RIA Novosti
L'argent
fera-t-il le bonheur de l'Autorité Palestinienne ?
Maria Appakova
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20 décembre 2007
La Conférence internationale des donateurs pour l'Etat
palestinien s'est tenue à Paris. La somme promise a dépassé les
attentes d'environ deux milliards de dollars (7,4 milliards de
dollars au lieu de 5,6 milliards). La France versera 200 millions
d'euros, les Etats-Unis, environ 550 millions de dollars, la
Russie 10 millions. Bref, les finances du futur Etat palestinien
sont assurées pour les trois prochaines années. Il reste à créer
cet Etat. A l'heure actuelle, ce ne sont nullement les
contradictions entre Israéliens et Palestiniens qui constituent
le principal obstacle, mais les divergences interpalestiniennes.
L'aide des donateurs ne peut qu'aggraver la situation.
Les paiements seront échelonnés sur trois ans, ce qui
correspond au délai de mise en oeuvre du programme de réformes
économiques présenté à Paris par le premier ministre
palestinien Salam Fayyad.
La conférence de Paris entrera dans l'histoire du règlement
du conflit israélo-palestinien, et pas seulement grâce au
financement promis. Pour la première fois depuis deux ans et
demi, cette rencontre s'est tenue au niveau ministériel et a été
marquée par une large participation internationale: environ 90 délégations
se sont rendues à Paris, y compris des représentants d'Israël,
pour la première fois depuis le début de l'intifada en 2000.
"Cela ne nous concerne pas", répondaient généralement
les Israéliens à toutes les invitations à participer à
l'examen des problèmes de l'assistance économique à la
Palestine. Dans ces conditions, cet examen était insensé, car le
virement de fonds, l'octroi d'une aide humanitaire et, à plus
forte raison, la réalisation de projets économiques étaient
impossibles sans l'accord et le concours d'Israël.
La venue des Israéliens à Paris ne signifie nullement que
leur position a radicalement changé. La ministre israélienne des
Affaires étrangères Tzipi Livni a déclaré: "Le bien-être
et le développement économique palestiniens et la sécurité
israélienne sont des facteurs interdépendants". Cela
suppose d'abord des garanties de sécurité pour Israël, ensuite
la volonté des Israéliens de ne pas empêcher le développement
des territoires palestiniens. Néanmoins, le fait que les Israéliens
s'y soient rendus et qu'ils aient manifesté leur volonté de
participer au dialogue est déjà un pas en avant.
On a pu observer un état d'esprit favorable au compromis à la
suite de la rencontre internationale de novembre à Annapolis (Etats-Unis)
qui a dégelé le processus de paix après sept années
d'interruption. La décision de déployer un maximum d'efforts en
vue d'assurer la création de l'Etat palestinien avant fin 2008 y
a également été adoptée. En fait, les décisions prises à
Paris devraient constituer le fondement financier de la mise en
oeuvre de tous ces projets.
Le tableau pourrait paraître idéal mais il y a un
"hic". Il s'agit de la position du Mouvement de la résistance
islamique (Hamas) qui a cessé tout rapport avec le président de
l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas après avoir pris le
pouvoir dans la bande de Gaza en juin dernier. La bande de Gaza
s'est retrouvée isolée, et la situation frôle la catastrophe
humanitaire.
Les projets de réformes économiques pour lesquels la
communauté internationale débloque des fonds supposent, entre
autres, le financement de la bande de Gaza. Mais cela est
impossible si les Palestiniens n'arrivent pas à s'entendre. Il
est peu probable que les sommes promises contribuent à leur réconciliation.
L'administration de Mahmoud Abbas n'a aucune intention de laisser
échapper le contrôle des flux financiers et, par conséquent, le
pouvoir. D'ailleurs, l'Occident qui refuse de mener le dialogue
avec le Hamas ne laissera pas l'argent tomber entre les mains des
islamistes. Rappelons que les Etats-Unis et l'Europe avaient gelé
l'aide aux Palestiniens après la victoire du Hamas aux élections
législatives de janvier 2006. Cela ne contribua pas à améliorer
la compréhension entre les Palestiniens et ne fit qu'envenimer
les divergences politiques. Le résultat est connu: une division définitive
et l'isolement de la bande de Gaza.
A présent, la situation se répète, mais avec une plus grande
envergure. Ce n'est pas par hasard si les leaders du Hamas ont
affirmé que la conférence de Paris n'était qu'une
"tentative pour étouffer la résistance palestinienne".
"Une aide financière en échange de la sécurité d'Israël
correspond à l'étouffement de la résistance palestinienne, il
s'agit d'une tentative pour imposer le programme euro-américain
de contrôle sur les dirigeants palestiniens", affirment les
islamistes.
Mais ils rusent, car la cause de leur mécontentement est
autre. Le Hamas comprend que l'aide administrée par les pays
donateurs ajoute du poids à ses opposants politiques et prive peu
à peu le mouvement de la possibilité de dicter ses conditions
dans le processus de réconciliation interpalestinienne.
D'ailleurs, il se peut que ce processus n'ait jamais lieu. Le prix
du compromis est très élevé, et Mahmoud Abbas pourrait en
arriver à trop exiger de ses opposants islamistes. Il est
parfaitement conscient que l'aide sera apportée sous des
conditions déterminées, dont celles du dialogue avec Israël et
de la garantie de sa sécurité. Le Hamas ne fera jamais de telles
concessions.
Ce n'est pas par hasard que le ministre russe des Affaires étrangères
Sergueï Lavrov a attiré l'attention, dans le discours qu'il a
prononcé à Paris, précisément sur la situation régnant dans
la bande de Gaza, en estimant que l'aide aux Palestiniens ne
devait "pas être discriminatoire". Autrement dit, elle
doit concerner la Palestine tout entière. Mais personne ne sait
comment le faire dans les conditions actuelles de divergences
interpalestiniennes, personne ne sait non plus comment créer un
Etat palestinien sans la bande de Gaza. La communauté
internationale espère probablement que la situation changera
d'elle-même pendant que se poursuivent les négociations de paix.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
Maria Appakova, analyste politique
© 2007 RIA
Novosti
Publié le 22 décembre 2007
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