Décodage
anthropologique en direct de l'histoire
contemporaine
La démocratisation
de la barbarie
Manuel
de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Samedi 7 septembre 2013
L'impéritie politique la plus titanesque
culmine toujours dans une méconnaissance
colossale des fondements de l'éthique
internationale. Cette
cécité cyclopéenne trouve de nos jours
son expression la plus éloquente dans
l'immoralité himalayenne sur laquelle
une démocratie mondiale auto-messianisée
sous les auréoles de ses idéalités fonde
la géopolitique américaine depuis 1945.
1 - La corruption
de la notion de loi
Comment
la démocratie universelle pervertit-elle
les notions mêmes de "loi" et de
"légalité" à l'école d'une
juridification arbitraire de la
punition? Le concept scolaire sur lequel
cette falsification du droit
international prend appui remonte à
l'époque lointaine où l'instituteur
républicain frappait de sa règle le bout
des ongles de l'élève à corriger. Du
moins la peine s'appliquait-elle à un
coupable qui tendait les doigts. En
l'espèce, un chef d'Etat sera "puni",
mais seulement indirectement par
l'assassinat pur et simple de quelques
centaines de ses concitoyens. Ceux-ci
seront docilement exposés aux bombes de
la puissance étrangère dominante du
moment, dont la souveraineté sera
supposée au service d'une justice
apostolique. Mais on oublie seulement de
souligner que Ronald Reagan n'avait pas
imaginé un seul instant de "punir" le
colonel Kadhafi: le bombardement vengeur
de son palais visait à faire place
nette. M. Laurent Fabius, Ministre des
affaires étrangères de la France des
droits de l'homme fait de même quand il
proclame sans ambages que M. Bachar Al
Assad "ne mérite pas de vivre" et
M. Kerry fait profession d'un
évangélisme au poignard quand il traite
ce chef d'Etat de "voyou".
Mais le scénario policier imaginé par un
ancien acteur de cinéma américain qui se
lance en shérif de la démocratie à la
poursuite d'un malfaiteur n'a pas réussi
à imposer le far west hollywoodien dans
le langage blasonné des chancelleries
aux bonnes manières; si M. Hollande a
recouru au vocabulaire d'un justicier de
la démocratie mondiale, c'est seulement
du fait qu'il n'a pas été initié à la
pratique des relations diplomatiques
courtoises mises en usage depuis des
siècles entre les Etats souverains.
Cette tare répond à la nature des
régimes démocratiques: le peuple y porte
nécessairement au pouvoir un candidat
qui aura passé quarante ans de sa vie à
le séduire, mais qui se trouvera
précipité, aux environs de la
soixantaine, en néophyte sur la scène
internationale.
2 - La
souveraineté fictive et la culpabilité
des ossatures
L'idée
ahurissante de faire débarquer dans
l'arène du monde la vénération
qu'éprouvent les Républiques pour la
souveraineté toute nominale des "peuples
libres" conduit tout droit à la
fétichisation des majorités élues au
suffrage universel et à l'absurdité de
totémiser l'action des dirigeants de la
nation dans l'arène du monde. Cette
politique remonte au blocus sauvage de
l'île de Cuba par les Etats-Unis à
partir du 7 février 1962 et qui dure
encore. Mais cette sorcellerie
diplomatique s'applique désormais à la
vassalisation de la prétendue "civilisation
des droits de l'homme". Elle résulte
de la philosophie américaine censée
glorifier le mythe de la démocratie
directe mais qui légitime le droit du
plus fort et valide l'expansion
illimitée de son hégémonie.
C'est la nature para-religieuse d'une
éthique fondée sur la culpabilisation
des masses qu'il faut étudier dans ses
fondements méta-zoologiques, parce que
les frappes aériennes projetées en
justicières aveugles sur des populations
criminalisées d'avance ne sont qu'une
suite logique de l'autre aberration,
celle d'une certaine théologie de la
faim qui a joué pour l'Irak et
actuellement pour l'Iran.
Ce sera le regard fixé sur les acteurs
mondiaux cachés derrière le décor que
j'observerai la politique à la fois
apostolique et punitive envisagée à
l'égard de la Syrie.
