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CounterPunch
Israël et ses
voisins : le temps est venu d'aplanir le terrain de jeu
Michael Neumann
La centrale de Dimona
on CounterPunch, 22 février 2010
http://www.counterpunch.com/neumann02222010.html
Ces dernières années, tant le sionisme que
l’occupation (israélienne) ont été critiqués, sinon à mort,
aussi totalement qu’il est possible. Les forts en gueule
pro-israéliens en Amérique devraient ne réussir à tromper
personne : la plupart des habitants de notre planète ont pris
ces critiques à cœur. Même les alliés supposés indéfectibles
d’Israël savent que l’occupation doit prendre fin ; il en va de
même pour une majorité d’Israéliens. Même si certains des
critiques les plus sermonneurs se plaisent à penser qu’il en va
autrement, le gouvernement américain – j’entends par là sa
branche exécutive – le sait fort bien, depuis un certain temps.
Sa position officielle a toujours consisté à dire que
l’occupation devait prendre fin. Quant à l’aide massive accordée
à Israël, il convient de garder deux points à l’esprit. Primo,
les Etats-Unis donnent au moins autant d’aide, y compris
militaire, aux pays arabes et au Pakistan – et ils vendent des
armes sophistiquées aux pays du Golfe. Deuxio : cette aide est
en grande partie une tentative pathétique d’acheter Israël afin
qu’il s’achemine vers quelque chose qui ressemblerait à un
compromis raisonnable avec le monde arabe.
D’aucuns supposent pathétique cette
tentative en raison de son insincérité. Mais c’est là une vision
follement optimiste, qui présuppose un autodafé curieusement
populaire au sein de la gauche : l’Amérique serait un colosse
qui pourrait, d’un simple signal du doigt, amener à résipiscence
les pygmées censés l’entourer. Quelle que soit la vérité du
pouvoir américain, de manière générale, cela ne tient
certainement pas la route, dans le cas d’Israël. La puissance de
la totalité du monde occidental ne saurait suffire à amener ce
pays à la raison. Israël n’est pas simplement une puissance
nucléaire : Israël est une des principales puissances nucléaires
mondiales. Pire : c’est la seule puissance militaire qui ait
ouvertement caressé l’idée d’utiliser des armes nucléaires, même
si cela devait s’avérer suicidaire pour elle. Les stratèges
israéliens, sans doute assurés de l’approbation divine,
appellent cela l’option Samson. Avec un peu d’ingénuité et de
chance, Israël pourrait fort bien asséner une première frappe on
ne peut plus crédible contre n’importe quelle puissance sur
notre planète. Il ne le fera pas, bien entendu, mais ce « bien
entendu » est fondé sur notre certitude que les autres
puissances nucléaires de tout premier plan n’oseraient pas,
elles non plus, recourir à la force militaire pour contraindre
Israël à faire quoi que ce soit. Alors, question de « si la
situation l’exige »… dans cas d’Israël, il n’y a pas de
situation, et il n’y a pas non plus d’ « exige »…
Que se produirait-il, imaginons, si les
Etats-Unis « tournaient le robinet de l’aide » ? Les détracteurs
d’Israël – y compris certains Israéliens – sont de plus en plus
insistants pour réclamer cela. Une fois de plus, ils sont
follement optimistes. Nul doute qu’Israël trouve extrêmement
confortable l’aide américaine. Mais les Américains, eux aussi,
trouvent formidable l’aide israélienne ! L’establishment
militaire israélien non seulement produit, mais développe
beaucoup de matériels d’importance vitale pour les Etats-Unis,
parmi lesquels des systèmes anti-missiles, des drones et des
tactiques de guerre cybernétique. Et c’est la raison pour
laquelle des sanctions économiques ne marcheront jamais. Israël
a une surabondance de technologie, y compris de hardware
militaire, que la plupart des pays du monde sont prêts à faire
la queue pour les acheter, quasiment à n’importe quel prix. Non
seulement Israël pourrait s’en sortir financièrement et
économiquement, mais il le ferait en pratiquant un commerce que
l’Occident ne pourrait que considérer catastrophique.
