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Certus odor dictaturae
Deuxième lettre ouverte aux
Français juifs de mon pays
Manuel de Diéguez
Manuel de Diéguez
Dimanche 6 septembre 2009
"
L'immense majorité des juifs de
France n'aiment pas être considérés comme appartenant à une
"communauté", mais être considérés tout simplement comme les
Français qu'ils sont. Point barre.
" (Me Jean Balan,
ancien Secrétaire de la Conférence des avocats ,
Le Monde
du 20 juillet 2009 )
"
En obtenant l'appel, les
institutions juives donnent à l'opinion un spectacle
lamentable . Les institutions juives, entièrement soutenues
par l'idéologie victimaire qui est l'une des grandes
faiblesses de Nicolas Sarkozy, apparaissent, hélas, aux yeux
de l'opinion ou d'une partie d'entre elle, comme
suffisamment puissantes pour obtenir de l'échelon politique
qu'il revienne sur un verdict qui leur déplaît.
" (Marc Weitzmann,
écrivain, Le Monde,
19 juillet 2009)
Ma
première " Lettre ouverte aux
Français juifs de mon pays " en
date du 1er septembre était précédée du commentaire suivant
:
"Le
texte que je mets en ligne ce 1er septembre et celui qui
suivra le 7 septembre ont été rédigés au cours de la
trêve estivale, bien avant que Maurice Szafran dans
Marianne,
aussitôt soutenu avec vigueur par Jean Daniel eussent,
pour la première fois en France, soulevé la question de
fond de la légitimité idéologique du CRIF, dont on sait
qu'il voudrait valider le principe de la double identité
politique des juifs dans notre pays en ce sens qu'ils
jouiraient de la liberté souveraine de défendre corps et
âme les intérêts nationaux d'un Etat étranger, serait-ce
au détriment de ceux de la France sur la scène
internationale.
En
juillet, ma réflexion était sacrilège. Je suis heureux
qu'elle ne le soit plus après la ferme condamnation,
sous la plume de Jean Daniel, d'un "judéocentrisme
obsessionnel et névrotique". Mais mon acquittement me
renvoie devant une seconde juridiction, celle de ma
théopolitique. Depuis huit ans, je tente sur ce site de
soumettre les mythes religieux à une anthropologie
critique du sacré dont le Quai d'Orsay feint maintenant
d'adopter le principe, mais sans en connaître les
méthodes et les sacrilèges.
Dans les
deux textes rédigés cet été, on verra comment MM.
Szafran et Daniel me rendent l'immense service de me
faciliter l'exposé d'un élargissement anthropologique du
champ de leur réflexion que je mets à l'école d'une
analyse de la dichotomie psychique qui frappe l'ordre
des Jésuites. Le parallélisme entre la fécondité
culturelle et philosophique de la judéité française et
des jésuites français - tous deux sont à l'origine de la
Révolution française de 1789 - ouvre l'anthropologie
critique à la pesée de la dichotomie cérébrale d'une
espèce scindée entre la terre et le songe.
Il me
semble que ce débat n'accédera à sa problématique qu'à
se donner l'histoire de France pour assise.
Dans la
Lettre qui suit, et qui était
annoncée au terme de la précédente, je rappelle que, depuis
l'invention de la philosophie critique à Athènes au Ve
siècle avant notre ère, l'humanité a approfondi la
découverte socratique selon laquelle elle habite deux
domiciles, l'un visible, l'autre décorporé et que cette
bipolarité originelle a écrit toute notre histoire, puisque
notre espèce s'efforce à la fois d'incarner le fabuleux et
le fantastique qui l'habitent et de porter son corps au
surnaturel. Cette scission de notre psychobiologie a été
illustrée par deux millénaires du destin planétaire du
christianisme, mais elle a accédé à toute son ambiguïté et à
son tragique politique avec l'ordre des Jésuites, qui
habitaient une Jérusalem seulement terrestre, la France, et
une Jérusalem intérieure et spirituelle dont le pape
substantifiait la surréalité.
