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Le CRIF: Un sale boulot pour les juifs
français
Michèle Sibony
Michèle Sibony - Photo TV Bruits
Mercredi 4 mars 2009
Le CRIF vient encore une fois de tenir son devenu incontournable
dîner. Il se permet aujourd'hui d'éliminer les partis politiques
qui lui déplaisent parce qu'ils ne soutiennent pas
inconditionnellement la politique israélienne. Sans doute cela
signifie-t-il pour lui qu'ils sont antisémites, ou soutiennent
des antisémites. Il est atterrant d'entendre les commentaires
sur ces exclusions par la plupart des media et certains élus,
qui viennent confirmer l'importance de l'événement. Il faut
absolument en être sinon on est un paria antisémite.
Fonctionnant en véritable groupe de pression en France au
service du gouvernement israélien et de son armée (ne
participe-t-il pas régulièrement à des galas chargés d'honorer
et de financer cette armée?), le CRIF passe donc ses messages
politiques, et presque toute la presse les relaie allègrement.
La France entière les reçoit... mais surtout le gouvernement
français prend position publiquement et s'aligne.
Les messages du CRIF pour l'année 2009, l'année Gaza:
1 – la France doit être placée sous le signe de
l'antisémitisme qui monte.
Monsieur Prasquier, celui là même qui a osé affirmer, lors d'une
manifestation de soutien à l'opération israélienne à Gaza, que
95% des juifs de France soutenaient ce massacre - une phrase
considérée comme franchement antisémite par Jean François Khan
dans Marianne -, n'est pas gêné de parler d'une «explosion de
haine d'une virulence alarmante» lors des manifestations de
soutien à la population de Gaza. Ainsi il ressort la vieille
bonne carte, le Joker qui sert à faire taire sur Gaza.
S'il est vrai, problématique et dangereux que des pics d'actes
ou propos antisémites sont constatés à chaque opération
meurtrière de l'armée israélienne contre les Palestiniens de
Cisjordanie ou de Gaza, le CRIF et ses présidents successifs
depuis 2000 devraient cependant s'interroger sur leur rôle actif
dans l'assimilation de tous les juifs français avec la politique
israélienne d'aujourd'hui, d'occupation de colonisation, de
blocus et de crimes de guerre ainsi que de violations des droits
humains. Assimilation qui marche aux yeux de certains, les plus
fragiles et les moins construits politiquement et qui favorise
les passages à l'acte antisémites au lieu de l'action politique
requise.
A l'inverse, il faut rappeler le rôle exemplaire du collectif
national des associations pour une paix juste et durable entre
Israéliens et Palestiniens comme des innombrables collectifs de
Province qui ont organisé et conduit dans toute la France les
manifestations politiques contre l'opération israélienne sur la
Bande de Gaza. Les communiqués et appels aux manifestations, les
mots d'ordres et des services d'ordre qui ont fonctionné avec la
règle qu'aucun slogan raciste ne serait admis. Même si le
service d'ordre parisien a été débordé par le nombre incroyable
de participants dans la première manifestation, il s'est
renforcé dès la seconde et a travaillé avec deux lignes rouges :
pas de fascistes dans nos manifestations et pas de racisme
d'aucune sorte. C'est ainsi qu'il a sorti de force plusieurs
groupes répondant à l'un ou l'autre de ces deux critères (ou aux
deux) des manifestations où ils tentaient d'entrer.
Monsieur Prasquier parle de haine dans ces manifestations. Non,
il n'y avait pas de haine, mais une immense colère contre la
violence sans limite, «sauvage» selon le terme recommandé par
Tsipi Livni pour l'action de ses soldats. Oui, c'est la colère,
et aussi une immense douleur devant le sort des habitants de
Gaza livrés aux criminels de guerre par nos dirigeants
politiques et que nous étions, nous la société civile, des
millions dans le monde à défendre, exigeant que les crimes
soient punis. Et cette colère n'est pas près de se calmer, pas
avant que les criminels de guerre ne soient présentés à La Haye.
N'en déplaise au CRIF. La haine, nous l'avons vue dans les
bombardements au phosphore de Gaza, sur les écoles, les hôpitaux
et les lieux de culte, entendue dans les propos des dirigeants
israéliens et les commentaires d'une grande partie de la presse
et même, de certains soi-disant intellectuels de gauche en
Israël.
Car en réalité le CRIF et Monsieur Prasquier ont un problème :
leur minable et pathétique tactique d'allumage du contre-feu
«antisémitisme» pour faire oublier Gaza, si elle marche avec une
certaine classe politique, qui simule la sympathie - en grinçant
des dents parfois, mais alliances et stratégies néo libérales
ont leurs exigences; et effectivement pour ceux là il faudrait
faire oublier Gaza et mettre au pas les Palestiniens en les
obligeant à accepter l'inacceptable, comme ils tentent de le
faire ici en France-, elle n'a aucune chance de prendre sur la
société civile qu'elle irrite gravement et qui ne renonce pas à
défendre les droits que les pouvoirs attaquent là bas comme ici.