Cela ne signifie pas que le conflit
israélo-palestinien soit insoluble. Cela signifie que toute
solution « nous » échappe, à nous, les critiques, assurément,
mais même aux dirigeants occidentaux. La solution, s’il en
existe une, devra être bâtie sur un véritable équilibre des
puissances au Moyen-Orient. Les perspectives d’un tel équilibre
ne sont pas totalement sombres, mais elles impliquent des
réalités que très peu de gens sont prêts à regarder en face. Au
mieux (!), les perspectives d’une paix, d’une fin à la
« terreur » israélo/palestinienne, est entre les mains de ces
soi-disant terroristes, le Hezbollah, et de leurs sponsors, dont
l’Iran. Le Hezbollah est peut-être juste assez puissant pour que
les Israéliens voient, comme les Blancs d’Afrique du Sud, les
paroles inscrites sur le mur, et règlent leur contentieux avec
leur peuple conquis. Jusqu’à la prochaine guerre avec le Liban,
tout le monde comprendra que les chances, pour cela, sont
minces.
Mais il y a une possibilité, plus
effrayante : elle pourrait être rendue moins effrayante, à la
seule condition que l’Occident admette l’inévitable.
Le monde ‘arabe’, comme l’Iran, comprend certainement l’avantage
écrasant et mortel que représentent, pour Israël, ses armes
nucléaires. Mais ces pays n’ont pas la capacité d’affronter
Israël, ni l’autorité politique qui leur permettrait d’amener
d’autres à le faire à leur place. Qu’adviendrait-il si le moyen
d’acquérir cette autorité politique leur devenait accessible ?
De fait, ce moyen existe déjà.
Aujourd’hui, le monde, et donc le monde
‘arabe’ sait que l’Occident ne fera jamais, au grand jamais,
jamais rien contre Israël : la seule opportunité de le faire est
déjà loin. Tôt ou tard, cela amènera les voisins d’Israël à
recourir à leur seule alternative. Une alternative
particulièrement économique, non seulement en dollars, mais
aussi, très probablement, en vies humaines.
Les pays arabes et l’Iran seraient
parfaitement fondés à dénoncer les accords de non-prolifération
nucléaire (ces accords, quoi qu’il en soit, sont scandaleux de
par leur effet net, qui est de protéger Israël contre toute
concurrence militaire, tout en garantissant à celui-ci une carte
blanche dans l’arène nucléaire). Le monde arabe,
vraisemblablement avec la coopération d’autres pays, pourrait
alors mener à bien un programme d’équipement et de recherches
nucléaires, dans le but déclaré et explicite de garantir sa
capacité nucléaire tant militaire que civile.
La simple annonce de ces projets – avec
leurs effets sur le moral des Israéliens et sur la détermination
occidentale – pourrait produire des résultats considérables,
sans coût réel pour qui que ce soit. Dût Israël persister dans
son obstination, le développement (du programme nucléaire
arabo-iranien) se poursuivrait, augmentant la pression pour
trouver – que dis-je, imposer – une solution au conflit
israélo-palestinien. Bien sûr, l’on peut voir dans cette simple
idée une preuve d’extrémisme échevelé. Mais ce qui est extrême,
c’est de laisser Israël, pour commencer, développer, puis
brandir des armes nucléaires, tout en liant les mains de ses
victimes potentielles. Leur délier les mains consiste, tout
simplement, à revenir à la politique de l’équilibre des forces
qui, des siècles durant, a été considérée comme la meilleure
garantie pour la paix.
Aujourd’hui, cela semble pure fantaisie.
Mais le monde arabe, avec le soutien du monde musulman
non-arabe, changera suffisamment pour placer cette stratégie
dans le domaine du possible. Collectivement, ces pays ont une
richesse et des capacités techniques indéniables. Ils sont de
plus en plus conscients de la nécessité de laisser de côté
toutes les vieilles animosités. Et l’on peut présumer qu’ils
finiront bien, un jour, par se fatiguer d’être traités par le
mépris.
Et, allez-vous me demander, quel est le
rôle de l’Occident, dans cette histoire ? La seule chose
intelligente qu’il puisse faire, c’est se tirer du pas : il est
strictement infoutu d’en faire davantage. Mais il est évident
qu’en lieu et place, nous allons assister à des crises de
désespoir, à de l’hystérie, à de l’épilepsie morale. Peut-être
la crise passera-t-elle, et peut-être l’Occident finira-t-il par
se résoudre à faire ce qu’il a si bien su faire, depuis si
longtemps : rien.
Michael Neumann enseigne la philosophie dans une
université canadienne. Il est l’auteur des ouvrages :
What's Left: Radical Politics and the Radical Psyche et
The Case gainst Israel. Il a également contribué à
l’ouvrage
The Politics of Anti-Semitism, publié par CounterPunch.
Il est joignable par mél à l’adresse
mneumann@live.com.
Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier
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