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Opinion
Le réveil
démocratique des peuples arabes
et la chute d'Israël dans la bio-génétique
Manuel de Diéguez
Manuel de Diéguez
Dimanche 23 janvier 2011
Introduction
1 - La diplomatie prestidigitative
La révolution
démocratique qui a enflammé le peuple tunisien d'une immense
espérance éclaire soudainement de la lumière la plus crue la
politique de la France à l'égard du monde arabe tout entier.
Lorsque j'ai appris que Mme Alliot-Marie avait proposé au
dictateur Ben Ali de lui envoyer quelques escadrons bien
entraînés de notre police à nous, parce que, disait-elle, le "savoir
faire" de nos "forces de sécurité" face à des "situations
de ce type" était "reconnu dans le monde entier", je
me suis étonné qu'on y vît une énorme gaffe diplomatique; car
une gaffe ne peut être qualifiée de diplomatique qu'à la
condition de se produire sur l'échiquier des relations
répertoriées entre les Etats, alors que la répression des
rébellions, jacqueries, émeutes ou mutineries au sein d'une
nation par les soins d'une autre est étrangère aux relations
entre les chancelleries : ce coup-là est celui d'un joueur
d'échecs qui ferait mouvoir les tours sur les diagonales
réservées aux fous ou qui attribuerait aux pions les sauts des
chevaux.
Je me demandais
donc comment ce prodige de sorcellerie diplomatique avait été
imaginé par une magicienne des affaires étrangères ignorante à
ce point de l'art de manœuvrer les navires qu'on appelle des
nations; car on imagine mal, me disais-je, un Général de Gaulle
tout heureux d'accepter la proposition charitable du président
des Etats-Unis d'envoyer à Paris sa police à lui afin de
réprimer les agitations de mai 1968. Grande fut donc ma
stupéfaction de découvrir que non seulement MM. Gaino, Guéant,
Lévitte et Juppé, mais également le Président de la République
avaient cautionné le Talleyrand des prestidigitateurs, mais que,
de surcroît, comme l'expliquera benoîtement le Ministre de la
défense sur France Inter, nos relations avec les
Etats du Maghreb sont tellement étroites que nous résolvons nos
problèmes avec leurs trublions dans le même esprit que nous
administrons nos provinces.
2 - Un
judéo-centrisme planétaire
Du coup, on
comprend mieux à quel point le projet, ambitieux en apparence,
d'unir les pays riverains de la Méditerranée autour d'une France
enjuponnée, n'était en réalité, qu'une soumission docile de
toute la politique extérieure de la nation à la volonté commune
et fermement imposée de l'empire américain et d'Israël : il
s'agissait seulement de convertir le Maghreb aux vues de
Tel-Aviv sur la Palestine. Certes, la ligue arabe était
parvenue, du moins en façade, à opposer un refus unanime à
l'ambition de M. Nicolas Sarkozy de conquérir le rang de
cheville ouvrière d'un judéo-centrisme planétaire; mais les
dirigeants arabes n'en sont pas moins prêts à trahir l'ambition
de leurs peuples de conquérir leur souveraineté sur la scène
internationale. On comprend mieux l'apparente naïveté de M.
Kouchner, qui feignait de s'étonner de la résistance de la ligue
arabe aux vues vassalisatrices de Washington et de Paris à
l'égard du monde musulman. Comme le rappelle Montesquieu de la
politique des Romains, il leur fallait "attendre que
toutes les nations fussent accoutumées à obéir comme alliées
avant de les commander comme sujettes et qu'elles eussent été se
perdre peu à peu dans la république romaine."
3 - Tunis et
la politique arabe de la France
Tel est le
contexte cruel qui éclaire de tous ses feux le pacte que M.
