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Opinion
La sous-culture
des classes dirigeantes et l'avenir d'Israël
Manuel de Diéguez
Manuel de Diéguez
Dimanche 20 février 2011
Dans une
réflexion précédente (-
Le réveil du monde arabe enserre Israël
dans l'étau de la liberté, 30 janvier 2011) j'ai
rappelé qu'une anthropologie politique nouvelle est
nécessairement aussi prospective que rétrospective, parce que la
scientificité propre à cette discipline exige une distanciation
critique et un regard sur la logique interne qui commande
l'histoire de la planète d'aujourd'hui.
Cet échiquier a subi une
reprogrammation partielle de son logiciel qui l'a conduit à des
retrouvailles avec son axe central. Celui-ci est redevenu
visible sur le devant de la scène, ce qui le ramène à l'époque
où les Etats-Unis s'attachaient à déposséder la France et
l'Angleterre de leur empire colonial. Mais, à l'époque, la
puissance de ces deux Etats commençait seulement de souffrir de
l'ascension vers leur autonomie de territoires lointains qu'ils
avaient asservis à leurs lois et qui avaient besoin du puissant
soutien extérieur du Nouveau Monde. Cette fois-ci, la Maison
Blanche se trouve contrainte à son tour de prendre le train en
marche non seulement afin de sauvegarder, mais, si possible, de
féconder son avenir dans le monde musulman. Car il s'agit, pour
l'Amérique, de retrouver le sceptre de la démocratie mondiale
face à l'ascension de la Chine, de l'Inde, de la Turquie, du
Brésil et d'une Europe tombée en panne, mais qui ne saurait
mouiller à jamais dans la rade.
Du
coup, il sera impossible de honnir durablement les dictateurs
arabes subitement frappés de pestifération, mais longtemps
caressés et, dans le même temps, de légitimer ouvertement la
conquête de la Cisjordanie et le blocus de Gaza au nom de la
vertueuse "démocratie" israélienne. La mise en évidence par les
instances internationales les plus catéchétiques de cette
dichotomie mettra donc fin à un demi siècle de main-mise totale
sur la politique étrangère du Nouveau Monde par l'expansionnisme
territorial hébreu . La mise sur le devant de la scène de la
logique cachée de l'histoire de notre astéroïde signe le glas
d'Israël. La survie de cet Etat apparaîtra de plus en plus comme
un défi intenable à l'algorithme secret qui commande l'histoire
du monde.
Le moment est donc venu de
décrypter les enjeux anthropologiques qu'illustrera l'aventure
avortée d'Israël, même si de nombreuses péripéties locales
ponctueront un parcours désormais inscrit dans le programme
électronique qu'on appelle le destin.
1 -
A l'origine du décervellement
des élites
Sous le tremblement de terre du réveil
cérébral des masses arabes, un autre séisme politique, plus
souterrain que le premier fait entendre les grondements d'une
seconde révolution, celle qui mettra à nu la sous-information
intellectuelle et la faiblesse mentale dont souffrent les
classes dirigeantes de la démocratie mondiale.
- L'islam et l'avenir de la
civilisation mondiale - Qu'est-ce qu'un prophète?,
13 février 2011
Le plus souvent la fraction d'une population chargée du guidage
et de la navigation d'une nation au jour le jour partage corps
et âme l'ignorance et la sottise de l'époque qu'elle est censée
piloter. Au XI e siècle, une boîte osseuse effrontément
solitaire, celle d'un certain Bérenger, avait déclaré
publiquement que la croyance des masses et de leurs prêtres en
la métamorphose du pain et du vin de la messe en chair et en
sang sur l'autel du sacrifice réduisait les chrétiens à un "troupeau
d'imbéciles". Les magistrats de la foi avaient contraint ce
théologien célèbre de se rétracter par "crainte de la mort" -
metu mortis. Et pourtant, la justice ecclésiale de ce
temps-là n'avait aucun motif de s'inquiéter - il était
inexistant, le danger qu'on vît une élite intellectuelle, même
microscopique, naître et se développer soudainement, au sein de
l'élite moyenne de la France de la raison et qu'on vît
subitement valider le sacrilège qui rejetait un dogme plus
solidement planté dans les encéphales qu'un clou dans une
planche. Aujourd'hui, la même classe politique s'agenouille
devant d'autres prodiges; et la nation ressemble à un basset
dont le museau capterait à ras du sol les odeurs nouvelles de
l'autel. Mais qui proclame judicieuses les senteurs de la foi en
la démocratie sur l'espace olfactif qu'on appelle l'histoire et
la politique?
2 - Les
prodiges cultuels de la démocratie
Les historiens
et les anthropologues de demain n'en reviendront pas de
constater que les nouveaux prodiges de l'autel qu'enfantent les
liturgies du régime démocratique sur les offertoires de son
langage sacerdotal - ceux d'une Liberté et d'une Justice
universelles - ces miracles, dis-je, ont besoin d'invoquer les
mêmes mystères insondables de la foi que l'Eglise, afin de
paraître valider à son tour un trésor invisible: car la
démocratie dispose d'une eucharistie verbale censée
métamorphoser, elle aussi, en pain et en vin de la Liberté et de
la Justice des exploits du glaive dont l'écho se propage dans le
monde entier. C'est ainsi qu'à chaque litre de sang qu'Israël
verse en Cisjordanie, le royaume nouveau de la parole, celui des
idéalités rédemptrices du monde, étend le territoire de sa
révélation. Comment expliquer ces mystères? Car c'est
instantanément que les faits d'arme les plus meurtriers se
métamorphosent en pain et en vin du verbe démocratique.