3 - Le
peuple souverain sous le sceptre de la
faim
La pesée de
l'encéphale du singe démocratisé révèle
que la sauvagerie et la cruauté de cet
animal ne reculent pas devant la mise à
mort de l'adversaire par le recours à la
famine. Mais l'idée nouvelle de ne plus
assiéger seulement une grande et
paisible cité et de livrer la population
d'une nation entière à une extermination
lente remonte à Napoléon 1er et à sa
tentative avortée d'affamer
l'Angleterre. La sauvagerie à petit feu
des Etats de la Justice et du Droit
s'inscrit dans le mythe d'une Liberté
universelle, donc abstraite et toute
verbifique. Cette affabulation s'est
affirmée, comme il est rappelé plus
haut, à l'occasion du blocus de l'île de
Cuba par les Etats-Unis d'Amérique
depuis le 7 février 1962 et qui s'est
poursuivi jusqu'à nos jours.
Cet apostolat a
permis de démontrer que si la guerre
messianique à laquelle se livrent des
gouvernements de ce type s'inscrit en
outre et exclusivement dans une
rationalisation vertueuse de l'histoire
mondiale, c'est parce que la notion même
de souveraineté attribuée aux peuples
démocratiques se fonde sur le principe
de l'infaillibilité populaire. Celle-ci
chapeaute un suffrage universel inspiré
par le ciel des droits de l'homme. Cette
construction juridique conduit tout
droit à une férocité meurtrière, mais
auréolée: on traitera en célestifie de
la Liberté une nation forgée sur
l'enclume du civisme de 1789; pourtant,
ces régiments d'anges et de séraphins
pourront se voir traités en coupables de
crimes de guerre.
Il résulte de ces artifices politiques
que si le peuple syrien sera proclamé
coupable de la tête aux pieds, on le
déclarera pénalement et civilement
responsable des bombes de la justice
mondiale qui lui tomberont sur la tête
et l'on fabriquera de toutes pièces des
criminels de naissance. Le ciel
démocratique est institutionnalisé et
individualisé; et pourtant, voyez à quel
point il est soigneusement localisé au
seul bénéfice de la puissance régnante
du moment. Les châtiments de confection
sont construits sur le modèle de ceux de
Dieu, qui n'a pas son pareil, dit-on,
pour séparer à coup sûr le bon grain de
l'ivraie. Vous n'allez pas enseigner à
un si grand expert à distinguer plus
clairement les innocents des coupables.
Mais si les peuples sont supposés
souverains dans le ciel du Dieu de
substitution qu'on appelle la
démocratie, le sceptre de la
souveraineté immaculée du suffrage
universel tombera dans une scolastique
et une sophistique du mythe de la
Liberté. On dira qu'une population
censée détentrice d'une morale
catéchisée sur la scène de l'univers le
sera non moins efficacement face à la
tyrannie que son propre gouvernement
exercera sur ses arpents, de sorte qu'il
sera châtié à bon escient s'il ne secoue
pas les mains nues le joug qui l'écrase
sur ses maigres lopins.
4 - La
tyrannie catéchisée
Mais le pieux
verbalisme politique des modernes n'est
jamais qu'un rideau de fumée; il est
apprêté aux fins de renforcer dévotement
et de rendre illimitée la puissance
sanctifiante d'une nation étrangère. Le
César démocratique du moment sera
conduit à soumettre de haut et de loin
un peuple entier à l'hégémonie des
hosties verbales qu'on lui donnera à
consommer - et toujours le plus
catéchétiquement du monde. La justice
dominante se trouvera continûment
messianisée et surmessianisée par un
séraphisme astucieusement
déterritorialisé - mais ce sera toujours
celui du maître. A ce titre, la notion
virginale de "souveraineté du peuple"
recouvre un machiavélisme cousu de fil
blanc, mais vieux comme le monde, celui
de l'idéalisme politique - on conviera
le peuple à manger le pain sacré de sa
servitude angélisée; et l'autel même de
sa Liberté servira d'offertoire à sa
sujétion. On voit à quel point seul le
vocabulaire de la théologie éclaire
l'inconscient de la politique.
C'est ainsi que le projet d'un
bombardement vengeur de la population
syrienne ne se comprend qu'à la lumière
de l'intérêt "supérieur" d'Israël et des
Etats-Unis; et cet intérêt se fonde sur
un univers mental de type parareligieux.
La géopolitique qui les inspire leur
commande impérieusement de couper le
cordon ombilical entre le Hezbollah et
l'Iran. Du coup, l'étude des secrets
théologiques de la dissuasion nucléaire
débarque dans la politologie
scientifique, donc dans l'anthropologie
critique.