Barack Obama a conclu avec M. Benjamin Netanyahou le 4 décembre
2010, lequel accorde expressément à Tel-Aviv le droit de se
proclamer un Etat juif à titre psychogénétique et qui le
légitime à conquérir le "grand Israël" sur le fondement
de la spécificité chromosomique inaliénable du peuple juif. Mais
cette conversion de la démocratie mondiale à la psychobiologie a
aussitôt rencontré l'opposition unanime de l'Assemblée générale
de Nations Unies et de l'Europe officielle. Nous assistons donc
à une extraordinaire clarification de la politique
internationale. Car les peuples arabes en voie de secouer le
joug de leurs tyrans auront à combattre non seulement pour la
conquête de la liberté de leur nation, mais en tant que seuls
apôtres et fers de lance crédibles de la civilisation mondiale
des droits de l'homme.
Cette extension en
profondeur de l'échiquier mental des démocraties nationales est
déjà en marche. Alors que, depuis 2007, les forces vives de
l'intelligentsia française vivante et la partie de la presse
quotidienne ouverte au monde avaient tout de suite pris le
relais d'un Elysée défaillant et étranger à la promotion de
l'esprit prospectif du pays, il est évident que c'est la nation
tout entière qui vit heure par heure la révolution à Tunis et
que France Inter et le Monde
tiennent en haleine une opinion publique en voie
d'internationalisation. Seule la déprovincialisation de
l'opinion publique permettra à la France pensante de donner une
postérité féconde à la diplomatie arabe esquissée et manquée du
6 juin 2008 de M. Barack Obama au Caire. Le destin met entre les
mains de la France une occasion unique et qui ne se représentera
plus, de rattraper le temps perdu depuis la chute du mur de
Berlin en 1989 et de donner à la planète son impulsion dans la
direction qu'elle attend depuis la conquête de Jérusalem par
Israël en 1967.
Malheureusement,
le divorce entre la myopie de l'Elysée et l'éveil de l'opinion
publique française à la géopolitique devient hallucinant : Mme
Alliot-Marie s'est rendue à Gaza en représentante docile
d'Israël, puisqu'elle avait rendu visite aux parents du soldat
Shalit. Elle s'est heurtée à une foule exaspérée qui brandissait
des pancartes sur lesquelles on lisait: "Il y a Shalit,
mais aussi dix mille prisonniers palestiniens en Israël".
Le 20 janvier 2011, la France "n'acceptera pas que l'Iran
déstabilise le Moyen Orient", comme si Israël se trouvait
menacé, alors qu'il possède l'arme nucléaire et que, de toute
façon, la prétendue " menace nucléaire militaire " est
mythologique par définition et ressortit à la spectrographie
anthropologique et critique de la théologie vétéro-testamentaire
de l'apocalypse.
4 - Un
débarquement du biologisme diplomatique sur la planète
Mais cette
situation inespérée et que nous devons à l'aveuglement
providentiel, si je puis dire, du lobby juif de Washington nous
contraint encore davantage et d'une manière plus pressante de
préciser l'enjeu de civilisation dont la conduite serait à
portée d'un Quai d'Orsay prospectif. Car le 4 décembre 2010, la
mappemonde a basculé dans le biologisme diplomatique, comme il
est dit plus haut, ce qui me conduit à une analyse
psychogénétique, qui sera suivie, le 26 juin, d'une étude sur
l'avenir de la guerre entre la démocratie mondiale et la
politique guerrière d'Israël.
C'est cette
gigantesque redistribution des cartes de la géopolitique qu'il
s'agit d'expliciter et de commenter en tout premier lieu. Pour
cela, il fallait remonter brièvement aux sources
anthropologiques de la spécificité psychobiologique qu'affichent
désormais la théologie et la politique conquérantes d'Israël.
1 - Israël se veut
une ethnie juive. Qu'est-ce à dire ?
Les tournants les plus décisifs de l'histoire universelle
passent le plus souvent inaperçus des classes dirigeantes.