Comment Israël a-t-il réussi à inverser le
prodige de la transsubstantiation des chrétiens, ces sauvages
qui s'empressent de changer le pain et le vin sacrés de leurs
évangiles en chair et en sang de leur fureur sur leurs champs de
bataille? Pas de doute, la férocité barbare du peuple hébreu
change la chair et le sang dont se nourrit son histoire réelle
en pain et en vin tartuffiques. Mais alors, qu'en est-il du
Tartuffe des modernes qu'on appelle des idéalités?
3 - Les
simulacres sacrés de la politique
Voyons comment
la sottise sacrée déplace le territoire de la piété d'un siècle
au suivant. Mme Alliot-Marie déclarait chastement que la France
soutiendrait à l'ONU la proposition de résolution des Etats
arabes du 12 février 2011, qui condamnait une fois de plus
l'expansion territoriale armée d'Israël en Cisjordanie et le
blocus de Gaza, mais à la sainte condition que cette proposition
doctrinale fût bénéfique, en ce sens qu'elle demeurerait sans
autre effet que théologique, c'est-à-dire qu'elle n'empêcherait
en rien la poursuite des "négociations" dites "directes" entre
le Fatah et Tel-Aviv.
Mais nul n'ignore que ces conciliabules sont aussi imaginaires,
politiquement parlant que la métamorphose en chair et en sang
des offrandes végétales du sacrifice chrétien sur les
offertoires de leur foi. A quels subterfuges l'encéphale
démocratique va-t-il recourir afin de se greffer sur celui de
son clergé de la Liberté? Car le grand prêtre du ciel de la
Justice, qui siège à Washington, a déclaré, le 4 décembre 2010,
qu'il opposerait systématiquement son non possimus
pontifical à toute demande des hérétiques, émanerait-elle du
monde entier, si elle devait porter atteinte aux droits
confessionnels du peuple hébreu de conquérir la Cisjordanie les
armes à la main, mais sous le drapeau des "droits de l'homme".
Comme les
saintes "négociations" des catéchètes porteraient sur un dogme
de l'orthodoxie démocratique qu'on aura soustrait a priori et
d'autorité à toute possibilité d'en débattre entre diplomates,
et comme le Fatah est appelé à "négocier sans conditions" avec
un interlocuteur dont le nouveau Vatican aura fait triompher les
vues d'avance à la face de la terre, les anthropologues des
orthodoxies politiques et des solennités religieuses confondues
s'interrogent en concile sur les fondements psychiques du
gigantesque simulacre sacré qui s'étale à ciel ouvert et sur la
terre entière. S'agirait-il du nouvel autel, devenu planétaire,
de la transsubstantiation du pain et du vin de la paix en chair
et en sang du sacrifice de la Palestine au dieu d'Israël ou du
prodige liturgique inversé que j'ai évoqué plus haut?
Dans le christianisme, le chapeautage joint au camouflage de
l'histoire réelle par la divinité s'exprimait par l'adage
omnis auctoritas a Deo, "Toute autorité vient de Dieu".
Le même subterfuge et le même escamotage par les soins du mythe
démocratique permettront de placer la conquête de la Cisjordanie
sous le drapeau de la démocratie. Mais le veto américain
intervenu le 18 février a été prononcé, en fait, par M.
Steinberg, n°2 du Département d'Etat auquel sa double identité
israélienne et américaine a permis de forcer la main de M.
Barack Obama, puisqu'il a fait connaître d'avance sa décision à
la presse. On voit par quel mécanisme politico-évangélique M.
Barack Obama se voit contraint de porter la double casquette
d'Israël et des peuples arabes qu'il feint de soutenir contre
leurs gouvernements.
Qu'on me pardonne de tenir les théologies
pour des documents cérébraux en mesure de nous éclairer sur les
deux faces du genre humain; car si l'anthropologie moderne ne
conquérait pas un regard de l'extérieur sur le fonctionnement
dédoublé et inconsciemment miraculé de l'encéphale religieux de
l'humanité, cette discipline demeurerait infra scientifique,
tellement les prodiges cultuels ne changent pas de nature à
passer d'une divinité dichotomisée à la politique biphasée des
démocraties laïques. Qu'en est-il du passage des liturgies
ecclésiales aux rituels du culte des "droits de l'homme"?
4 - Les
autels de la sottise politique
Si l'on observe
que l'ignorance politique des peuples et la sottise de leur
classe dirigeante sont toujours religieuses au plus secret de
l'inconscient de l'Histoire, comment le nez des dirigeants
détecte-t-il à telle heure et en tels lieux les arômes et le
poids des cécités dévotes du moment et comment en
analyserons-nous les senteurs?
