I -
Remontons à 1648
Le 20 septembre
2011, la longue impuissance dont souffre
une opinion démocratique mondiale
pourtant unanime dans son ambition de
conquérir une autorité politique et
juridique en mesure d' imposer la
reconnaissance d'un Etat palestinien sur
la scène des Etats a du moins permis de
mettre en pleine lumière l'infirmité
originelle dont souffrent une histoire
et une politique estropiées du droit des
peuples de disposer d'eux-mêmes, et cela
non point depuis 1789 seulement, mais
depuis le traité de Westphalie de 1648,
trois ans seulement après la mort de
Grotius (1583-1645), le fondateur du
droit international moderne.
II - Les
pédagogues du suffrage universel
L'enjeu n'est autre
que de savoir si le suffrage universel
mûrira au point de parvenir à substituer
ses verdicts à ceux des élites locales
censées représenter le genre humain
éclairé, mais dont deux siècles ont
révélé le même type de cécité sur la
scène internationale que celle du clergé
et de l'aristocratie d'autrefois, qui ne
sont jamais parvenus à conquérir
l'autorité d'une classe dirigeante de
visionnaires de l'avenir du monde.
Sortirons-nous d'une impasse
psychobiologique aussi viscérale si les
peuples proclamés souverains devront
attendre longtemps encore leurs vrais
pédagogues ? Les Rousseau et les
Voltaire n'ont accouché que d'un
évangile des idéalités de la démocratie
aussi irréaliste que le catéchisme
chrétien.
III - L'origine
sacrale du droit international
On sait que le
traité de Westphalie avait proclamé
transtemporelle, donc intangible la
souveraineté des Etats monarchiques, ce
qui a placé à jamais une incarnation du
droit divin au fondement de la
légitimité politique. Le corps du roi
régnait sur la scène du temporel. Depuis
lors, les relations, laïcisées en
apparence que les nations entretiennent
entre elles reposent toujours, mais
désormais en sous-main, sur des
prérogatives d'origine et de nature
régaliennes et sacrales.
IV : La divinisation de la guerre
Le premier apanage
physique de toute souveraineté calquée
sur le modèle théologique de
l'incarnation du divin est celui qui
fait bénéficier les Etats du droit sacré
et profane confondus de se faire la
guerre les uns aux autres avec la
bénédiction parallèle de leurs armes et
de leur divinité substantifiée. La
gloire politique se fonde sur la
légalité des exploits militaro-religieux
du genre humain, donc au titre des
prérogatives corporelles et
métaphysiques mêlées qu'exerce le
compagnonnage de leur immanence avec
leur transcendance. Mais cette grandeur
naturelle et surnaturelle entrelacées
s'enracine depuis des millénaires dans
un ciel où trône un génocidaire,
l'auteur du saint Déluge.
V - L'alliance de la foudre d'en haut et
d'ici-bas
En 1648, Louis XIV avait dix ans. Il
montera sur le trône six ans plus tard.
En 1654, cet adolescent disposera d'un
sceptre bénédictionnel et d'un glaive
sanglant indissolublement associés au
sein d'un sacré partagé entre des écoles
de théologie unanimes sur ce point. Le
trône est garanti par un créateur
toujours soigneusement dédoublé entre le
ciel et la terre. J'observerai de plus
prèsla semaine prochaine, les sources
anthropologiques inconsciemment
religieuses de la géopolitique
"démocratique" actuelle, telle que les
semaines à venir en apporteront à
nouveau la démonstration frappante,
tellement Israël ouvre à son corps
défendant maintes fenêtres nouvelles à
la connaissance d'elle-même d'une espèce
viscéralement rebelle aux conquêtes
sacrilèges du "Connais-toi".
VI - Les "
Ministères de la défense " et
l'évangélisme démocratique
La
sacralité censée inhérente à la "guerre
juste" et à son fondement dans
l'éthique d'un Dieu mi-corporel,
mi-vaporisé s'est désaffichée, mais elle
a seulement renforcé en secret une
gémellité du réel et du surréel plus
enfouie qu'auparavant dans les arcanes
du divin et du confessionnel. C'est
pourquoi il n'existe plus de
Ministère de la guerre officialisé à
titre doctrinal au sein du droit
international, mais seulement des
Ministères de la défense.
