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Effondrement financier global
Michel Chossudovsky
Michel Chossudovsky
30 septembre 2008 Sanglant lundi, 15
septembre 2008. La moyenne industrielle du Dow Jones (DJIA selon
le sigle anglais) a perdu 504 points (4.4%), sa plus grosse
chute depuis le 17 Septembre 2001, depuis que les activités
commerciales ont repris après les attaques du 11 septembre.
La glissade financière a continué inexorablement, menant jusqu’à
une diminution de 800 points du Dow Jones en moins d’une
semaine. Les marchés boursiers sont interconnectés « sur tous
les fuseaux horaires » à travers l’instantanéité les liens
instantanés que permet l’Internet. La volatilité des
transactions de Wall-Street se répand donc immédiatement sur les
marchés boursiers asiatiques et européens et de là rapidement
sur le système financier tout entier.
La plus sérieuse crise financière depuis le
« crash » de Wall Street en 1929
Replacé dans son contexte
global, et tenant compte de l’instabilité généré par la
spéculation, les implications de cette crise sont de très grande
envergure.
La crise, cependant, n’a pas
encore d’aucune façon atteint son apogée. Elle a le pouvoir de
disloquer les fondations même du système monétaire
international. Les répercussions sur la vie des gens vivant en
Amérique et tout autour du monde sont dramatiques.
La crise n’est pas limitée à
l’effondrement des marchés financiers. L’économie réelle aux
niveaux national et international, ses institutions, ses
structures de production sont aussi en danger.
Quand les valeurs de la Bourse
s’effondrent, les épargnes des ménages de toute une vie sont
érodées, ainsi que les fonds de pension.
L’effondrement financier,
inévitablement se répercute sur les marchés de consommation, le
marché de l’habitation, et plus largement, sur le processus
d’investissement des biens et services.
La guerre
et la crise économique
Ce qui est le plus significatif
dans cette plongée des valeurs boursières se produit de manière
combinée à une aventure militaire majeure. La crise financière
globale est intimement liée à la guerre.
La spirale du budget de défense
se répercute sur les secteurs civils de l’activité économique.
L’économie de guerre a un rapport direct sur les politiques
monétaires et fiscales. Les dépenses militaires dépassent les
500 milliards de dollars. En outre, 70 milliards supplémentaires
sont destinés « à couvrir les coûts de la guerre dans les
premiers mois de la nouvelle administration. La combinaison de
ces montants représente le plus niveau des dépenses militaires
depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, (ajustée aux coûts
de l’inflation) . (Csmonitor.com,
6 février 2008)
« La guerre, c’est bon pour les
affaires » ; Les puissants groupes financiers qui manipulent de
façon quotidienne les valeurs boursières, les marchés de la
monnaie et ceux des matières premières font aussi la promotion
de la poursuite de la guerre et de son escalade au Moyen-Orient.
La crise financière est liée à la structure des investissements
publics états-unienne dans l’économie de guerre par le moyen des
impôts, au lieu des programmes sociaux. « Plus largement, ceci
soulève également l’enjeu du rôle du trésor et du système
monétaire états-uniens, dans le financement incessant du
complexe militaro-industriel et de la guerre du Moyen-Orient aux
dépends des secteurs le l’activité économique civile. » (Voir
Michel Chossudowsky, The Democrats endorse the « Global War on
Terrorism » : Obama « goes after » (Les
démocrates endossent la « guerre mondiale au terrorisme » :
Obama « pourchasse » Osama.Osams), Mondialisation/Global
Reserach, publié en anglais le 29 août et en français le 4
septembre 2008)
La guerre est génératrice de
profits et est financée à travers l’expansion mondiale massive
de la dette publique. Guerre et globalisation vont main dans la
main. Wall Street, les compagnies pétrolières, et les contrats
militaires ont des intérêts concurrents qui se chevauchent
également. Les compagnies pétrolières sont derrière la poussée
spéculative des prix du pétrole brut sur le marché londonien de
l’énergie.
En conséquence, et résultant de
l’agenda militaire, l’économie civile états-unienne est en crise
étant donné que les ressources de la nation, incluant les
impôts, sont détournés pour financer une guerre au Moyen-Orient
qui coûtent plusieurs milliards de dollars.
L’assaut
spéculatif
La folle course mondiale pour
s’approprier la richesse par la « manipulation financière » est
la force motrice derrière cette crise. C’est la source du
tourbillon économique et de la dévastation sociale.
