Qu'est-ce que philosopher ?
Dernières
nouvelles du laboratoire mondial des
sciences humaines de Pékin
L'inauguration de
l'observatoire chinois de l'évolution du
cerveau humain (2)
Manuel de
Diéguez
Manuel de
Diéguez
Samedi 16 février
2013
1 -
Rappel et résumé
Le lecteur se
souvient de ce que, la semaine dernière,
j'ai commencé la traduction et le
commentaire anthropologique du premier
rapport à usage interne de
l'observatoire du cerveau humain de
Pékin. (Dernières
nouvelles du laboratoire mondial des
sciences humaines de Pékin,
L'inauguration de
l'observatoire chinois de l'évolution du
cerveau humain,
9 février 2013)
Le français du passage suivant se veut
la plus fidèle possible à l'esprit
réaliste de la langue de Confucius, même
s'il est impossible, je le redirai sans
cesse, d'introduire dans la prose de
Voltaire un équivalent de l'univers
mental qu'habite cette langue.
" Nos chercheurs ont constaté que
l'encéphale des démocraties occidentales
se trouve dichotomisé depuis que la
République des idées pures de Platon a
débarqué dans la politologie mondiale et
que les cités idéales tronçonnent
inévitablement l'esprit des citoyens
entre l'obligation qui leur est imposée
de s'incliner devant une multitude
d'Olympes locaux hérités de leurs
ancêtres d'un côté et, de l'autre, le
désir de valider un monde de concepts
abstraits, alors que ces papillons
magnifiques ne se posent jamais sur la
scène du monde. Nos télescopes ont
également observé que les rares
minorités d'insectes prématurément
qualifiés de réflexifs se trouvent
privées du droit de chacune de jamais
raisonner de son propre chef. La
persécution ouverte ou larvée à laquelle
l'alliance des majorités populaires et
dirigeantes confondues ne cesse de
livrer les élites laisse ces dernières
sans autonomie réelle, tellement la
feinte neutralité idéologique et
religieuse des Etats laïcs, mais
bipolarisés en catimini, achève de
désarmer en sous main les intelligences
solitaires."
2 -
Jeannot Lapin dans le thym et la rosée
En Occident, les esprits logiciens ne
s'élèvent qu'à 0,001% de la population
adulte, donc à un seul spécimen sur dix
mille. Exemple: l'Etat laïc déclare que
les affaires humaines seront du ressort
exclusif du peuple souverain et que les
élus de la nation se diront les
représentants de la volonté du plus
grand nombre. La divinité se voit donc
officiellement déclarée inactive et
impuissante - mais son existence ne s'en
trouve pas moins officiellement saluée
par un suffrage universel qui en réfute
l'autorité. Pourquoi aucun de ces faux
raisonneurs n'a-t-il jamais songé à
rédiger un traité de théologie précis et
argumenté afin de légitimer l'absence de
l'arène de l'histoire et de la politique
d'un Zeus censé réel? Il est donc clair
que le besoin irréfléchi de voir flotter
un drapeau dans le cosmos s'est gravé
dans les neurones de l'Occident, alors
que la quadriplégie de ce personnage se
trouve aussi fermement inscrite dans la
loi que le théorème de Pythagore dans la
géométrie d'Euclide.
Il résulte de nos démonstrations que le
printemps arabe reproduira logiquement
le modèle avorté de 1789. L'islam n'est
pas plus soluble dans les démocraties
irrationnelles que le catholicisme dans
la République déiste de 1793, parce
qu'un encéphale semi-théologique et qui,
à ce titre, se sera installé sous l'os
frontal de Zeus se croira informé heure
par heure des plans et des préparatifs
du roi de l'Olympe. Comment le serviteur
d'un si grand maître ne mettrait-il pas
son poignard à la disposition du roi de
l'univers, comme la Tunisie vient encore
de le démontrer? Mais on ne saurait
soutenir, pour autant, que, de son côté,
la boîte osseuse du bimane laïc aurait
entièrement cessé de trottiner de bon
matin dans le thym et la rosée.