C'est
donc à titre subrepticement évangélique,
c'est-à-dire auto-innocenteur en
tapinois, que l'Allemagne de 1939 a
défendu son apostolat patriotique face à
la terreur et aux maléfices que les
armées de coupables mises sur pied par
le Luxembourg et la Belgique lui
inspiraient, c'est à ce titre que la
Russie de 1940 s'est mise à l'abri des
canons de la Finlande et de la Pologne
qui faisaient un grand vacarme aux
frontières du "paradis soviétique",
c'est à ce titre que Ronald Reagan a
pris les armes afin de terrasser les
légions d'hérétiques que l'îlot de la
Grenade avait recrutées sur quelques
kilomètres carrés et dont les lances
allaient percer la cuirasse des
Etats-Unis d'Amérique; et c'est encore à
ce titre qu'Israël est censé un troupeau
de brebis en état de légitime défense
perpétuelle, tellement la coalition
terrifiante des glaives, des piques, des
lances et des hallebardes de la
Cisjordanie et de son alliée armée
jusqu'aux dents, l'enclave de Gaza,
tellement, dis-je, la concentration des
foudres des agneaux sur le champ de
bataille des moutons met Israël non
moins en danger de mort d'un instant à
l'autre que la fiole de la terreur
brandie par le général Colin Powell
devant l'Assemblée générale des Nations
Unies en 2003 - on sait que cette bombe
menaçait de faire sauter la planète en
un quart d'heure. Le droit international
d'aujourd'hui, qu'on appelle également
le "droit des gens", des "gentes",
autrement dit des peuples, repose
tout entier sur le mythe politique de la
légitime défense des Goliath en
expansion, mais réputés tremblottants,
tandis que les David à la fronde
invincible font figure d'assaillants en
mesure de vous précipiter dans l'Hadès.
VII - Le lion
victime des souris
Cette prodigieuse inversion du rapport
des forces entre le "Bien" et le "Mal"
dans l'imagination politico-religieuse
d'une espèce livrée à des mélanges
inconstants entre ses ciels
tintamarresques et ses terres
tonitruantes fait partie de la postérité
futée d'une religion sauvagement fondée
sur la sanctification de la faiblesse
corporelle et que le christianisme est
parvenu à développer à la faveur de
l'environnement cérébral et politique
que lui offrait la décadence musculaire
de l'empire romain. Le culte de
l'humilité physique a conduit le lion à
feindre de porter saintement les armes
de l' innocence des enfants et de
présenter sa charpente en victime
pitoyable des souris. Depuis lors, des
fauves pathétiques hissent à tour de
bras sur leurs autels les trophées de
leur faiblesse bien récitée.
VIII - Le premier
décret de spoliation tombé du ciel de la
démocratie
Néanmoins, le droit international public
ignorait encore la fantasmagorie
politique et religieuse qui a permis la
validation juridique et sacrale
confondues d'un Etat des justes dont on
dresserait la spécificité asthénique sur
le socle d'un temporel sanctifié par la
shoah - le socle de la réinstallation
physique et théologique du peuple juif
sur le territoire biblique qu'un dieu
lui aurait accordé deux millénaires
auparavant.
C'est
pourquoi Israël n'a réussi à se
légitimer ni sur le fondement d'un droit
international dont le séraphisme demeure
absent des tablettes de l'histoire
vécue, ni d'un droit des anges qui
serait entré en vigueur aussi subitement
qu'à l'insu de tout le monde. Seul un
coup de baguette magique de la piété des
modernes a donc pu enfanter un Etat
auto-sacralisé sur ce modèle - à savoir,
l'intercession démocratique, en 1947,
d'un vote indéfendable par nature de
l'Assemblée des Nations Unies de
l'époque. Que va-t-il advenir du premier
décret de spoliation tombé du ciel laïc
de la Liberté? On sait que, depuis
soixante cinq ans, ce coup de force du
nouvel Olympe se montre rebelle à se
parer motu proprio des vêtements
galonnés et dorés d'un droit
international dont il demeurera à jamais
impossible de plaider les attendus sur
les arpents des juristes.
