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Ha'aretz
Comme
ça, tout à coup, au milieu des vacances
Meron Benvenisti
Haaretz, 19
juillet 2007
www.haaretz.co.il/hasite/spages/883589.html
Version
anglaise : Beware
of Oslo's destructive route
www.haaretz.com/hasen/spages/883866.html
Contre
toute attente, une intense activité diplomatique – ce que dans
un passé lointain, on appelait « processus de paix »
– s’est mise en branle juste à l’approche des vacances de
juillet-août. Rencontres de hauts responsables, libération de
prisonniers, gestes à portée économique, déclarations
optimistes et plans politiques : tout cela fait naître le
sentiment qu’effectivement quelque chose de sérieux se passe.
Sinon, des personnalités aussi importantes ne consacreraient pas
tant de temps à s’occuper du processus diplomatique, surtout en
pleine période des vacances d’été.
Même
Tony Blair se lance dans le renforcement des institutions
palestiniennes comme base pour l’établissement d’un Etat,
bien qu’en attendant, « du fait des prix élevés dans
l’immobilier », il n’a pas trouvé d’immeuble pouvant
accueillir ses bureaux à Jérusalem. Haim Ramon est un homme
pressé : il n’a pas encore eu le temps de chauffer le
fauteuil de vice-premier ministre, que le voilà déjà à faire
savoir publiquement qu’il a conçu un plan politique, dénommé
« convergence light », tout en reconnaissant « que
ce projet n’est pas même encore dans les langes ».
De
nombreuses explications ont été avancées pour expliquer cette
subite flambée d’énergie diplomatique : la nécessité
pour George Bush de proposer un plan qui sauve ce qui peut lui
rester d’estime dans la région d’ici la fin de son malheureux
mandat ; la nécessité pour Ehoud Olmert de présenter une réalisation
politique à la veille de la publication du rapport complet de la
commission Winograd ; la nécessité de combler l’exigence,
qui se fait entendre partout, de « renforcer Abou Mazen » ;
le profond besoin de sortir le camp de la paix du désespoir qui
s’est attaché à lui et de le doter d’une dose d’optimisme
qui lui permette de continuer à croire qu’effectivement la
majorité du public israélien appuie la solution à deux Etats et
que l’idéologie du Grand Israël a disparu, y compris dans la
camp de la droite.
Le
processus politique conduit par Olmert et Bush fait office de patère
à laquelle accrocher cet optimisme. Le problème, c’est que la
réalité n’offre pas de signes montrant qu’elle se plie à la
théorie et aux aspirations. La construction israélienne en
Cisjordanie se poursuit à un rythme soutenu et le réseau
d’infrastructures couvre la région tout entière ; le régime
de rupture et d’écrasement de la communauté palestinienne se
consolide ; la construction de la clôture se poursuit ;
la séparation entre la Cisjordanie et la Bande de Gaza est en
train de prendre les caractéristiques d’une coupure géopolitique
qui a tout l’air définitive ; et les chances qu’Abou
Mazen parvienne à établir un gouvernement stable en Cisjordanie
paraissent bien lointaines.
La
possibilité qu’avec la « convergence light » de
Ramon et Olmert, on voie bourgeonner un Etat palestinien viable
est tout bonnement une supercherie. Ce fossé entre théorie et réalité
conduit les Palestiniens à penser que les Israéliens, délibérément
ou non, leur « injectent de la morphine pour les paralyser
jusqu’à ce qu’eux-mêmes aient mené leur projet à bonne fin »,
comme disait l’ancien ministre palestinien Ziad Abou Zayyad. De
fait, ce qu’on appelle le « processus diplomatique »
ainsi que l’optimisme qu’il crée ne sont pas sans avoir un
prix. De quel lourd tribu n’a pas déjà été payé, dans un
passé proche, le fait d’avoir entretenu des illusions qui ont
volé en éclats ? Voyez les accords d’Oslo.
Lorsque
les Palestiniens ont vu comment, sous couvert d’Oslo, les
colonies avaient doublé et comment un régime d’occupation
draconien avait été instauré, leur illusion s’est évanouie
en suivant la voie de la violence, brisant l’illusion israélienne
qui voulait qu’il fût possible de mettre un terme au conflit
pour rien, pour un plat de
lentilles. L’actuel processus diplomatique risque bien de répéter
le chemin destructeur d’Oslo – forgeant l’illusion
d’une avancée, illusion alimentée par un besoin naturel de
nourrir un espoir, lequel espoir sera exploité par des cyniques
qui croiront qu’il est en leur pouvoir de dicter les règles du
jeu et aussi de décider qui en est le perdant.
Ceux
qui s’amusent du processus, ceux qui l’exploitent pour aider
à l’avancement de leurs objectifs politiques, ceux qui ne
peuvent plus s’en passer pour combler leurs désirs, comme ceux
qui cherchent à améliorer grâce à lui leur pénible situation
sous l’occupation, tous devraient se rappeler qu’il est aisé
de faire fleurir des illusions, aisé de s’y abandonner, mais
que le prix, tout le monde le paiera, y compris ceux qui se
contentent de faire tourner le processus avec de vaines paroles.
Le conflit israélo-palestinien ne peut endurer une nouvelle
illusion qui volerait en éclats et les initiateurs de cette
activité diplomatique en pleines vacances de juillet et d’août
doivent être conscients de la responsabilité qu’ils prennent.
(Traduction
de l'hébreu : Michel Ghys)
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