Au contraire, dit le texte: "Depuis la
nuit des temps, l'anthropoïde détoisonné
rêve de lancer pour son propre compte le
soc et la charrue sur le champ à
défricher qui s'étend à perte de vue
devant ses yeux; c'est sans relâche que
Jeannot Lapin tente de s'atteler à la
tâche immense et vouée à l'échec de
tracer jour après jour les sillons d'une
connaissance réelle du sacré qui
l'obsède ou le traque. En un mot,
l'anthropologie que l'Occident qualifie
préjudiciellement d'expérimentale et de
"critique" rassemble seulement et avec
patience des forces et des courages
condamnés à demeurer embryonnaires. Mais
nous voyons à l'œil nu que l'examen du
statut de l'encéphale semi-religieux et
semi-réaliste de l'Occident, ainsi que
la pesée inutile du degré de
dédoublement de ses lobes cérébraux ne
permettront jamais de tracer le chemin
de l'avenir des cerveaux pensants dans
cette région du globe, parce que les
laboratoires de l'endroit n'ont pas
encore commencé de mettre en observation
les neurones de demain de la pensée
rationnelle que nous avons désempêtrés
et désembourbés depuis belle lurette."
3 - Vers une
nouvelle aporie
Voici en quels termes Pékin résume
moqueusement ses premières observations
sur le cerveau schizoïde de l'Occident:
"C'est faute de vaillance proprement
intellectuelle et de vigilance cérébrale
que le pilotage irrésolu et sporadique
de la boîte osseuse des descendants du
chimpanzé rencontre des difficultés
diurnes et nocturnes liées à la nature
tour à tour boueuse et rocailleuse du
terrain à labourer. De plus, les
charretées les plus récentes des
grippages cérébraux que la bête accumule
depuis des millénaires résultent d'une
invalidité nouvelle et inopinée de son
entendement et de ses jugements: car cet
animal virtuellement heuristique se
montre de plus en plus ébahi et
désespéré d'avoir si longtemps et si
inutilement titubé à quelques coudées
seulement du règne animal. Le voici
cloué à des arpents stériles et privé de
tout interlocuteur potentiel dans
l'immensité. Mais au lieu d'y trouver un
élan nouveau vers son émancipation
solitaire dans le cosmos, il se montre
plus ahuri que jamais par le vide et le
silence de l'éternité que ses ancêtres
avaient cru domestiquer."
Après un bref commentaire de "l'esprit
d'étonnement" en germe chez Aristote et
de la dégénérescence de la "stupeur
intellectuelle" des grands philosophes
du passé de l'Europe, le rapport compare
l'efficacité respective des drogues
théologiques et des drogues chimiques.
"L'Occident s'administre maintenant les
drogues d'un type nouveau que son
industrie pharmaceutique lui donne aussi
massivement à consommer que ses clergés
d'autrefois lui faisaient déguster les
filtres magiques de leur ciel.
L'expansion des analgésiques cérébraux
que cet animal déglutit du matin au soir
est devenue foudroyante; et c'est tout
soudainement qu'une chimiothérapie de
ses songes se substitue en tous lieux à
celles, plus cérébralisées, que ses
délires cosmologiques lui procuraient
autrefois dès le berceau, ce qui achève
d'illustrer, nous semble-t-il,
l'infirmité congénitale qui paralyse la
boîte osseuse de ce bimane: car voici
qu'il supporte de moins en moins de
rêver continûment et dès l'âge le plus
tendre sur le modèle théologique de ses
premiers balbutiements, mais également
de se trouver à nouveau ramené tout
entier à sa poussière."
4 - Leur
encéphale au télescope
Je me fais un devoir de traduire
fidèlement le passage le plus inquiétant
du rapport. "Le niveau intellectuel
moyen de l'espèce singulière que la
nature a agenouillée de naissance devant
les idoles que sécrètent ses neurones
régresse au fur et à mesure des progrès
extraordinaires de ses mécaniciens. Les
Athéniens auraient pouffé de rire si
Alcibiade avait demandé Socrate en
mariage ou l'inverse; mais si tous deux
avaient réclamé de surcroît et avec des
mines gravissimes qu'on leur accordât
une progéniture fictive et
artificiellement légalisée par
l'autorité des archontes, donc par la
volonté expresse du peuple souverain -
et avec tout le sérieux politique des
élus de la première nation de la raison
que la terre ait vu naître - sans doute,
dis-je, un chef-d'œuvre de plus du
comique aristophanesque aurait-il
enrichi le joyeux patrimoine des
fou-rire d'une humanité demeurée
relativement en bonne santé mentale.