Aucune d'entre elles n'a compris en 1933 que le nazisme posait à
la planète la question décisive de savoir si, un siècle et demi
seulement après la prise de la Bastille, l'Europe verrait un
Etat anti-démocratique aussi puissant que la Monarchie
capétienne se dresser pour mille ans au cœur de l'Europe; aucune
n'a compris en 1917 que le marxisme posait au globe terrestre la
question de savoir si nous allions connaître une ère nouvelle au
cours de laquelle un prophète de la rédemption par l'abolition
du capitalisme porterait au pouvoir un prolétariat vertueux,
zélé, inventif, sage, lucide et suffisamment informé des
affaires de notre astéroïde pour conduire enfin l'humanité vers
un paradis de la délivrance; aucune n'a compris, dès le 14
janvier 2011, qu'il fallait mettre la Révolution tunisienne en
relations étroites avec l'accord conclu entre M. Benjamin
Netanyahou et M. Barack Obama le 4 décembre 2010, accord qui a
vu la plus grande démocratie du monde autoriser un Etat qui se
proclamerait hébreu à titre chromosique à conquérir le "Grand
Israël" des temps bibliques et ferait de Jérusalem la
capitale légitime d'une psychogénétique triomphante au sein de
la démocratie mondiale.
Quarante jours plus tard, la ruée soudaine du monde arabe vers
la démocratie était déclenchée avec dix ans d'avance. Mais le
moment était mal choisi pour le "peuple élu", de se placer
résolument dans la postérité "scientifique" de Hitler et
d'invoquer les apanages définitifs de son capital
psychogénétique particulier, donc la souveraineté exclusive de
ses prérogatives ethniques. Car, au même instant, le suicide
socratique débarquait une fois de plus dans l'histoire de
l'esprit; et le philosophe marocain Chahid Slimani saluait une
immolation dont le témoignage changerait "la face du monde
arabe"
[1],
parce que le suicide est interdit par le Coran.
L'extraordinaire coïncidence entre la réapparition soudaine de
l'immolation libératrice au sein de l'islam d'un côté, et le
culte de la race de l'autre, suscitera-t-elle une méditation
simianthropologique sur l'avenir politique et spirituel d'un
astéroïde soudainement replacé sur le chemin oublié de la
connaissance psychobiologique de la politique des peuples et des
nations? Décidément, il s'agit bel et bien d'un événement d'une
portée aussi anthropologique que la Révolution de 1917 ou la
naissance du troisième Reich. Car le gouvernement de M. Benjamin
Netanyahou a aussitôt tiré les conséquences politiques d'une
tempête épistémoloique au sein de l'histoire biologique de
l'humanité: on sait qu'il a immédiatement et fort logiquement
demandé à M. Abbas, primo, de reconnaître la judéité,
donc l'irréductibilité psycho génétique de l'Etat d'Israël et de
légitimer aux yeux du nouveau droit international une nation
qu'on proclamerait enfin identifiable à jamais en laboratoire,
puisque la biologie à laquelle ressortira sa population se
trouvera incessamment démontrée sous la lentille des microscopes
les plus puissants; secundo, de saluer le cœur éternel et
la capitale immémoriale d'un Etat déclaré juif en tant qu'ethnie
immaculée. Tertio, de délégitimer en conséquence et de
proclamer définitivement illégale la souillure ineffaçable que
serait un retour profanateur des réfugiés dans une patrie
maculée par leur trop long passage en ces lieux. Mais comment le
retrancher de tous les autres, tant par son ADN que par la loi
internationale?
2 - Les embarras anthropologiques de la
démocratie
On sait que les
Nations-Unies se sont immédiatement opposées à la capitulation
de Washington face aux audacieux psycho-généticiens de Tel-Aviv
et que l'Europe, y compris la France de M. Nicolas Sarkozy, a
refusé, mais du bout des lèvres, d'entériner le coup d'Etat
chromosomique, anthropologique et théologique mis en scène et
officialisé sous les yeux ahuris des derniers restes de la
civilisation évangélico-démocratique. Mais comment l'axiomatique
officielle qui régit encore la politique d'aujourd'hui et qui
règne en apparence sur les cinq continents légitime-t-elle une
philosophie demeurée transcendantale au monde physique? Quelle
est l'argumentation rationnelle dont se réclament les sciences
humaines du XXIe siècle afin de légitimer la démocratie?