Quelles en sont les causes
sous-jacentes ? Un milieu financier totalement déréglementé et
caractérisé par un intensif commerce spéculatif.
L’histoire de la
déréglementation remonte au commencement de l’administration
Reagan.
Dans le sillage de
l’effondrement du marché boursier de 1987, le trésor états-unien
fut avisé par Wall Street de ne pas s’immiscer dans les marchés
financiers. Libre de l’empiètement gouvernemental, les bourses
de New-York et de Chicago, furent invitées à établir leurs
propres procédures réglementaires.
L’autorité pour réglementer les
marchés boursiers ne reposait plus désormais sur l’État mais sur
les directives du marché financier au service directement des
intérêts des spéculateurs institutionnels.
La crise de Wall Street fait
partie du processus de la guerre financière.
Depuis la crise de 1987, s’est
déployée une nouvelle ère d’intense rivalité financière.
La déréglementation financière
aux États-Unis a créé un environnement qui favorise une
concentration sans précédent du pouvoir financier global.
Ce à quoi nous faisons face est
un affrontement majeur entre conglomérats financiers en
concurrence les uns avec les autres.
L’effondrement financier est
intimement relié à la croissance incontrôlée d’opérations
fortement spéculatives.
Les fonds
de placement à risque.
Les fonds de placement à risque
jouent un rôle crucial dans le processus de restructuration. Ces
transactions spéculatives (la panoplie des produits dérivés, des
options, des contrats à terme, des fonds d’investissement liés à
des indices du marché, etc) souvent transigées à travers les
fonds de placement à risque éclipsent le fonctionnement des
transactions des marchés boursiers et leur relation à l’activité
économique réelle.
Les fonds de placement à risque
sont des fonds d’investissement privés, lesquels gèrent des
regroupements de fonds ou fonds mutuels de riches investisseurs.
Bien qu’ils soient souvent liés à des institutions financières
majeures, ils sont totalement déréglementés. Ils fonctionnent
avec un large bassin de capital monétaire, lequel est utilisé
pour entreprendre des transactions fortement spéculatives.
Ventes à
découvert
Un effondrement du
marché boursier peut être une opération hautement profitable.
A partir de connaissances et d’informations privilégiées un
effondrement dans les valeurs boursières constitue ( à travers
des ventes à découvert) l’opportunité d’un lucratif mouvement
d’argent pour une catégorie sélecte de puissants spéculateurs
capables de manipuler le marché dans la direction appropriée et
au temps opportun.
Il y a des indications d’une
conspiration soigneusement orchestrée pour déclencher un
effondrement de plusieurs institutions financières majeures et
ce par une totale manipulation.
Les « ventes à découvert » aussi
bien que la diffusion de fausses rumeurs furent utilisés comme
stratégie pour déclencher l’effondrement d’actions ciblées sur
Wall Street incluant Lehman, Morgan Stanley et Goldman Sachs.
« Les vendeurs à découvert
aspirent à profiter des baisses d’action, habituellement en
empruntant une valeur, la vendant et la rachetant après que son
prix a diminué. Dans les abusives ventes à découvert, le vendeur
n’emprunte pas l’action et échoue à la délivrer à l’acheteur.
Quelques marchés
participants disent que des vendeurs à découvert abusifs ont
contribué à la chute de compagnies telles que Lehman Brothers en
les obligeant à baisser les prix partagés.
Mercredi dernier, John Mack,
le directeur général de Morgan Stanley, a dit aux employés, dans
un memo interne : Qu’est-ce qu’il arrive ici ? C’est très clair
pour moi, -nous sommes dans le milieu d’un marché contrôlé par
la peur et les rumeurs, et les vendeurs à découvert sont en
train de faire baisser nos actions.» (Financial
Times, 17 septembre 2008)
« Les autorités régulatrices
ont reconnu que l’effondrement de Bear Stearns en mars dernier
fut attribué aux ventes à découvert. « Les autorités
régulatrices ont examiné une combinaison de ventes à découvert
et de fausse rumeurs comme étant partie du problème. » (Wall
Street Journal, le 18 septembre 2008)
Merrill Lynch est acheté, Lehman
Brothers est poussé vers la banqueroute. Ce ne sont pas des
coïncidences fortuites. C’est le résultat de manipulation par de
puissantes et compétitives institutions financières, utilisant
des opérations hautement spéculatives pour atteindre leur
objectif qui consiste soit dans un déplacement ou l’acquisition
du contrôle sur l’institution financière rivale.