Cette
dichotomie, le peuple juif l'a retrouvée à l'échelle
internationale. Doit-il partager l'âme des territoires où il
s'est établi ou celle d'un Israël mythique ? Quels sont les
devoirs respectifs de la foi religieuse et du patriotisme?
La monarchie avait résolu la difficulté par l'expulsion pure
et simple de l'ordre d'Ignace de Loyola en 1763, parce
qu'aucun Etat ne peut tolérer à titre statutaire que ses
citoyens les plus instruits et les plus actifs se consacrent
corps et âme à la défense des intérêts temporels d'une
nation étrangère.
Mais la
comparaison entre les jésuites et les Français juifs est
riche d'enseignements culturels, parce que les jésuites
nationaux ont forgé le patriotisme des élites qui ont
conduit à la Révolution régicide de 1789. Un rapide examen
de cette page peu étudiée de l'histoire de la France suffit
à éclairer quelques arcanes de l'animal au cerveau
schizoïde. Il s'agit de répondre à la question de savoir ce
que le génie juif a apporté à la civilisation française et
ce qu'il peut nous apporter demain.
1 -
Ces jésuites de philosophes
2 - Le jésuitisme du mythe
de l'incarnation de la vérité
3 - Qu'est-ce qu'un juif ?
4 - Une espèce schizoïde
5 - Où la question du " sel
de la terre " devient philosophique
6 - Où Tel-Aviv et Rome
sont appelés à rappeler leurs jésuites
7 - Où l'hérésie écrit
l'avenir du monde
8 - Où les Jésuites se
rappellent à la France
9 - Appel à
mes amis juifs
1 - Ces jésuites de philosophes
Mes amis, vous
savez combien je comprends les obstacles énigmatiques à vos yeux
que vous rencontrez depuis des siècles pour vous fondre dans
l'identité nationale à laquelle vous appartenez jésuitiquement
et dont vous vous voulez à la fois partie prenante et partie
rebelle. Sans doute trouverez-vous une consolation dans l'aveu
des philosophes, ces malheureux jésuites de naissance, qui se
sentent, comme vous et depuis vingt-cinq siècles, non seulement
des étrangers au sein de leur patrie temporelle, mais au cœur
d'une humanité de casuistes, puisque, depuis Socrate, ils se
battent en duel avec le cerveau biphasé que la masse de leurs
congénères se partagent. Sachez que les philosophes sont, à
votre image et ressemblance, déchirés entre leur Rome intérieure
et leur terre, des suicidaires de leur Jérusalem de
l'intelligence et des condamnés à réfuter l'hérésie collective
de ce jésuite de Montesquieu qui prétendait que ce serait folie
de se vouloir sage tout seul.
Car ces jésuites de philosophes font valoir que si l'auteur de
L'esprit des lois ne s'était pas voulu coupable de
l'hérésie de se vouloir sage tout seul, la ciguë de sa raison ne
serait pas devenue le nectar et l'ambroisie de l'Occident
politique depuis un quart de millénaire. Décidément, la
spéléologie des hérésies de la connaissance ne nous lâche pas
d'une semelle. Savez-vous que Socrate a eu le courage cérébral
non seulement de soutenir que le savoir d'un seul homme a raison
contre l'ignorance et la sottise du monde entier, mais que le
courage propre à l'intelligence est le seul véritable et qu'il
est solitaire par définition, parce que si les majorités avaient
raison, la vérité ne serait plus à démontrer et nous n'aurions
nul besoin de philosophes.
Français juifs et juifs de France, saisissez
donc des deux mains la coupe de la ciguë qui vous attend et
dites-vous que vos difficultés de citoyens biphasés de
naissance, donc grands connaisseurs du jésuitisme de Dieu et de
l'humanité d'hier, d'aujourd'hui et de demain, présentait
autrefois l'avantage de placer votre courage à l'avant-garde de
la pensée du monde , parce que vous combattiez le jésuitisme
perverti des chrétiens et des païens confondus dans l'hérésie
viscérale d'adorer des dieux réputés exister pleinement à la
fois en esprit et corporellement. Comment allez-vous apprendre à
vivre tant à Jérusalem qu'à Paris , comment allez-vous féconder
tout ensemble votre foi et votre terre?