Certes,
disait-on, le nazisme avait rédigé les clauses et promulgué les
dogmes d'une orthodoxie politique fondée sur l'annonciation de
la suréminence de la race arienne. Mais cette prétention avait
été immédiatement réfutée sur le terrain, puisque l'élection de
Hitler au suffrage universel avait exprimé un principe tout
opposé, celui de la souveraineté indépassable du peuple
allemand, lequel fondait à jamais le patriotisme attiédi des
Germains sur l'appartenance de la masse des habitants du pays à
une langue relâchée et à des mœurs exposées pour la première
fois sous la plume de Tacite. Comment donner des cheveux blonds
et des yeux bleus au Führer ? Comment le peuple hébreu va-t-il
se définir, lui, en tant que reconnaissable à son ADN?
3 -Le passé théologique du simianthrope
Pour tenter de
comprendre les fondements anthropologiques, historiques,
politiques, psychologiques et religieux qui ont conduit Israël à
se réclamer officiellement d'une identité psychobiologique
détectable à l'aide de verres grossissants, il faut se tourner
un instant vers le passé théologique du simianthrope.
Dans la péroraison de la seconde
catilinaire, Cicéron promet au peuple romain de le sauver avec
l'appui des Célestes: "Ces
promesses, disait-il, je ne vous les fais ni au nom de mon
propre jugement , ni avec le soutien de conseils humains,
Quirites, mais en raison des signes nombreux et indubitables qui
ont guidé mon espoir et mon esprit. Car ce n'est plus contre un
ennemi éloigné et extérieur, comme ils y étaient accoutumés, que
les dieux nous défendent, c'est présents dans la ville et par
leur volonté clairement exprimée de défendre leurs temples et
les toits de Rome. C'est pourquoi, Quirites, vous devez les
implorer et les adorer afin que cette ville, qu'ils ont voulue
la plus belle, la plus riche et la plus puissante, ils la
défendent contre les citoyens perdus de vices et dont la
scélératesse nous menace; et pour cela, les dieux veulent que
nous terrassions tous nos ennemis sur terre et sur mer."
Comme nos professeurs de grec et de latin ont été formés depuis
1905 sur le principe de la séparation des droits de l'Eglise et
ceux de l'Etat, on ne saurait leur reprocher d'ignorer les
relations que les dieux d'hier entretenaient avec l'histoire et
la politique des peuples de leur temps. Dès l'édition Hachette
de 1919 des Principaux discours de Cicéron, on
lisait une brève note sur le sens de cette péroraison, signée de
l'auteur du recueil, G. Ramain, professeur à l'université de
Montpellier, qui notait, sans autre explication: "A Rome, les
dieux sont présents dans leurs temples". Mais les lycéens
curieux se demandent comment ils se cachaient dans le bois, la
pierre ou l'airain de leurs statues et quels étaient les signes
"nombreux et indubitables" de l'intervention des Célestes
qu'on faisait si éloquemment valoir dans une oratio ad
populum. Des météores, des coups de tonnerre dans un ciel
serein, des tremblements de terre, mais également des
monstruosités de la nature - naissance de moutons à cinq pattes
ou de volatiles à tête humaine.
4 - Peut-on se faire une image taillée de
la France ?
Comment se fait-il que les Romains les plus instruits, à
commencer par Cicéron, dont la carrière politique avait paru un
instant menacée par la publication de son De natura deorum,
trop philosophique aux yeux du Sénat, n'aient pas tenté
d'approfondir la question, politique au premier chef, de la
présence simultanée des dieux sur l'Olympe, dans leurs temples
et dans les coulisses des phénomènes naturels? Nos hommes
politiques interdisent à notre éducation nationale d'en faire un
objet d'enseignement ou de commentaires, parce qu'une foule de
statues de la Vierge Marie se trouvent encore exposées dans
toutes les églises de nos villes et de nos villages, où elles
sont tenues, en principe, pour de simples figurations plastiques
de la déesse réelle; mais en fait les Vierges de Medjugorge, de
Czestochowa, de Fatima, de Lourdes ou de la Salette sont censées
se trouver corporellement présentes dans leur image. Quant à la
météorologie, il y a trente ans encore, l'Eglise de France
décryptait les intentions du créateur à l'écoute des
catastrophes naturelles non seulement en Amérique du Sud, mais
également en Europe ou en Algérie.