Supposez un instant
que la foi démocratique confère à telle
ou telle population le statut propre aux
Etats souverains, supposez ensuite qu'un
peuple adoubé de la sorte jouira
réellement de l' autonomie des rois,et
cela par le seul effet d'un formalisme
politique à la fois juridifié et
évangélisé en sous-main. Cette
malheureuse nation devra dès lors rendre
compte de ses prouesses catéchétiques au
dieu Démocratie et démontrer son statut
censé effectif sur la scène des rituels,
des liturgies et de la doctrine dont use
le mythe démocratique. Du coup, il est
également logique que la classe
dirigeante de cette nation sera mise à
l'école du songe confessionnel de grand
calibre dont vous connaissez
l'orthodoxie; mais cette élite ne
saurait se montrer cérébralement plus
compétente et plus responsable qu'un
peuple enfumé par le mythe de sa propre
omnipotence ecclésiale et politique
confondue. Du coup, le patriciat élu au
suffrage universel ignorera allègrement
le premier devoir de son sacerdoce
politique, celui de réfuter la
culpabilisation aliénante du troupeau
dont la garde lui aura été confiée. Mais
comment la formulerait-il clairement et
sur toute la terre habitée ses
responsabilités nécessairement élitaires
de berger de la nation?
Aussi, le clergé paroissial des moutons
présentera-t-il sur les cinq continents
le spectacle piteux de se croiser les
bras; car il devrait innocenter la masse
des brebis faussement culpabilisées sous
le ciel des démocraties, alors qu'il ne
réfuterait jamais des auréoles verbales.
Les idéalités sont les séraphins de la
Liberté. Ces anges se trouvent condamnés
à la cécité inscrite dans leur prêtrise
vocale. Voyez comment les élus de la
démocratie apostolique chargent le
concept de souveraineté du peuple
d'accomplir à leur place la tâche qui
n'incombe qu'à leur propre clergé, celle
de combattre les armes à la main l'
auto-vassalisation du troupeau. La foule
des esprits municipalisés placés sous le
sceptre de ses dieux du langage et la
foule des dirigeants évangélisés par le
mythe de 1789 à laquelle l'Etat se
trouvera contraint de confier les
responsabilités pratiques du
gouvernement, ces deux foules, dis-je,
se sont-elles seulement aperçues de la
chute de la mappemonde dans une forme
encore mal spectrographiée de la
politique, celle de l'auto-vassalisation
vertueuse sous les oriflammes du
vocabulaire de l'étranger? Car le même
auteur de la pièce a ensuite choisi Gaza
pour théâtre de la férocité des
démocraties idéalisées à l'école de
leurs propres idéaux: le microscopique
Etat d' Israël y affame une ville d'un
million sept cent mille habitants placés
sous le sceptre des idéalités
langagières de la planète et sous la
protection du géant de la Liberté
mondiale que vous connaissez bien. La
souveraineté fictive des peuples censés
libres et souverains par le seul effet
de la parole évangélisante de leur
maître est devenue l'instrument
despotique de leur asservissement
politico-confessionnel.
Une civilisation
plus symbolisée que jamais par son pain
bénit n'a-t-elle pas tenté de
sous-alimenter évangéliquement les
quelque vingt-cinq millions d'habitants
de l'Iraq et n'a-t-on pas entendu Mme
Albright, Ministre des Affaires
angéliques du Nouveau Monde, déclarer
que, décidément et tout bien pesé,
l'extinction par la famine d'un
demi-million de séraphins en bas âge
n'était pas un prix trop élevé pour
l'élimination physique du tyran du cru.
Et maintenant, l'Iran attend sa mise
dans les fers de la Liberté - mais il y
faut la chute préalable de la Syrie dans
le giron de ses deux évangélisateurs,
Tel Aviv et Washington.
5 - Le
culte du Bien et la tyrannie de l'Eden
démocratique
Mais, cette fois-ci, la question des
relations ventrales et stomacales qu'une
diplomatie de la famine entretient à
l'échelle planétaire avec la barbarie
idéalisée des démocraties contraint
l'anthropologie scientifique à
radiographier le suffrage universel
truqué par sa propre auto-glorification
verbale. Car cette question a conduit
depuis belle lurette quelques
Etats-vigies, dont la France, à fournir
à la population affamée en Irak un peu
de nourriture chichement échangée contre
l'achat le plus profitable possible
d'une fraction de son immense production
de pétrole. Mais ensuite, le principe de
la légitimation para-religieuse - et par
le canal d'un droit international pseudo
évangélisé par la démocratie - conduit à
la mise à genoux des peuples par la
torture de la faim; et cette sainteté
s'est ensuite appliquée à l'un des
peuples les plus anciens et les plus
illustres du monde, celui de la Perse
héritière des Darius et des Artaxerxès,
celle-là même sans laquelle l'Occident
n'aurait pas été fécondé par la
rencontre de la civilisation grecque
avec l'Orient.