Mais si, en ce début du IIIe millénaire,
le statut civique de leur père céleste
dévaste encore l'encéphale désopilant de
leurs démocraties semi religieuses, le
cerveau simiohumain n'est pas près de
faire le deuil du faux géniteur du
cosmos qui le ronge et dont la
phylogenèse a fait passer le monothéisme
des chrétiens par le creuset d'une
monogamie céleste."
Puis le rapport théorise les relations
qui se tissent entre la
psychophysiologie des décadences
cérébrales et le naufrage proprement
intellectuel des civilisations
semi-sacrées. Quelles sont les
relations, se demande Pékin, qu'il
appartiendra à l'historien d'observer
entre la dégénérescence politique des
nations et leur faiblesse d'esprit? De
même que les infirmes focalisent leurs
souffrances proprement psychiques sur la
seule perte de leurs capacités physiques
et organisent entre eux des jeux
olympiques fictifs et frustrants, les
homosexuels demandent à la société
hétérosexuelle des artifices juridiques
compensatoires et censés leur donner sur
le mode rituel et quasiment liturgique
les prérogatives valorisantes que la
nature leur a refusées: la procréation
effective. Puis les astronomes de nos
maux de tête rappellent le renfort que
les mythes religieux ont toujours
apporté aux verdicts du bon sens.
"Au début du XVIe siècle, écrivent-ils,
leur Erasme de Rotterdam avait remarqué
que la théologie des chrétiens fonde ses
verdicts sur les évidences les plus
criantes du sens commun. Aucune société,
ajoutait le grand Hollandais, n'a jamais
légitimé le vol, la duperie ou
l'assassinat. C'est pourquoi la religion
dépose ensuite sur des vérités
universelles et irréfutables la tiare
d'une divinité doctrinale aussi
somptueuse que terrible. On aurait pu
s'imaginer que, dans un second temps,
l'ébranlement du règne des Célestes et
le renoncement progressif de l'Europe de
la raison à se couronner des artifices
de l'épouvante sacrée des ancêtres
fortifierait rapidement et dans le monde
entier la capacité de jugement d'un
entendement plus sobre et mieux décapé.
Rien de tel: les naufrages que subit le
ciel de cet animal entraînent également
l'extinction de l'étincelle de raison
qui éclairait ses jours. Dans son état
actuel, le cerveau occidental a beau se
réclamer de moins en moins des
commandements que proférait un père
mythique du cosmos: en échange,
dirait-on, son entendement terrestre le
plus élémentaire subit un
engloutissement au nom duquel il réclame
à cor et à cri des prodiges d'ordre
corporel - et l'on voit des mâles et des
femelles attirés par leur propre sexe
s'acheter des enfants artificiellement
certifiés "réels" par l'Etat à défaut de
ceux dont la nature suffisait à attester
l'existence."
5 - Le naufrage
du sens commun
Il est
donc clair, aux yeux des médecins
socratiques de Pékin que, dans le reste
du monde, l'usage de la raison demeure
soumis à des distanciations cérébrales
variables: sous Tibère, par exemple, il
aurait été sage d'abolir le donativum
qui, à chaque changement d'empereur,
enrichissait de centaines de milliers de
sesterces les légionnaires richement
campés dans Rome et servis par des nuées
d'esclaves. Mais pourquoi était-il vital
de contraindre la troupe en armes à
retourner camper hors de l'enceinte de
la ville, comme la République avait eu
la profondeur d'esprit de l'imposer
sitôt après l'assassinat discret de
Romulus par les patriciens? Ce sera la
portée de votre télescope qui en jugera
et qui vous dira que la lorgnette de la
raison politique moyenne du monde de
l'époque s'était affaiblie : quand
l'entendement aiguisé sur la meule des
jours s'est disqualifiée, elle en vient
à manquer du recul minimal nécessaire à
l'entendement militaire des sociétés,
comme Erasme l'avait démontré en 1518
dans sa Ratio verae theologiae.