IX - Les juristes de cour et la loi de
la jungle
Comment
peindre sous les couleurs sévères d'une
civilisation de droit romain les
courtisans empressés d'un pouvoir d'Etat
contrefait à l'école et à l'écoute de
son ciel et qu'on appelait, hier encore,
des juristes de cour? Les juges achetés
sur les marches du trône de Dieu ne
donnent le change qu'un instant,
tellement il est difficile de cacher la
loi de la jungle sous le masque d'un
Dieu dit "de justice". Et puis, il faut
anéantir dans la foulée le droit civil
tout entier, tellement ce malheureux
s'obstine à reposer sur le droit de
propriété. Il faudrait que, sur la
lancée des impiétés profitables, des
cohortes de faux juriste introduisissent
d'un seul élan dans le droit des "gentes"
une légitimation dévotieuse de
l'expulsion manu militari d'un
peuple entier des demeures de ses
ancêtres, puis valider la remise de
force de tous leurs biens fonciers entre
les mains du conquérant.
X - Herr
Westerwelle
Mais Israël n'est
pas seul à valider un droit
international assis, depuis 1648, sur le
trône d'une souveraineté réputée
immanente à la sacralité des Etats et
conjointe à un droit de la guerre
inconsciemment connaturel à une religion
conquérante: c'est dans cet esprit que
Herr Westerwelle, Ministre des Affaires
étrangères de la République allemande en
2011, a contesté la légitimité de
l'offensive aérienne de l'OTAN contre le
Colonel Kadhafi de mars à août 2011. On
se souvient que ce diplomate a également
refusé d'avance de jamais légitimer un
Etat palestinien, ce qui revient, dans
le droit fil de la décision de l'Onu de
1947, à légitimer aussi bien la conquête
du territoire de Gaza et le blocus de
cette ville par Israël que la main-mise
sur la Cisjordanie patiemment poursuivie
depuis plus de soixante ans par
l'état-major du ciel de Tel Aviv.
Comment une nation et un Etat
délibérément fondés sur le double
anéantissement du droit international
public et du droit international privé
ne tenterait-il pas de légitimer un
droit des glaives censé consubstantiel à
la souveraineté conjointe du ciel et de
la terre depuis le traité de Westphalie
de 1648 et dont l'ubiquité demeure au
fondement d'un droit international
subrepticement auto-théologisé à l'école
même des démocraties d'aujourd'hui ? En
allemand, le titre de Herr, Monsieur,
renvoie encore davantage qu'en français
à la domination, donc au Dieu souverain
- Herr, c'est le seigneur, Herrlichkeit,
la magnificence, Herrschaft, la
domination, Herrisch, seigneurial, etc.
XI - Le baudrier
de l'humanité
Cette situation nous conduit à l'examen
de la nature et des conséquences du
ligotage d'origine théo-régalienne des
peuples de disposer d'eux-mêmes dont
souffre le droit international ficelé
d'aujourd'hui; car ces bâillons se
trouvent contredits du fait que, dans le
même temps, la démocratie mondiale ne
cesse d'afficher des prérogatives
réputées exclusivement populaires et
censées débâillonnantes: il est permis
par la loi, disent les chancelleries
actuelles, d' aider au besoin les
peuples opprimés à mettre les menottes à
leur tyran, mais à condition que vous
brodiez au préalable des motifs
humanitaires bien sentis sur votre
baudrier, puisqu'on ne saurait seconder
sur la scène internationale les citoyens
soumis à l'Etat autarcique de l'endroit
et les aider à renverser Héliogabale à
leurs côtés, ce qui revient à livrer les
populations aux despotes locaux
suffisamment préparés à la guerre pour
résister l'arme au poing aux révoltes et
aux insurrections de leurs sujets.
XII - Gaza
C'est pourquoi la situation nouvelle
créée le 23 septembre 2011 illustre et
éclaire jusqu'à la caricature la plus
instructive la difformité juridique qui
entachait la déclaration "théologique"
du 2 septembre 2011 de la Commission de
l'ONU qui disait:
"Israël affronte une menace réelle, donc
de nature à mettre en danger sa sécurité
militaire face à des groupes de
militants à Gaza. Le blocus naval a été
imposé à cet Etat au titre de mesure de
sécurité légitime et de nature à
empêcher l'arrivée d'armes par la mer.
