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Michel Collon.info
Les Etats-Unis soutiennent Sanioura pour obtenir une base
militaire au Liban
Marie Nassef-Dibs
Beyrouth, le 4 décembre 2006
La crise politique, qui sévit
au Liban depuis la dernière agression israélienne, connaît,
depuis quelques jours, une nouvelle escalade la plus violente et
la plus dangereuse depuis la fin de la guerre civile en 1990.
Cette escalade vient du fait que le gouvernement libanais, dirigé
par Fouad Sanioura (qui fut l’un des plus proches collaborateurs
de l’ex-Premier ministre assassiné Rafic Hariri), refuse de
prendre au sérieux le grand mouvement de protestation contre sa
politique et de quitter, par suite, la scène politique libanaise,
surtout que six ministres sont déjà démissionnaires et que,
selon l’accord de Taëf (devenu partie intégrante de la
Constitution en 1990), la formation des gouvernements doit se
baser sur la participation de toutes les confessions religieuses
proportionnellement au nombre de leurs adhérents.
Bien plus, le Premier ministre
ne cache pas qu’il ait fait appel à des appuis sur les deux
scènes régionale et internationale. Ainsi, les trois derniers
jours qui marquèrent la fin de la semaine passée, nous avons pu
voir et entendre des chefs d’Etats mais aussi des ministres
allant du Golfe arabique à l’Amérique du Nord crier leur
solidarité avec le gouvernement « démocratique » assiégé par
un million et plus de Libanais « vendus à l’étranger » et «
menés par l’Iran et la Syrie » !
Et ce qui choque le plus dans ces cris de solidarité «
démocratique » contre un mouvement de protestation libanais,
c’est qu’ils viennent de Condoleeza Rice, la représentante
d’une administration poursuivie par les plus grands crimes
contre l’humanité et aussi des deux régimes de l’Arabie
Saoudite et de l’Egypte peu connus pour leur reconnaissance des
libertés démocratiques dans leurs pays respectifs. De plus, la
France (de Chirac et de celle qui tente de le remplacer) a, elle
aussi, pris parti pour un groupe de Libanais qui furent jusqu’en
2005 les représentants les plus acharnés de la tutelle syrienne.
De telles positions, aux dires de beaucoup, constituent la raison
pour laquelle le gouvernement libanais refuse de discuter des
revendications de l’opposition, même celle dont le seul but est
d’entrer dans le gouvernement ou d’améliorer sa présence au
sein de ce gouvernement. Et la lutte acharnée pour sauvegarder
les privilèges et les intérêts prend des formes assez
étonnantes tandis que l’on oublie de parler du plan économique
présenté sous le titre de « Paris 3 » et basé sur deux points
essentiels : le premier étant celui des privatisations de tous
les services considérés d’utilité publique dans un objectif
plus général, à savoir la suppression graduelle du secteur
public et de la fonction publique. Quant au second, il se trouve
dans l’imposition de nouveaux impôts indirectes et
l’augmentation des taxes existantes (dont la TVA) tout en
réduisant les salaires et les retraites, de manière à rendre
l’économie plus souple selon les critères imposés par la
Banque mondiale et à ouvrir le Liban, tant sur le plan
économique que politique, devant les transnationales ; ce qui le
transformerait en un nouveau paradis fiscal pour les « riches »
de la Planète…
La crise libanaise actuelle est, donc, si aiguë que les solutions
traditionnelles deviennent incapables de la résoudre comme par le
passé. Surtout que l’ingérence étasunienne, venue remplacer
la tutelle syrienne (que les Etats-Unis avaient parrainée), se
manifeste non seulement dans le domaine politique, à travers les
diktats proférés par son ambassadeur au Liban, David Fieltman,
mais dans le domaine militaire et, surtout, du renseignement qui
ne concerne pas seulement ce qui se passe chez nous…
D’ailleurs, des projets sont mis en cours afin de construire une
nouvelle base américaine dans la région de Jbeil ; ce qui
bouclerait la boucle sur le plan de la répartition des bases
américaine dans la Méditerranée orientale et donnerait plus de
sécurité à Israël tout en facilitant ses plans et ceux de
l’administration américaine visant au transfert de dizaines de
milliers de familles palestiniennes nouvelles au Liban , tout en
empêchant celles déjà présentes (quelques 60 000 autres
regroupant 360 000 personnes) de réintégrer son pays selon les
résolutions des Nations Unies qui parlent du droit de retour des
réfugiés palestiniens.
Quel plan peut nous sortir de la crise et sauvegarder l’unité
nationale, tout en empêchant le retour à une nouvelle guerre
civile que les Etats-Unis préparent entre les communautés
sunnite et chiite du pays ?
Nous pensons que le meilleur plan dans ce domaine est celui qui
résoudrait, simultanément, les crises politiques qui sévissent
tant sur le plan de la représentativité du parlement (formé, à
la suite du retrait des Syriens en l’an 2005, selon une loi
électorale injuste et mise au point par ces mêmes Syriens en
l’an 2000) que sur le plan du pouvoir exécutif (président de
la République et gouvernement).
Ce plan pourrait contenir les points suivants :
1- La démission du gouvernement de Fouad Sanioura et la
constitution d’un gouvernement provisoire qui aura un délai de
trois mois afin de promulguer une nouvelle loi électorale (que la
majorité des Libanais veut qu’elle soit basée sur la
proportionnelle et en dehors des quotas confessionnels).
2- Dès que la loi électorale sera promulguée, des élections
législatives anticipées devraient avoir lieu afin d’élire un
nouveau parlement.
3- Le nouveau parlement élira un nouveau président de la
République qui aura pour première tâche la constitution d’un
gouvernement d’unité nationale afin que toutes les formations
politiques libanaises tentent de mettre au point les solutions
nécessaires dans tous les domaines, à commencer par la création
de la « Commission pour la suppression du confessionnalisme »,
contenue dans l’Accord de Taëf, et la réforme économique
nécessaire.
Mais les Etats-Unis et les Israéliens laisseront-ils faire ou
bien poursuivront-ils les pressions par le biais de certaines
formations politiques libanaises afin de réaliser ce qu’Israël
n’a pu faire durant l’agression de juillet 2006 : la mainmise
sur les armes du Hezbollah ...
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