Qu'est-ce que philosopher?
Quelques propositions pour un réveil
cérébral de l'Europe
Manuel de Diéguez
Manuel de Diéguez
Dimanche 3 juin
2012
I -
Les
idéalités auto-propulsées de la
démocratie mondiale
En 1945,
les Etats-Unis ont remporté une victoire
militaire, politique et morale qui les a
fait bénéficier pour un siècle entier
des rubans et du rang d'un "délivreur"
du monde, donc d'un missionnaire chargé
de porter le flambeau d'une démocratie
en voie d'universalisation apostolique.
Mais la vocation de héraut de la Vérité,
de la Justice et du Bien sur toute la
terre habitée renvoie au casse-cou où se
brisent les héros précipités dans les
tourbillons de l'Histoire sainte. Depuis
lors, le monde semble vivre sous le
sceptre d'un surnaturel mal estampillé:
il s'agit d'un avatar de la sotériologie
religieuse traditionnelle, il s'agit
d'un salut camouflé en épopée politique,
il s'agit d'une rédemption vocalisée par
des abstractions verbifiques.
Un mythe
de la Liberté sonorisé en fanfare par
des idéalités galopantes et une
sotériologie conceptualisée - les
théologies motrices d'autrefois les
appelaient des eschatologies
rédemptrices et les proclamaient
transcendantes au monde des vaines
apparences - se sont substituées aux
promesses scripturaires que titularisait
une "révélation" particulière. A
l'instar de l'ancienne, la nouvelle
caution théologique est garantie par un
guide semi-temporel, donc authentifiée
par une idéalité réputée travailleuse,
laquelle passe pour connaître sur le
bout des doigts le chemin à suivre en
direction d'un Eden politique dont
l'autorité grammaticale s'appelle
maintenant un leadership.
Pour comprendre la nouvelle machinerie
de l'absolu chargée de propulser un
monde des songes et des béatitudes
lexicalisées, donc de piloter la course
des démocraties salvifiques vers l'Eden
de leur langage, il faut radiographier
le cœur et les poumons d'un royaume
aussi onirique que celui des grâces et
des bénédictions d'autrefois. Pour y
parvenir, la politologie scientifique de
demain devra se fonder sur une
révolution des méthodes et de toute la
problématique des chasubles et des
crosses du passé ; car, pour la première
fois, une anthropologie prospective
exercera la charge d'informer la
fraction sommitale de la classe
dirigeante française des métamorphoses
dans lesquelles les mythes sacrés des
ancêtres sont entrés et des sources semi
zoologiques qui inspirent les
constructions parathéologiques
laborieuses d'aujourd'hui.
II -
L'éducation des nations
Le gigantesque chantier qui permettra de
scanner les édifices verbaux que le
genre simiohumain loge dans l'atmosphère
ne pourra ni s'ouvrir, ni enregistrer
des succès tangibles si la classe
intellectuelle et politique de l'Europe
de demain rechignait à se persuader de
ce que la simple acceptation passive de
la domination d'un empire américain dont
la puissance est censée aller de soi,
donc l'adhésion candide de nos élites
dirigeantes à la présence sur nos terres
d'un souverain du monde venu d'ailleurs
et réputé légitime en raison de la durée
de son règne, cette acceptation, dis-je,
relègue nécessairement la politique des
Etats du Vieux Monde sur des lopins
municipaux soustraits à l'histoire
véritable de notre astéroïde. Sous
l'empire romain, la politique au jour le
jour des peuples asservis s'était
cadastrée sur le même modèle mental que
de nos jours, parce que les destins
individuels trouvaient naturel et
évident le règne du César planétaire qui
les confinait sur leurs arpents.
Deux siècles après la Révolution
française, les corps électoraux des
nations naïvement baptisées de
démocratiques demeurent aussi peu
informés que les sujets de Louis XIV ou
de Louis XV de la nature et des enjeux
de la géopolitique. Le nouvel empereur
du monde tient entre ses mains un
sceptre non moins invisible que celui du
sacré, ce qui démontre non seulement que
l'assise des vraies démocraties est
toujours et en tous lieux l'orientation
rationnelle de l'éducation de la
jeunesse, mais que la source vive de
l'instruction publique n'est autre que
l'initiation des citoyens aux lois de
l'histoire et de la politique des
nations.