La mise en œuvre de cette disposition
est donc conforme au droit
international".
On voit que des "groupes de militants"
sont censés menacer la souveraineté
théologale d'un Etat, et cela sur le
même modèle archétypique que la Finlande
menaçait le territoire de la Russie, le
Luxembourg, les arpents du III Reich et
la Grenade les lopins de Washington.
Mais l'attaque de Gaza par l'armée
israélienne en 2008 n'était pas une
guerre, même réputée "moderne", donc en
tant que pseudo-défensive d'une patrie:
il s'agissait d'une expédition punitive
pieusement déguisée contre une cité
jugée indocile à un joug idéologique que
l'agresseur proclamait légitime. Le
terme de guerre et de conflit armé ne
s'applique pas aux descentes profanes de
la police, même au canon de la Liberté
dans une ville d'un million sept cent
mille habitants. De plus, s'il s'était
agi d'une guerre au sens théo-juridique
du terme, donc entre deux nations
croyantes, le "châtiment" infernal d'une
métropole par le recours musclé au
blocus et à la famine est honni par le
droit international relativement
décélestifié que la Croix-Rouge promeut
depuis 1870.
XIII : La
Commission Palmer et la flottille de la
Liberté de 2010
Naturellement, Israël a aussitôt tiré
les conséquences logiques et de droit
gravées sur le tissu du traité
théo-politique de Westphalie de 1648. Le
document de la commission de l'ONU
chargée de rédiger un rapport sur
l'expédition de la flottille de 2010 -
elle avait conduit à l'assassinat de
neuf secouriste turcs - présente
l'immense mérite, comme l'a souligné
dans l'allégresse le ministère des
Affaires étrangères de l'Etat biblique "d'exonérer
clairement Israël sur les questions
seules décisives - (c'est moi
qui souligne) - concernant la
légalité du blocus de Gaza, la légalité
de l'intervention armée sur les bateaux
de la flottille jusque dans les eaux
internationales et les faits d'armes
qu'illustre la résistance à des soldats
israéliens dûment légitimés par leur
mission".
XIV : Ce que
disait la Commission des droits de
l'homme de l'ONU
Dès le 2
septembre 2011, ce document a
nécessairement provoqué la rupture des
relations diplomatiques entre Israël la
messianique et la Turquie, qui se veut
laïque, parce qu'une première commission
avait conclu dans un esprit démocratique
et républicain affiché, à l'évidente
culpabilité dans l'ordre exclusif du
profane d'un Etat trop fier de son
exploit. On y lisait notamment "qu'une
telle conduite n'est pas justifiable par
des raisons de sécurité. Elle illustre
de graves violations des droits de
l'homme et du droit international
humanitaire". Quant au comportement
des soldats israéliens envers les
passagers de la flottille, il "n'a
pas été seulement disproportionnée, mais
il a démontré un degré de violence
totalement inutile et incroyable".
La
première Commission des droits de
l'homme de l'ONU - et non du droit
semi-théologal des Etats
d'aujourd'hui - accusait en outre les
forces israéliennes d'avoir "commis
des homicides", de s'être livrée à "des
actes de tortures et à des traitements
inhumains", d'avoir "infligé
délibérément des souffrances ou des
blessures". Elle affirmait de
surcroît qu'Israël "avait violé le
droit à la vie, passé outre à
l'interdiction de la torture et des
mauvais traitements, ignoré le droit des
détenus à un traitement empreint
d'humanité et bafoué la liberté
d'expression". La Commission
exhortait résolument les autorités
israéliennes à "collaborer à
l'identification des auteurs de ces
crimes", à "indemniser les
victimes" et à "restituer les
objets confisqués".
La
première Commission regrettait également
que l'Etat hébreu eut "refusé de
coopérer avec elle, sous le prétexte
qu'il menait sa propre enquête";
elle soulignait, du reste, l'évidence
que, de toutes façons, des "investigations
crédibles ne sauraient émaner de ceux-là
mêmes qui ont joué un rôle décisif au
cours des évènements". En
conclusion, le blocus et la situation
humanitaire à Gaza étaient qualifiés de
"totalement intolérables et
inacceptables au XXIe siècle".