Pourquoi Cicéron feint-il de croire en l'existence des dieux de
Rome, et cela au point de mobiliser ardemment les patriotes en
leur faveur dans une contio? Parce qu'il était impossible
de s'en passer sans priver la République de l'unité politique
qui la définissait dans son existence propre, donc dans sa
réalité physico-mentale. Pour comprendre ce phénomène, il suffit
de se demander ce qui se passerait si un législateur moïsiaque
de la France d'aujourd'hui promulguait une loi ainsi rédigée: "Tu
ne te feras pas une image taillée de la France". Dans ce
cas, il faudrait retirer les statues de Marianne de l'enceinte
de toutes les mairies. Mais supposons que les municipalités
anti-sarkozystes décident de retirer une photographie officielle
et savamment apprêtée du Président de la République des
enceintes publiques dans lesquelles elles se trouvent exposées
par la volonté de la loi. La nation se sentirait confusément
gênée, parce qu'un chef de l'Etat élu par le "peuple souverain"
représente, par la force des choses, un signe de l'identité
politique du pays, donc un moyen de rassemblement des esprits,
non point autour d'une personne, mais d'un symbole.
5 - Les dieux en
chair et en os et les dieux vaporisés
Le peuple juif
est le seul dont le clergé a fait dire très tôt à un personnage
mythique du nom de Moïse qu'il était interdit de représenter
Jahvé sous les traits d'un personnage visible, donc d'un acteur
physiquement reconnaissable et installé à ce titre sur la terre.
Pourquoi interdire à la figure d'une idole de prendre le pouvoir
et aux citoyens de se prosterner devant elle, pourquoi est-il
plus stupide d'adorer un morceau de bois qu'un concept creux? On
sait que Moïse est censé avoir rédigé fort longtemps après sa
mort les cinq volumes de sa théologie d'un dieu invisible. Mais
on se représente mal la portée politique d'une décision
relativement rationnelle dans son ordre et qui, depuis trois
millénaires, a fondé la mystique mondiale sur une théologie que
les spécialistes louent comme "négative", parce qu'elle définit
la divinité à énumérer tout ce qu'elle n'est pas; car, pour la
première fois, la religion devenait un champ ouvert à la
critique des idoles substantifiées. Voyez la stupéfaction
proprement cérébrale d'Isaïe devant le monument de stupidité que
représente maintenant le bûcheron qui rapporte du bois de la
forêt, se chauffe avec la moitié de sa récolte et sculpte dans
l'autre moitié de son tas une divinité qu'il adore et devant
laquelle il se jette le front dans la poussière!
Quand M. Nicolas Sarkozy se croit laïc à déclarer que "plus
jamais une religion n'imposera sa loi à la République", il
oublie que la France a une histoire cérébrale et qu'on ne gagne
rien à vider la loi de 1905 de son contenu philosophique, donc
iconoclaste, parce que l'inculture théologique et
anthropologique du chef de l'Etat rend aussi incohérent le
contenu politique que le contenu épistémologique de
l'intelligence française depuis le XVIIIè siècle. Car primo,
l'Elysée ignore qu'il s'avoue incroyant, parce que s'il croyait
vraiment en l'existence de Zeus, il se trouverait dans
l'obligation de simple courtoisie d'expliquer aux Athéniens de
quel droit il ferme la bouche à un personnage aussi
considérable; secundo, il saurait que les clergés sont
les troupes de choc de l'idole et que si un Etat demande à une
Eglise qu'elle lui prête globalement assistance, il faut qu'il
feigne de croire que le ciel de l'humanité serait habité;
tertio, il saurait que l'exploitation politique de la moitié
onirique de l'encéphale du singe parlant interdit aux
gouvernements démocratiques actuels une gestion cyniquement
pratique et toute administrative de l'Olympe des chrétiens.
