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Justifier
l'injustifiable deviendra-t-il le but ultime de la philosophie ?
Marc-Antoine Coppo
Mercredi 14 janvier 2009 Chaque fois qu’Israël se
lance dans une de ces sanglantes opérations punitives destinées
à « restaurer sa capacité de dissuasion », qui sont devenues au
fil des décennies sa marque de fabrique, il se trouve toujours
un philosophe français prêt à mobiliser toutes les ressources de
la dialectique pour justifier l’injustifiable. Le dernier
exemple en date nous a été donné par la tribune d’André
Glucksmann que Le Monde a publié dans son édition du 7 janvier.
A ce jour, Glucksmann est le seul« philosophe »
- étymologiquement « amoureux de la sagesse » - à s’être exprimé
sur le sujet dans les pages Débats du quotidien de référence de
la presse française.
S’étant aperçu que l’évidente disproportion des
moyens militaires employés par Tsahal dans son offensive contre
Gaza avait frappé jusqu’aux observateurs les mieux disposés à
l’égard de l’Etat d’Israël, Glucksmann s’attache à justifier
cette « disproportion », en tournant en ridicule l’idée même
d’une « réponse proportionnée » : « Voudrait-on
qu’Israël imite tant de radicalité et procède à une gigantesque
purification ethnique ? Désire-t-on vraiment qu’Israël en miroir
se "proportionne" aux désirs exterminateurs du Hamas ? »
s’interroge ironiquement le philosophe. En effet, voilà bien un
questionnement de nature à susciter la réflexion ...
Le jour (peut-être pas si éloigné) où, ayant
échoué à « démanteler l’infrastructure
terroriste » qui menace l’existence de l’Etat d’Israël
(comprenez à briser la résistance armée) par des moyens
« classiques » (blocus, bombardements, attentats ciblés, etc.),
les dirigeants israéliens se résoudront, en désespoir de cause,
à déclencher le feu nucléaire, on peut d’ores et déjà parier
qu’un philosophe français de renom trouvera encore le moyen de
justifier, dans les colonnes du Monde, l’anéantissement du « Hamastan »
ou du « Hezbollastan » en convoquant Pascal ou Spinoza, tout en
fustigeant la « bien-pensance » de commentateurs qui auraient
l’audace de trouver « disproportionnés » les moyens mis en
oeuvre.
Effrayant ? Assurément. Improbable ? Pas si
sûr ! Car comme le déclare André Taguieff dans une interview à
un journal polonais (1), c’est bien d’une guerre mondiale dont
il s’agit dans laquelle tous les moyens doivent être employés :
« Car les Israéliens sont aux avants-postes du
combat contre le vrai fascisme de notre temps : l’islamisme
radical, ou jihadiste. Les nouveaux ennemis des Juifs sont aussi
les ennemis de la liberté et du régime qui l’incarne, la
démocratie libérale/pluraliste, cette précieuse invention de
l’Occident. Ceux que Norman Podhoretz appelle les « islamofascistes »
n’en veulent pas. Responsables de la Quatrième Guerre mondiale,
ils ont lancé le Jihad mondial contre les partisans de la
liberté en même temps que contre les « judéo-croisés ». Défendre
la liberté, c’est aujourd’hui combattre par tous les moyens le
camp islamo-révolutionnaire, au Proche-Orient comme en Europe,
en Asie comme en Afrique. Contre les talibans et Al-Qaida en
Afghanistan, contre la dictature islamiste à l’iranienne et le
Hezbollah libanais, ou contre le Hamas et le Jihad islamique
dans la bande de Gaza, le combat est le même. »
N’est-ce pas la preuve que lorsque « l’ennemi »
est désigné, diabolisé, transformé en barbare, alors tout est
permis, y compris d’assigner comme but ultime à la philosophie
la justification de l’injustifiable ?
Marc-Antoine Coppo
Universitaire (Nice), co-auteur de La Manipulation à la
française, éditions Economica, 2003
Publié le 14 janvier 2009
avec l'aimable autorisation d'Oumma.com
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