Le présent effondrement
financier n’a rien à voir avec les forces du marché : il est
caractérisé par la guerre financière entre les spéculateurs
institutionnels compétitifs.
Le marché
du pétrole brut
Le commerce hautement spéculatif
a poussé le prix du pétrole brut à des niveaux excessifs,
atteignant un sommet en juillet 2008. Un point tournant fut
atteint. La tendance du commerce spéculatif s’est rapidement
renversée, menant à une plongée dramatique des prix du pétrole
brut. (Voir la charte ci-dessous).
Ces institutions financières
et/ou les investisseurs capables de manipuler le mouvement des
prix du pétrole brut, ayant des connaissances antérieures et
l’habileté pour déterminer le laps de temps de la montée
spéculative et son effondrement subséquent, purent récolter de
gros montants de profits durant le mouvement ascendant et
descendant des prix du pétrole brut.
« Le mouvement des prix globaux
sur les marchés commerciaux de New-York de Chicago n’a aucun
rapport avec les coûts pour produire le pétrole brut. La spirale
du prix du pétrole brut n’est pas le résultat d’un manque de
pétrole. Il est estimé que le coût d’un baril de pétrole au
Moyen-Orient ne dépasse pas $15. Le coût d’un baril de pétrole
extrait des sables bitumineux de l’Alberta, au Canada, est de
l’ordre de $30. » ( Pour plus de détails voir, Michel
Chossudovsky,
The Global Crisis : Food, Water and Fuel. Three Fundamental
Necessities of Life in Jeopardy, Global Reserach, 5 juin
2008)
La restructuration de l’économie globale
Cette crise économique est la
conséquence d’un processus de restructuration macroéconomique et
financière qui a commencé au début des années 1980. C’est le
résultat d’une structure politique : la réforme du commerce et
du secteur financier sous l’Organisation mondiale du commerce,
sans nommer l’imposition des réformes macroéconomiques
mortifères du Fond Monétaire International, communément nommés :
les programmes d’ajustement structurel. Cette restructuration a
comme conséquence l’appauvrissement d’importants secteurs de la
population mondiale.
La crise de la dette au début
des années 1980 a déclenché une vague de fusions corporatives,
achat d’actions et des banqueroutes. Ces changements à leur tour
ont pavé la voie à la consolidation d’une nouvelle génération de
financiers groupés autour de grandes banques marchandes,
d’investisseurs institutionnels, de sociétés de courtage
d’actions, d’importantes compagnies d’assurances, etc. Dans ce
processus, les fonctions des banques commerciales se sont unis à
celles des banques d’investissement et des courtiers d’action
menant à la consolidation d’une poignée de conglomérats
financier global
L’utilisation déréglementée
d’instruments spéculatifs complexes a fourni à Wall Street les
moyens d’étendre son empire financier global. Le motif principal
de ce processus ne consiste pas dans la surveillance du marché
boursier en soi. Il vise plutôt à contrôler les marchés
lucratifs à travers des instruments spéculatifs : —produits
dérivés, options, futures, fonds de placement à risque, etc.—où
la possibilité de manipulation et de commerce interne est
beaucoup plus grand.
La domination financière de Wall
Street fut complétée à travers son contrôle institutionnel des
canaux du commerce spéculatif. Ce contrôle lui fournit aussi,
comme dans le cas de la crise asiatique, la base pour affaiblir
le rôle des banques centrales, prenant ainsi contrôle des rennes
de la politique monétaire, des marchés boursiers et des marchés
de change. En 1997, pour la crise Asiatique seulement, plus de
$100 milliards furent confisqués en quelques mois des voûtes des
banques centrales d’Asie. Des assauts spéculatifs similaires
furent ainsi réalisés en Russie en 1998 et au Brésil en 1999.
Ces événements furent suivis par
des bulles spectaculaires et l’éclatement des actions de dot.com
quand l’indice composé du NASDAQ a atteint un somment à plus de
5,000 en Mars 2000 et s’effondra par la suite, déclenchant un
mouvement de vente de panique. (voir le graphique)
La suite de l’article la
semaine prochaine.
Article original en anglais,
Global Financial Meltdown, publié le 18 septembre 2008.
Traduction de l’anglais, Françoise Breault,
Presse
gauche.
© Copyright Michel Chossudovsky, Global Research, 2008
Publié le 2 octobre 2008 avec l'aimable autorisation de Michel Chossudovsky
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