Les défis de l'Europe
La planète de la folie
L'école de simianthropologie de Paris
Manuel de Diéguez
Manuel de Diéguez
Dimanche 29 avril
2012
Entre les deux étapes de l'élection
présidentielle, le moment paraît propice
pour souligner sur la carte électorale
de la France les sujets dont la classe
politique française ne dira pas un mot
au peuple souverain. Il ne saurait être
question d'évoquer un sujet aussi futile
que l'occupation militaire de
l'Allemagne par deux cents garnisons
américaines et de l'Italie par cent
trente sept d'icelles soixante sept ans
à peine après la capitulation de ces
deux peuples, il ne saurait être
question de débattre des difficultés
pour jardin d'enfant qu'entraîne la
guerre de la démocratie mondiale et de
ses livres d'images contre l'assiégeant
de Gaza et le conquérant de la
Cisjordanie, il ne saurait être question
d'une querelle de pure scolastique sur
les courses de chars dans l'arène du
cirque et sur le coût des combats de
gladiateurs des Romains sous les yeux
des Burgondes, des Parthes ou des
Germains, il ne saurait être question du
contrôle de la carte de crédit et de la
surveillance de la nourriture des
voyageurs qu'exerce un empire victorieux
sur ses vassaux en transit sur son
territoire, il ne saurait être question
des mondanités qui déplacent le centre
de gravité de la planète au profit de
nos futurs libérateurs, il ne saurait
être question de suivre à la jumelle les
douze porte-avions du souverain qui
sillonnent jour et nuit toutes les mers
du globe, il ne saurait être question de
la tirelire percée qui précipitera le
dollar jusqu'au centre de la terre, il
ne saurait être question du zéphir de
printemps qui folâtre dans les cheveux
d'un milliard et demi de chevaliers
d'Allah dont les nuées secourables aux
nations vaincues du Vieux Monde
accourent de tous côtés pour notre
salut.
Mais la
chouette de Minerve prend son vol au
crépuscule. L'heure a sonné pour ramener
à grands pas la philosophie non
seulement à l'inspection de la boîte
osseuse d'une espèce dont Platon avait
commencé de relever la topographie
sommitale, mais de s'interroger sur la
folie dont les évadés de la zoologie se
chapeautent d'un millénaire à l'autre.
Si Erasme revenait parmi nous cinq cent
deux ans après la parution de son
Eloge de la folie, recourrait-il
à l'humour sinistre et au badinage
grimaçant qui lui ont fait mettre dans
la bouche de la démence elle-même un
tableau flatteur de ses ravages, ou bien
dirait-il avec la gravité germanique de
Goethe: " La vérité doit être
martelée avec constance, parce que le
faux continue d'être prêché, et non
seulement par quelques-uns, mais par une
foule de gens. Dans la presse et dans
les dictionnaires, dans les écoles et
dans les Universités, partout le faux
est au pouvoir, parfaitement à l'aise et
heureux de savoir qu'il a la majorité
avec lui."
Sans doute
l'illustre Hollandais consulterait-il le
petit Larousse illustré afin d'apprendre
si la vérité est mieux reçue de nos
jours que de son temps. Il y lirait que
son apologie sarcastique de l'aliénation
mentale de notre espèce est "enjouée,
mais souvent hardie à l'égard des
diverses classes de la société, y
compris le clergé". Il en conclurait
que la vérité demeure accusée d'une
audace pécheresse et que le rire reste
un masque de la lucidité. Mais, en 1510,
un délire universel n'avait pas encore
conquis la planète entière, tandis que,
de nos jours, celui qui n'observe pas
l'histoire du monde au télescope de la
Nef des fous n'explique en
rien le tableau qu'il vous peint.
Demandons-nous donc un instant ce qu'il
est advenu du verbe comprendre
depuis Erasme et tentons de faire le
point sur l'Océan.