Observez le jeu de quilles de la stupidité à tonalité pieusement
démocratique dont M. Nicolas Sarkozy fait subrepticement et sans
le savoir un usage dévot, et cela avec la même assurance aveugle
que l'Eglise du XIe siècle. Il s'agit, prêche-t-il, de préserver
la "stabilité au Moyen Orient". Mais il se trouve que
cette "stabilité" n'est pas de nature terrestre, il se
trouve qu'il s'agit seulement d'un mot sournoisement sacralisé
et suspendu dans les airs, il s'agit seulement du masque
clérical propre à la démocratie des cierges et des ex-votos de
la "stabilité". On transsubstantifiera donc un rituel
secrètement ecclésial en un affichage de simples écriteaux, on
portera le concept pseudo-évangélique d'"équilibre" dans la
sacristie, on en fera un totem verbal chargé de faire triompher
sous un masque pseudo-irénique la loi du plus fort qui règne
sous le tabernacle et qui en pilote les oracles. Qui ne voit que
si l'on se prive de radiographies anthropologiques de
l'inconscient transsubstantificateur et pseudo-pacificateur qui
sous-tend la théologie verbale de la démocratie, on ne verra pas
l'Eglise que ce régime politique est devenu à lui-même, on
n'accédera à aucune connaissance rationnelle du fonctionnement
subrepticement cultuel des masques de ce monde et l'on ne verra
pas que le ciel de la Liberté angélise l'histoire sauvage de la
terre sur le même modèle vocal que l'ancien.
C'est dire également que les mécanismes
psychobiologiques mondiaux de l'irénisme aux dents longues et
qui assurent une pieuse décérébration de la géopolitique
d'aujourd'hui n'est qu'une application banale à l'angélisme
démocratique des règles universelles qui régissent la gestion
"confessionnelle" des déguisements " théologiques " d'une espèce
dichotomisée de naissance. La sottise sacralisée en sous-main
est un monstre biphasé par nature et qui plonge ses pseudopodes
dans une antiquité au langage bipolaire à son tour.
Mais comment l'histoire bifide du singe
parlant a-t-elle pris un tour nouveau depuis la découverte de
l'Amérique en 1492 et de la révolution copernicienne de 1546?
Car l'exploration de toute la surface habitée du globe terrestre
à l'école de l'alliance du glaive et de la croix a été
consécutive à ces révolutions complémentaires l'une de l'autre,
et leur association a permis de découvrir à la fois la
multiplicité, donc la relativité désespérante des croyances
religieuses et, parallèlement, la minusculité pitoyable du
système solaire. A l'impossibilité de jamais placer la planète
sous la houlette et le sceptre d'une seule idole de la "vertu"
et de la "justice" s'est jointe une humiliante assignation à
résidence de l' humanité. Notre espèce est devenue tout
subitement un animal microscopique et ridiculement condamné par
un cosmos muet à penser en ordre dispersé dans un vide
soudainement grand ouvert sur l'infini.
5 -
L'avenir de l'Islam politique
L'aube d'une
lucidité politique prometteuse que le monde arabe a inaugurée et
la dénonciation de la coalition mondiale des vassalisateurs
sacrés qui en est résultée a rendu irréversible la chute du
masque verbal des théologiens séraphiques de la démocratie
verbale. Même si l'Egypte des glaives parvenait un instant à
faire jouer à son armée le rôle d'ange gardien de la cécité
publique et de caution vocale de la conquête armée de la
Cisjordanie par Tsahal, ce barrage ne serait pharaonique qu'à
titre provisoire et ne retarderait que momentanément l'éveil
irréversible d'un islam moderne et d'ores et déjà devenu
omniprésent en Turquie.
De plus, l'évolution cérébrale de cette religion en serait
accélérée, parce que l'existence même de "républiques
islamiques" mettra fatalement la civilisation occidentale à
l'épreuve de sa propre cohérence: ou bien la planète des "droits
de l'homme" tentera de persévérer dans des proclamations
verbifiques, donc "théologiques" et au seul profit de son feint
séraphisme, puisque notre astéroïde persévèrera dans l'illogisme
de légitimer le blocus de Gaza et la conquête de la Cisjordanie
par Israël, "la seule démocratie du Moyen Orient", comme
on dit - et, dans ce cas, le mythe de la liberté qu'on hissait
sur l'autel du sang et de la mort s'effondrera en quelques
instants sur toute la terre habitée - ou bien la démocratie
deviendra progressivement l'arme cartésienne de la planète et,
dans ce cas, elle en viendra fatalement à proclamer
l'incompatibilité radicale des idéaux démocratiques avec une
politique au service de l'expansionnisme catéchétique d'Israël.
De toute façon, le globe terrestre a pris rendez-vous avec son
algorithme politique et sa course vers son logiciel s'accélèrera
inévitablement. Mais entre temps, la chute des masques
théologiques des évadés de la zoologie sera ponctuée de
régressions nécessaire à leur progression cérébrale, tellement
cette espèce n'avance que par à-coups vers ses heures de vérité.
