Al-Ahram
Israël teste de nouvelles armes mortelles à Gaza
Mel Frykberg
Photo info Palestine
Les médecins de Gaza ont fait état d’étranges
blessures sur le corps de passants innocents et chez les victimes
ciblées par des drones. Ces blessures se présentent comme de
nombreux petits trous - souvent invisibles aux rayons X - et de brûlures
causées par une chaleur si intense qu’il a souvent fallu
amputer les victimes à cause de l’étendue des lésions.
Habas Al-Walid, chef du service des urgences à
l’hôpital Shuhada Al-Aqsa de la ville de Gaza, a dit aux
journalistes que les jambes des blessés étaient sectionnées de
leur corps « comme si on avait utilisé une scie pour les
couper à travers l’os ». Il n’y avait toutefois pas de
trace d’éclats de métal ordinaire dans les blessures ou
alentour.
A l’hôpital Shifa de la ville de Gaza, Juma
Saka a dit qu’en examinant les blessures, les médecins avaient
trouvé une poudre sur les corps des victimes et dans leurs
organes internes. Ils ont alors enlevé les particules
microscopiques qui se sont révélées être du carbone et du
tungstène.
« La poudre ressemblait à des éclats
microscopiques et il est probable que c’était la cause des
blessures » a dit Saka. Ce qui a compliqué la chose est que
nombre des patients, après avoir vu leur état s’améliorer
initialement, sont morts quelques jours plus tard. Plusieurs
milieux ont accusé Israël d’utiliser Gaza et sa population
comme laboratoire pour tester de nouvelles armes militaires.
« Nous ne savons pas ce que cela signifie :
s’agit-il d’armes nouvelles ou d’un ajout à une arme
existante ? », demande Saied Joudda, directeur adjoint
à l’Hôpital Kamal Odwan de Beit Lahiya dans le nord de la
Bande de Gaza.
Pour étayer leur expérience personnelle, un
groupe de médecins a rassemblé d’amples preuves documentées
sur l’étendue des blessures qui touchaient spécifiquement les
jambes. Dans d’autres parties du corps, on a trouvé des
fragments métalliques plus grands que la taille des petites
blessures.
« A notre avis, Israël a aussi utilisé des
armes chimiques, comme le montrent de nombreux cas, des cas attestés.
Les organes internes des victimes sont grièvement brûlés alors
qu’il y n’y a pas de blessures externes », dit Mouawia,
chirurgien cardio-vasculaire et directeur général des services
d’urgence à Gaza.
Une équipe de journalistes italiens a enquêté
et réalisé un documentaire pour la RAI News 24, canal satellite
de la télévision italienne d’Etat. Elle prétend qu’Israël
a utilisé des explosifs à métal dense et inerte (DIME) contre
des cibles palestiniennes en juillet en en août de l’année
dernière. Les journalistes ont pris des échantillons
d’explosifs microscopiques à Gaza et les ont fait analyser dans
un laboratoire en Italie.
Carmela Vaccaio, médecin à l’Université de
Parme, a examiné les échantillons envoyés par les journalistes
italiens depuis la Bande de Gaza et a découvert une forte
concentration de carbone ainsi que de cuivre, d’aluminium et de
tungstène, qu’elle considère comme des substances
inhabituelles. Dans son rapport, elle a conclu : « ces
constations correspondent à l’hypothèse selon laquelle
l’arme en question est le DIME ». La même équipe
d’enquêteurs avait révélé que l’armée états-unienne
avait utilisé du phosphore blanc contre des civils pendant
l’attaque de Falouja en Iraq.
Des accusations semblables ont été portées
contre Israël pendant la guerre contre le Liban. L’Etat juif a
initialement nié avoir utilisé du phosphore contre les civils
libanais. Mais plusieurs jours plus tard, après les allégations
explosives des journalistes italiens, étayées de preuves
accablantes, le ministre de cabinet israélien, Jacob Edery, a
confirmé que l’armée israélienne avait en fait utilisé des
munitions au phosphore.
On accuse Israël d’avoir largué plus de un
million de bombes à sous-munitions dans le sud du Liban quelques
jours seulement avant le cessez-le-feu. Depuis, il y a tous les
jours plusieurs décès chez des Libanais qui marchent
accidentellement sur des munitions non explosées.
D’après des experts militaires, le DIME est un
missile recouvert de carbone qui vole en éclats minuscules lors
de l’impact tout en déclenchant un explosif qui lance des lames
d’une poudre chargée d’énergie. Il s’agit d’un alliage
lourd de tungstène (HMTA), de cobalt et de nickel ou de fer, enchâssé
dans une enveloppe de fibre de carbone. Lors de l’impact, il se
pulvérise. Il perd très rapidement son inertie à cause de la résistance
de l’air. Grâce à un ciblage très précis, il brûle et il détruit
tout ce qui se trouve dans un rayon de quatre mètres, à la différence
des éclats que produit la fragmentation d’une enveloppe en métal.
On parle de métal « inerte » parce qu’il
n’intervient pas dans l’explosion ; ce n’est pas que le
métal soit chimiquement ou biologiquement inerte.
Cette technologie compte parmi la nouvelle gamme
d’armes « à faibles dégâts collatéraux » (ou LCD
en anglais). Celles-ci sont conçues pour minimiser les dégâts
alentour en limitant à un espace restreint leurs effets létaux
accrus. Elles sont donc « idéales pour les zones très
peuplées » et « aident le combattant à ne pas
compromettre le soutien de la population », selon leurs défenseurs
enthousiastes.
Le porte-parole de l’armée israélienne a refusé
de confirmer ou d’infirmer l’utilisation de DIME à Gaza, mais
a simplement dit qu’Israël utilise uniquement des armes qui
sont légales en vertu du droit international. L’astuce, c’est
que le DIME étant une arme nouvelle, il doit encore être évalué
et les responsables n’ont pas encore statué sur son cas.
Toutefois, Yitzak Ben-Israël, major général de
l’armée de l’air israélienne et ancien chef du programme de
développement des armes militaires, n’a pas nié que les Israéliens
aient utilisé des DIME à Gaza. Il a néanmoins expliqué les
atouts de ces engins.
« L’idée du DIME est de permettre le
ciblage pointu des objectifs sans causer de dégâts collatéraux
à d’innocents passants. C’est une technologie qui permet de
frapper des objectifs très petits ».
Les DIME seraient commodément adaptés à la
politique israélienne des assassinats ciblés. Toutefois, la
Bande de Gaza est si densément peuplée - 1,5 million de
personnes s’entassent dans un espace de quinze kilomètres sur
neuf - qu’il y a de gros risques de toucher des passants
innocents.
Outre les graves mutilations, les blessures et les
décès dus aux effets cancérogènes des DIME, le nombre de
Palestiniens touchés par le cancer se multipliera à long terme.
Leur environnement serait en outre profondément endommagé si les
Israéliens devaient continuer à utiliser cette nouvelle arme en
toute impunité.
27 avril 2007 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez
consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2007/842...
Traduit de l’anglais par AMG
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