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Info Palestine
Au risque d’une guerre civile
Michel Warschawski
Les
États-Unis et Israël tentent de renforcer le président de l’Autorité
palestinienne, Mahmoud Abbas (Fatah), aux dépens du Premier
ministre, Ismaïl Haniyeh (Hamas). Conséquence : les
affrontements interpalestiniens se multiplient, et les risques
d’une guerre civile augmentent.
« Il
faut renforcer Abou Mazen [Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité
nationale palestinienne] ! », tel est le nouveau mot
d’ordre qui, dans le consensus israélien, tient lieu de stratégie.
Lancé par Condoleezza Rice lors de la visite, il y a deux mois,
du Premier ministre israélien, Ehoud Olmert, à Washington, il a
été reçu cinq sur cinq par les politiques israéliens, comme il
se doit quand c’est l’Empire qui parle. Une chose est de dire
« Oui chef ! », tout autre chose est de donner un
contenu à ce mot d’ordre.
Jusqu’à présent, le « renforcement d’Abou
Mazen » s’est soldé par une bise retentissante, suivie
d’un dîner dans la résidence d’Ehoud Olmert et d’un chèque
de quelques centaines de milliers de dollars. La bise a mis le président
palestinien dans l’embarras, le repas n’était pas terrible et
les dollars... appartiennent de toute façon aux Palestiniens, et
étaient retenus illégalement dans les caisses du trésor israélien.
Même la libération de quelques centaines de détenus
palestiniens - seule mesure qu’auraient appréciée les
Palestiniens des territoires occupés - n’a pas été concédée
par le Premier ministre israélien, transformant la bise médiatisée
en une étreinte des plus compromettantes pour le président
palestinien, dont l’image de marque est déjà suffisamment dégradée
et qui n’avait pas besoin de cette hypocrite marque d’amitié
pour être accusé par certains militants de son propre parti d’être
devenu, si ce n’est un collaborateur, du moins une marionnette
aux mains des Américains.
Il s’agit de renforcer Abou Mazen afin
d’affaiblir le gouvernement Hamas, massivement élu et toujours
soutenu par la majorité des Palestiniens. Pour ce faire, il
faudrait montrer au peuple palestinien que, contrairement au Hamas,
Abou Mazen peut obtenir le gel de la colonisation - auquel Israël
s’est engagé dans la feuille de route, il y a près de cinq ans !
- et, dans le cadre de négociations rapides et efficaces avec
Israël, mettre fin à 40 ans d’occupation. Mais cela n’est évidemment
pas au programme du gouvernement d’union nationale d’Ehoud
Olmert et d’Amir Peretz.
Comment peut-on espérer renforcer Abou Mazen,
alors que la colonisation se poursuit de façon accélérée et,
contrairement à l’époque d’Ariel Sharon, fait l’objet des
fanfaronnades du Premier ministre et de son ministre de la Défense,
le travailliste Amir Peretz, qui viennent tous les deux
d’annoncer la reconstruction d’une colonie dans la vallée du
Jourdain ? Cette déclaration a d’ailleurs provoqué
l’ire du département d’État américain, qui veut à tout
prix donner l’impression que si les choses ne s’améliorent
pas dans les relations israélo-palestiniennes, au moins elles
n’empirent pas.
Comment renforcer Abou Mazen quand on lui concède
quelques centaines de milliers de dollars, alors que l’on empêche
le Premier ministre, Ismaïl Haniyeh, de faire entrer plusieurs
milliards de dollars dont l’Iran vient de faire don à l’Autorité
palestinienne ? Si l’on voulait faire passer Mahmoud Abbas
pour un collabo aux yeux de son propre peuple, on ne s’y
prendrait pas autrement. Mais le pire est que les Israéliens ne
le veulent pas, et ce n’est que par aveuglement colonial
qu’ils donnent à celui qu’ils voudraient effectivement
renforcer, mais sans y mettre le prix, le baiser de la mort.
La stratégie algérienne
Las de tenter d’affaiblir le Hamas par le
renforcement impossible, dans les conditions actuelles, d’Abou
Mazen, certains proches du président des États-Unis et de la
CIA, d’une part, et des services secrets israéliens, de
l’autre, préfèrent la méthode algérienne de 1992, qui
consistait à renverser par la force un gouvernement légitime,
quitte à fomenter une guerre civile. C’est l’arrière-fond
des confrontations sanglantes à Gaza de ces dernières semaines
entre des militants du Fatah et des militants du Hamas, et dont le
Fatah porte l’entière responsabilité. Le Fatah, ou plutôt un
courant du Fatah, que l’on peut appeler le « courant algérien »
ou encore le « courant éradicateur », est encouragé
par Washington et Tel-Aviv et est prêt à en découdre avec le
Hamas pour récupérer le pouvoir... et ses prébendes.
Comme l’a montré le cas algérien, de telles
manœuvres ne feront que renforcer la popularité du Hamas,
d’autant que les prétendus chevaliers de la démocratie et de
la laïcité, qui rêvent d’en découdre avec le gouvernement légitime,
tel Muhammad Dahlan, l’ancien chef de la sécurité préventive
à Gaza, ont une image de marque plutôt sulfureuse, qui ne peut
que grandir celle du Hamas que personne ne peut accuser de
malversation ou de corruption. Yasser Arafat entrera dans
l’histoire comme celui qui a été prêt à sacrifier jusqu’à
sa liberté pour empêcher une guerre fratricide entre
Palestiniens et contrer les pressions combinées de Tel-Aviv et de
Washington. Mahmoud Abbas n’a ni la carrure, ni le prestige du
fondateur de l’OLP et, même s’il est injuste de l’accuser
de tenter de fomenter une guerre civile, il tente en revanche de
satisfaire la Maison Blanche en essayant de déstabiliser le
pouvoir légitime afin de lui imposer un gouvernement qui
donnerait un pouvoir de veto à ceux précisément que les électeurs
ont voulu sanctionner.
La situation constitutionnelle qui crée, de fait,
un double pouvoir - celui du Conseil législatif et celui du président,
tous deux élus par le suffrage universel - donne une couverture légale
aux manœuvres du président Abbas. Mais, aux yeux de la majorité
des Palestiniens, elles ont une forte odeur de compromission avec
Bush et Olmert.
5 janvier 2007 - - Vous pouvez consulter cet article
à :
http://www.lcr-rouge.org/article.ph...
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