6 - Les juifs et les idoles
L'intelligence occidentale est née de la fureur d'Isaïe au
spectacle du bois, de la pierre ou du fer des idoles. Mais, de
leur côté les Romains demandaient à tous les peuples qu'ils
avaient assujettis à leurs lois de placer une effigie de
l'empereur dans leurs temples, ce qui ne faisait difficulté pour
personne, sauf pour les Parthes, parce qu'il ne s'agissait
nullement d'une divinité supplémentaire: seuls des empereurs
trépassés se trouvaient quelquefois élevés au rang des dieux à
la suite d'une décision solennelle du Sénat, et cela dans les
seuls cas où les "Patres conscripti" les jugeaient
suffisamment méritants aux yeux de la patrie pour leur décerner
à titre posthume un hommage civique aussi extraordinaire.
Certes, Alexandre avait eu l'audace et l'effronterie de se faire
proclamer un dieu en marche sur la terre, ce qui avait fort
irrité les Athéniens et les philosophes présents dans son armée.
Quinte-Curce expliquera longuement les désavantages politiques
d'élever un vivant au rang d'un dieu, et surtout
l'incompatibilité du régime démocratique avec une pratique qui
ruine l'égalité entre les citoyens à en hisser exagérément un
seul au-dessus de tous les autres.
Aussi le refus
obstiné des juifs de faire figurer en bonne place dans le temple
de Jérusalem une statue de l'empereur en chair et en os du
moment était-il interprété comme un rejet éloquent, mais surtout
inexplicable, de la légitimité d'un empire auquel le monde
entier payait sans rechigner un modeste écot. Cette formalité
était à peine plus dévote que l'affichage obligatoire de la
photographie du Président de la République ou l'exposition
facultative du buste de Marianne dans nos mairies, à cette
différence près que la photographie du Maréchal Pétain, par
exemple, appesantissait le poids de l'Etat au-delà d'une simple
formalité démocratique , et cela, non point en raison d'une
sacralité inscrite dans cette coutume, mais en raison de la
durée et de la provenance d'une autorité, certes figurée, mais
susceptible de faire basculer un usage banal dans une vénération
sacralisée.
Afin de
contraindre les juifs à valider le pouvoir terrestre de l'Etat
romain à l'aide d'un signe extérieur et bénin d'allégeance à un
glaive émoussé , le Sénat soumettait à un impôt spécifique les
rares Etats trop fiers de leur longue histoire et de la
vaillance devenue légendaire de leurs ancêtres pour exposer en
bonne place l'image de bois de l'empereur du monde dans leurs
temples. Mais cet impôt était bientôt devenu excessif aux yeux
des juifs, donc dissuasif, de sorte que ce peuple n'avait plus
d'autre choix que de rejeter la mise en évidence d'un symbole de
son asservissement ou de désobéir ouvertement à l'ordre du
prétendu Moïse, dont les prêtres disaient avoir tout subitement
retrouvé comme il est dit plus haut, les œuvres intactes et
complètes dans les souterrains du temple de Jérusalem à
l'occasion des fouilles de leurs archéologues.
7 - De la localisation des dieux
Bien que leur
Jahvé n'ait perdu ses bras et ses jambes que fort récemment, les
juifs n'en soutenaient pas moins fermement que leur créateur
mythique se trouvait effectivement "présent" dans le temple de
Jérusalem, la "maison de Jahvé". Sa structure concentrique
comprenait des parties accessibles à tous et des parties dites
"sacrées" qui n'étaient accessibles qu'aux prêtres. Le
sanctuaire du temple, appelé le "saint des saints", n'était
permis qu'au Grand Prêtre. On y trouvait l'Arche d'alliance, qui
contenait les pierres gravées que Jahvé était censé avoir
remises en personne à Moïse sur le mont Sinaï. D'où la question
tragiquement existentielle de savoir où la France, Jahvé, ou
Allah sont censés "présents" objectivement, quoique sous une
forme indescriptible et sur quels fondements jugés à la fois
indubitables et incompréhensibles leur réalité est néanmoins
réputée clairement démontrée aux croyants. En vérité, depuis la
mise en scène d'un Moïse bien trop rationnel pour avoir existé à
l'époque d'Esdras, Israël se trouvait cruellement retranché de
toute réalité divine et palpable confondues.
Quoi de plus
traumatisant qu'un ciel soudainement privé de toute attache avec
la terre? La destruction par les Romains exaspérés du temple
dans lequel Jahvé était réputé se trouver caché, sous une forme
invérifiable et soustraite au témoignage des sens, cette
destruction, dis-je, renvoyait le "peuple élu" tout entier à un
isolement psychique et politique dont jamais aucune nation
n'avait jamais encore souffert.