Cette tactique est encore une fois calquée sur celle des
gouvernements israéliens : comme en 2002 Sharon avait appelé à
l'émigration des juifs français victimes de l'antisémitisme,
aujourd'hui l'une des 5 exigences de Lieberman pour accepter la
coalition avec Netanyaou et/ou Livni est la création d'un
cabinet gouvernemental chargé de l'intégration de l'immigration
juive qui ne manquera pas d'arriver d'Europe et d'Amérique en
raison de la poussée d'antisémitisme que l'on sait. Exigence
acceptée d'ailleurs par les deux leaders politiques !
Pourtant la tentative est perdu d'avance, seuls les convaincus
le seront, et nous ne marcherons pas dans la combine, c'est
peut-être cela que Monsieur Prasquier appelle l'antisémitisme :
le refus de se taire sur Gaza et la Palestine, quoiqu'il arrive.
Et le refus de céder au chantage obscène. Si l'antisémitisme se
développe en France ce sera grâce au CRIF et à Monsieur
Prasquier et à leur tactique du gendarme, et aussi grâce à ces
nombreux média larbins des petits chefs. Nous nous resterons du
côté des droits et des opprimés, contre l'injustice, et la
barbarie. Mais il est clair que Monsieur Prasquier et le CRIF ne
font pas le pari de la société civile et du droit, mais celui du
pouvoir et de la force.
2 - La France ne doit pas aller à Genève:
Prasquier a utilisé, lui, l'expression israélienne consacrée
pour désigner le quatrième Conseil des droits de l'homme de
l'Organisation des nations unies qui se tiendra à Genève en
Avril. Il l'a appelé comme le gouvernement israélien et ses
soutiens : «Durban 2» , afin de clairement l'aligner sur le
premier qui s'était tenu à Durban en août 2001 au moment de la
seconde Intifada.
Dans le forum des ONG parallèle à ce conseil de représentants
des Etats, des propos antisémites avaient été tenus. Et
l'amalgame avait été fait par Israël entre ce qui avait circulé
du fait de certaines ONG, et les recommandations officielles du
Conseil des droits de l'homme, afin de les couvrir d'opprobre.
Car ces recommandations parfaitement honorables avaient, très
timidement, remarqué que la situation des Palestiniens des
Territoires Occupés méritait l'attention, tout en prenant soin
de rappeler la nécessaire garantie de Sécurité pour Israël. Mais
en 2001 c' était déjà trop pour Israël, et la campagne anti
Durban a servi à baîllonner toutes les critiques sur
l'occupation et la colonisation et leur illégalité, sur les
assassinats ciblés, les meurtres de civils, les emprisonnements
sans jugement ... la liste serait trop longue.
Ainsi, il faut donc se débarrasser de cette conférence: une
véritable conquête pour les peuples, une organisation de l'ONU
qui repère sur tous les continents les violations des droits
humains et le racisme, qui fait des recommandations à chaque
Etat, et qui mesure de session en session l'avancement des
situations. Tout cela se fera sans Israël bien sûr, sans le
Canada qui a déjà cédé à l'intimidation, sans les Etats-Unis qui
viennent de se retirer, et sans doute sans la France a
pratiquement annoncé Monsieur Fillon, au dîner du CRIF.
De même Israël fait partie des sept Etats avec les Etats- Unis
et la Chine qui se sont opposés à la création de la Cour Pénale
Internationale. Hors de question d'avoir à rendre des comptes à
quiconque, Israël se situe aujourd'hui dans l'exception, au
dessus des lois et critiques. Normal, tout ce qu'il peut faire
il le fait pour sa survie, c'est cet obsédant discours qu'il
insuffle aux israéliens et à l'étranger. Tout acte ne se
justifie-t-il pas par cette raison absolue et immanente de la
survie? Et là quel tribunal ou quelle conférence internationale
pourrait avoir quelque chose à dire? Il est important de mesurer
à quel point ce concept est intégré jusque dans l'inconscient
israélien, comme un «mantra», au point même que devant chaque
«crise» - et la métaphore médicale prend ici tout son sens -,
les journalistes et «intellectuels» israéliens reproduisent
presque mot à mot leur partition pour soutenir l'insoutenable.
Pour la société civile française, et particulièrement pour les
associations oeuvrant pour une paix fondée sur le droit entre
Palestiniens et Israéliens, la participation à Genève en Avril
comporte un double enjeu :
- exiger la condamnation des violations des droits humains par
Israël dans les Territoires Occupés et à Gaza, ainsi que de ses
pratiques légales discriminantes à l'égard de ses citoyens
d'origine palestinienne;
- l'exiger ensemble, français de toutes origines, en même temps
que nous réaffirmerons notre violente répulsion contre toute
forme de racisme.
Parce que ce racisme, outre qu'il est totalement étranger à
notre action et notre conception du monde, est un double piège :
il veut transformer le conflit et ses enjeux de politiques en
ethniques et religieux; et du coup délégitimer un des combats
contemporains les plus justes : celui de la reconnaissance des
droits des palestiniens bafoués depuis plus de 60 ans. Et cela
c'est le rêve du CRIF et d'Israël.
Michèle Sibony
UJFP
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