III -
L'aventure de la pensée
Les premiers pas de pédagogue de la
France de M. François Hollande ont
démontré que l'éducation du peuple devra
entreprendre une réforme radicale de la
formation cérébrale des enfants, donc de
l'ameublement de leurs têtes. On l'a
bien compris à l'occasion de la
cérémonie officielle du 15 mai 2012
censée avoir rendu un hommage
intellectuel de la République de la
raison à la révolution de l'enseignement
inaugurée par Jules Ferry en 1882.
Comment se fait-il que cette solennité
ait aussitôt tourné court? Une partie de
la classe politique a solennellement
déploré que ce premier instituteur des
Gaulois n'ait pas rabaissé la
civilisation des sciences et de
l'apprentissage des savoirs exacts au
rang des tribus fières de leur rôle de
victimes et de leur rang d'otages des
sortilèges de leurs sorciers.
Personne n'a seulement rappelé combien
il est décisif de distinguer clairement
les conquêtes rigoureuses de la pensée
logique des floralies sentimentales des
cultures, personne ne semble avoir
seulement gardé vivant le souvenir de ce
que l'entendement éduqué est une
autorité dont la structure interne doit
se montrer en avance sur son temps et
demeurer l'apanage de cervelles triées
sur le volet, personne ne paraît avoir
gardé en mémoire que les démocraties se
définissent des Etats et des sociétés
que leur nature philosophique voue à
faire progresser l'intelligence du genre
humain, personne n'a renvoyé rudement la
classe dirigeante d'une France de plus
en plus acéphale au devoir que leur
législation même impose à tous les Etats
modernes d'enseigner aux enfants à
reconnaître clairement et l'une après
l'autre les étapes que la raison a
suivie des origines à nos jours,
personne n'a eu l'impertinence d'armer
la laïcité d'un contenu lucide et
réfléchi, personne n'a osé redire que la
pensée n'est pas une brouteuse aux
râteliers des coutumes et que si elle
cesse un seul instant de marcher à
grands pas dans l'histoire vivante des
peuples et des nations, elle les fait
retourner à l'écurie au point de
reconduire les sociétés en voie de
cérébralisation aux étables des rituels,
personne n'a eu la vaillance de rappeler
solennellement et au nom de la
République que si l'humanité cessait de
fouailler ses entrailles et de traquer
ses secrets les plus abyssaux dans la
zoologie, la civilisation mondiale se
figerait derechef dans la stérilité
intellectuelle des clergés, personne n'a
proclamé qu'une vraie gauche devra se
livrer aux sacrilèges éveilleurs. Elle
racontera donc aux enfants les stations
qui ont ponctué le chemin de croix de
l'évolution de la boîte osseuse des
évadés poussifs du règne animal. La
laïcité officielle est tombée en panne
du tragique - voyez les indigènes de la
raison républicaine sautiller autour du
totem dont ils brandissent l'écriteau
qu'ils appellent la Liberté.
IV -
Du
nettoyage des dieux et de soi-même
Il est traumatisant de rappeler aux
citoyens retournés dans la jungle que la
pensée digne de ce nom est née partout
et à toutes les époques de l'analyse et
de la critique des mythes sacrés et que,
sans cela, il n'y a ni démocratie
véritable, ni philosophie défendable :
la Grèce pensante est habitée par le
rire d'Aristophane, sous-tendue par les
sacrilèges d'Euripide, livrée aux
moqueries de l'ironie socratique.
Athènes regarde les négociateurs
célestes danser dans la brousse, Platon
met en scène le devin Euthyphron au
marché des dieux de la ville. Sitôt qu'
un Olympe se met à réfléchir à votre
place, c'en est fait du cerveau des
simianthropes. Tout penseur est un
blasphémateur devant lequel les rituels
de la tribu n'ont qu'à bien se tenir.
Voici quelques pièces, ressorts, rouages
et écrous utiles à la fabrication de
l'appareil à peser l'espèce de raison
semi animale dont dispose le
pithécanthrope actuel.
V -
L'apprentissage de la guerre
Si vous entendez observer les neurones
des chimpanzés, nos ancêtres, vous
poserez sur l'un des plateaux de votre
balance l'embryon de science et de
conscience de leur identité collective
et mentale dont ces quadrumanes font
preuve quand ils inclinent bien bas leur
toison devant les spécimens de la horde
victorieuse, donc devenue dominante
qu'ils rencontrent sur leur chemin.