Voyez les chrétiens : ils se sont redonné en toute hâte une
divinité en chair et en os, ils ont accouché du mythe d'une
incarnation précipitée de leur Jahvé à eux, ce qui, depuis deux
millénaires, les a contraints à substantifier sa parole en la
personne du "fils" mi-réel, mi-onirique qu'un créateur
fantastique de l'univers aurait eu d'une vierge à la suite d'une
parturition naturelle. Faute de doter d'un corps les écrits
attribués à Moïse, les juifs, eux, n'avaient plus que leur terre
pour se ligoter à leur démiurge du cosmos. Aussi la
sacralisation intensive du sol de la Judée servait-elle
maintenant de substitut physique et mental à la déréliction
native, donc à la désincarnation irrémédiable d'Israël dans
l'univers.
L'avantage
politique du mythe de l'incarnation est de permettre
l'articulation de la divinité avec les identités nationales,
tandis que le dieu privé de courroie de transmission avec la
terre dont use la religion hébraïque fige la piété sur un
territoire unique, étroit et totémisé par l'idole. Dans un texte
antérieur,
-
Benjamin Netanyahou et l'héritage
d'Esdras - Qu'est-ce qu'un personnage historique,2,
12 décembre 2010
j'ai souligné que le Dieu universalisé en apparence des
chrétiens demeure fiché dans les sols que ses fidèles lui ont
assigné, de sorte qu'il existe autant de dieux chrétiens censés
uniques que de peuples attachés à brandir l'ubiquité de
confection de leur effigie célestifiée. La nouvelle guerre
sainte de la démocratie prétendument mondialisée contre l'armée
non moins faussement planétarisée du dieu des évangiles se
subdivisera à son tour entre les psychophysiologies diverses
auxquelles renvoie le ciel d'une liberté illusoirement
majusculaire. Voyez la croisade soi-disant universelle en marche
pour la délivrance du tombeau christique qu'illustre le martyr
de Gaza. Certes, la flottille du "salut et de la délivrance"
converge vers le sépulcre symbolique de la démocratie mondiale,
mais les navires diffèrent de voilures et de carènes au gré de
leur provenance territoriale.
L'Irlandais ne
transporte pas la même alliance de la terre et du ciel que les
peuples de l'Asie, qui n'ont même pas besoin de héros du ciel,
parce que leur regard nu se porte sur la potence où Gaza est
clouée: simplement la religion démocratique est porteuse à son
tour de l'eucharistie universelle qui a fait de l'espèce humaine
un animal transfigurateur du pain et du gibet de sa mort. Mais
le mythe de l'incarnation réhabilite la proximité des dieux
antiques.
8 - Le réflexe de Pavlov du sacré :
l'incarnation des dieux
Le précepte de "Moïse" de rejeter toute "image taillée" de la
divinité rejette le simianthrope dans la biologie. Il ne restait
à Israël d'autre ressource que de se précipiter frénétiquement
dans une définition physiologique de son identité politique,
intellectuelle et morale: on sera juif de se blottir dans un
gîte qui mettra votre conque osseuse et votre charpente à l'abri
d'une transcendance devenue angoissante à la suite de sa
vaporisation radicale.
A
leur manière, les clergés instruits ont été les premiers
guerriers du savoir: leur caste combattait avec les moyens du
bord sur la brèche de la raison et de l'intelligence de la
classe dirigeante de leur temps. Mais ils n'ont pas la tête
politique. A ce titre, ils illustrent la première séparation
irrémédiable entre l'action "responsable" et la pensée
rationnelle. C'est donc imprudemment que les officiants de
l'autel relativement cérébralisé du judaïsme tardif ont tué les
dieux tangibles et de proximité dont le singe à demi évadé de la
zoologie a besoin pour se tenir sur ses pattes et pour ne pas
trop tituber entre le monde et ses songes. Retirez-lui la bouée
de la substance, vous en ferez un animal désespéré de ne savoir
à quelles branches s'agripper.