2 - Le
jésuitisme du mythe de l'incarnation de la vérité
Comme tous les philosophes, vous êtes condamnés à terrasser le
jésuitisme du mythe de l'incarnation de la vérité, cette pieuvre
qui règne sur le monde depuis le paléolithique et dont le
christianisme n'a fait que perpétuer les sortilèges. Certes, la
Révolution avait tenté de fonder votre identité intellectuelle
et la nôtre sur le culte des vérités dites universelles - mais
l'universel n'est pas une substance, que je sache. Diantre,
seriez-vous donc déjà devenus de vrais philosophes, mais encore
in petto et sans seulement le savoir ? Vous seriez-vous
habillés à votre insu en saints de l'intelligence véritable, qui
est désincarnée ou n'est pas? Mais si la pensée était d'ores et
déjà devenue à la fois votre véritable patrie et celle de la
France de la raison, comment défendriez-vous l'hérésie selon
laquelle ce serait tout charnellement que vous appartiendriez à
une autre nation qu'à celle de la lucidité cartésienne, donc de
l'universel républicain? Qu'est-ce que l'hérésie de soutenir
qu'un juif serait juif physiquement, comme le pommier est
pommier et le poirier poirier ? Allez-vous vous changer en
jésuites de la connaissance à défendre à la fois votre identité
de juifs de là-bas et de Français d'ici? Je vous demande de
sauver votre identité véritable, celle des malheureux
philosophes qui, depuis Socrate, se voudraient des abeilles
emportant leur miel.
Car si vous étiez des juifs physiquement, tout Etat serait
condamné à mettre sur pied une connaissance anthropologique et
critique des relations jésuitiques que vos têtes
entretiendraient avec vos chromosomes particuliers. Mais alors,
la "forte odeur de dictature" serait celle des hérésies
politiques attachées aux despotismes dûment incarnés
d'autrefois, qui se proclamaient en chair et en os et dont
l'Histoire offrait des centaines d'exemples résolument corporels
; et l'odeur de la tyrannie que vous répandriez émanerait de
votre communauté psychogénétique, laquelle se serait tout
entière attachée à soumettre les divers pays que vous habitez à
la loi qui régirait votre biologie. Vos hôtes seraient-ils
changés en otages de chair et de sang d'Israël par la puissance
toute physique de votre communauté?
Voyez comme nous retrouvons cachée sous son
nouvel habillage la question de nos jésuites dédoublés , qui se
trouvaient viscéralement scindés entre leur vocation de
régiments de papimanes et leur cohortes de Français de souche .
Mais si vous êtes des philosophes transcharnels et si votre
existence métazoologique fait tout l'objet de votre foi
intellectuelle, faisons alliance pour la défense et illustration
de la seule France réelle, celle de l'intelligence du monde , et
cessez de vouer notre nation au culte des senteurs d'une autre
terre. Car toute terre est muette, toute terre ne parle que par
la voix de l'âme que nous lui accordons, toute terre est un
violon dont les cordes sont les nôtres, non les siennes.
3 -
Qu'est-ce qu'un juif ?
Qu'est-ce donc qu'un juif si notre corps n'est jamais notre
habitat véritable, mais si nos concepts eux-mêmes peuvent se
changer en idoles entre nos mains? Vous savez que l'Eglise de
ces hérétiques de chrétiens leur enseigne qu'ils sont "un
mélange de corps et d'esprit", mais que leur Descartes les a
en quelque sorte rappelés à la raison et délivrés de cette
mixture, de sorte que, depuis lors, ils ne savent sur quel pied
danser. Mais aujourd'hui, c'est au Discours de la méthode
de cet élève des jésuites que vous posez la question de votre
identité dichotomique; et vous vous demandez si elle est
viscéralement jésuitique, viscéralement casuiste, viscéralement
judaïque, viscéralement confiturée d'esprit et de corps,
tellement l'esprit d'orthodoxie des chrétiens tente d'occuper
tout le territoire de leur science expérimentale. C'est pourquoi
leurs savants ne savent comment distinguer leur savoir théorique
d'un côté de la matière censée l'incarner de l'autre.