On voit comment le droit international
actuel se trouve encore en porte-à-faux
entre le sacré et le profane: d'un côté,
il défend ses prérogatives de défenseur
rationnel de la souveraineté
semi-sacrale des Etats démocratiques, de
l'autre, ses apanages de défenseur de la
civilisation humanitaire et laïque.
XV - La
légitimation démocratique des crimes de
guerre
Israël avait
aussitôt obtenu qu'un document aussi
accablant demeurât secret et qu'une
commission d'une autre composition fût
nommée dans la foulée. Un représentant
de l'Etat juif y siègerait à un rang
suréminent, ce qui lui permettrait de
demander sur l'heure et fermement que M.
Ban ki moon, Secrétaire général de
l'Onu, qu'il nommât "librement" les
membres de cette deuxième commission,
lesquels seraient choisis sur une liste
de sionistes convaincus, donc dûment
présentée par Israël en personne. On y
trouvait notamment l'ex-président de la
Colombie M. Alvaro Uribe, que les crimes
commis sous son autorité par des
guerriers colombiens entraînés par
Israël ont rendu tristement célèbre. Une
enquête pénale sur ces faits est
d'ailleurs en cours devant le Tribunal
pénal international et en Colombie à la
suite de la découverte, en juin 2010,
d'un charnier contenant les restes de
plus de deux mille victimes de ce
dictateur au lieu-dit La Macarena.
XVI - Démocratie et barbarie
La
communauté internationale se trouve donc
pour la première fois dans l'obligation,
primo, d'interpréter, tant à
l'échelle politique qu'à la lumière de
la science juridique, la démonstration
urbi et orbi que le Rapport
Palmer a apportée de ce que le droit
international actuel est non seulement
devenu anachronique, mais de ce qu'il
nous précipite dans une barbarie
théo-politique antérieure à 1648,
secundo qu'il faut délivrer
d'urgence la science des lois de la
sauvagerie naturelle qui pilote
l'inconscient du sacré - donc de la
théologie du tribut immolatoire qui
inspire tous les autels du sacrifice
cultuel dans le monde - faute de quoi,
un droit prétendument démocratique, mais
soumis d'avance à un type de
rationalisation interne fondé sur une
logique inconsciemment théopolitique se
suiciderait à ne jamais disposer des
moyens intellectuels de sortir de son
enceinte semi-théologique. Pour
délégitimer avec clarté et fermeté le
statut pseudo laïc du droit
international actuel, il faut une
radiographie anthropologique de la
conquête militaro- religieuse de la
Cisjordanie et du blocus de Gaza.
Nous
nous trouvons à un tournant décisif du
destin de la raison politique mondiale,
qui est demeurée semi-religieuse, donc
fondée sur un meurtre propitiatoire
destiné à rendre la divinité propice
et que l'on appelle également un
offertoire, parce qu'il s'agit d'une
offrande d'agréable odeur à l'idole.
Comment l'Assemblée des Nations Unies
entérinerait-elle un rapport sur la
flottille de Gaza fondé sur un rejet
tapi au plus profond de l'inconscient du
sacré, le rejet de tous les principes
humanitaires que le droit international
semble pourtant appeler de ses vœux et
afficher en public. Certes, Ankara et
l'Egypte prennent la tête de la révolte
du monde arabe tout entier; certes, une
confrontation s'esquisse entre une
éthique de la pleine souveraineté des
peuples rationnels d'un côté et, de
l'autre, la pratique politique des Etats
sacrificiels et régaliens. Mais comment
une telle confrontation aplanirait-elle
les sentiers d'une révolution de
l'éthique et du droit laïcs si nous
n'avons pas d'anthropologie des
sacrifices humains d'Isaac à nos jours?
Le véritable enjeu du séisme
intellectuel que serait un regard des
sciences humaines sur les meurtres
sacrés sera rien de moins que l'avenir
philosophique de la réflexion sur les
entrailles de la politique qui a
sous-tendu tout le XVIIIe siècle, puis
la Révolution de 1789 et qui pressentait
que toute guerre est immolatoire : le
sacrifice à la patrie est consubstantiel
à celui de l'autel depuis Iphigénie,
parce que l'idole n'est autre que le moi
collectif sublimé et élevé dans les
nues.