Mais pourquoi le simianthrope a-t-il besoin, pour ne pas
chanceler, de s'appuyer de tout son poids sur un subterfuge
censé concrétiser des abstractions? Pourquoi le catholicisme
a-t-il focalisé le sacré sur la puissance terrestre, donc
tangible, des Etats et sur une coadjutrice de leur légitimation
physique - une Eglise omniprésente, législatrice, puissante et
hiérarchisée à titre palpable? Si le protestantisme a fétichisé
le temporel d'une manière plus insidieuse que le Saint Siège,
c'est que le besoin luthérien d'incarner l'absolu s'est reporté
tout entier sur une bouée de sauvetage universelle - le Christ
est un substitut physique de son " père " désincarné - alors que
le catholicisme n'a d'autre déesse à vénérer en chair et en os
que la Vierge Marie.
9 - "Le colibri et la vipère" Chahid
Slimani
On voit que
l'accès à l'intelligence rationnelle de la politique et de
l'histoire de notre espèce passe nécessairement par une
anthropologie accueillante aux spectrographies drastiques et à
la critique généalogique de la spécificité cérébrale des évadés
de la nuit animale. Nous sommes des animaux tout effarés de ce
que l'évolution de notre conque osseuse nous ait livrés à la
fois au danger mortel et à la nécessité absolue de connaître
l'origine psychogénétique de notre statut cérébral d'héritiers
d'un primate à fourrure.
A
quelle étape de notre cheminement sommes-nous tombés en panne ?
Qu'en est-il de l'animal devenu schizoïde sous un os frontal
dramatiquement scindé entre des idoles ridiculement tactiles et
des idoles évanouies dans le concept? C'est dire que ce sera
nécessairement à l'aide de radiographies de l'infaillibilité
oraculaire que s'attribue le sacré simiohumain que l'histoire de
l'intelligence trans-zoologique va enraciner ses évidences;
c'est dire également que la guerre de la raison et de la pensée
méta-animales est née du débat sur le statut mental et physique
du sacré; c'est dire, enfin, que la chute d'Israël dans la
psychogénétique se révèle paradoxalement une providence
politique pour l'anthropologie scientifique mondiale de demain,
tellement la question de la nature de l' identité simiohumaine
actuelle sera impérieusement posée à notre siècle.
De plus, cette question a d'ores et déjà débarqué dans
l'Histoire événementielle à la faveur, si je puis dire, du
spectacle de la décadence irrémédiable, tant intellectuelle que
politique des nations européennes asservies et coincées dans
l'étau de l'OTAN. Qu'est-ce qu'une civilisation domestiquée à
l'école des idoles verbales qu'un roi de la démocratie mondiale
sécrète aux fins d'asservir ses vassaux? Quelle est, en
revanche, l'invisibilité créatrice dans laquelle l'Europe tente
de ressourcer son intelligence et sa volonté? Qu'est-ce que la
liberté si seule une France rendue invisible et trans-grammaticale
en est le témoin et le réceptacle? Décidément, la tâche de
séparer l'homme de l'animal que l'évolutionnisme de Darwin pose
à notre espèce depuis un siècle et demi est devenue impérieuse.
Puisse une intelligentsia musulmane porteuse de l'avenir de la
pensée du monde porter le même harnais que l'Europe à venir.
Alors nous nous demanderons des deux côtés de la Méditerranée ce
qu'il en est de l'homme.
La semaine
prochaine je résumerai l'histoire biologique et l'histoire
mentale de l'Europe à la lumière du défi mondial d'Israël à
l'humanité et à la démocratie. Comment échapperons-nous à la
biologie sans tomber dans l'aveuglement, l'irréflexion et
l'anarchie des masses, comment éduquerons-nous le suffrage
universel, de quelle pédagogie serons-nous les missionnaire ?
Voir:
Chahid Slimani,
Jeu de pouvoir, acte II: Le colibri peut
vaincre la vipère, 15 janvier
2011
Publié le 23 janvier 2011 avec l'aimable autorisation de Manuel de Diéguez
Les textes de Manuel de Diéguez
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