Mais réjouissez-vous au plus haut des cieux : leurs philosophes
rôtissent depuis le Moyen Age sur le gril de la question du
statut des juifs, puisque leur cogito schizoïde est à la torture
: car ils ne savent comment faire monter la mayonnaise de leur "problème
de la connaissance", comme ils disent, tellement leurs
atomes se refusent à substantifier leur théorie physique. Par
bonheur, est-il un peuple qui ait moins à rougir de sa tête que
le vôtre? De toutes les nations de la terre vous fûtes la
première à renoncer, non point encore, il est vrai, à votre
folle croyance qu'il existerait un administrateur général du
cosmos - même en Israël, ce cyclope des nues disposait à
l'origine d'une puissante ossature - mais de la démence "de
bécarre et de bémol", comme disait Rabelais, de vous
imaginer de surcroît que votre géniteur mythique confondrait sa
musculature avec le bois ou la pierre de ses statues et qu'il se
tiendrait tapi sous des matières taillées de la main de ses
créatures. Fils d'Isaïe, je vous salue: l'avenir de la
philosophie des sciences se trouve plus que jamais entre vos
mains.
Et puis, quelle chance que votre gloire
philosophique soit à la mesure de l'outrage qui vous a chassés
de toutes les nations dont les autochtones demeuraient
agenouillés devant leurs idoles de bois et de fer. Vous êtes les
premiers simiohumains dont nous avons démontré dans nos
laboratoires que leurs chromosomes séparent l'esprit des
substances censées le véhiculer et témoignent, primo, de ce que
seule notre tête sert de théâtre à notre histoire véritable ,
secundo que si notre destin se révèle décidément cérébral, ce
sont nos encéphales qu'il nous faut apprendre à peser afin de
tenter de connaître nos véritables lumières et toute l'histoire
de la chute de notre lanterne dans la casuistique du monde; car
seuls vos prophètes nous permettent d'apercevoir de haut et en
tant que telles les bêtes dont nous adorons la chair au plus
profond de notre animalité cérébrale mal éteinte.
Cette découverte extraordinaire, nous la
devons à des spécimens sommitaux de votre peuple. Elle nous a
été ensuite confirmée par la scission jésuitique de l'Europe
entière entre des croyants de deux catégories bien distinctes de
singes vocalisés, celle des protestataires d'esprit hébraïque,
qui persévéraient, certes, à s'imaginer qu'il existerait un chef
tantôt colérique et tantôt décoléré du cosmos et que ce
personnage fantasque aurait soudainement décidé de féconder une
mortelle, mais qui ont, néanmoins protesté avec fureur au
spectacle de leurs congénères, qui persévéraient dans
l'idolâtrie de diviniser le corps de la progéniture miraculée de
leur nouveau Jupiter. De plus, ajoutaient ces chrétiens
isaïaques, comment le géniteur jésuitique de l'univers aurait-il
pris grand soin de remettre tous ses pouvoirs sur la terre et au
ciel à une Eglise de casuistes soigneusement hiérarchisés? Or,
cette évolution judaïque de la boîte osseuse de l'Europe et du
monde, si parcimonieuse qu'elle soit demeurée, n'a été ni
localisée, ni ethnique; elle a sélectionné au sein de toutes les
nations de la planisphère, des encéphales légèrement plus
éveillés que les précédents.