Cette fois-ci, la
question des fondements
psychobiologiques des relations semi
cérébralisées que le singe détoisonné
entretient depuis les Phéniciens avec
les peuples, les clergés et les classes
dirigeantes des nations a pris une
tournure nouvelle au sein de la
civilisation des droits de la raison
simiohumaine actuelle; car l'Iran
démontre, hélas, que les détoisonnés au
ventre vide sont tentés de plier le
genou devant leurs affameurs et de se
tourner, non point contre leurs ennemis,
qu'ils détestent pourtant, mais contre
leurs propres dirigeants, qu'ils jugent
tantôt insuffisamment complices de
l'étranger, tantôt impuissants ou inapte
à défendre la nation.
6 -
Une apothéose manquée
Par bonheur, la
fausse souveraineté des peuples
catéchisés par des abstractions et que
l'étranger soumet à un amaigrissement
vertueusement démocratique a révélé les
limites d'une diplomatie de la
sous-nutrition dévotieuse, parce
qu'aucune classe dirigeante n'est en
mesure de capituler théâtralement face à
des mots vides et aux côtés de la nation
affamée par une agression proclamée
séraphique. Comment laisser un Tartuffe
mondial prendre en otage une grande et
illustre civilisation? Déjà, et sur la
terre entière, le droit public et
l'opinion internationale font chorus
contre les feux d'artifices de
l'hypocrisie parareligieuse des
démocraties massifiées par leurs
idéalités. Comment, disent ces deux
instances, une classe dirigeante même
subordonnée au mythe de la souveraineté
des peuples serait-elle habilitée à se
résigner passivement à l'abjection, et
cela aux yeux du monde entier? La faim
elle-même semble saisie de honte de se
déshonorer, la faim elle-même refuse
d'emprunter les traits d'une Liberté
ensauvagée.
Derrière la Syrie menacée par les bombes
des Etats-Unis et d' Israël, il faut
garder constamment présent à l'esprit le
spectacle d'un M. Rohani , élu au
premier tour de scrutin par un peuple
étranglé par la sous-alimentation
imposée à la nation de Darius. Certes,
c'était bien à tort que cet
ecclésiastique passait pour "modéré "
aux yeux des Attila de l'ascèse
d'autrui. Le soir même de son élection,
il a réaffirmé avec force et dignité le
droit naturel de l'Iran de s'armer d'une
puissance nucléaire évidemment
mythologique - parce qu'inutilisable -
mais demeurée prestigieuse dans tous les
esprits en ce début du IIIe millénaire
où la boîte osseuse de la bête en cours
de cérébralisations n'est pas encore
entrée en possession d'une science
sérieuse de sa propre folie. L'Iran ne
peut faire bonne figure que s'il aligne
sa mythologie politique sur celle du
monde.
7 -
Une mutation cérébrale des clergés
On voit que
l'histoire contemporaine de la Syrie, de
l'Iran et du Liban est de nature à
faciliter l'élaboration d'une
anthropologie critique ambitieuse
d'introduire dans la politologie
décérébrée de l'animal les paramètres
psychobiologiques d'une éthique
civilisatrice. Mais c'est également à
titre civilisateur que cette
civilisation convie les clergés du monde
entier à saisir cette occasion de
conquérir une place révolutionnaire
parmi les mythologues de la mort.
L'heure est venue d'une renaissance de
la "vie spirituelle", celle dont le feu
caché n'est plus la foi du charbonnier,
mais une intelligence allumeuse des
avant-postes de la raison; car la
spiritualité véritable est celle dont la
pensée rationnelle porte, en réalité, la
torche depuis les origines et qui
sous-tend d'ores et déjà le combat
actuel contre la stratégie des
terroristes de la faim - et cela grâce à
une mutation décisive des coordonnées
qui régissaient les vocations
sacerdotales semi animales d'autrefois.
Mais peut-on insuffler aux clergés
assoupis d'aujourd'hui l'ambition de se
placer à l'avant-garde de la raison
sommitale du monde actuel? Il se trouve
que M. Rohani est un ecclésiastique de
haut rang et un intellectuel de la
politique. Il a quelquefois paru se
comporter en un Hamlet de la théologie
islamique face à la Syrie, à l'Egypte et
au Hezbollah. Mais l'armée et le
ministère des affaires étrangères de
l'Iran semblent décidés à pallier au
besoin les défaillances de sa fermeté
politique. Car la chance politique des
clergés de ce temps n'est autre que la
carence même des intellectuels laïcs,
qui n'ont plus de connaissance, au moins
littérale et formelle du contenu des
mythes sacrés et qui, par conséquent, ne
sont plus en mesure de conquérir les
connaissances anthropologiques qui les
éclaireraient sur les ressorts religieux
de la souveraineté frelatée des peuples
vassalisés par les idéaux mêmes de la
démocratie.