6 - Les
rebouteux d'eux-mêmes
Récapitulons : pour la première fois dans
l'histoire, la course en crabe d'une civilisation entière vers
une catastrophe politique mondiale de première grandeur aura été
provoquée par des élites décérébrées et que leur méconnaissance
de quelques secrets bien connus de notre espère aura empêchées
de consulter les savants en humanité de leur temps avant de
prendre une décision absurde et d'où la marche du monde vers le
chaos pour un siècle. Si les historiens, les philosophes, les
psychogénéticiens, les anthropologues, les sociologues, les
paléontologues, les psychologues avaient été consultés en 1947
sur le grotesque de transporter tout subitement un peuple d'un
lieu à un autre après deux millénaires d'absence et de le
colloquer au milieu d'une autre nation, cette folie aurait été
unanimement démontrée aux éberlués de 1947.
Sans reprendre l'une après l'autre
l'argumentation de chacune des disciplines énumérées ci-dessus,
il n'est pas d' historien et d'anthropologue de la folie qui
n'auraient informé une assemblée de législateurs innocentés par
leur inculture de ce qu'un peuple ne saurait tomber sur la terre
par l'effet d'une grâce que le ciel de la démocratie lui aurait
accordée et qui l'assignerait artificiellement à résidence sur
un territoire minuscule; car un tel peuple, diraient ensemble
Confucius et Machiavel, romprait nécessairement ses chaînes.
A-t-on jamais vu une ethnie rester docilement parquée dans son
enclos au milieu de la jungle? Il était évident qu'une
population moderne, mais tenue en laisse de la sorte se
changerait rapidement en un fauve mis en liberté dans le désert
et qu'il s'étendrait par la seule puissance de ses griffes et de
ses mâchoires jusqu'au jour où il rencontrerait à qui parler. De
plus, ce serait au nom d'un devoir collectif aussi sacré que
patriotique, à l'entendre, qu'il reconquerrait la "terre de ses
ancêtres "par le fer et le sang", comme disait Bismarck.
Mais la
politique des déguisements évangéliques et des masques verbaux
d'une espèce au cerveau à double tranchant ne la conduit pas
seulement à tomber dans des aberrations inévitables, mais à
choir dans des ravins dont il sera impossible de la tirer.
Autrement dit, la réflexion politique à laquelle se livrera un
animal dédoublé par ses songes mi-iréniques, mi-sanglants ne
saurait porter son attention sur les racines du mal qui le
frappe afin de tenter de réparer la démence dans laquelle sa
cécité naturelle l'aura fait se précipiter. Ce sera donc par
nature que l'homme politique banalisé par sa déraison même ne
fera que suivre des yeux les étapes ahurissantes de la maladie
qui l'aura piégé, et il n'appliquera jamais, mais sans relâche,
que des onguents et des cataplasmes inefficaces sur ses plaies.
Mais les faux remèdes ne font qu'accompagner mélancoliquement
des nosologies incurables jusqu'au jour où la nature reprend la
main et s'empresse de prononcer le verdict définitif qu'on
appelle la mort.
7 - La
dérobade du corps médical
Mais le plus
étonnant est le mutisme têtu que toute la classe dirigeante
d'une époque conserve au cours de l'évolution du mal dont
agonise le patient. Jamais vous ne l'entendrez prononcer
publiquement et à haute voix le diagnostic de fond dont tout le
monde aura compris depuis belle lurette l'issue inéluctable.
Pourquoi se garde-t-elle comme de la peste de dresser le dur
constat de ce que le mal est incurable par nature et par
définition et de ce que le malheureux vit ses derniers jours,
alors que son trépas est devenu aussi fatal que la succession
des saisons?
Voyez l'attitude compassée des médecins de
la démocratie guerrière d'Israël. C'est bouche cousue et sans
sourciller qu'ils demeurent assis au chevet du peuple juif: leur
chœur leur recommande seulement, et sans relâche, de consentir à
débattre gentiment des mesures mineures qu'on feint de lui
proposer et qui agrémenteront sa chute dans la floralie de
concessions illusoires. Il s'agit, en réalité, de laisser la
fatalité lui arracher ses conquêtes bribe par bribe, il s'agit,
dira-t-on, de fonder deux Etats aussi manchots et dérisoires
l'un que l'autre. Mais vous n'entendrez aucun Esculape dire
crûment au mourant qu'il lui faut retourner dare dare aux
frontières qu'il s'était accordées un demi siècle plus tôt,
qu'il lui faut se décider à payer le tribut de son infirmité
originelle retrouvée, qu'il lui faut autoriser le retour
torrentiel et sans pitié de la population locale qu'il avait
chassée de ses terres à coups de gourdin depuis 1947, qu'il lui
faut renoncer purement et simplement au rapt de sa capitale,
bref, qu'il lui faut retrouver son berceau biblique, celui qu'il
a déserté pour grandir avec tant de précipitation et
d'effronterie depuis 1947.
8 - Qui
Israël est-il ?
