Opinion
Pour les trente
ans de l'attentat d'Orly,
l'Élysée répond courtoisement à un
admirateur de ce crime
Maxime
Gauin
Mardi 6 août 2013
Le 15 juillet 1983, une
bombe de l’Armée secrète arménienne
pour la libération de l’Arménie (ASALA)
explosait au comptoir Turkish Airlines
de l’aéroport d’Orly, tuant huit
touristes (quatre Français, deux Turcs,
un Suédois et un Américain), blessant 90
autres, dont une soixantaine plus ou
moins grièvement (plusieurs sont restés
handicapés à vie). Pour ce crime,
Waroujan Garbidjian fut
condamné à perpétuité, Soner Nayir à
quinze ans de réclusion criminelle et
Ohannès Semerci à dix ans de réclusion
criminelle. La partie turque avait bien
su se faire entendre durant le
procès (1985).
L’ASALA s’était déjà manifestée sur
le sol français par bien d’autres
attentats, par exemple celui commis, le
28 février 1983, contre l’agence de
voyages Marmara (une secrétaire
française tuée, quatre passants français
blessés),
l’attentat contre le pub
Saint-Germain, le 24 juillet 1982, ou
l’assassinat de deux conseillers de
l’ambassade turque à Paris, le 4 mars
1981. L’ASALA avait aussi, selon toute
vraisemblance, aidé des terroristes
palestiniens à commettre l’attentat
contre la synagogue de la rue Copernic,
qui fit quatre morts [1].
Du reste, après l’attentat d’Orly, il y
eut encore, parmi d’autres attaques
antifrançaises de l’ASALA, l’attentat
contre la Maison de France à Berlin
(commis avec le groupe Carlos), qui fit
deux morts, le 25 août 1983 [2],
la
bombe à la foire internationale de
Marseille, le 30 septembre 1983, qui tua
un visiteur, et la dévastation des
locaux de l’Agence France-Presse à
Beyrouth, le 3 janvier 1985.
La logique aurait donc voulu qu’aient
lieu en France des commémorations aussi
importantes que celles — parfaitement
justifiées — d’octobre 2010 pour les
trente ans de l’attentat de la rue
Copernic. Non seulement nous en fûmes
loin, mais encore dans une
lettre en date du 23 juillet 2013,
l’Élysée a écrit :
« Monsieur le Président,
Le Chef de l’État a bien reçu la
correspondance que vous lui avez
adressée concernant la pénalisation
du négationnisme du génocide
arménien. Sensible aux raisons qui
motivent votre démarche, il m’a
confié le soin de vous répondre.
Avec la loi du 29 janvier 2001, la
France a reconnu l’extrême gravité
des actes commis contre le peuple
arménien. Comme le ministre de
l’éducation nationale, Monsieur
Vincent Peillon, l’a rappelé le 24
avril 2013, et conformément à
l’engagement qu’a pris le Président
de la République, le Gouvernement
souhaite trouver les moyens de
droit, dans le respect des principes
fixés par la Constitution, pour que
nul ne puisse impunément minimiser
ou réfuter les souffrances du peuple
arménien et nier ce qui s’est passé.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le
Président, l’expression de ma
considération distinguée.
Isabelle SIMA »
Qui est le « président » en
question ? Krikor Amirzayan, président
de l’association Arménia de Valence
(Drôme). Or, voici une conversation du 4
mai 2001 sur le forum en accès libre du
site armenews.com (aujourd’hui fermé,
suite à une plainte que j’avais déposée
en octobre 2008), juste après la
libération du terroriste Waroujan (Varoujan)
Garbidjian, condamné, comme je viens de
le dire, à perpétuité pour l’attentat
d’Orly :
http://www.armenews.com/affiche_message.php3?ident=26611133&id=1092&groupe=266&famille=3&lapage=25&idforum=f_asp
Date
| le 04 mai 01 à 23:15 |
Sujet |
Varoujan ne changera pas |
Auteur |
Naïri. |
Message |
DDes combattants de la trempe
de Varoujan seront toujours des
idéalistes, prêts à consacrer
leur temps, leur énergie, leur
vie, même, à l’Arménie. Je crois
moi aussi qu’il pourra apporter
beaucoup aux jeunes générations,
ne serait-ce que par son exemple
d’un engagement absolu. |
http://www.armenews.com/affiche_message.php3?ident=26611204&id=1099&groupe=266&famille=4&lapage=25&idforum=f_asp
Date
| le 05 mai 01 à 14:54 |
Sujet |
Varoujan ne changera pas |
Auteur |
Krikor Amirzayan. |
Message |
Absolument, chère Naïri.