-
L'inconscient religieux de
l'occupation américaine de
l'Europe, 31
août 2013
Seule une connaissance intériorisée des
théologies en tant que documents
anthropologiques et politiques abyssaux,
seule une science de "Dieu" fondée sur
l'analyse rationnelle des documents
psychobiologiques que sont les
cosmologies mythiques se révèlera en
mesure d'introduire dans les sciences
humaines de demain, une interprétation
convaincante de l'alliance que
l'histoire conclut avec les songes
sacrés du singe sacerdotalisé.
8 -
Les prosternations démocratiques
Mais il se trouve
que l'intelligence laïque s'est
bancalisée pour longtemps, en raison de
la crainte qui la paralyse depuis la
Révolution de 1789 de scruter les
arcanes psychopolitiques du Dieu des
descendants du chimpanzé. Comment la
démence originelle du genre simiohumain
se révèlerait-elle marginale, comment le
délire qui, depuis le paléolithique,
contraint l'encéphale enténébré des
fuyards de zoologie à tomber dans les
magies cultuelles serait-il collatéral,
comment cette folie native se
révèlerait-elle seulement adventice? Non
seulement les fondements de l'obéissance
politique et de l'esprit de discipline
des peuples sont totémiques par
définition, mais la nature même des
relations que les peuples monothéistes
entretiennent avec les récompenses
mythiques de l'immortalité, d'un côté
avec la sorcellerie des châtiments
éternels, de l'autre, sont calqués sur
la même idolâtrie que leurs appareils
judiciaires. C'est l'histoire terrestre
tout entière qui met en place des
procédures construites en sosies des
épouvantes de l'au-delà. Dieu et la
démocratie américaine sont respectés sur
la terre à proportion exacte de l'effroi
surnaturel qu'ils inspirent à leurs
vénérateurs terrifiés; et toute la
théologie monothéiste enseigne, aux
côtés de Machiavel, que la dissuasion
par l'épouvante sacrée est la clé du
pouvoir politico-religieux de la bête
semi-cérébralisée.
Les clergés sont devenus la seule
intelligentsia documentée sur les idoles
devant lesquelles les fuyards des forêts
se prosternent. S'ils ne prennent pas en
main l'approfondissement de l'humanisme
bi-dimensionnel d'aujourd'hui, la fausse
souveraineté des peuples démocratiques
agenouillés le front dans la poussière
conduira à l'assèchement intellectuel du
mythe de la Liberté
9 - "
Crainte et tremblement " (Kierkegaard)
Comment un clergé
qui se serait converti aux analyses et
aux méthodes de l'anthropologie critique
ne détiendrait-il pas le monopole
d'enseigner à la classe dirigeante
inculte de la démocratie mondiale que
l'arme nucléaire est construite sur le
modèle théologique du mythe de
l'excommunication majeure du Moyen Age,
qui livrait la bête de l'époque aux
tortures féroces qu'exerçait une justice
divine alors censée exprimer la sainteté
d'une damnation cruellement éternisée?
Certes, il est paradoxal que, depuis la
Renaissance la raison elle-même porte la
responsabilité principale du
rabougrissement de l'intelligence
politique; mais il est plus paradoxal
encore que ce ratatinement cérébral
arbore timidement le drapeau d'une
laïcité devenue manchote; et enfin, il
est paradoxal au plus haut degré que la
science dite expérimentale des modernes
n'expérimente pas le mufle du temporel
et se contente d'en flairer l'odeur de
loin. Pourquoi ne pas tenter d'en
connaître les effluves, alors que les
mythes religieux bien décortiqués
fleureront bon les promesses de la
raison iconoclaste de demain?
