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RIA Novosti
Israéliens et Palestiniens: 60 ans après
Maria Appakova
Photo RIA Novosti 12 mai
2008 Les Israéliens fêtent ces jours-ci les 60 ans de la
proclamation de l'indépendance de leur Etat. Les Palestiniens,
eux, fêteront 60 ans de catastrophe nationale. Ni les uns ni les
autres ne savent quand la paix s'installera dans leur région.
Depuis 60 ans, c'est toujours la même question qui reste au
premier plan de l'agenda proche-oriental: deux Etats, l'un arabe
et l'autre hébreu, peuvent-ils coexister sur un même territoire?
Cela dit, même si la question reste la même, la situation a
tout de même bien changé. L'Etat d'Israël existe depuis 60 ans
déjà, en dépit de ses ennemis extérieurs et de ses problèmes
intérieurs. Et aujourd'hui, excepté les fanatiques
irréductibles, peu de gens remettent en question le droit à
l'existence d'Israël. Ce droit a également été reconnu par des
Etats arabes, certains l'ont fait officiellement, en signant la
paix avec l'Etat hébreu, d'autres attendent encore, mais en tout
cas le Proche-Orient n'est plus aujourd'hui prisonnier du mot
d'ordre "tout ou rien". De leur côté, les Israéliens sont prêts
à reconnaître l'Etat palestinien, et même à signer la paix avec
la Syrie. La question est juste de savoir à quel prix.
"Nous rêvons de la paix, mais pas au prix d'une capitulation,
nous n'accepterons pas un diktat", a déclaré à la veille du Jour
de l'indépendance le président israélien Shimon Peres.
Cependant, on ne voit pas comment éviter que le retrait des
territoires occupés ne ressemble pour la majorité des Israéliens
à une capitulation. Du moins, beaucoup de gens le pensent encore
aujourd'hui, particulièrement à la lumière des événements de la
bande de Gaza. Les Israéliens ont besoin de garanties de
sécurité, garanties que l'administration palestinienne,
paralysée par ses problèmes intérieurs, n'est aujourd'hui pas en
mesure de leur fournir. Cela rend la paix presque impossible.
Les Israéliens ne veulent pas d'une paix au prix de nouvelles
guerres et donc de nouvelles pertes, ils préfèrent de loin la
sécurité. Même si elle reste irréaliste sans une paix
définitive.
Depuis la fondation de l'Etat, plus de 16.500 Israéliens sont
morts sur les champs de bataille, et plus de 1.500 dans des
attentats terroristes. Rien que pour l'année passée, 65
militaires et environ 20 civils ont trouvé la mort. Ce n'est pas
par hasard que lors de la cérémonie en mémoire des victimes des
guerres et des attentats, qui précède traditionnellement le Jour
de l'indépendance, Shimon Peres a désigné Israël comme une
"maison édifiée sur une mer de larmes". Aujourd'hui la liste
tragique des victimes continue de s'allonger, et les nouvelles
générations d'Israéliens se demandent quand la paix règnera
enfin sur cette terre. Les Palestiniens, parmi lesquels les
victimes se comptent en dizaines de milliers, se posent la même
question.
Le président américain George W. Bush est attendu la semaine
prochaine dans la région. Il doit participer aux cérémonies
officielles à l'occasion des 60 ans de l'Etat d'Israël et, cela
va de soi, ne pourra éviter les déclarations sur le déroulement
des négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens.
Rappelons que Bush avait promis en novembre 2007 qu'un accord de
paix serait conclu avant la fin de son mandat présidentiel. A un
peu plus de six mois de cette échéance, le président américain
se voit obligé de faire état d'un progrès dans les négociations.
Une semaine avant l'arrivée de Bush dans la région - en
Israël et dans les territoires sous le contrôle de l'Autorité
palestinienne - c'est sa secrétaire d'Etat Condoleezza Rice qui
s'est rendue sur place. Elle a eu des entretiens tant avec le
premier ministre israélien Ehud Olmert qu'avec Mahmoud Abbas.
