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Le Grand Soir

Soldats de Tsahal, soyez ces « traîtres » qui sauveront l'honneur d'Israël
Maxime Vivas


© Photo PCHR

13 janvier 2009« Les jeunes qui se refusent à des actions déshonorantes ont pour eux la morale, le droit et la loi ».

(Révèrent Père Wenger, rédacteur en chef de La Croix, 13 octobre 1960)

En septembre 1960, alors que l’armée française massacrait des civils et des patriotes combattants, détruisait des villages dans un pays qui n’était pas le sien pour que des colons français prospèrent sur des terres algériennes, 121 intellectuels français, 121 « traîtres » qui sauvèrent l’honneur de la République, lancèrent un appel à l’insoumission, à la désertion.

Parmi eux : Arthur ADAMOV, Simone de BEAUVOIR, Jean-Louis BORY, Pierre BOULEZ, André BRETON, Alain CUNY, Marguerite DURAS, Claude LANZMANN, Jérôme LINDON, Eric LOSFELD, François MASPERO, Théodore MONOD, Maurice NADEAU, André PIEYRE de MANDIARGUES, Edouard PIGNON, J.-B. PONTALIS, Jean POUILLON, Jean-François REVEL, Alain ROBBE-GRILLET, Christiane ROCHEFORT, Claude ROY, Marc SAINT-SAENS, Nathalie SARRAUTE, Jean-Paul SARTRE, Claude SAUTET, Simone SIGNORET, SINÉ, VERCORS, J.-P. VERNANT, Pierre VIDAL-NAQUET. Admirons la largeur de la palette idéologique, l’enjambement des clivages.

Une campagne de publicité nationalo-militariste a été lancée en 2008 par le gouvernement israélien : « Un vrai Israélien ne déserte pas l’armée », qui a aussitôt donné lieu à une vidéo de contre-campagne : «  Un vrai Israélien n’évite pas la vérité », deux signes qu’un mouvement embryonnaire ne demande qu’à s’épanouir pour l’honneur du genre humain, la libération d’un peuple martyr et la réhabilitation de l’image d’Israël gravement détériorée dans le monde entier.

On lira ci-dessous un appel aux soldats d’Israël, directement inspiré, de la « Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie », dit « Manifeste des 121 ». Certes, bien des aspects du problème diffèrent et, en particulier, il n’est nullement demandé ici aux Israéliens de faire leur valise. Mais l’analogie est grande entre les comportements des deux armées (française et israélienne) et l’injustice faite à des peuples spoliés, méprisés, saignés et malgré tout dénoncés à la vindicte publique comme étant les agresseurs pour avoir souhaité accéder aux droits communément reconnu à tous les peuples du monde, celui, disait le général De Gaulle à « disposer d’eux-mêmes ».

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« Un mouvement de désertion doit se développer dans l’armée israélienne au moment où les nouveaux massacres perpétrés à Gaza nous conduisent à voir la profondeur de la crise qui s’est ouverte.

De plus en plus nombreux, des Israéliens seront poursuivis, emprisonnés, condamnés, pour s’être refusés à participer à cette guerre ou pour être venus en aide aux combattants et aux populations civiles palestiniennes. Dénaturées par leurs adversaires, mais aussi édulcorées par ceux-là mêmes qui auraient le devoir de les défendre, leurs raisons resteront généralement incomprises. Il est pourtant insuffisant de dire que cette résistance aux pouvoirs publics est nécessaire et respectable. Protestation d’hommes atteints dans leur honneur et dans la juste idée qu’ils se font de la vérité, elle a une signification qui dépasse les circonstances dans lesquelles elle s’affirme et s’affirmera et qu’il importe de ressaisir, quelle que soit l’issue des événements.

Pour les Palestiniens, la lutte, poursuivie, soit par les moyens de la Résistance, soit par des moyens diplomatiques, ne comporte aucune équivoque. C’est une guerre d’indépendance nationale et une guerre de survie. Mais, pour les Israéliens, quelle en est la nature ? Jamais l’existence d’Israël n’a été véritablement menacée, tant le déséquilibre des forces penche en sa faveur. Sixième armée du monde, dotée de l’arme nucléaire, Israël affronte, hors de ses frontières, des enfants dotés de frondes ou des adultes armés de roquettes artisanales. Il y a plus : cette invasion est menée contre des hommes qui luttent précisément pour conquérir leurs droits sur leur propre sol dont ils voient l’espace se rétrécir au fil des ans ans par une spoliation méthodique qui fait fi des périodes de calme, de trêves, d’arbitrages, de négociations. Il ne suffirait même pas de dire qu’il s’agit d’une guerre de conquête, guerre impérialiste, accompagnée par surcroît de racisme. Il y a de cela dans toute guerre, et l’équivoque persiste peu pour celle qui se déroule dans des espaces fragmentés, délimités, là par un « mur de la honte », ici par des barbelés, à l’ombre de miradors et sous l’œil d’avions de chasse qui larguent des centaines de bombes sur une gigantesque prison à ciel ouvert dans laquelle seul le hasard décide quelles familles seront exterminées et quelles ne seront que décimées. En fait, par une décision qui constitue un abus fondamental, Israël a mobilisé des classes entières de citoyens à seule fin d’accomplir une besogne de violence et de mort contre une population opprimée, laquelle ne se révolte que par un souci de dignité élémentaire, puisqu’elle exige d’être enfin reconnue comme communauté indépendante, libre d’aller et de venir chez elle, d’entrer et de sortir, de commercer et de pêcher, d’élire les représentants de son choix et d’user du droit, reconnu par l’ONU, de faire cesser les assassinats de ses dirigeants, la destruction de ses infrastructures et la confiscation de ses terres par des créations ininterrompues de colonies.