Mais n'est-il pas
incroyable - face au spectacle d'une
Syrie menacée de la foudre évangélique
des démocraties - que les clergés de la
bête ne s'arment pas de l'audace
intellectuelle de méditer sur l'histoire
enténébrée du singe semi-pensant,
n'est-il pas incroyable que les vrais
solitaires de "Dieu" qu'on appelle les
saints ne donnent pas un élan
copernicien au "Connais-toi" naufragé de
notre temps? Comment se fait-il que la
communauté internationale brandisse la
foudre et promette des sucreries aux
peuples obéissants sur le même modèle
que le ciel des tortures infernales et
des confiseries de l'Eden? N'est-il pas
stupéfiant que, trois siècles après
Voltaire, seul un clergé qui se
laisserait tirer de son sommeil
doctrinal et qui se rendrait
révolutionnaire à sa propre école serait
en mesure d'informer en connaissance de
cause et pièces en mains les Etats
devenus pseudo rationnels de ce que les
théologies simiohumaines cachent dans
les flancs de leurs orthodoxies et de
leur dogmatique la documentation
anthropologique la plus précieuse, celle
qui accède aux racines zoologiques de la
politique internationale actuelle?
Car l'arme nucléaire dont Israël feint
de craindre l'épouvantail et de prendre
l'artifice pour une menace réelle n'est
pas une arme de guerre et se révèle
inutilisable par nature sur un champ de
bataille terrestre. Comment huit dieux
de l'apocalypse embarrassés par un
agglomérat d'enfers fictifs et par un
Déluge imaginaire sur un astéroïde
microscopique ne seraient-ils pas
condamnés à museler leurs ardeurs
belliqueuses empêtrées dans l'absurde,
tellement le spectre d'un suicide
collectif de type matamoresque les noie
dans une stratégie de la sottise
allergique à l'art de la guerre depuis
le Lachès de Platon?
10 -
La tyrannie d'Abel le Juste
Seule
une classe sacerdotale du troisième type
et dont la fraction testimoniale, donc
existentielle, se sera initiée aux
arcanes bibliques d'une anthropologie
des terreurs sacrées se trouvera en
mesure de démontrer que la barbarie
démocratique est de type eschatologique
et qu'elle sert de fer de lance à une
théologie de l'épouvante résolument
américanisée - donc dans laquelle
l'alliance du finalisme évangélisateur
avec le patriotisme messianisé trouve
son origine chez Calvin et Luther. On
sait que tout le christianisme a
construit sa sotériologie sur une
délégitimation factice de la justice
temporelle - donc jugée insuffisamment
purificatrice - et sur l'avènement
compensatoire d'une justice enfin
cathartique et sanctifiante, qui
assurerait le règne définitif du Bien
sur une terre assainie:
"En présidant à
la scène du Calvaire, l'Etat se porta le
coup le plus grave. Une légende pleine
d'irrévérence de toutes sortes prévalut
et fit le tour du monde, légende où les
autorités constituées jouent un rôle
odieux, où c'est l'accusé qui a raison ,
où les juges et les gens de police se
liguent contre la vérité. Séditieuse au
plus haut degré, l'histoire de la
Passion, répandue par des milliers
d'images populaires, montra des aigles
romaines sanctionnant le plus inique des
supplices, des soldats l'exécutant, un
préfet l'ordonnant . Quel coup pour
toutes les puissances établies ! Elles
ne s'en sont jamais bien relevées.
Comment prendre à l'égard des pauvres
gens des airs d'infaillibilité quand on
a sur la conscience la grande méprise de
Gethsémani."
(Ernest Renan, La vie de
Jésus. Dernière phrase de la
première édition - 1863 - , supprimée
dans les éditions suivantes.)
Visiblement, le faux séraphisme de la
démocratie américaine et mondiale a
repris à sa charge la vocation de
délivrer l'humanité des pestilences du
péché originel. Il lui faut donc châtier
les peuples dont la souveraineté
nominale ne répand pas encore les
parfums du salut. Mais, en même temps,
l'Amérique recule devant les canons,
parce que l'apocalypse moderne ne répand
plus l'odeur d'encens ni de la
démocratie, ni et de la déesse immaculée
qu'on appelle la Liberté depuis que la
foudre exterminatrice se trouve
partagée, donc neutralisée entre les
mains de huit Etats.
11 -
La théologie administrative
Au XVIe siècle déjà,
les princes catholiques allemands
étaient censés rachetés: comment ne se
seraient-ils pas trouvés résolument
engagés sur le chemin de croix d'une
réhabilitation évangélique de leur
trône, puisqu'ils ont paru courir à
bride abattue, mais, en réalité, à
tombeau ouvert au secours du réformateur
allemand, alors jugé hérétique et
traqué, à ce titre, par une Eglise
encore puissamment armée du bras
séculier? En ces temps reculés le
recours purificateur à la crémation des
hérétiques rendait rédempteurs les
bûchers de la foi. Aussi un Luther plein
de gratitude à l'égard de son ciel
salvifique n'a-t-il pas tardé à soutenir
les souverains du temporel de l'époque,
alors en guerre contre les manants
allemands armés de leurs fourches. Du
coup, il a fallu valider sans tarder le
vieux principe de tous les tyrans
dévots, selon lesquels l'autorité
publique repose toujours et partout sur
un Dieu exterminateur des malandrins.