4 - Une
espèce au cerveau schizoïde
Certes, la Révolution française a ensuite
tenté de faire fi de ces promesses encore embryonnaires d'une
science de nos encéphales d'avant-garde; car nous avons proclamé
un dogme nouveau et non moins horrifique que les précédents
selon lequel nous serions coulés dans un seul moule de la
connaissance, à savoir le concept d'homme, dont l'universalité
de pacotille nous enrichirait tous à nous rendre cérébralement
semblables les uns aux autres. Mais nous n'avons pas tardé à
découvrir que nous perdions les trésors de notre Jérusalem
socratique à nous marquer du sceau d'infamie d'une égalisation
abstraite et froide de tous nos spécimens. Jamais nous ne nous
réduirons à un vocable dont la vaine résonance nous servirait de
temple et de tabernacle, jamais nous ne nous résignerons à
amputer votre identité et la nôtre à l'école d'une France
uniformisée et mise sottement à l'écoute d'une citoyenneté
oraculaire.
Par bonheur, nous avons terrassé les idoles
verbifiques que nous forgeait notre dissolution dans un
vocabulaire trompeusement unifié; et nous avons si vaillamment
persévéré à faire le tri de nos encéphales culminants que notre
ténacité a été récompensée, puisque notre ciguë de la vérité a
fait progresser nos Lettres, nos sciences et nos arts. Puis, le
décryptage de nos chromosomes s'est poursuivi avec un si grand
succès, que nos spécimens se sont révélés aussi distincts les
uns des autres et aussi inconfusibles entre eux que ceux de tous
les autres animaux de la création, parmi lesquels nous n'avons
jamais trouvé deux individus identiques.
Mais alors, comment se fait-il que seule votre nation se soit
individualisée à tel point qu'elle a cessé la première de
s'agenouiller devant du bois? Comment se fait-il que vous ayez
fait vomir à votre idole elle-même vos sacrifices de chair et de
sang? Comment se fait-il que nos idoles à nous se laissent
dégrossir à leur tour à l'école de notre intelligence ? Et
pourtant, il existe encore des juifs si obstinément étrangers au
génie cérébral de leur nation qu'ils se présentent en transfuges
du vide et qu'ils se mettent à adorer le dieu en chair et en os
des chrétiens. Vous savez que la France a été paganisée à
nouveaux frais par le mythe révulsif de l'incarnation de la
pensée et de l'esprit et qu'elle a promulgué pendant de longs
siècles que le Dieu nouveau des Gaulois serait ligoté à ses
ossements et que le peuple des Druides adorerait désormais la
charpente d'un homme privilégié. Qu'allons-nous devenir sans le
secours de la judaïté socratique qui a fécondé la mappemonde? La
seule volonté d'un roi suffira-t-elle à nous faire vénérer telle
doctrine religieuse ou telle autre, selon le principe acéphale
qui nous dit "cujus regio, ejus religio" - telle nation,
tel culte? Mais si, au XVIe siècle encore, des peuples entiers
ont pu changer subitement de théologie à la demande ou sur
l'ordre de leur souverain, pourquoi ne retournerions-nous pas
dare-dare aux dieux de bois de nos ancêtres?
Comme l'écrit Jean-Luc Pujo, la vraie France
n'est pas un corps.
Voir, Jean-Luc Pujo, Les clubs
"Penser la France"
A ce titre,
ajoute-t-il, elle n'est pas non plus une race ou une ethnie,
mais une volonté, un projet existentiel et non une terre, une
émancipatrice du monde et un devenir, non une surface
géographique. Mes amis, qu'allons-nous faire de notre identité
philosophique commune si nous ne sommes pas français
physiquement et si la France réelle est celle qui ne s'incarne
pas, parce qu'elle nous demande de boire une ciguë libératrice,
celle de notre intelligence?
5 - Où la question du " sel de la
terre " devient philosophique
Revenons une fois de plus à notre anthropologie du jésuitisme
simiohumain, regardons-nous encore et encore dans le miroir de
la bête. Mes amis, vous savez qu'à votre image, les disciples de
saint Ignace découpaient leur universalité spirituelle entre
plusieurs identités territoriales; et pourtant ils se trouvaient
rassemblés comme un seul homme en une orthodoxie qui
transcendait leurs casuistiques localisées. C'est pourquoi leur
Général plaçait la Compagnie sous les ordres d'un chef
d'état-major physiquement installé au cœur de la chrétienté - un
Saint Siège désigné par le ciel pour succéder en esprit à Saint
Pierre, l'ancêtre commun dont les ossements reposaient sous la
terre de la basilique consacrée à célébrer sa mémoire.