Après sa rencontre avec ce dernier, Rice a déclaré que
l'objectif de faire aboutir les négociations était tout à fait
réalisable, et Abbas d'ajouter que 90% du chemin avait déjà été
fait. Les médias israéliens ont également relayé des progrès en
la matière, à l'issue de la rencontre israélo-palestinienne qui
s'est déroulée le lendemain de la visite de la secrétaire d'Etat
américaine sous la présidence d'Olmert et Abbas et avec la
participation des groupes de travail responsables de
l'élaboration des conditions des accords de paix. Le
porte-parole du premier ministre israélien Marc Regev a qualifié
les négociations de "plus sérieuses jamais menées sur la
question palestinienne".
Peut-on croire à toutes ces déclarations, en considérant
qu'hier encore Abbas a reconnu que ces six derniers mois les
parties n'ont pas ajouté une seule lettre au projet d'accord de
paix? Certaines sources palestiniennes évoquent de plus en plus
souvent une possible démission d'Abbas en cas d'échec des
négociations, et ce n'est pas anodin. Il est vrai, aucune
déclaration officielle n'a été faite à ce sujet, et il s'agit
probablement d'un chantage envers Israël et les Etats-Unis afin
qu'ils accélèrent les négociations et fassent preuve de plus de
souplesse. Parce qu'en cas de démission d'Abbas, il n'y aura
plus personne avec qui conclure des accords de paix, du moins
avant un certain temps. D'un autre côté, de quel compromis
peut-il être vraiment question? Les 10% sur lesquels, à en
croire Mahmoud Abbas, les deux parties doivent encore tomber
d'accord ne seront-ils pas finalement une pierre d'achoppement?
Comme l'écrit le journal israélien Haaretz, la partie
israélienne est prête à libérer 90% du territoire qu'elle occupe
en Cisjordanie. Les Palestiniens insistent sur le chiffre de
98%. Tout cela dans un contexte où les deux parties démentent
officiellement toute information provenant de "sources bien
informées" évoquant de près ou de loin des chiffres ou des
projets précis. Mais chacun sait que le principal problème
réside dans les négociations sur le statut de Jérusalem. La
partie palestinienne n'a aucune intention de renoncer à son
droit de considérer Jérusalem-Est (Al-Quds) comme la capitale de
son Etat. Pour le premier ministre israélien, accepter une
séparation de la ville équivaudrait à un suicide politique.
Même sans cela, l'avenir du gouvernement d'Olmert est
extrêmement flou. La coalition gouvernementale qu'il dirige est
composée de 64 députés, pour une majorité se situant à 61. La
menace d'un échec du gouvernement et de l'organisation de
nouvelles élections est une réalité objective, d'autant qu'Olmert
fait l'objet de poursuites judiciaires, dont le motif reste
inconnu de la société israélienne en vertu d'une décision du
tribunal. Les juges ont préféré éviter toute agitation superflue
à la veille des fêtes et de la visite de George W. Bush.
Cependant, de nombreux experts estiment qu'il s'agit d'un
nouveau scandale de corruption. Ce genre de poursuites à
l'encontre de personnalités israéliennes ne sont pas rares, et
beaucoup dans le pays relèvent déjà une tendance: à chaque fois
qu'un politique ou un autre se trouve proche d'avancées
significatives dans le processus de paix, les poursuites
judiciaires s'intensifient autour de lui. Beaucoup parviennent à
se maintenir au pouvoir, mais cela demande des compromis non
plus avec les Palestiniens, mais avec leurs partenaires dans la
coalition. Dans le cas d'Olmert, il s'agit d'ailleurs du refus
de séparer Jérusalem en échange du maintien dans la coalition du
parti orthodoxe Shass.
D'ailleurs, même si Olmert prend le risque, il devra
obligatoirement faire ratifier toutes les ententes intervenues
par la Knesset et, selon toute vraisemblance, par un référendum
national. Ce référendum pourrait parfaitement être remplacé par
des élections qui confirmeraient la légitimité des actions d'Olmert
dans les négociations de paix. Mais a-t-il une chance de
l'emporter? La même procédure attend Mahmoud Abbas, qui n'a pas
proposé par hasard d'organiser prochainement en Palestine des
élections législatives et présidentielle. Cette idée est
cependant tombée à l'eau avec la prise du pouvoir du Hamas à
Gaza en été 2006. Et sans son accord, il est impossible
d'organiser des élections.
Ainsi, Abbas comme Olmert devront surmonter de nombreuses
difficultés, en premier lieu intérieures, pour avancer sur le
chemin de la paix. Y parviendront-ils, ou faudra-t-il encore
attendre 60 ans?
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
© 2007 RIA Novosti
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