Quant à l'autre plateau, déposez-y les
métamorphoses de cet instinct dont
témoignent les gestes et la voix de
leurs descendants. Alors les origines
communes et les chemins parallèles des
deux espèces se révèleront d'une
évidence criante aux enfants de la
République, et cela au seul spectacle de
l'abêtissement militaire de tous les
peuples et de toutes les nations de la
terre. Puis vous observerez notre
apprentissage des ruses de la guerre.
Les orangs-outangs hurlent aux
frontières de leurs forêts contre un
ennemi aussi imaginaire que celui contre
lequel nous venons de nous doter d'un
bouclier anti-missiles non moins coûteux
qu'inutile. Sachez que la stratégie
actuelle de la dissuasion nucléaire est
inscrite dans les gènes de nos ancêtres
quadrumanes.
VI - Le dieu
Tibre
Puis vous initierez votre balance encore
rudimentaire à la pesée comparée des
dieux des premiers singes et de ceux des
détoisonnés que leur évolution a mis à
l'école et à l'écoute des mots. Pour ce
faire, votre anthropologie scientifique
encore en gestation se transportera à
Rome sous Tibère. Vous y rencontrerez
quelques sénateurs audacieux ; les
malheureux entendaient enfermer le Tibre
entre des digues sacrilèges afin,
disaient-ils, de mettre un terme aux
débordements continuels du dieu, qu'ils
jugeaient fantasque et aveugle. Puis
vous ferez la connaissance de la
cervelle de leurs adversaires, qui
tremblaient de fâcher le monstre sacré.
Les anthropologues français de demain
observeront que le cerveau romain du
premier siècle de notre ère ne
distinguait pas encore clairement la
masse des eaux du Tibre du parcours
d'une divinité sensible, pensante et
irritable, mais censée consubstantielle
à la matière liquide qui constituait son
corps. Puis vous transporterez votre
balance jusqu'à Tertullien l'impie, qui
déclarait que notre espèce serait née
pour fouler la terre de son pas et
nullement pour se prosterner devant
elle.
VII - Nos sosies
sacrés
Et maintenant transportez la balance de
la France pensante jusqu'au XVIe siècle,
où Erasme se félicitait qu'on ne
précipitât plus en enfer les nouveau-nés
coupables d'avoir péri avant qu'on ait
pris le temps de les guérir en toute
hâte du péché originel dont ils se
trouvaient maculés de naissance, ce qui
exigeait qu'on les plongeât tout
braillants dans l'eau du baptême.
Qu'enseignera à la République fœtale
d'aujourd'hui la balance à peser les
blasphèmes et les tares d'il y a
seulement deux millénaires? Vous
demanderez aux enfants de la Ve
République de constater qu'en catimini,
le genre simiohumain de l'époque
moralisait déjà ses dieux les plus
sauvages et que les progrès à petits pas
de l'éthique et de la raison des idoles
se révèlaient étrangement parallèles à
ceux de l'intelligence et de la sagesse
de leurs adorateurs.
Mais puisque le compagnonnage des hommes
et de leurs dieux révèle qu'ils se
regardent les uns les autres droit dans
les yeux, vous fabriquerez une balance
dont les plateaux se serviront
réciproquement de miroirs ; et vous
direz à votre balance: "Enseigne-moi à
me déchiffrer à l'école de mes sosies
sacrés, sers-moi de pédagogue, afin que
je sache dans quel miroir le monde et
moi-même nous nous réfléchissons."
VIII - L'avenir
cérébral de la France
Vous voici trottinants sur le chemin de
vos soupçons: qu'enseignera votre
balance du XVIIIe siècle? Que les
Voltaire et les Diderot ont convaincu de
main de maître le dieu solitaire des
chrétiens de tolérer des rivaux en
activité à ses côtés et de légitimer des
théologies radicalement étrangères à la
sienne. A quelle distance leurs cervelle
se situaient-elles de la zoologie, elles
qui mettaient en compétition des dieux
prétendument uniques et bien calés dans
l'identité inaliénable dont chacun se
targuait? Comment ces ascètes du cosmos
assistaient-ils sans broncher aux
chamailleries de leurs docteurs? Pas de
doute, la boîte osseuse du singe parlant
de l'époque ne s'était pas encore dotée
d'un regard de l'extérieur sur la
mécanique qui commande les déplacements
des divinités dans le vide de l'espace
et du temps, de sorte que le crâne
simiohumain du XVIIIe siècle échouait à
peser les attributs moraux et les
prérogatives politiques dont il
convenait d'armer le logiciel des
gestionnaires de l'univers. Il fallait
donc rendre bien visibles et en tant que
tels les animaux cérébraux qui promènent
leur boîte osseuse dans le cosmos.