"
1 -
" La planète
brûlait et ils regardaient ailleurs "
(Le Monde, 2 avril 2012)
Au cours de la présente rétrospective
des évènements qui ont jalonné
l'histoire du monde depuis 2050 jusqu'au
début de ce XXIe siècle
- Un
regard du dehors est-il possible
?22
avril 2012
-
Les
danseurs de corde
,
15 avril
2012
je
m'étais arrêté à l'an 2012, où la chute
de l'empire monétaire et militaire du
Nouveau Monde était devenue inexorable.
C'était à la faveur de l'impuissance
croissante de Washington sur la scène
internationale que l'Ecole de Paris
avait posé les fondements d'une science
historique et d'une politologie
mondialisées et enfin conjointes. J'ai
expliqué que cette simianthropologie
était partie d'un bon pas à la conquête
d'un recul de la pensée rationnelle qui
fût digne du troisième millénaire,
tellement la notion d'objectivité
dont disposaient les héritiers fatigués
de la semi raison des humanistes du XVIe
siècle avait cessé de répondre aux
attentes distanciatrices d'un univers
devenu pluridimensionnel en 1905 et au
débarquement de l'empire de
l'inconscient dans l'interprétation de
l'histoire à quatre dimensions. Les
instruments d'analyse et d'observation
de l'évolution cérébrale de notre espèce
dont les travaux de l'Ecole de Paris
nous ont armés, nous permettent de
photographier la schizoïdie originelle
dont nous souffrons depuis notre sortie
hasardeuse de la zoologie.
Si la spectrographie des premiers
simianthropes qui se sont envolés en
direction des mondes fantastiques et
mouvementés qui les traquaient n'en est
encore qu'aux balbutiements, c'est parce
qu'il nous a fallu plusieurs décennies
pour apprendre à tracer une frontière
relativement sûre entre une "raison"
devenue plus consciente des difficultés
à vaincre et une "déraison" demeurée
inconsciente de sa cécité tumultueuse et
en tous lieux répandue. On sait que les
deux entendements avaient longtemps
prétendu que leur entente apparente et
toute de surface engendrait une
intelligibilité consensuelle du monde.
Nous nous sommes donc initiés à la
radiographie de l'irrationalité
inconsciente de sa propre dichotomie qui
téléguidait les équipées bancales de nos
ascendants vers les royaumes fabuleux et
"réels" qu'enfantait leur "raison" alors
dédoublée entre le ciel et la terre.
Mes lecteurs savent avec quelle fidélité
le nain que je suis s'est toujours
attaché à mettre ses pas dans les traces
des géants de l'Ecole de
simianthropologie de Paris.
2 -
Encore l'Ecole de simianthropologie de
Paris
En 2012, le spectacle de la débilité
originelle que présentait le
fonctionnement de la boîte osseuse des
classes dirigeantes du monde entier
était devenu tellement hallucinant que
les élites politiques couraient à fond
de train d'un continent à l'autre afin
de rattraper par ses basques une
thérapeutique démocratique demeurée
aussi enténébrée que ridicule. Pour la
première fois, l'allure déhanchée et
tremblante de la raison politique
mondiale présentait sur notre astéroïde
un spectacle tellement tragi-comique
qu'il faisait s'esclaffer le parterre.
Non seulement tout le monde voyait
qu'Israël conduisait la planisphère à la
catastrophe, tellement il était évident
que jamais cet Etat ne mettrait un terme
définitif à ses conquêtes et que, par
conséquent, un conflit sanglant et
insoluble allait inévitablement se
produire entre les idéaux démocratiques
piétinés aux yeux de tout le genre
humain et le glaive des justiciers
bibliques, non seulement tout le monde
savait que les pays arabes s'étaient
réveillés, non seulement tout le monde
savait que la Russie, la Chine, l'Inde,
l'Afrique du Sud avaient déplacé le
centre de gravité de la mappemonde, non
seulement tout le monde savait que Jahvé
tenait la Maison Blanche et le Congrès
au bout de sa laisse et que la débâcle
ou la survie du dollar dépendait
d'Israël, non seulement tout le monde
savait qu'aucun empire militaire ne
résiste longtemps à la ruine de ses
finances, non seulement tout le monde
savait que les peuples du monde entier
allaient prendre la relève de
l'impéritie de leur classe politique,
mais tout le monde regardait ailleurs.