Ni guerre de « défense nationale » contre un envahisseur, ni guerre indispensable à sa pérennité sur son territoire sans cesse élargi, la guerre menée par Israël depuis des décennies contre la Palestine est une guerre de conquête face à une absence d’armée. L’opinion publique israélienne étant trompée, cette guerre est peu à peu devenue une action propre à l’armée et à une caste qui refusent de céder devant des soulèvements dont les instances internationales, se rendant compte de l’effondrement général des empires coloniaux, reconnaissent le sens.

C’est principalement la volonté des faucons israéliens et de l’extrême droite politique qui, ayant anesthésié à coups de slogans et de mensonges une majorité de juifs du monde entier, usant et abusant du souvenir de l’holocauste pour provoquer un réflexe où le compassionnel étouffe le rationnel, où les crimes passés des européens justifient les crimes présents contre les arabes, où ce que fit la Wehrmacht exonère ce que fait Tsahal, collant l’étiquette d’antisémite sur quiconque prône une autre voie, entretient ce combat criminel et absurde. Cette armée, agissant parfois ouvertement et violemment en dehors de toute légalité, trahissant les fins que l’ensemble du peuple lui confie, compromet et risque de pervertir la nation israélienne même en forçant les citoyens sous ses ordres à se faire les complices d’une action avilissante. Faut-il rappeler que, plus de soixante ans après la destruction de l’ordre hitlérien, le militarisme israélien, par suite des exigences d’une telle guerre, est parvenu à faire du massacre des civils comme une institution dont la propagande officielle nous dit implicitement qu’elle est légitimée par l’appartenance de ces derniers à une sous-catégorie humaine fanatisée jusqu’à utiliser ses propres enfants comme boucliers ?

C’est dans ces conditions que de plus en plus d’Israéliens en viendront à remettre en cause le sens de valeurs et d’obligations traditionnelles. Qu’est-ce que le civisme lorsque, dans certaines circonstances, il devient soumission honteuse ? N’y a-t-il pas des cas où le refus est un devoir sacré, où la « trahison » signifie le respect courageux du vrai ? Et lorsque, par la volonté de ceux qui l’utilisent comme instrument de domination religieuse, raciste ou économique, l’armée s’affirme en état de révolte ouverte ou latente contre les Droits de l’Homme, les lois de la guerre, les lois dictées par la communauté internationale, la révolte contre l’armée ne prend-elle pas un sens nouveau ?

Le cas de conscience s’est trouvé posé dès le début de la guerre faite aux Palestiniens. Celle-ci se prolongeant, il est normal qu’il se résolve concrètement par des actes d’insoumission, de désertion, aussi bien que de protection des populations civiles et en premier lieu des vieillards, femmes et enfants. Ces mouvements libres se développeront en marge de tous les partis et des médias israéliens, sans leur aide et, à la fin, malgré leur désaveu. Encore une fois, en dehors des cadres et des mots d’ordre préétablis, une résistance interne doit se développer, par une prise de conscience spontanée, cherchant et inventant des formes d’action et des moyens de lutte en rapport avec une situation dont les groupements politiques et les journaux d’opinion se sont entendus, soit par inertie ou timidité doctrinale, soit par préjugés nationalistes, religieux ou moraux, à ne pas reconnaître le sens et les exigences véritables.

Jeunes gens d’Israël, les massacres dans lesquels on vous implique aujourd’hui répètent ce que vos aînés commirent hier et précèdent ce que vos enfants commettront, preuve que les aspirations d’un peuple ne peuvent se briser par l’acier. De longues années de vie s’ouvrent devant vous. Fasse le ciel que vous ne les passiez pas, les yeux baissés, à dire : « J’obéissais aux ordres, j’étais un soldat, un simple rouage, je ne savais pas ».

Les soussignés, considérant que chacun doit se prononcer sur des actes qu’il est désormais impossible de présenter comme des faits divers de l’aventure individuelle, considérant qu’eux-mêmes, à leur place et selon leurs moyens, ont le devoir d’intervenir, non pas pour donner des conseils aux hommes qui ont à se décider personnellement face à des problèmes aussi graves, mais pour demander à ceux qui les jugent de ne pas se laisser prendre à l’équivoque des mots et des valeurs, déclarent :

- Nous respectons et jugeons justifié le refus de prendre les armes contre le peuple palestinien et de tirer sur des populations civiles, des écoles, des ambulances, des hôpitaux.

- Nous respectons et jugeons justifiée la conduite des Israéliens qui estiment de leur devoir d’apporter aide et protection aux Palestiniens opprimés au nom du peuple d’Israël.

- La cause du peuple palestinien, qui contribue de façon décisive à ruiner le système colonial, est la cause de tous les hommes libres. »

Voilà, attendons les signatures d’une intelligentsia française qui se réfère si souvent au nom de tel ou tel des 121 qu’elle finira bien par leur emboîter le pas sur le chemin du courage où leurs aînés rencontrèrent la grandeur.

Maxime Vivas.

(D’après la « Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie »).

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Source : Le Grand Soir
http://www.legrandsoir.info/...


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