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Opinion
Boycott d'Israël: qu'est-ce qui est vraiment « indigne » et «
illégal » ?
Michel Collon
Photo: Latuff
Mercredi 3 novembre 2010
Réponse à Pascal Bruckner, Bertrand Delanoë,
Alain Finkielkraut, Bernard-Henri Lévy, Yvan Attal, Pierre
Arditi, Michel Boujenah, Patrick Bruel et Cie…
« Le
boycott d'Israël est une arme indigne »,
écrivez-vous ce lundi 1er novembre dans
Le Monde.
Vous affirmez avec une certitude étonnante que
« la Justice française ne tardera pas à
confirmer » l’illégalité du
boycott. Selon vous, tous ceux qui veulent ainsi aider les
Palestiniens à obtenir leurs droits seraient des hors-la-loi.
Votre argument ? On ne saurait appliquer ce
« type de traitement à la démocratie
israélienne ».
Mais comment pouvez-vous appeler « démocratie » un Etat
qui s’est construit par la violence, en chassant les
Palestiniens de leurs maisons et de leurs terres en 1948 ? Un
Etat qui, à toutes les époques, n’a cessé de planifier le
nettoyage ethnique :
« Nous devons expulser les Arabes et
prendre leur place » (David Ben
Gourion, 1937).
« Les Palestiniens seront écrasés
comme des sauterelles, leurs têtes éclatées contre les
rochers et les murs » (Yitzhak
Shamir, 1988).
« Entre nous soit
dit, il doit être clair qu'il n'y a pas de place pour deux
peuples dans ce pays. Il n'y a pas d'autre possibilité que
de transférer les Arabes d'ici vers les pays voisins - tous.
Pas un seul village, pas une seule tribu ne doit rester. »
(Joseph Weitz, 1940).
« Les Palestiniens n'ont jamais
existé. » (Golda Meir, 1969)
« Chacun doit bouger, courir et
s'emparer d'autant de collines qu'il est possible pour
agrandir les colonies, parce que tout ce que l'on prendra
maintenant restera à nous… Tout ce que nous ne prendrons pas
leur restera. » (Ariel Sharon,
1998)*.
Comment pouvez-vous appeler « démocratie » un Etat qui,
aujourd’hui encore, refuse le retour des gens qu’il a
chassés et continue à voler systématiquement les terres pour
s’agrandir tout en prétendant négocier ?
Soyons clair : un Etat colonial, basé sur le vol de la terre
et l’expulsion d’un peuple, ne sera jamais une démocratie.
Même s’il possède un parlement, même si les voleurs
discutent démocratiquement entre eux sur la meilleure façon
de voler, ça reste un Etat de voleurs qui règnent par la
force.
Le boycott est-il illégal ?
Absolument pas, puisqu’il vise à assurer le respect du
droit. Voici ce qui est réellement illégal…
Avoir chassé les Palestiniens de leur pays en 1948 et
refuser leur retour est illégal, affirme l’ONU. Conquérir de
nouveaux territoires par la force est illégal. Empêcher les
Palestiniens de vivre sur leurs terres, de travailler,
d’étudier ou de circuler librement est illégal. Détruire
leurs maisons et leurs oliviers est illégal. Emprisonner des
enfants de douze ans est illégal. Construire un mur de
séparation, voler l’eau et les terres des territoires
occupés est illégal. Utiliser des armes au phosphore et au
laser est illégal. Bombarder des maisons, des écoles, des
hôpitaux, des ambulances, des missions de l’ONU est illégal.
Torturer est illégal. Assassiner les dirigeants palestiniens
est illégal. Massacrer des défenseurs de la paix dans les
eaux internationales est illégal.
Face à ces illégalités, que fait la ministre française de la
Justice ? Appelle-t-elle à sanctionner l’Etat qui les
commet ? Empêche-t-elle l’importation en France des produits
issus de ce vol des terres ? Non, elle attaque ceux qui
dénoncent cette illégalité ! Et vous soutenez cette ministre
qui bafoue le droit international. Ahurissant !
Vous écrivez :
« Nous sommes résolument contre le
boycott parce que nous sommes pour la paix. ».
Mais le boycott existe déjà ! Depuis
soixante ans, les Palestiniens sont boycottés par Israël, et
vous ne faites rien contre ça. Puisque les dirigeants
israéliens n’agissent qu’en fonction du rapport de forces,
le boycott est une arme parfaitement digne pour leur imposer
la paix. Comme il le fut contre l’apartheid en Afrique du
Sud.
Vous écrivez :
« La critique n'a rien à voir avec le
rejet, le déni, et, finalement, la délégitimation. »
Mais depuis soixante ans, Israël
rejette, nie et délégitimise les Palestiniens et ça ne vous
indigne pas ?
Vous écrivez :
« Céder à l'appel du boycott, (c’est)
signifier que la négociation n'est plus dans le champ du
possible. » Pas du tout. La
solution existe, elle est toute simple, comme vient de le
rappeler le musicien juif Gilad Atzmon :
« Les Israéliens peuvent mettre fin au
conflit en un clin d’oeil : demain matin à son lever,
Nétanyahou rend aux Palestiniens les terres qui leur
appartiennent ».
C’est trop demander ? Dès 1968, les
grandes organisations palestiniennes ont elles-mêmes fait de
grandes concessions en proposant de former un seul
« Etat démocratique, progressiste, non
confessionnel dans lequel juifs, chrétiens et musulmans
vivront ensemble en paix et en jouissant des mêmes droits. »
C’est Israël qui a refusé et refuse toujours, c’est Israël
qui s’accroche à son obsession d’un Etat ethniquement pur,
réservé aux juifs, et vous ne lancez pas de grands appels
contre cela ?
C’est encore trop demander ? Les Palestiniens ont même
accepté de se contenter de 22% de leurs terres initiales, et
ça encore Israël le refuse, continuant à voler les terres,
petit-à-petit, et vous ne faites rien contre cela.
En définitive, ce qui est « indigne », ce n’est pas
le boycott.
C’est votre attitude. Car tout ce que je viens d’écrire,
vous le savez et, en le cachant à l’opinion, vous la
désinformez. Dans quel intérêt ?
Je crains que la chose véritablement
indigne dans votre texte, ce soient vos motivations. Dans
mon livre Israël, parlons-en !,
j’ai indiqué que les trois plus puissants groupes
médiatiques français - Lagardère, Dassault, Bouygues – sont
tous trois aux mains de familles richissimes qui font de
gros profits avec Israël et lui fournissent ses armes ou ses
instruments de colonisation. Alors, si un artiste ou un
intellectuel français ose s’opposer à ces groupes et dire la
vérité, adieu carrière, adieu fortune ! Comme disait Bertolt
Brecht : « Déplaire aux
possédants, c'est renoncer à posséder soi-même. »
Ceux qui vous lisent, ceux qui vous écoutent, auront
toujours intérêt à se poser la question fondamentale :
« Quels sont les intérêts derrière ce discours ? »
* Sources des citations : Michel
Collon,
Israël, parlons-en !, Couleur Livres,
Investig’Action, Bruxelles, 2009,
pages 297-299.
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