Telle est la question posée par la scission
de votre identité entre votre corps et votre intelligence.
L'autorité papale qu'Israël exerce sur vous est-elle celle d'un
casuiste de l'histoire du monde ou celle de vos prophètes? Votre
cerveau me semble à l'aise dans l'enceinte de toutes les nations
de la terre dans lesquelles l'amplitude des hiérarchies
cérébrales nous interdit du moins de retourner au culte des
amulettes, des fétiches et des grigris. En revanche, et à
l'image, ici encore, des disciples d'Ignace de Loyola, beaucoup
d'entre vous choisissent pour leur Vatican intérieur une nation
de chair et un temple de pierre, beaucoup d'entre vous font de
ce Saint Siège tout terrestre leur domicile spirituel. Dans ce
cas, comment faites-vous d'Israël une nation céleste, un
habitacle surréel, une terre des anges?
Par bonheur rares sont ceux d'entre vous qui se veulent
étrangers à toutes les nations et qui ne les habitent qu'à titre
transitoire afin de servir, le temps de leur passage sur la
terre, les seuls intérêts d'un royaume de Dieu qui aurait
physiquement débarqué dans l'histoire du monde. En vérité, et à
l'instar encore de l'Israël surréel d'aujourd'hui, le trône de
Saint Pierre jouait dans les têtes des jésuites le rôle trompeur
de la cité de Dieu de saint Augustin. Et qu'est-ce d'autre que
votre "pays de Canaan" ou votre "terre promise",
qu'une sorte de patrie mythologique? Le "paradis soviétique"
n'en avait-il pas retrouvé l'utopie ? Mais vous savez maintenant
que le cerveau de notre espèce est jésuitique de naissance et
qu'il se scinde entre le rêve et la casuistique du monde, vous
savez maintenant que les évadés de la zoologie se divisent entre
divers paradis récompensés? Craignez de substantifier vos songes
sur les vains arpents de l'Israël de chair, craignez d'aller
habiter l'île "de nulle part" de Thomas More, puisque "utopie"
signifie étranger à tout lieu. Mais consolez-vous: nous
n'habitons pas la France des labours, mais la France que nous
fécondons à l'école de nos têtes, la France d'ailleurs, la
France de là-haut.
Ne
territorialisons pas l'intemporel, ne retombons pas dans
l'hérésie des Gaulois paganisés par leur homme-dieu et qui
adorent de nouveau une divinité ossifiée et musclée ;
n'endossons pas le vêtement du mythe de l'incarnation de la mer
en Poséidon, du commerce en Hermès, de l'intelligence en Athéna.
Sinon, je vous le dis, vous ne serez plus de vrais juifs, vous
ne serez plus le sel de la terre, vous ne féconderez plus
l'intelligence du monde.
6 - Où Tel-Aviv et Rome rappellent
leurs jésuites
En
1774, un bref de Clément XIV a provisoirement supprimé l'ordre
des jésuites, qui n'est revenu que dans les fourgons de
l'étranger et sous la tiare de la Sainte Alliance du trône et de
l'autel. Pourquoi ce pape s'est-il soudainement passé d'un ordre
monastique qui, sous son masque religieux, soutenait les
ambitions politiques de l'Eglise catholique dans le monde entier
? Pourquoi s'est-il tout subitement montré plus radical que le
roi de France, qui s'était résigné à expulser l'ordre dès 1763,
un siècle exactement après le Tartuffe de Molière?
C'est qu'il devenait clair comme le jour qu'aucun Etat au monde
ne saurait tolérer indéfiniment que la fraction la plus
dynamique et la plus instruite de sa population se consacrât
corps et âme à défendre les intérêts politiques et l'expansion
armée d'un Etat étranger - le Vatican hier, Israël aujourd'hui.