Pour qu'un homme politique murmurant
s'empare soudainement du bistouri et du scalpel de la vérité
toute nue et qu'il en aiguise la pointe sur la meule de la
logique de l'Histoire du monde, il faut que la catastrophe vers
laquelle le condamné court à bride abattue mette la planisphère
en péril et qu'il y aille de la survie de notre espèce. Mais
comment mettre sans tarder un terme à l'embrasement programmé de
notre astéroïde ? Alors la classe dirigeante se fige encore
davantage dans son coin; et l'on voit cette benête ajouter à son
ignorance une sorte de cécité pétrifiée. Pendant ce temps, la
maladie tourne au cancer foudroyant ou à la gangrène galopante.
Alors la classe dirigeante des aveugles et des sots commence de
fêter d'avance les funérailles imminentes du faux héros qu'elle
a porté par erreur sur les fonts baptismaux de Clio. La descente
prochaine au tombeau d'un cadavre encore respirant sera discrète
et l'on qualifiera la cérémonie de pieuse. Les oraisons funèbres
sont à bout de souffle, la louange des morts interdit les
repentances et les pénitences. Le tombeau d'Israël sera aussi
intempestif que l'indécence de son retard à y prendre place.
Qu'en sera-t-il
des lamentations qui accompagneront la mise en bière et en terre
d'Israël aux yeux clos? Assurément, on entendra des orateurs
rétrospectifs, donc récapitulatifs, chantonner des balades
transtombales. Quelle folie stérile, dira-t-on, avait-elle donc
inspiré à cet Etat vieux de deux mille ans le désir de revenir
promener un instant sa dépouille mortelle sur la terre et d'y
faire retentir le tonnerre de ses armes? Quelle était,
dira-t-on, l'identité de ce peuple erratique? Pourquoi se
faisait-il poursuivre de son vivant et persécuter en tous lieux
de la terre? Qu'était-ce dont qui le distinguait et qui le
mettait à part où qu'il allât, où qu'il s'installât pour un
temps, où que le temple de son éternité le colloquât? Quelle
énigme insondable le dérobait-elle à son propre regard quand il
tentait de se saisir de lui-même et de décrypter son propre
mystère? Car enfin, s'il a fallu le replanter sur son sol
d'autrefois, c'est qu'il en avait été retiré par sa faute.
Qu'avait-il à défier les légions de Pompée, de Vespasien, de
Titus, d'Hadrien?
9 - A la
recherche de l'identité du genre humain
Quel paradoxe,
dira-t-on, qu'une nation dont, depuis 1947, l'histoire aura du
moins permis de mettre en évidence l'ignorance hagarde des
classes dirigeantes des démocraties du monde entier fût
également celle qui aura contraint l'humanité à s'interroger sur
les relations bancales qu'elle entretient avec sa connaissance
insuffisante de ses propres ressorts! Et pourtant, jamais encore
l'intelligentsia de la planète n'avait bénéficié d'une avance
suffisamment considérable sur l'ignorance et la cécité des
ancêtres pour mettre notre espèce au pied du mur. Certes,
l'antiquité présentait de nombreux exemples des terreurs
irraisonnées qui s'emparaient des légions romaines ou des
phalanges macédoniennes entrées en rébellion et que des tempêtes
suffisaient à ramener craintivement à la discipline, parce
qu'elles y voyaient l'expression de la colère des dieux.
Mais le monde moderne connaît un tout autre
type d'ignorance et d'effroi , celui qu'entretient le mythe
démocratique en personne, si je puis dire, celui de la
l'indifférenciation rassurante qui règnerait entre les hommes.
Or, les peuples et les nations diffèrent entre eux non seulement
par la répartition redoutable de leurs têtes entre le réel et le
rêve, mais par le type même d'épouvante dans laquelle ils
baignent et par le genre de ligne de démarcation flottante ou
assurée qu'ils tracent d'un ton plus ou moins catégorique entre
le temporel et le mythe. L'espèce vouée à s'égarer
dangereusement aussi bien dans les nues que sur la terre tisse
la trame de son histoire à l'écoute des désastres politiques
qu'elle programme de siècle en siècle sous l'empire de ses
songes. A ce titre, Israël présente le spectacle d'un peuple
devenu fort expert dans les sciences et les techniques, mais qui
demeure piloté par des ivresses vieilles de deux millénaires et
demi et qui lui servent non seulement de creuset sanglant , mais
de berceau et de tombe.
10 - Les retards de la science du sacré
Voilà qui
démontre que l'intelligentsia mondiale d'aujourd'hui se trouve
dans un grand retard à combler au chapitre de sa science du
sacré. Par bonheur, l'histoire des catastrophes politiques est
plus instructive que celle du calme plat. Car voici que la
démocratie amollie et globalisée par les concepts qui lui
servent de soporifiques fait face à une tragédie à laquelle elle
n'aperçoit aucune issue; car jamais les masses arabes ne
laisseront noyer leurs frères sous les torrents d'eau bénite que
la démocratie déverse sur leurs têtes et jamais Israël ne
renoncera aux conquêtes par le fer et le feu dont Jahvé se
repaît, et jamais la planète tombée en extase devant ses vitraux
ne reniera ses écritures, et jamais les convulsions vers
lesquelles court la civilisation républicaine ne poseront
l'antique question du "Connais-toi" à la profondeur où seul le
vertige est de taille à secouer les théologies de la raison
commune. L'inquisition, les croisades, les guerres de religion,
les camps de concentration, les goulags ne menaçaient pas le
statut et l'identité de notre espèce. Mais ne sommes-nous pas
devenus des experts de la mécanique suffisamment chevronnés pour
savoir que les Etats actuels ne sont pas déments au point de se
suicider collectivement et que la foudre du fantastique dont ils
tiennent les bouquets en main, ils n'en déclencheront pas le feu
d'artifice?