Du coup,
l'impuissance du vieux Galba à abolir le
donativum a commandé en secret le
déclin de l'empire romain: l'assassinat
du septuagénaire par les légions
d'Othon, puis l'incendie du Capitole par
la soldatesque de Vitellius ont illustré
l'incendie réel, celui d'un césarisme
embrasé par le feu couvant sous la
braise du donativum. On ne
soutient pas un Olympe à prébender une
milice. Comme aucune société ne saurait
confier la survie de l'espèce à une
procréation fictive et qu'assureraient
des couples du même sexe, l'étoupe d'une
loi glorieusement couronnée des lauriers
artificiels du "mariage universel"
servira d'allume-feu à l'Occident du
donativum moderne.
"De nos
jours, relève le rapport, la raison
réduite au quotidien des Européens et de
leur donativum masqué manque
encore de la distanciation cérébrale
indispensable à la montée sur les
planches d'une littérature satirique
digne de Martial et de Pétrone. Mais
quand le "mariage" entre des
légionnaires devenus les maîtres en
armes de Paris aura anéanti le recul
intellectuel minimal dont les ancêtres
confiaient encore la responsabilité à
leurs idoles les plus rudimentaires, on
verra la raison la plus ordinaire des
citoyens perdre pied jusque dans
l'atonie des jours. Alors seulement le
génie iconoclaste des grands rieurs
enfantera en Europe des Rabelais et des
Molière porteurs des feux et des jours
de la lucidité.
"Mais peut-être, poursuit le rapport,
faut-il espérer que l'histoire de
l'animal au cerveau vénérateur et que la
nature contraint de se prosterner devant
un administrateur général de l'éternité
élèvera sous une forme accélérée la
question du fondement neuronal correct
ou biphasé des civilisations au rang de
signe d'un décodage ascensionnel des
flambeaux de l'entendement. Nous
nourrissons l'espoir que le décryptage
moqueur des neurones en déroute de
l'Occident permettra à quelques
spécimens privilégiés d'une espèce
encore tout esbaudie par sa récente
sortie du paléolithique de découvrir la
malédiction à laquelle l'organe sommital
de leur Adam dichotomisé demeure livré
sur toute la surface du globe."
6 - La
psychophysiologie de Dieu
Puis le rapport
observe qu'à l'heure où le décryptage de
l'histoire universelle voudrait faire
grossir l'encéphale simiohumain et
rendre cette coque de noix insubmersible
sur la planète tout entière, le
questionnement méthodique des
anthropologues chinois commence
d'attirer l'attention des sciences
humaines du monde entier sur le scannage
transcendantal qui se profile
progressivement à leurs yeux: c'est à
l'école de Pékin que ces disciplines ont
commencé d'observer les mécanismes
psycho-cérébraux biphasés qui pilotent
les encéphales sommitaux d'Allah le
bifide , de Jahvé le schizoïde du Déluge
et d'un homme qu'ils ont progressivement
dichotomisé afin de l'élever au rang
d'une divinité mondiale dédoublée, les
uns après sa mort - donc sur le modèle
d'Hercule ou d'Auguste - les autres de
son vivant, à la manière d'Alexandre,
des souverains de la Perse, des Pharaons
d'Egypte et des empereurs actuels du
Japon, tous biphasés au quotidien. Du
coup, les Célestes bipolaires du monde
entier mettent leurs cogitations en
rivalité entre elles dans l'arène du
temps scindé des nations, et
l'interdiction qu'ils signifient à leurs
Olympe respectifs de débattre en public
de la question de l'agrandissement ou du
rapetissement de l'encéphale de
l'humanité engendre un blocage
inéluctable des méthodes scindées sur
lesquelles leur science historique prend
appui. (-
Une affaire
d'Etat - L'histoire de France au musée
et les embarras de Clio,
14 novembre 2010)
7 - L'espéce
dédoublée par ses sosies sacrés
Je traduis encore mot à mot le passage
suivant du rapport, mais je rappellerai
sans me lasser que les mêmes mots ne
flottent pas à la même hauteur au-dessus
du sol en chinois et en français.