A l'image de la démocratie mondiale
d'aujourd'hui, le protestantisme y a
progressivement reperdu l'armure
anti-césarienne de la foi chrétienne des
origines. Mais une religion immanentiste
de la délivrance sans cesse retardée et
sans cesse revigorée par des
sanctifications sporadiques de l'utopie
politique a aussitôt pris sa revanche,
mais en catimini et au cœur des
bureaucraties. Pour cela, il lui a fallu
emprunter le même chemin détourné que
celui de l'Amérique actuelle, celui de
l'auto-sacralisation subreptice d'un
clergé administratif et de la
fétichisation rampante de la
bureaucratie mondiale, laquelle n'a pas
manqué de substituer le vieux culte de
la lettre au totémisme cultuel des
liturgistes romains. Du coup les
républiques ritualisées en cachette par
leurs scribes sont devenues à
elles-mêmes leurs Eglises de la Liberté;
et l'évangélisme euphorique des origines
du christianisme s'est logé dans un
nouvel innocentisme pharisien, celui
d'un Eden des greffiers paresseux du
mythe du salut et de la rédemption
administratifs.
La Syrie se révèle
le champ d'expérimentation de la
théologie américaine et de celle
d'Israël : ces deux nations connaissent
les secrets religieux de l'auto-innocentement
des conquérants porteurs des saintes
ampoules de leur foi.
12 -
La civilisation de Blanche Neige et des
sept nains
On a pu vérifier l'avènement des
nouvelles piétés avec l'officialisation
précipitée de la sainte surveillance
électronique de toute la population
américaine et mondiale, qui sont tombées
tout entières et dévotement entre les
mains de la police secrète du pays. Par
quatre cents voix contre vingt le
Congrès a aussitôt rejeté les
protestations indignées de
l'ex-président Carter, pieux prix Nobel
de la paix et grand lecteur de
Kierkegaard, au motif que l'évangélisme
inné du Nouveau Monde n'avait rien à
cacher aux surveillants légaux d'une
démocratie placée sous la tutelle
administrative de Blanche Neige et des
sept nains.
La pureté native des citoyens et l'acier
trempé de leur civisme leur faisaient
non seulement accepter les yeux fermés,
mais revendiquer de jour et de nuit un
contrôle politico-apostolique de leur
statut séraphique. Les fidèles d'une
Stasi évangélisée en sous main sont les
paroissiens de l'Eden de la démocratie.
Abel le bucolique leur insinue ou leur
suggère que si le reste du genre humain
tient à se cacher derrière un prétendu
"mur de la vie privée", c'est qu'il y a
anguille sous roche. Un Etat protestant
et libéré du péché originel par sa
théologie de la grâce gratuite du Dieu
de Calvin se peuple des confessionnaux
d'une Stasi soupçonneuse et dont le
patriotisme ambigu se méfie de l'empire
de Caïn, c'est-à-dire du reste du monde
- lequel est présumé coupable d'abriter
des masses de pécheurs potentiels sous
le tabernacle même des Abel de la
Liberté.
On voit que si un despotisme théologique
de masse et dûment préédénisé par des
hosties sonorisées - des idéalités
verbales - n'est déchiffrable qu'à la
lumière d'une psychophysiologie du
sacré, donc d'une analyse
anthropologique des relations que la
politique du singe cérébralisé
entretient avec ses ciels, c'est parce
que la demi- raison de l'Occident est
devenue une naufragée du "Connais-toi".
Aux clergés pensants de demain d'ouvrir
le coffre de leur doctrine..
13 - "
La guerra, la guerra, la guerra…. "
(Monteverdi)
Mais
alors, ne doutons pas que la guerre qui
se prépare à l'échelle mondiale entre la
souveraineté des peuples d'un côté et la
souveraineté des Etats de l'autre
conduira la civilisation de la raison à
donner un sens politique au concept
abstrait, flottant et insaisissable de
Liberté appliqué aux nations. Pour
l'instant, ce conflit demeure souterrain
bien qu'il ait débarqué sur la place
publique avec Stéphane Hessel. Mais la
guerre de Syrie qu'elle ait lieu ou non
enfantera une réflexion sur la science
historique qui dominera le XXIe siècle
et qui donnera un contenu réel à la
notion vaporeuse de souveraineté des
peuples. Pour l'instant, cette
souveraineté est un conte pour enfants;
et cet infantilisme aura besoin de
quelques têtes adultes, et surtout d'une
validation et d'une légitimation
transcendantes à l'autorité des
parlements vassalisés d'aujourd'hui.