Mais peut-être le gouvernement de Tel-Aviv mettra-t-il fin, lui
aussi, au statut spécifique d'un peuple militarisé sur le modèle
des Jésuites. Il suffirait, pour cela, que sa sagesse le
conduisît à distinguer clairement la citoyenneté toute locale
d'un côté et la judaïté universelle de la raison, de l'autre. Si
un pape a pu se résoudre à un choix douloureux entre la
spiritualité du christianisme et les intérêts des Etats
pontificaux dans le temporel, pourquoi une démocratie laïque ne
le pourrait-elle pas? Pourquoi perpétuer une confusion
jésuitique entre deux identités incompatibles entre elles par
nature et par définition? Pourquoi tous les juifs de la terre
seraient-ils légitimement considérés par Tel Aviv comme des
citoyens physiquement et moralement appelés à servir leur patrie
biblique et terrestre fâcheusement confondues, à l'instar des
Jésuites de la planisphère du XVIe au XVIIIe siècle, dont la
Compagnie s'était mise corps et âme au service d'un souverain
italien tenu pour le détenteur exclusif de la vérité universelle
et temporelle étroitement emmêlées?
7 - Où
l'hérésie écrit l'avenir du monde
Voyez comme l'esprit pratique des Romains
s'est peu à peu élevé au génie de bâtir la civilisation
occidentale sur sa surréalité, voyez comme elle s'est mise à
l'école de la Grèce afin de séparer peu à peu les têtes des
corps. Mais qu'est-ce donc que la philosophie depuis Socrate,
sinon l'histoire de la raison en tant qu'autorité autonome?
Platon, le premier, a scindé la science entre un cogito pur et
séparé de la chair face à un Aristote qui croyait encore que
l'idée de table brûlait avec la table. Vingt-trois siècles plus
tard, Kant commençait d'observer l'autonomie de notre
entendement. Puis nous avons tenté de peser cette autarcie et
d'y traquer les rites et les coutumes d'un savoir encore tout
attaché à confondre le vrai et le profitable. Alors seulement,
nos philosophes sont devenus des purificateurs internationaux de
notre espèce de raison idolâtre - mais qu'ont fait d'autre vos
prophètes?
Et qu'étaient-ils, les Français jésuites,
sinon des analystes et des guérisseurs de leur propre
déchirement intérieur entre leurs deux patries? C'étaient
eux-mêmes qu'ils mettaient en scène dans leur théâtre
pré-républicain. La scène française de demain portera-t-elle sur
les planches la confession de votre déchirement secret, notre
littérature dépassera-t-elle le drame politico-religieux et
l'éloquence d'école des jésuites du XVIIIe siècle pour élever
toutes les nations de la terre à une introspection du tragique
humain?
Dites-vous bien qu'à l'instant où votre
dispersion entre toutes les nations ne permet plus à certains
d'entre vous de compter sur le poids de la plus grande puissance
militaire du moment pour prendre vos patries d'adoption en otage
- et cela jusqu'à y introduire un schisme constitutionnel et une
sorte d'hérésie anti-démocratique - ne sommes-nous pas appelés
ensemble à faire preuve d'une profondeur de vues de nature à
préparer d'un commun accord la solution politique la moins
douloureuse possible du drame intellectuel que vous partagez
avec la philosophie mondiale?
8 - Où les
Jésuites se rappellent à la France
Mais savez-vous
seulement ce que la République doit à l'apostolat pédagogique
des jésuites français ? Savez-vous seulement que, deux siècles
durant, ces apologistes des héros et des régicides de la
République romaine que furent les jésuites ont armé la future
Révolution de 1789 des ressources d'une rhétorique du
patriotisme? Croyez-vous que l'ampleur de la période
cicéronienne de Bossuet ne doit rien aux jésuites? Certes, les
disciples d'Ignace de Loyola n'ont jamais contesté le principe
de la monarchie de droit divin et ils ont expressément désavoué
l'un des leurs sur ce point en 1599. Mais comment auraient-ils
combattu la tyrannie dans nos écoles sans défendre le régicide
au besoin ? Ne vous y trompez pas, c'est dans cet esprit qu'ils
ont formé tous leurs élèves, dont les Voltaire, les Diderot, les
Robespierre, les Camille Desmoulins.