Aussi la
géopolitique montait-elle en infirme sur
les planches d'un théâtre pour enfants,
aussi l'évangélisme démocratique et la
diplomatie sautillante feignaient-ils de
guider l'ange de la Liberté sur notre
goutte de boue, aussi la raison
politique cherchait-elle en vain un
regard du dehors sur la comédie que les
Etats se jouaient les uns aux autres.
Mais rien n'y faisait: plus gesticulante
de naissance que jamais, notre espèce
demeurait
incompréhensible à elle-même. Trois
siècles auparavant, un certain Jonathan
Swift avait essayé de se loger un
instant dans un recoin du cerveau du
genre simiohumain de son temps et de
décrire de l'intérieur la sottise des
exploits d'un animal manchot; mais le
monde ne s'était pas encore suffisamment
évadé de l'enceinte cérébrale dont
disposait la raison du XVIIIe siècle
pour que son génie le conduisît à bon
port.
Afin
d'élever à la tragédie la cécité
intellectuelle des Yahous [1] de notre
temps et pour peindre la folie du
personnage dont Erasme a feint de
prononcer l'éloge, il a fallu que
l'Ecole de Paris rendît la
pathologie du malade visible à toute la
terre. Par bonheur, nos
simianthropologues s'offrent, depuis
2012, le spectacle d'un primate courant
à toutes jambes à la poursuite d'un
colifichet salvifique, qu'il appelle la
Liberté. Mais ce n'est que tardivement -
à partir de 2030 - qu'il nous est devenu
évident qu'il ne suffisait plus d'élever
de quelques degrés la température de la
démence de l'aliéné pour découvrir à
quelle hauteur du mercure la fièvre
faisait exploser le thermomètre. Voici
comment nous avons découvert le
précipité chimique qui présente des
délires nouveaux à décrypter.
[1] Peuplade de demeurés
mentaux sous les traits de
laquelle Swift peint le genre
humain
3 -
L'effondrement d'un empire
En 2011,
les démocrates américains poussaient des
cris inarticulés sur tout le territoire
du Nouveau Monde. Leurs vociférations
portaient sur le point suivant: le
peuple des Atlantes était sommé
d'intervenir avec vigueur et énergie
auprès des sénateurs et des députés du
parti d'en face, afin qu'ils voulussent
bien se décider de bonne grâce et toutes
affaires cessantes à tirer le pays du
gouffre dans lequel il allait tomber.
Quel était le péril à conjurer? Si les
Républicains, disaient-ils, hésitaient à
relever de deux mille milliards de
dollars salvifiques le plafond de la
dette de l'Etat et à imposer subito
à la population une baisse
supplémentaire de mille milliards de
dollars sur les dépenses de santé des
personnes du troisième âge - donc en
contrepartie d'un creusement
supplémentaire du cratère sans fond des
finances publiques - la faillite
monétaire et financière du pays était
inévitable. Mais tout le monde
s'accordait pour passer sous silence le
coût, bien plus exorbitant, de
l'entretien de plus de mille garnisons
évangélisées jusqu'aux dents que
l'empire militaire avait semées sur les
cinq continents depuis 1945. Pourquoi
les deux partis du fantastique militaire
demeuraient-ils motus et bouche cousue
sur le nerf de la guerre, alors que tout
le monde savait que le pactole de la
démence impériale n'était alimenté et
comptabilisé que par les bons du trésor
fictifs d'Alice au pays des merveilles?
Il existait un consentement général de
la planète pour cacher à la vue de
Blanche Neige les montagnes de dollars
imaginaires qui ne seraient jamais
remboursés, mais qui se laissaient
entasser comme Pélion sur Ossa. Le
grossissement exponentiel d'une dette
délirante était condamné à s'auto-alimenter
d'une année à l'autre, mais seulement
dans un univers des calculateurs, parce
que ledit amoncellement des dollars de
la chimère passait pour de la monnaie
sonnante et trébuchante aux yeux d'un
peuple d'aliénés.