Mais toute mutation du politique demeure
stérile si une révolution cérébrale
décisive ne modifie pas les coordonnées
mêmes de la connaissance rationnelle du
singe cérébralisé. La civilisation de
demain apprendra à regarder du dehors un
animal dont la spécificité s'éclairera à
la lumière d'une anthropologie critique.
Il est paradoxal au premier abord qu'une
souveraineté populaire qui serait
devenue plus réelle puisse enfanter une
élite intellectuelle encore plus séparée
des masses que la précédente. Mais ce
processus est constant: quand
l'intelligentsia d'avant-garde d'une
époque ne se reconnaît plus dans le
quotient cérébral de la classe
dirigeante, il se crée un vide que seuls
les nouveaux intellectuels sont en
mesure de combler. Les humanistes de la
Renaissance ont défriché un désert, les
encyclopédistes du XVIIIe ont labouré le
néant - et chaque fois, le fossé entre
les peuples et les nouvelles phalanges
de la raison s'est creusé davantage.
Puis, lentement, les boîtes osseuses
prospectives bouleversent la vision du
monde de l'humanité du siècle précédent.
Les époques créatrices sont celles,
toujours brèves, où une nouvelle élite
cérébrale conquiert momentanément un
poids politique et une hégémonie avant
que le cerveau collectif ne retrouve les
droits attachés à sa pesanteur
naturelle.
Sur ce terrain - qu'elle soit évitée ou
non - la guerre de Syrie mettra en place
des institutions politiques appelées à
donner corps à la notion encore creuse
de souveraineté des peuples : les
Nations Unies d'abord, qui s'opposeront,
ou tenteront du moins de s'opposer aux
Etats va-t-en guerre et aux Parlements
asservis à une puissance étrangère. Puis
le christianisme de la colère
spirituelle se lèvera tout entier
derrière une compagnie de Jésus à
laquelle le pape redonnera sa vocation
politique à l'échelle mondiale. Enfin
des internautes audacieux entreront en
troupes de choc dans les logiciels
secrets des Etats. Un nouveau public de
la raison est en gésine sous nos yeux.
Mais, encore une fois, une révolution
politique est mort-née si elle ne
déclenche pas aussitôt et, pour ainsi
dire, dans la foulée une puissante
renaissance intellectuelle. Ou bien un
clergé nouveau de l'intelligence
critique prendra la relève des
universités du Moyen Age actuel, ou bien
le divorce des peuples d'avec
l'académisme politique des Etats
conduira à l'engloutissement de la
civilisation de la pensée.
14 -
Le retour de la colère spirituelle
C'est dire à nouveau que, pour la
première fois, depuis la chute du
polythéisme, un clergé du Moyen Orient
qui aurait le courage de se rendre
réflexif face au protestantisme, au
catholicisme, au judaïsme et à l'islam
se porterait pour longtemps à la tête de
la civilisation mondiale de la pensée
rationnelle et poserait à nouveaux frais
la seule question de fond, celle que
l'anthropologie scientifique de demain
placera dans la postérité cérébrale de
Darwin et de Freud. Le Dieu à venir se
dira: "Décidément Adam a passé derrière
mon miroir. Au Moyen Orient comme
ailleurs, il n'y a rencontré que sa
propre effigie. Mais puisque je l'ai
créé à ma ressemblance, peut-être
va-t-il se demander pourquoi les idoles
se cachent derrière leur propre image."
Peut-être les anthropologues de la
démocratie observeront-ils comment
l'Amérique se cache derrière sa propre
image pseudo démocratique en Syrie, en
Iran, en Europe, peut-être un humanisme
idolâtre de ses idéalités pseudo
séraphiques va-t-il découvrir le Dieu
biface que le singe cérébralisé est
devenu à lui-même. Puisse le trésor
anthropologique que les mythes religieux
charrient dans leurs flancs réarmer des
sciences humaines désaffectées et les
vider de la catéchèse stérile des
démocraties.
Le 7 septembre 2013
Reçu de l'auteur pour publication
Le sommaire de Manuel de Diéguez
Les dernières mises à jour
|