En revanche,
personne ne connaît encore suffisamment les engrenages d'Israël
pour savoir si ce peuple se fera sauter la cervelle et s'il
entraînera dans la stratosphère l'énigme qu'il demeurera à
lui-même jusque dans la mort. Il ne servira de rien de
l'exhorter à déposer gentiment les armes. Jamais il ne relèguera
au musée des accessoires le fabuleux nucléaire de l'histoire qui
lui donne son souffle sur la terre. Quelles nations
décidera-t-il d'entraîner dans son trépas?
On demande
quelle science de la politique les évadés délirants de la
zoologie se donneront, on demande quelle classe savante du
troisième type informera les dirigeants de la planète de ce que
leur ignorance sera devenue un réacteur sur le point d'atteindre
la masse critique qui précède l'explosion.
11 - Les gladiateurs descendent dans
l'arène
L'anthropologie scientifique du XXIe siècle
se trouve à son tour dans la situation de Bérenger face à la
cécité ecclésiale de son temps : il lui faut tenter d'échapper à
une catéchèse du salut qui lui interdit vigoureusement non
seulement de constater que les hommes diffèrent tragiquement les
uns des autres, mais que leurs différences se révèlent
inégalement compatibles entre elles.
On sait que l'Eglise de notre temps interdit encore à nos
microscopes les plus puissants de remarquer que le pain reste du
pain et le vin du vin sur les autels du sacrifice et que les
paroles incantatoires du prêtre échouent régulièrement à
métamorphoser en chair, en sang et en os pilés de la victime "effrayée
et dégoûtée" par son immolation sacrée, comme dit Erasme.
Mais la ressemblance entre les interdits cultuels hérités du
paléolithiques et les interdits démocratiques les plus récents
ne s'arrêtent pas en si bon chemin, car la foi des sauvages
déclare maintenant que si le pain et le vin nourrissent
l'illusion qu'ils sont toujours là, c'est que, dans sa charité
infinie, la divinité tient à tromper les sens de ses fidèles
trop délicats afin d'éviter qu'ils reculent d'horreur et
d'épouvante au spectacle du magma barbare du sang et des organes
de l'offrande qu'ils présentent à leur idole. Du moins telle
est-elle la doctrine que professait le cardinal de Richelieu et
d'autres hauts dignitaires du salut de l'humanité par la potence
dissuasive et pourtant rédemptrice.
Or, les
différences qui s'affichent entre les hommes, comment la
démocratie exerce-t-elle ses sortilèges à terrasser les
prétentions de nos yeux, de nos narines et de nos oreilles de
les constater. Quels verdicts bénisseurs prononçons-nous
inlassablement devant les autels de la Liberté et de la Justice,
afin que les faits échappent au jugement illusoire et impie de
nos cinq sens réunis?
Mais mille ans
ont passé; et maintenant, des hérétiques de forte corpulence,
mais protestants, il est vrai, tels M. Cameron et Mme Merkel,
montent sur les planches et jouent les Bérenger de la démocratie
sur la scène du monde. A entendre ces relaps et ces renégats de
haute taille, un certain degré de diversité des saintetés
confessionnelles et culturelles tue l'identité psychique des
nations apostoliques de notre temps. Mais comme ni le Premier
Ministre du Royaume Uni, ni la Chancelière d'Allemagne ne sont
des théologiens diplômés, des philosophes avertis et des
anthropologues iconoclastes, tous deux tombent dans le blasphème
de confondre les religions avec les cultures, tous deux
défendent l'hérésie d'une laïcité intensément privée de
cervelle, tous deux ignorent que la raison combat le règne de
tous les Olympes depuis Périclès. Aussi, ni l'un, ni l'autre de
ces dirigeants des démocraties décérébrées d'aujourd'hui ne
savent-ils au nom de quel tribunal des sacrilèges et des
orthodoxies ils entendent lutter contre un excès devenu
subitement dangereux du culte de la diversification des méninges
et des cervelles.
12 - Les
Bérenger de la démocratie
La question de
la portée politique de la multiplication des religions et des
cultures artificiellement confondues les unes aux autres
peut-elle être posée avec davantage de succès qu'en l'an mil ?
Car si le ciel des démocraties interdit l'examen critique du
contenu des encéphales avec autant de vigueur que l'Eglise de
Bérenger, nous ne pourrons expliciter ce qui différencie un
encéphale anglais d'un encéphale allemand ou un encéphale arabe
d'un encéphale hébreu. Mais le sens politique de cet interdit
s'est clarifié : au XIe siècle, personne ne se doutait qu'un
demi-millénaire seulement plus tard, la question de savoir si le
pain et le vin de la messe se changent réellement en chair et en
sang sur les instances de paroles liturgiques que prononce le
tueur sacré, personne ne se doutait, dis-je, que cette question
provoquerait un schisme religieux et politique à l'échelle
planétaire et qu'après un second demi-millénaire d'attente, la
question de la diversité des encéphales poserait à l'humanité la
question de savoir si la boîte osseuse d'Israël se trouve
construite sur le modèle d'une arme nucléaire que les
théologiens appellent une apocalypse et dont ils avaient mis la
mèche entre les seules mains de leur divinité.