Mais, dit l'Ecole, la folie proprement
simiohumaine n'avait pas changé de
nature depuis qu'Erasme en avait
diagnostiqué le caractère onirique. En
1510, on achetait encore les bons de
caisse du paradis aux guichets de
l'Eglise, maintenant, on vendait le
papier-monnaie du salut démocratique à
la banque centrale d'émission des
nouveaux tickets du salut et le
papier-monnaie de la grâce ne portait
plus le signe de la croix, mais celui de
la rédemption par la sesterce.
L'encéphale de la classe politique
mondiale s'était tellement rétréci sous
la houlette du clergé des banques que
Gulliver claironnait en vain aux
oreilles des citoyens que la nouvelle
sotériologie dansait sur le volcan de
Sully Prudhomme et que le globe
terrestre allait déverser des torrents
de lave et de feu sur les dignitaires de
la démocratie la plus sacerdotale que
l'histoire eût connue.
4 - La
vengeance des dieux morts
Le ratatinement cérébral des élites
dirigeantes de l'époque était tel que
personne n'avait observé la première
conséquence du délire en or massif qui
pilotait les neurones rabougris du
clergé mondial du métal jaune, à savoir
que le sacré ecclésial des ancêtres ne
trouvait plus son expression dans les
nues, de sorte que le vaisseau du
fabuleux mental se trouvait en cale
sèche. Aussi les dieux se
cherchaient-ils leurs nouvelles
bandelettes sur la terre. Les idoles
bien ciselées que les ancêtres avaient
ficelées à leurs statues et à leurs
autels avaient été tellement mises hors
service par le veau d'or que le dieu
nouveau ne trouvait plus de proie à
dévorer sur l'offertoire des
actionnaires de la Liberté. La charrette
que les ancêtres avaient surchargée de
leurs dévotions concernant les bienfaits
du ciel et les épouvantes infernales
était tombée dans l'abîme de
l'incroyance. Des haillons et des
oripeaux de l'orthodoxie d'autrefois
couraient tout seuls de-ci, de-là.
Aussi avait-on mis à la mer de
gigantesques substituts de la Révélation
- des plateformes d'acier dont les
canons manquaient des boulets d'une
théologie résolument doctrinale. Les
naufragés rêvaient de conquérir l'une
après l'autre les planètes du système
giratoire qui emportait tout le monde
vers une lointaine galaxie. La liberté
était devenue une divinité à la fois
vacante et dont rien ne pouvait
rassasier la folie dès lors que cette
gloutonne manquait des milliers de
bœufs, de boucs et de moutons qu'
immolaient les Anciens.
Le
regard nouveau sur la faim et la soif du
Tantale simiohumain que l'Ecole de
Paris a conquis à partir de 2030
nous a conduits à l'observation des
délires religieux ramifiés dont les
modernes font désormais leur nourriture
principale; car depuis 1510, leur
sainteté en folie s'est égarée sur le
territoire de la sacralisation
subreptice de leurs dernières
canonnades. On voit ce qui manquait aux
Erasme, aux Swift et aux Thomas More:
les malheureux ne disposaient encore en
rien d'un regard panoramique sur le
cerveau des caissiers de la bête
bipolaire qui se précipitait maintenant
de tout son élan et les yeux fermés dans
le gouffre où l'attendait l'or d'un
Crésus imaginaire.