IX - L'encéphale
de notre maître américain
Enfin, de 2012 à 2017, l'école laïque et
obligatoire de la Ve République a
commencé de fabriquer la balance à peser
la cervelle propre à l'empire américain
et à son ciel, ce qui a permis à une
laïcité devenue un peu plus pensante que
celle d'hier d'observer au microscope
électronique l'encéphale parallèle du
maître d'outre-Atlantique et de son
idole. Nous avons dont posé sur l'un des
plateaux de notre appareil l'encéphale
d'une humanité enfin rendue désireuse de
porter un regard de l'extérieur sur les
neurones de ses trois dieux uniques et,
sur l'autre, l'œil virtuellement trans-animal
qui servira au simianthrope de demain à
interpréter l'évolution de son effigie
cérébrale dûment réfléchie sur l'écran
de l'histoire du monde. Alors seulement
l'examen rétrospectif des documents
anthropologiques qu'on désignait sous le
nom de théologies redonnera un avenir
cérébral à la France en chemin et une
postérité philosophique aussi
universelle que vivante à Jules Ferry.
X - Nos
photographies parlantes
Que se
passera-t-il quand notre balance à
comparer nos boîtes osseuses fières
comme Artaban avec celles des dieux qui
leur tiennent compagnie dans le cosmos
nous permettra de déposer sur ses
plateaux des verbes et des
vocables qui n'en mèneront pas
large? Comment partager nos prérogatives
entre les mots et nous? Au XXe siècle
déjà, quelques simianthropologues de
génie avaient commencé d'observer en
laboratoire les verbes expliquer
et comprendre que nous logeons
ensuite dans nos équations et dont les
calculs muets nous racontent, siècle
après siècle, l'histoire des rubans dont
nous ornons le substantif
intelligibilité.
Nul
n'ignore les travaux de ces premiers
examinateurs des nombres et des
chiffres. Nous savons tous qu'ils ont
découvert notre ruse, notre astuce,
notre subterfuge le plus originel: nous
appelons compréhensibilité ce qui
nous réussit à tous coups. Ce modèle de
science rend les redites du cosmos
fameusement loquaces; il se trouve
seulement que ce moule de nos oracles
est le même que celui dont se
serviraient les animaux si leurs succès
répétés à la chasse donnaient de la voix
à la capture assurée de leur gibier,
celui que, de notre côté, nous appelons
les us et les coutumes constants du
cosmos.
Comme
elle est fiable, la course de la matière
dans le creuset du néant ! Nous en avons
conclu que le recommencement perpétuel
de la ruée de la matière est un sésame
du profitable dont une divinité nous
tend le picotin dans ses temples et nous
exploitons à ciel ouvert la mine
inépuisable des évènements. Ils nous
forgent docilement un verbe comprendre
de tout repos. Quel grenier de la
providence que celui du bon sens
dont le cosmos veut bien nous combler en
retour! Nous avons donc déposé sur le
second plateau de notre balance les
bavardages de nos ventres de
calculateurs affamés et nous en avons
conclu que les ritournelles payantes des
atomes d'un côté et notre cerveau de
l'autre sont des gourmands branchés sur
notre estomac.
C'est
pourquoi, chaque fois que nos calculs
collent nos oreilles aux entrailles
insatiables de la matière, nous appelons
expliquer et comprendre
notre écoute des borborygmes réguliers
de l'univers; et nous appelons "lois de
la nature" et "légalité du cosmos" nos
enregistrements fidèles des
ressassements muets des atomes. Mais
alors, l'image des nigauds que nos
simulacres nous renvoient nous
apostrophe rudement. "Qui êtes-vous,
nous disent en chœur les deux plateaux
de notre balance et où vous situez-vous
quand votre regard porte sur l'étrange
animal qui se voit dédoublé par son
abdomen dans l'immensité? Cherchez donc
la balance dont le miroir réfléchira la
bête qui se met à l'écoute de ses
entrailles!"