"L'heure a sonné au beffroi des hérésies
de la "raison" d'élever l'observation
anthropologique de la santé mentale de
l'Occident et de la pathologie cérébrale
dont ce continent se trouve affecté à
une pesée de la bicéphalie propre à
chacune des idoles de cette
civilisation. Naturellement, les fuyards
des ténèbres ont façonné leurs dieux à
leur "image et ressemblance", mais ils
auraient dû prévoir que leur image au
miroir se tournerait un jour vers eux et
que leurs réflecteurs les renverraient à
une pesée amusée de leur destin en
miroir. Un dieu spéculaire se réfléchit
nécessairement dans l'encéphale dédoublé
de sa créature. Quelle sera l'identité
de ce personnage collectif si les
sociétés se révèlent nécessairement les
interlocutrices masquées et apeurées de
leur propre doublure dans le ciel?
"Car enfin, une espèce épouvantée par sa
propre image, donc à titre héréditaire
et qui se trouve en apesanteur dans le
vide où ses ancêtres lui ont transmis
leurs délires et leurs platitudes, une
espèce livrée de naissance à la démence
d'entrer en pourparlers imaginaires -
mais censés fort bien rémunérés - avec
des personnages de fiction pieusement
corruptibles, une espèce qui constate,
sous toutes les latitudes et à toutes
les époques, l'incohérence et
l'absurdité du théâtre psycho-cérébral
des dévotions auxquelles son statut
politique originel ne cesse de la
livrer, une espèce qui tient à façonner
et à refaçonner sans relâche les
metteurs en scène naïfs ou lugubres de
ses terreurs et de ses félicités
posthumes, un tel animal est-il en bonne
santé ou asilaire avant même de se voir
jeté à la figure de ses sosies sacrés?"
8 - Le retour de
Socrate
Quelle
conclusion tirerons-nous de l'examen
aussi rétrospectif que prospectif des
anthropologues de Pékin ? A mon humble
avis, la boîte osseuse des démocraties
fœtales qui emprisonnent la bête dans sa
spécularité native a pris un rendez-vous
décisif et libérateur avec la question,
rouverte de siècle en siècle, de la
définition rieuse ou sévère de la santé
mentale des animaux livrés à leur miroir
et qui se donnent nécessairement des
dieux aussi spéculaires qu'eux-mêmes
pour sosies: car l'étude comparée de la
grossesse avortée de la philosophie et
de la religion occidentales devient le
carrefour stratégique d'une méditation
sur l'histoire mentale du singe sacré.
Il nous faudra décrypter cette chance
inespérée; car, disent maintenant les
mandarins chinois, l'animal aux neurones
bipolaires met enfin à notre portée une
connaissance qualifiable de
"transcendantale" et de "trans-animale"
de la schizoïdie qui frappe une boîte
osseuse biphasée ab ovo. Comment
accompagnerons-nous nos têtes aux côtés
de celles de nos idoles et comment
rendrons-nous nos droits malades à notre
école?
Alors le scannage
des concepts asilaires de déréliction
et de finitude que les artisans
du ciel des chrétiens avaient portés au
rouge redeviendra heuristique à la
lumière des peseurs de Pékin. Car ils
observent, eux, que les silhouettes des
idoles n'ont jamais d'autre
interlocuteur que leur propre image
précipitée dans le néant et que la
créature recule, horrifiée, de n'avoir,
elle aussi, nul autre vis-à-vis de sa
propre effigie que le vide de
l'immensité. Le rêve de "devenir Dieu"
des chrétiens (Une
rencontre au sommet entre Jahvé, Allah
et le dieu des crucifiés - Solitude du
ciel et solitude de l'homme ,
2 février 2013)
serait-il d'entrer dans cette solitude
extinctive de la vie onirique de la
bête?