Du coup, la question de la visibilité ou de
l'invisibilité des différences cérébrales entre les hommes
commence d'opposer une vive résistance à l'autorité des dogmes
de la démocratie et aux décisions du Saint Siège de la Liberté;
car l'orthodoxie et l'hérésie se révèlent lourdes de la
politique qui les précipite dans l'arène de l'histoire.
Or, l'anthropologie d'avant-garde constate que, dans sa
déclaration datée du 5 iyar 5708, M. Ben Gourion lut à la radio
une déclaration d'indépendance du nouvel Etat créé par l'ONU le
14 mars 1948: "La terre d'Israël, disait-il, est le lieu où
naquit le peuple juif". Ce peuple ajoutait-il, possède une "identité
spirituelle, religieuse et nationale", de sorte que c'est "confiant
en l'Eternel tout puissant" qu'il signe cette déclaration "sur
le sol de la patrie" De plus, selon le nouveau Moïse,
l'identité juive est demeurée "fidèle à la terre d'Israël
dans tous les pays où le peuple juif s'est trouvé dispersé sous
la contrainte de l'exil".
13 - Les
peuples de leur terre et le peuple de leur sang
Si les mots ont un sens et si les déclarations des hommes d'Etat
expriment des faits contraires aux déclarations doctrinales de
l'orthodoxie démocratique concernant l'inexistence de
différences foncières entre les hommes, il faut se demander,
premièrement, comment il se fait que l'"identité naturelle"
d'Israël soit demeurée fidèle à elle-même pendant deux
millénaires et sur toute la surface du globe, alors qu'aucun
territoire visible n'était plus là pour la soutenir
matériellement; et secondement, pourquoi cette identité est
demeurée si viscéralement attachée à un sol que, sitôt libérée
de sa mise au piquet sur des terres étrangères, elle n'a eu de
cesse de se ruer à nouveau sur quelques arpents de la Judée.
Bérenger, lui, soutient mordicus, que le pain et le vin
demeurent seuls présents sous ses yeux, tandis que, de son côté,
Israël soutient que sa chair et son sang ont bien pu se trouver
dispersés sur un toute la surface de notre astéroïde pendant
deux millénaires, sa terre est néanmoins demeurée le lieu où son
corps retrouve ses racines et la nation sa respiration
naturelle.
Voilà une découverte anthropologique à approfondir. Car si vous
transportez des conquistadors armés de leurs croix et de leurs
épées au Guatemala, à Costa Rica, au Mexique, en Bolivie, au
Venezuela ou au Brésil, trois siècles seulement plus tard, ils
tournent vilainement le dos à leur patrie et se proclament les
fervents patriotes qu'une terre nouvelle aura enfantés dans leur
tête; et si vous déplacez des Portugais jusqu'en Argentine ou
aux Indes, vous en ferez tôt ou tard des Argentins ou des
Indiens; et si vous envoyez des Français en Algérie, en Tunisie
ou au Maroc, vous leur arracherez les entrailles de leur patrie
africaine un siècle seulement après leur mariage avec le sable
brûlant de ces lieux, tandis que le peuple juif, on pourra lui
dire par la bouche d'un descendant d'Esdras: "Nous lançons un
appel au peuple juif de par le monde à se rallier à nous dans la
tâche d'immigration et de mise en valeur (du sol du pays),
et à nous assister dans le grand combat que nous livrons pour
réaliser le rêve poursuivi de génération en génération: la
rédemption d'Israël."
14 -
Israël et "sa" terre
Voilà qui nous ramène une fois encore à notre hérésiarque du XIe
siècle: le peuple juif est tellement enraciné à "titre
historique et sacré" dans un cadastre et sous un certain
soleil qu'il en a fait le lieu indéplaçable d'une "rédemption"
fixe, et cela "de génération en génération", dit M. Ben
Gourion. Rédemption renvoie au latin redimere,
racheter. Autrefois, le débiteur devenait physiquement la
propriété de son créancier, mais il pouvait lui racheter sa
créance et redevenir le propriétaire de sa propre chair et de
son propre sang, donc également de sa personne au sens de
ce terme en droit romain; car la personne se trouvait
jointe à la localisation de son ossature et de ses organes, mais
toujours à titre précaire, puisque son corps et sa personne
confondus et déplaçables en un seul paquet pouvaient se changer
à nouveau en une marchandise achetable et vendable aussi bien
sur le marché aux esclaves que sur celui des créances et des
dettes que régit le droit civil. Pis que cela: le droit romain,
tombé en désuétude mais jamais aboli, permettait aux créanciers
de se partager le corps du débiteur insolvable et d'en tirer les
morceaux au sort.