Leur combat pour la Libération
de l’Arménie trouve aujourd’hui
en Arménie le terrain favorable
d’expression. |
De tels propos ne sont
pas nouveaux.
Plus récemment, le 28 janvier 2013,
M. Amirzayan publiait un
article apologétique et mensonger
sur l’attentat commis par l’ASALA dans
l’aéroport d’Ankara (Esenboğa)
le 7 août 1982, avec des armes fournies
par des terroristes palestiniens. Il y
écrivait que les terroristes s’en
étaient pris au « commissariat » (sic)
de l’aéroport, ce qui est faux, et que
« sept soldats Turcs étaient tués » (que
feraient des « soldats » dans un
« commissariat » ?). Or, les deux
assassins ont ouvert le feu sur une
foule de passagers dans un espace
d’attente ; l’un des terroristes fut
maîtrisé par la police, l’autre se
réfugia dans un restaurant de
l’aéroport, prenant vingt otages, et fut
finalement abattu par les forces de
l’ordre. Au total, il y eut neuf
touristes tués, dont sept Turcs, un
Américain et un Allemand [3].
M. Amirzayan le sait parfaitement (en
témoigne son chiffre de sept Turcs
tués), mais il préfère mentir. Avouer
ouvertement qu’il admire l’ASALA parce
qu’elle a tué des civils désarmés serait
un peu trop risqué actuellement ; il lui
faut donc tordre les faits.
M. Amirzayan est aussi l’un des
principaux collaborateurs du site
armenews.com (pas seulement les versions
successives de son forum), ce qui est
logique, car le rédacteur en chef n’est
autre que Jean-Marc « Ara » Toranian,
porte-parole de l’ASALA en France de
1976 à 1983, condamné en 1985 à quatre
mois de prison avec sursis pour recel de
malfaiteur (acquitté en appel au
bénéfice du doute) et rédacteur en chef
du journal pro-terroriste Hay Baykar de
sa création, en 1976, à sa disparition,
en 1988.
Plus récemment, lors de son discours
du 24 avril 2009 à Paris, M. Toranian a
appelé ses « compatriotes » à revenir au
« militantisme des années 1975-1980 »,
ce qui est équivaut, venant de sa part
(il a toujours appelé le terrorisme
arménien « militantisme ») à un appel au
meurtre. Durant cette période, l’ASALA
a, entre autres, assassiné Oktar Cirit,
premier secrétaire de l’ambassade turque
à Beyrouth (16 février 1976), Galip
Özmen, attaché administratif de
l’ambassade turque d’Athènes et sa fille
de quatorze ans (31 juillet 1980) ;
l’ASALA a aussi commis de nombreux
plasticages, par exemple ceux de bureaux
d’El Al à l’aéroport de Rome (18 février
1980), ou, toujours à Rome, le
plasticage de l’office turc de tourisme,
tuant deux passants italiens (10 mars
1980). En octobre 1977, l’ASALA tenta
aussi d’assassiner l’historien américain
Stanford Jay Shaw (professeur à
l’université de Californie-Los Angeles),
son épouse Ezel Kural Shaw et leur fille
de quatorze ans, Wendy.
C’est à la justice que les Français
d’origine turque et les turcophiles
doivent s’en remettre, aussi souvent que
possible, comme ce fut le cas (pour des
affaires moins graves) lors de la
condamnation de Laurent Leylekian à
Paris et celle de
Movsès Nissanian à Lyon.
Notes:
[1] Nathalie
Cettina,
Terrorisme :
l’histoire de sa mondialisation,
Paris, L’Harmattan, 2001, pp. 45-46
et 190-191 ; Thierry Vareilles,
Encyclopédie du terrorisme
international,
Paris, L’Harmattan, 2001, p. 91.
[2] Bernard
Violet,
Carlos. Les
réseaux secrets du terrorisme
international,
Paris, Le Seuil, 1996, pp. 242-244.
[3] Francis
P. Hyland,
Armenian
Terrorism : the Past, the Present,
the Prospects,
1991, p. 198 ; Heath W. Lowry, “Chronological
Breakdown of Armenian Terrorist
Incidents, 1973-1987”, dans ATAA,
Armenian Allegations :
Myths and
Reality. A Handbook of Facts and
Documents,
Washington, 1987, p. 78.
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