C'est dire que l'heure approche où
l'enquête sur l'historicité spécifique
d'un animal forgé sur l'enclume de ses
théologies de la dérobade et de la peur
se voudra enfin grande ouverte non
seulement sur une révolution des
méthodes d'analyse de la "raison"
collective dont usait cet animal
massifié, mais par l'examen d'une
mutation de l'objet même de sa quête
manquée de la "vérité"; car si "Dieu"
n'a pas d'autre interlocuteur que
lui-même, la "vérité" non plus.
9 - La
méta-zoologie
Mais
alors, comment une interprétation plus
rationnelle, donc enfin explicative,
du passé pathologique de l'embryon de
raison des évadés du règne animal ne
soulèverait-elle pas la question focale
de l'accès progressif de notre espèce à
une santé mentale de type
méta-zoologique? Les anthropologues
occidentaux commencent de combler leur
retard sur Pékin et de se demander si
l'humanité ne serait pas fort proche de
se découvrir marquée du sceau d'une
lucidité enfin digne de se trouver
qualifiée de trans-mythologique. Ils en
voient un début de preuve dans la
conscience suraiguë de son
décervellement spécifique à laquelle
l'Europe commence d'accéder, mais
également à l'école de l'observation de
l'animalité parallèle des neurones des
ancêtres et de ceux de leurs dieux. Que
faire de la conjonction mentale de la
créature avec dles spectateurs
imaginaires de ses trottinements? Une
prise de conscience de la profondeur de
la spécularité simiohumaine nous permet,
pour la première fois, de filmer
l'accélération contemporaine de notre
folie à l'école même de l'écroulement de
notre vie onirique dans un cosmos veuf
de notre image.
La
radiographie de la démence d'une espèce
pseudo célestifiée s'éclaire désormais à
la lumière de l'anthropologie chinoise,
dont les premiers pas changent d'ores et
déjà l'histoire de notre démocratie en
un signe du lent passage de l'homme
originel du rang de "créature humiliée"
par ses gourous à celui de concepteur,
de guide et d'éducateur souverain de ses
sorciers suprêmes. Or, un premier peseur
des entrailles du magicien en chef du
cosmos se demandait, il y a deux
millénaires: " Voici que je regarde de
haut mon petit assassin de père et son
ciel de sang. Comment se fait-il que je
serve maintenant de pédagogue à mon
tueur? Qui a fait de moi l'observateur
de l'animalité cérébrale de mon boucher
de père? Quel dieu énigmatique suis-je
donc devenu à ma propre lumière?"
10 - Décidément…
Décidément, si la peur, comme disait
leur cardinal de Retz, se révèle la
principale source de l'affaiblissement
du jugement des précurseurs de l'homme
pensant, si, décidément, la démocratie
chinoise est appelée à faire progresser
les performances de la boîte osseuse des
animaux que nous sommes demeurés,
décidément, si le pédotribe chinois de
l'humanité enseignait au charcutier
céleste des chrétiens à retirer sa
créatures ensanglantée de ses autels du
sacrifice, décidément si un homme-dieu
immolé à titre de remboursement d'une
dette à un créancier sauvage fait lire
en cachette l'évangile des civilisateurs
à son crucificateur, comment nos
anthropologues ne découvriraient-ils pas
l'enjeu dont témoignent les embarras
philosophiques et théologiques de la
démocratie mondiale des tueurs-nés?
Quel
sera le contenu du prochain rapport de
l'observatoire de Pékin? Sans doute nous
rappellera-t-il la leçon du thérapeute
emblématique qui, le premier, informa
l'humanité de ce qu'elle appartient à
une espèce de malades de naissance ;
sans doute la ciguë du martyr athénien
de l'intelligence nous conduira-t-elle
au chevet de nos symboles aux côtés des
anthropologues chinois; sans doute la
pathologie cérébrale dont souffre une
bête longtemps épouvantée par sa mort
est-elle guérissable à l'école d'une
ciguë nouvelle: l'histoire enfin
véritable de l'intelligence de cet
animal. Mais alors, il nous faudra
changer tout le système d'allumage de
notre raison ressuscitative.
Reçu de l'auteur
pour publication
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