On sait que Socrate avait changé tout cela : qu'on le crût
présent dans sa chair le faisait rire - il allait, "partir
comme l'abeille emporte son miel", disait-il. Depuis lors,
la personne n'est plus dans sa carcasse, elle est en marche dans
le signe qu'elle est devenue à elle-même - elle est un symbole
ambulant, un Diogène et sa lanterne confondus.
C'est dire que la chair et le sang tristement périssables
d'Israël se trouvent seulement en louage et dispersés sur la
terre entière d'un exil, mais que la personne réside en
son éternité dans le lieu de son sens. Quand Ben Gourion dit que
le peuple juif est né sur telle terre, il évoque le lieu où il a
largué son créancier terrestre et où ce sera "de génération
en génération", qu'il se "rachètera" en ce sens qu'il se
reconquerra. Mais alors, Jahvé fournit à son peuple la
surréalité attachée à la personne, donc au signe
où il redevient le propriétaire de son corps et de son esprit à
nouveau confondus - la "demeure", c'est-à-dire le lieu religieux
où l'on s'établit "à demeure", comme on dit. La terre d'Israël,
c'est le pendant du mythe de l'incarnation de l'esprit
des chrétiens.
Mais alors que nous enseigne Bérenger
l'hérésiarque? Que le sang des hommes n'est pas le vin de leur
vigne, que la chair des hommes n'est pas le pain de leur âme.
Israël n'a donc pas à "racheter" à Jahvé le glaive sanglant de
la guerre, mais la condition même de son existence véritable
dans le monde des signes et des signaux - sa terre devenue à
elle-même sa lanterne de Diogène, sa terre devenue son abeille
socratique, sa terre devenue le chemin de croix des chrétiens,
sa terre devenue son feu johannique, sa terre devenue le Coran
des disciples de Muhammad. Comment l'homme habite-t-il ses
signifiants.
15 -
L'identité du genre humain
L'anthropologie critique radiographie les signes et les symboles
de l'apocalypse psychique qui écrit l'histoire mentale du monde
depuis Hiroshima; car, dit-elle, Israël est le seul peuple qui
se veuille "rachetable de génération en génération" à
l'école des arpents de sa foudre, Israël est le seul peuple qui
n'en finit pas de racheter sa condition d'esclave armé par
Jahvé, son créancier, et c'est à ce titre qu'Israël est le seul
peuple que son rachat a rendu l'ennemi viscéral de la démocratie
mondiale. Pourquoi cela? Parce qu'Israël porte non point son
signe, mais son glaive en Palestine. Le fer et le sang sont
devenus sa loi. Il n'a pas de prochain, il n'a pas de pain et de
vin à partager, parce qu'il est à lui-même non point son pain et
son vin, mais son sceptre nucléaire. C'est en esclave de sa
chair et de son sang qu'il croit goûter sa "rédemption" sur la
terre.
Les théologies, disais-je sont les documents
anthropologiques les plus abyssaux qu'il nous appartient de
décrypter, Voyez sur quel champ du sacré la vocation
intellectuelle de l'Occident des spéléologues a rendez-vous avec
le décryptage de l'identité la plus secrète des peuples; voyez
combien il serait vain de brandir des "identités nationales"
décérébrées et nourries du pain sec des idéalités dont les
démocraties ont fait leurs icônes. C'est de la plongée dans
l'âme des hommes-signes que les prophètes vous parlent.
C'est dire également qu'Israël donne
rendez-vous à l'avenir de la pensée du monde, mais à la
condition que nous nous mettions en attente et à l'écoute de
l'avenir spirituel de l'islam.
- L'islam et l'avenir de la
civilisation mondiale - Qu'est-ce qu'un prophète?,
13
février 2011
Car, dans les
entrailles du génie prophétique, c'est avec l'histoire véritable
et cachée du monde que l'Europe a pris rendez-vous. Un tragique
crypté est à nos portes. Demain la montée des démocraties arabes
condamnera, comme je viens de le dire, la planète à retrouver le
pain et le vin des prophètes, ceux qu'Israël entend changer en
chair et en os de son autre histoire, celle de son glaive. Mais
ce n'est pas sur le marché aux esclaves que les esclaves se
rachètent, c'est à l'écoute du pain et du vin des prophètes.
Demain, Israël menacera le monde du feu nucléaire si la
civilisation entend lui rappeler que l'histoire témoigne d'un
certain itinéraire de la "parole" du pain et du vin.
Hier, des colons
ont tué un Palestinien de vingt-trois ans. Puis ils ont imposé à
sa famille les conditions de la restitution de son cadavre: que
le mort soit enterré à minuit et en toute hâte, que son corps ne
soit ni lavé, ni examiné, que dix personnes seulement soient
présentes à l'enfouissement précipité de son squelette sous la
terre. Quel intérêt l'Israël des glaives avait-il à soustraire
cette chair et ce sang aux regards du monde? On dit que la
dépouille mortelle aurait crié: "Israël, Israël, c'est le pain
et le vin de Jahvé que tu entends cacher à ton propre regard."
Quelle question que celle de l'identité cachée du genre humain !
Publié le 20 février 2011 avec l'aimable autorisation de Manuel de Diéguez
Les textes de Manuel de Diéguez
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