XVII - Les
lenteurs de la pensée
Trois millénaires de l'histoire de notre
raison nous enseignent que la paresse de
la pensée simiohumaine est sans doute le
ressort le plus puissant de l'histoire
et de la politique de notre espèce, mais
qu'Israël pourrait bien, sans le
vouloir, servir d'accélérateur géant de
la prochaine étape de la connaissance
rationnelle de l'encéphale des évadés de
la zoologie. Le premier rendez-vous
manqué des descendants de
l'australopithecus Sediba avec la
science de lui-même que son histoire
donne à cet animal l'occasion de
connaître date du premier siècle de
notre ère quand la progéniture entière
d'Adam sait subitement prosternée le
front dans la poussière devant un
spécimen censé miraculé au point qu'il
calmait la mer du geste et de la voix,
qu'il marchait sur les eaux, qu'il
guérissait les aveugles et ressuscitait
les morts. Derrière ce tissu
d'absurdités, il aurait été possible à
la philosophie de l'époque de découvrir
que si le récit est menteur, le sens ne
l'est pas et que la radiographie du
singe parlant aurait pu faire progresser
le "Connais-toi" socratique à l'école et
à l'écoute du symbolique, qui enseigne
aux philosophes à changer l'eau en vin
de la connaissance.
Le second
rendez-vous manqué de l'homme avec
lui-même remonte au XVIe siècle, quand
notre encéphale a découvert que les
prêtres de Jésus-Christ ne changent pas
les molécules du pain de la messe en
chair humaine et le vin de la vigne en
hémoglobine. Si la paresse de nos boîtes
osseuses n'était pas stupéfiante, notre
philosophie aurait pu se demander
pourquoi le simianthrope veut dévorer
son prochain à belles dents et se
rassasier de son sang les yeux au ciel.
Un demi-millénaire plus tard, cette
démence se révèle tellement viscérale
qu'elle progresse aux Etats-Unis, tandis
que Calvin le rationnel dépérit et
s'éteint à Genève et que Luther, qui
porte la hotte de l'aile la plus
politique du protestantisme s'est bien
gardé d'abolir ce double déglutissement,
prospère et s'étend encore de nos jours
dans tout le nord de l'Europe.
Le troisième
rendez-vous de notre boîte osseuse avec
notre léthargie cérébrale est observable
au Moyen Orient: pourquoi les
paléo-anthropologues post-darwiniens,
les historiens de nos cultes, les
psychanalystes de nos litugies, les
hommes politiques résignés à amarrer le
rêve démocratique à mi- hauteur dans
l'atmosphère, celle que Descartes
appelait la "moyenne région de l'air",
nos spécialistes de nos cosmologies
sacrées et de nos mythes théologiques,
pourquoi, dis-je, tous ces soldats de
l'intelligence ne se demandent-ils pas
pourquoi l'anthropopithèque ficèle le
territoire d'une patrie à des mondes
imaginaires qui propulsent toute la
population dans le fabuleux et le
fantastique? Manquerons-nous une fois
encore le rendez-vous de nos neurones
avec les vrais enseignements de notre
histoire, ceux dont nous nous faisons le
récit, ou bien apprendrons-nous enfin à
nous raconter qui nous sommes et
pourquoi nous demeurons les bras croisés
devant les massacres auxquels nos
Olympes nous conduisent?
XVIII - La
souveraineté des peuples et l'avenir de
la pensée biblique
Certes,
la guerre des sacrilèges n'aura pas lieu
tout de suite - elle sera précédée par
une guerre philosophique plus
superficielle et qui portera seulement
sur une éthique internationale de
l'humanitaire. On y combattra les formes
de la barbarie que les démocraties du
concept enveloppent dans le drapeau de
leurs idéalités et qu'elles élèvent au
rang d'idoles et de totems cérébraux.
Cette désacralisation du droit
sacrificiel se condamne à demeurer
partielle. Et pourtant, elle suffira à
conduire Israël à un auto-anéantissement
de sa légitimité, tellement il est bien
évident que si un peuple et une nation
se trouvent mis au ban du genre humain
pour des motifs liés au "droit des
peuples de disposer d'eux-mêmes",
comme on dit, l'histoire changera tout
entière en dégaine.