Bien plus, la France scolaire d'aujourd'hui leur doit d'avoir
mis l'individu aux prises avec les conflits intérieurs et
nationaux confondus dont l'histoire romaine est remplie. A ce
titre, ils ont inspiré Le Cid de Corneille, cet
autre élève des jésuites - et traducteur de L'imitation de
Jésus-Christ - parce que leur culture de rhétoriciens
latins avait conquis le monopole de l'éducation religieuse et
politique de la jeunesse au sein d'un tiers-état en cours
d'enrichissement rapide et d'une aristocratie dans les veines de
laquelle coulait, croyait-on, le "sang bleu" - celui de
Jésus-Christ. Aussi leur "pédagogie de l'admiration"
pénètre-t-elle toujours l'esprit de notre éducation nationale.
Que se passerait-il si un Français juif retrouvait au plus
profond de lui-même la dramaturgie politique qui déchirait la
Compagnie de Jésus? Ne retrouverait-il pas la maîtrise de soi
républicaine, l' énergie morale héroïque et le civisme idéalisé
sur le modèle des Cincinnatus et des Brutus ? Puisque vous vous
trouvez écartelés, comme eux, entre votre appartenance viscérale
à votre judaïté et celle, non moins native à votre patrie
d'adoption, de quelle fresque de la France et de l'histoire du
monde n'enrichiriez-vous pas notre littérature?
Souvenez-vous : ce sont deux guerriers blessés, le Cervantès
rescapé de la bataille de Lépante et le saint espagnol arraché à
la mort au siège de Pampelune qui ont armé le christianisme de
sa vocation militaire de guerrier du salut et démontré que
l'histoire se partage entre un quartier général éternel, mais
installé dans les nues et une histoire casuiste sur la terre .
Mais, ce faisant, nos deux éclopés d'un ciel militarisé ont
illustré le tragique judaïque de la condition humaine; et si la
judaïté de Dieu et de la philosophie occidentale scinde encore
aujourd'hui l'homme entre ses potagers et ses empyrées, le
peuple hébreu vient de voir, avec un sentiment d'horreur, sa
Jérusalem intérieure se livrer au carnage à Gaza. Et voici que,
des cinq continents, monte une immense clameur: "Israël, Israël,
pourquoi as-tu pris le Dieu des jésuites pour modèle?" Mais
quelle revanche de votre génie sur le territoire de la France de
demain si votre dramaturgie du destin élevait ce spectacle à une
spectrographie de la condition humaine et si vous disiez au
monde : " Regardez-vous tous dans notre miroir et apprenez-y à
redonner un avenir planétaire au "connais-toi".
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- Appel à mes amis juifs
Français juifs, je vous en conjure, ne changez pas en un cadeau
empoisonné celui que l'abbé Grégoire vous a fait, ne trahissez
pas, deux siècles plus tard, la transterritorialité de l'esprit
de la France, ne vous attachez pas corps et âme à un territoire
mythique, ne vous mettez pas en suspension entre deux fidélités,
sinon le certus odor dictaturae de Cicéron vous
demeurerait indélébilement attaché.
Voir :
Certus odor dictaturae, Première Lettre ouverte aux
Français juifs de mon pays,
1er
septembre 2009
Et vous, juifs
français, pensez-vous que la nation dont la sonde spatiale
s'appelle Einstein et la sonde psychique Sigmund Freud ne mérite
pas mieux que de se trouver défendue par un conseil
d'administration représentatif des intérêts militaires et
économiques de l'Etat d'Israël en France?
Publié le 6
septembre 2009 avec l'aimable autorisation de Manuel de Diéguez
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