XI - Le cerveau
du maître
Que se
passera-t-il quand le cerveau de la
France aura mûri et qu'il se sera élevé
jusqu'à peser la fraction sommitale de
la classe dirigeante de la nation et de
la République? Alors notre école
publique expliquera aux citoyens que
l'Amérique messianique, apostolique et
rédemptrice ne s'est pas ruée sur
l'Afghanistan pour des raisons aussi
miroitantes qu'elle le prétend, mais
seulement pour des motifs abdominaux. Il
s'agissait de mettre la main au collet
du chenapan qu'on appelle Pétrole
et qui s'obstine à échapper à ses
poursuivants. Mais est-il permis
d'envahir un pays afin de rattraper par
ses basques un malandrin cousu d'or ?
Puis la
République expliquera aux enfants des
écoles que si l'Amérique s'est bien
gardée de remercier la France de MM.
Chirac et Sarkozy de s'être
auto-vassalisée sous le drapeau d'un
empire étranger, c'est parce que notre
instruction publique avait timidement
commencé d'enseigner à notre jeunesse
que tout sauveur du monde est un ange
contrefait et qu'il tire grand profit de
la confusion qui règne parmi les
neurones en perdition de nos verbes
expliquer et comprendre.
Voyez-le grossir, le ventre du séraphin
d'outre-Atlantique, voyez son abdomen
militaire, politique, industriel et
commercial s'étaler sur le territoire de
ses vassaux. Il court à toutes jambes,
l'étranger campé sur nos terres. Mais
nos anthropologues progressent pas à pas
en direction des dieux d'ailleurs; déjà
leurs analyses de l'encéphale zoologique
de notre espèce se révèlent les
éveilleuses du singe vocalisé.
XII - La
vassalisation dévotieuse
Mais comment capter le message politique
qu'un Jean de la Fontaine adresserait
aux bêtes parlantes de notre siècle? Aux
yeux du fabuliste français du XVIIe
siècle, le bouclier anti-missiles
hautement évangélique et saintement
pacificateur que l'Amérique a installé
sous les murs du Kremlin au cours d'un
match de football entre le Bayern de
Munich et le club anglais de Chelsea -
tous les dirigeants de l'Europe y ont
assisté en bras de chemise à Chicago -
le fabuliste, dis-je, nous met sur la
voie de la pesée du rire politique. Car
c'est entre deux tirs au but retransmis
sur les écrans américains que le terrain
du ballon rond qu'on appelle le Vieux
Continent est devenu le champ de
manœuvre des forces militaires du
Nouveau Monde; et le cheval de Caligula,
qui assistait à la rencontre au milieu
des chefs d'Etat et de gouvernement de
l'Europe, riait de toutes ses dents, lui
aussi.
-
Caligula
et son cheval à Chicago - Le
messianisme démocratique,
19 mai 2012
Afin de vous initier aux prémisses de
notre future anthropologie
transcendantale, rien de tel que de
s'esclaffer en famille. Est-il ours,
loup ou renard, le quadrupède qui nous
enseigne à observer à la loupe la
cervelle des Etats de l'Europe
d'aujourd'hui? Sachez que la France a
perdu en chemin la sorte d'hégémonie
militaire que l'arme d'une apocalypse
fantasmée feignait de lui conférer dans
les imaginations. Mais alors, qu'en
était-il réellement de l'ombre
d'indépendance et du fantôme de
souveraineté que la possession solitaire
d'une arme mythologique, donc aveugle
par définition, donnait à la Ve
République et qu'on appelait pieusement
la bombe thermonucléaire?
Pour
comprendre les dévotions des animaux
malades de la peste et leur adoration
pour une foudre inutilisable par nature
et par définition, vous observerez que
l'Amérique s'est soudainement empressée
d'offrir à la France en danger de
retomber dans le gaullo-mitterrandisme
une culotte de peau néo-atlantiste de
plus. C'est que la nation apostolique et
salvifique qu'on appelle l'Amérique
dispose encore du commandement de la
planète des mots de la démocratie. De
plus, les Etats-Unis se sont effrayés de
ce que la France cartésienne pourrait
renaître de ses cendres et de ce que la
révision du fameux Discours de la
méthode de 1637 ouvrirait tous
les yeux. Le Nouveau Monde est même allé
jusqu'à proposer au peuple de la raison
de jouer à ses côtés le rôle du
secouriste néerlandais, dont le
défaussement benêt dans le séraphisme
présente l'avantage de rendre dévotieuse
l'Europe vassalisée.