5 - Le verbe
comprendre
A la
vérité, il serait injuste à l'égard des
premiers anthropologues du ciel
bipolaire de nos ancêtres de ne pas
souligner qu'ils avaient commencé de
rendre planétaire le regard de la raison
que l'école des simianthropologues de la
folie a ensuite conquis sur la démence
des Sisyphe de la mort. Il faut
notamment rendre hommage aux penseurs du
XVIIIe siècle. C'est à eux que nous
devons les premiers fondements de la
simianthropologie générale
d'aujourd'hui. Ils ont si bien ruiné les
songes politico-évangéliques et les
utopies de la raison séraphique qu'ils
nous a suffi de les suivre pas à pas
pour explorer, aux côtés de leurs
descendants, le gouffre dans lequel
l'humanisme abstrait de l'Occident était
tombé un demi millénaire seulement après
la mort de l'auteur de l'Eloge de
la folie.
Mais l'Ecole
de Paris est la première qui ait
porté un regard du dehors sur le
concept, donc sur l'idée qu'Abélard
avait commencé de désacraliser au XIe
siècle et d'en faire un outil porteur
des armes de l'abstraction. Et
maintenant, nous observons de
l'intérieur la bête dialecticienne et
langagière que cuirasse et verrouille
son vocabulaire biphasé.
Observons un instant la bête onirique
des modernes et ses glaives: tout le
monde voit maintenant clair comme le
jour que le capitalisme des carnassiers
et le monothéisme compassionnel se
cautionnent réciproquement afin de ne
jamais terrasser le saint profit. Il en
résultait que l'éthique de l'idole de
type biblique ne pouvait courir au
secours ni d'elle-même, ni du monde,
puisque son ciel se trouvait dichotomisé
d'avance entre les félicités qu'elle
accordait à sa créature et les tortures
bien aiguisées qu'elle lui infligeait
dans ses souterrains. La pensée
principielle écartelait le sujet et la
pensée nominaliste échouait à le saisir
et à le clouer au piquet de l'abstrait.
L'Ecole de Paris en a conclu que jamais
le simianthrope ne se mettra en mesure
de se réformer à l'école des grâces de
son ciel et des bénédictions acérées de
ses lexiques. Mais, dès ce moment-là, le
monde entier aurait dû comprendre qu'il
n'appartenait plus à l'intelligence
d'une espèce pseudo rationalisée de
découvrir le trésor cérébral qui
l'armerait du pain de l'intelligence.
Alors le bimane que vous savez aurait dû
apprendre à construire la balance dont
les plateaux le soumettraient à une
pesée nouvelle de ses neurones.
J'ai déjà dit que Jonathan Swift était
tombé en panne pour avoir crédité le
genre simiohumain d'une "étincelle de
raison". Celle-ci était demeurée
tellement faible, disait-il, qu'elle
s'était révélée bien insuffisante pour
éclairer avec des torches la caverne
enténébrée des Yahous. Le Gulliver du
grand Irlandais était de son siècle; ce
contemporain de Voltaire croyait que la
raison des Houyhnhnms [2] était une
plante miraculée que la terre avait
suffi à porter à sa perfection. Mais si
vous guérissez les Yahous des maladies
du sacré, vous faites seulement des
Houyhnhnms des alchimistes avertis, non
des regardants du dehors.
[2] Les
Houyhnhnms symbolisaient
l'humanité rationnelle et idéale
qui a relégué dans un coin de
l'île la semi-humanité des
Yahous.
Les
premiers, les simianthropologues de
Paris ont isolé et analysé les
ingrédients psychobiologiques qui
entraient dans la composition de la
raison semi-animale de leurs congénères
et qui la couvraient de chancres et
d'abcès. Car le concept peut gangrener
le savoir, l'abstrait peut se changer en
cancer. L'Ecole a dressé le portrait en
pied d'une simiohumanité idéalisée à
l'école des sorciers bucoliques du
rousseauisme, alors que, de nos jours,
nos dépeceurs du faible entendement de
nos ancêtres ont appris que nos carences
cérébrales d'autrefois témoignaient
d'une pathologie inconnue de la science
médicale des Hippocrate et des Gallien.
Aussi diagnostiquons-nous la maladie
mentale qui frappait tous les
simianthropes et qui n'échappait à nos
regards qu'en raison de la pauvreté des
radiographies auxquelles nous
soumettions le verbe comprendre
de l'époque.
