard des accords d'association signés entre
Israël et l'Europe:
• Ceux des colonies, puisque fabriqués hors du territoire
israélien tel que défini dans cet accord (la ligne verte qui
correspond au partage onusien de 1949 seule frontière reconnue à
ce jour) et fruits de l'exploitation d'une terre et de
ressources volées avec le travail salarié de Palestiniens sans
droits.
• Ceux d'Israël même, puisque en violation de l'article 2 de
l'accord d'association qui conditionne la totalité de l' accord
au respect des droits humains.
• Toutes les universités israéliennes sont directement
impliquées dans l'occupation : presque partout des bourses
spéciales sont accordées aux soldats de l'opération «plomb
durci» par exemple; formations d'officiers (Haïfa), recherche en
armement (Technion), des hauts gradés de l'armée sont membres
des directoires d' universités ( Jérusalem), des bases militaire
sont installées sur les campus (Haïfa), des bâtiments de
l'université de Jérusalem s'édifient sur des terres confisquées
de Jérusalem Est. Tout cela pendant que la coopération
universitaire croît et multiplie avec la France, où des
universités frileuses ne parviennent à envisager une aide au
système universitaire palestinien que doublée d'une aide à ces
mêmes universités israéliennes: on finance la victime et le
bourreau à la fois, pour s'en «laver les mains» sans se
mouiller.
• La coopération internationale, est conçue de la même manière
dans nombre de municipalités et conseils régionaux : pour aider
un paysan palestinien de Hébron, persécuté par des colons, il
faut aider une coopérative israélienne prospère et tranquille.
Pour financer un hôpital à Naplouse, il faut aider celui de
Afula. Etc.. Ceux qui s'opposent à ce système pervers sont
traités d'antisémites, en tous cas l'argument massue utilisé par
les conseils municipaux et régionaux est toujours celui de
l'égalité de traitement, afin de démontrer au CRIF qui ne
manquera pas d'intervenir, que l'on n'est pas antisémite.
• Les événements sportifs et culturels, commandités par
l'ambassade et les institutions israéliennes en France, sont
autant d'opérations de promotion de l'image de marque de la
démocratie israélienne chargées de faire oublier à nos
concitoyens les millions de Palestiniens qui vivent sous la
botte et sans droits, à Gaza, en Cisjordanie, expulsés de
Jérusalem, en exil dans des camps de réfugiés, où discriminés et
de plus en plus violemment réprimés en Israël même.
• L'ONU a voté , et la France aussi, le rapport Goldstone qui
accuse clairement Israël de crimes de guerre à Gaza ,or ces
criminels de guerre peuvent être accueillis sans problème en
France et nombre d'entre eux poursuivis internationalement sont
régulièrement et cordialement reçus à Paris.
• Un rapport de l'ONU vient de condamner Israël pour son attaque
illégale de la flottille humanitaire vers Gaza et la violence de
son intervention qui a fait 12 morts militants internationaux de
la solidarité . Rien.
Mais qui est poursuivi et traduit devant des tribunaux, mis en
examen pour incitation à la haine raciale?
Les citoyens qui ne supportent plus, n'admettent plus
l'hypocrisie et le mensonge érigés en vérités, le déni de droit,
en règle générale, et les combattent publiquement avec un outil
pacifiste qui a fait ses preuves dans d'autres luttes. Celle des
droits civiques aux Etats Unis, comme celle contre l'Apartheid
sud-africaine, et celles des peuples colonisés pour leur
indépendance. Il n'est pourtant pas difficile de faire le lien
avec cette cause, sauf à refuser l'évidence.
S'il s'agit d'informer le public souvent peu méfiant parce que
désinformé sur les produits israéliens, d'expliquer les
conditions de leur production, d'interpeller les distributeurs
sur les produits illégaux, il s'agit clairement aussi
d'inquiéter Israël, oui de l'inquiéter, quel délit! de lui faire
sentir qu'il peut avoir à payer le prix de sa politique, par
l'isolement et le rejet. N'est-ce pas le minimum? Non pas dans
un but haineux de destruction mais justement pour l'obliger à
infléchir sa politique dans le sens du respect du droit. Quel
crime! Qu'a-t-il à gagner avec sa politique à moyen terme?
N'est-il pas urgent et vital pour les Palestiniens mais aussi
pour les Israéliens de sortir de cette impasse tragique? Qui
pourra nous faire croire qu'aujourd'hui la solution est dans les
mains des Palestiniens?
Nous savons tous, le gouvernement français aussi, qu'Israël a le
choix entre achever sa destruction de la Palestine et porter le
poids de ce qui serait un crime contre l'humanité, pour le reste
de son histoire, ou changer de cap radicalement et envisager
enfin un juste partage de la terre, de l'eau, des droits, de la
vie, avec un peuple qui ne demande que cela.
Se battre pour qu'Israël fasse le bon choix n'est pas un crime
ni un délit, quoi qu'il arrive cela apparaîtra comme une action
éthique et digne. Nous devons défendre nos concitoyens attaqués
contre l'arbitraire de procès politiques à courte vue, contre
une justice instrumentalisée au service d' un État qui devrait
être internationalement poursuivi et sanctionné.
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