XIII - Le lion
des démocraties
Le peintre animalier du XXIe siècle
cherche à mettre en scène le lion devenu
tartuffique. Exemple: à la suite de
l'attentat du 11 septembre 2001 contre
le World Trade Center de New-York le
monde entier s'est écrié: "Nous sommes
tous des Américains", et les nations se
sont précipitées par dizaines au secours
du lion blessé. Onze ans plus tard, le
roi des animaux s'est proclamé le chef
de ses secouristes au grand cœur; et il
leur interdit non seulement de regagner
leurs pénates, mais il leur présente
l'addition - à chacun de verser un
milliard d'écus d'or dans l'escarcelle
du dieu de la Liberté.
Mais ce n'est pas tout: le lion devenu
vieux et près de prendre sa retraite,
demande maintenant à ses vassaux de lui
servir de rideau de fumée: "Pendant que
je retirerai lentement ma crinière
massive du champ de bataille en feu,
leur dit-il, vous demeurerez stoïques à
vos postes et vos sentinelles immobiles
donneront le change au monde entier -
nul ne verra ma fuite au pas de charge,
nul ne me verra débarquer en Europe où
déjà mon cheval Incitatus hennit et rit
de toute ses dents". Quel sujet de fable
pour un Jean de la Fontaine du XXIe
siècle!
Vous
observez maintenant les relations
nouvelles que la cervelle du genre
simiohumain à commencé d'entretenir avec
celle de l'Europe et vous verrez que,
faute d'anthropologie en mesure de
décrypter l'inconscient semi animal qui
régit les politiques du sacré, nous ne
disposons encore en rien d'une
problématique en mesure d'interpréter
l'histoire de notre boîte osseuse sur
toute la terre: pour l'instant, une
politologie mondiale qui se trompe
d'échiquier demeure aveugle, sourde et
muette.
Mais gardez espoir: certes, en 2012,
l'éducation nationale française se
trouve encore si mal instruite du mode
de propulsion des empires motorisés par
les mécaniciens des idéaux universels de
la démocratie que la nation de Jules
Ferry demeure inapte à entraîner
l'Europe des peuples souverains dans le
sillage de sa propre souveraineté. Mais
déjà le centre de gravité de notre
astéroïde glisse du côté de la Russie,
de la Chine, de l'Inde, de l'Afrique et
de l'Amérique du Sud.
XIV - La nouvelle
postérité de Jules Ferry
On sait
que la République de Jules Ferry vient
d'ouvrir une Haute Ecole des Etats
et que les élites mondiales de la
géopolitique y accourent déjà du monde
entier. De même que l'Ecole de guerre
n'est pas comparable avec Saint Cyr, la
Haute Ecole des Etats ne fait pas
double emploi avec celle de la rue Saint
Guillaume; car jamais encore on n'avait
étudié l'histoire et la science
diplomatique qui, depuis des siècles,
met les chefs d'Etat de génie à l'école
de l'âme et de l'esprit des nations.
Aussi vient-on de partout s'initier à
l'école de la France aux secrets
psycho-cérébraux des peuples et des
nations .
Mais
entre Sciences Po et l'Ecole des
Etats, la distance à parcourir
demeure celle qui sépare les
Simianthropologues de l'Ecole de Paris
(-
Dix ans
de la simianthropologie politique sur le
net,
26 décembre 2010
) des sinologues en chambre, des
russologues de cabinet, des
germanologues certifiés, des
francologues patentés et des
américanologues en chaire, à cette
différence près que le programme des
maîtres de l'Ecole des Etats
ouvre le chantier d'une connaissance
entièrement nouvelle de l'Histoire du
monde, celle qui fouaille les entrailles
des nations à la lumière des songes de
la "raison" stomacale et de
l'"intelligence" abdominale dont le
genre simiohumain use de siècle en
siècle. L'Ecole des Etats a les
pieds dans la boue, mais elle porte un
regard d'aigle sur la boîte crânienne
des animaux du mythe de la Liberté.
Le 3 juin 2012
Reçu de l'auteur
pour publication
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