6 - Caligula et
nous
Dès la
semaine prochaine, je vous entretiendrai
de Caligula. Mais pour l'instant,
commémorons la découverte, il y a dix
ans, des simianthropologues de l'Ecole
de Paris qui ont réussi l'exploit
mémorable de mettre en évidence
l'inconscient qui pilote les règles
mêmes du raisonnement que les
semi-évadés de la nuit animale
chargeaient autrefois de redresser
l'échine du verbe expliquer et de
le rendre profitable à leurs intérêts.
Mais l'école française ne s'est pas
contentée de faire changer de cosmologie
mythique au genre simiohumain tout
entier; elle a contraint notre espèce de
se domicilier dans le néant. Depuis
lors, nous nous trouvons égarés et
privés de boussole dans un univers
immense et sans voix, et pourtant, nous
sommes devenus capables de nous mettre à
l'écoute du vide que nous habitons.
Comme
disait le Caligula de Camus: "Les
hommes meurent et ne sont pas heureux".
Et il ajoutait: "Réjouissez-vous, il
vous est enfin venu un empereur pour
vous enseigner la liberté".
Décidément, il nous faudra apprendre à
peser la folie du monde à l'école
d'Héliogabale, de Tibère, de Caligula,
puis de nos trois dieux uniques à leur
tour. Car leur trio s'est mis à l'écoute
de la démence de Caligula, qui disait: "Je
ne suis pas fou, et même je n'ai jamais
été aussi raisonnable. Simplement, je me
suis senti tout d'un coup un besoin
d'impossible. (…) J'ai donc besoin de la
lune, ou du bonheur, ou de
l'immortalité, de quelque chose qui soit
dément peut-être, mais qui ne soit pas
de ce monde." (Camus, Caligula,
Acte 1, scène 5)
Vous
voyez bien qu'il faudra nous mettre à
l'écoute du professeur de folie qui
disait, sous la plume de Camus: "Tout,
autour de moi, est mensonge, et moi, je
veux qu'on vive dans la vérité! Et
justement, j'ai les moyens de les faire
vivre dans la vérité. Car je sais ce qui
leur manque, Hélicon. Ils sont privés de
la connaissance et il leur manque un
professeur qui sache ce dont il parle."
(Ibid.)
7 - L'élection du
6 mai et la pesée de la vérité
Le temps qui sépare le 22 avril du 6 mai
est favorable à la pesée de la vérité.
M. Nicolas Sarkozy et M. François
Hollande savent-ils ce que signifient
les mots de la folie dans la bouche de
la démocratie? Savent-ils ce qu'il en
est du mensonge en politique, savent-ils
ce que signifie "vivre dans la vérité"?
Savent-ils ce qui nous manque, ces
catéchistes de leurs électeurs,
savent-ils de quoi ils parlent, ces
apôtres et ce qu'il faut entendre par un
professorat du suffrage universel et de
la connaissance politique que
l'électorat est censé véhiculer?
Le
dimanche 6 mai, nous fêterons les
funérailles de Caligula. Mais alors, il
nous faudra apprendre à observer du
dehors les animaux mal construits que
nous sommes demeurés; et si nous
parvenons à radiographier les vices de
fabrication qui nous caractérisent, le
savoir de la France de demain deviendra
une maïeutique, donc un accoucheur de
notre intelligence politique à venir.
Mais pour cela, il nous faudra observer
à la loupe les ressorts
simianthropologiques des meurtres dévots
d'Israël en Cisjordanie et à Gaza; car
nos deux docteurs de la Liberté ne nous
piperont mot du parallélisme entre les
carnages démocratiques et l'expansion
sotériologique d'une religion devenue
caligulesque, celle d'une Liberté
messianisée. Les dernières découvertes
de l'Ecole de Paris concernant notre
imperceptible lueur de raison conduiront
l'humanisme mondial à la connaissance
spectrographique des relations que le
singe pieux entretient avec la tyrannie.
Le 29 avril 2012
Reçu de l'auteur
pour publication
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