La
guerre partielle et timide d'une
civilisation pour la sauvegarde de
l'éthique de surface qui inspire sa
politique ne répondra pas au Rapport
Palmer, qui ne mérite pas l'honneur
d'une réfutation en règle, tellement il
été monnayé en sous-main. Il s'agira
donc exclusivement de relever un défi au
droit international actuel et à la
conscience morale du monde présent, il
s'agira exclusivement de savoir si
l'autorité de l'ONU se résignera à
cautionner à la face du monde le blocus
d'une ville d'un million sept cent mille
habitants, il s'agira exclusivement de
savoir si une démocratie désaffectée
présentera le spectacle d'une
civilisation faussement apostolique,
faussement évangélisée et faussement
messianisée. C'est ce que M. Mahmoud
Abbas a souligné le 23 septembre 2011:
"Nous nous
trouvons à un moment de vérité. Mon
peuple est en attente de la réponse du
monde. Allez-vous accepter qu'Israël
poursuive son occupation, la seule dans
le monde entier? Allez-vous permettre à
Israël de demeurer un Etat au-dessus du
droit et de l'obligation d'assumer la
responsabilité de ses actes? Allez-vous
permettre à Israël de continuer à
rejeter les résolutions du Conseil de
sécurité, celles de l'Assemblée générale
des Nations Unies et de la Cour
internationale de Justice, ainsi que les
positions de la majorité écrasante des
pays du monde?"
Mais,
j'ai déjà rappelé -
in
L'australopithecus Sediba et nous, Un
nouveau départ de l'anthropologie
critique,
25 septembre 2011 -
que la démocratie
de notre temps ne défendra le socle
d'une éthique abyssale que si elle
descend dans la caverne originelle où
naquit la parole et si elle démontre que
la réflexion sur le meurtre sacré des
simianthropologues de la souveraineté
des peuples conditionnera l'avenir de la
pensée politique mondiale.
XIX - L'assassinat des enfants et le
culte de la Liberté
Pour
l'instant, observons que l'infirmité
morale dont souffre le droit
international public actuel conduit le
monde aux exactions d'une barbarie
"civilisée" et exclusivement réservée
aux démocraties blasonnées des couleurs
de leurs idéalités sacralisées. Songez
aux forfaits "civilisateurs" dont les
Etats-Unis d'Amérique porteront la
responsabilité aux yeux des siècles à
venir: c'est au nom d'une liberté
politique ivre de l'idéalité grisante
qui l'auto- messianise, c'est au nom
d'une civilisation du droit qui demande
aux peuples dits démocratiques de
respirer à pleins poumons, mais
seulement dans le vocal et le séraphique
du verbe de la Liberté que cet Etat a pu
légitimer la torture deux siècles après
son abolition, et proclamer que "justice
est faite" à l'école d'une vendetta
télévisée en direct et sous les yeux du
"chef de la démocratie mondiale". C'est
également au nom d'une vérité morale
universalisée par son angélisme que la
population de Cuba a été affamée pendant
un demi siècle, c'est au nom de la piété
de type démocratique que cinq cent mille
enfants irakiens ont été mis à mort du
seul fait que la Maison Blanche s'était
convaincue que les peuples affamés, mais
à titre salvifique et par une puissance
étrangère au-dessus de tout soupçon se
soulèveront néanmoins et nécessairement
contre la seule barbarie du despote de
l'endroit.
Mais la fierté nationale réveillée par
un conquérant sauvagement apostolique,
sauvagement messianique et sauvagement
délivreur a réfuté ce calcul de
marmitons du sang de la politique: toute
servilité apportée dans les bagages d'un
conquérant conduit infailliblement au
résultat inverse de celui qu'escomptait
le glaive de l'évangélisateur. Il n'est
pas de calculette plus trompeuse en
droit international que celle qui a fait
dire froidement à Mme Madeleine
Albright, ex- ministre des affaires
étrangères des Etats-Unis, que le prix
de cinq cent mille cadavres d'enfants
musulmans en Irak n'était pas excessif
et que, décidément, l'enjeu politique de
ces linceuls en "valait la peine".
XX - La
démocratie et l'histoire de la raison
Le
lecteur a sans doute compris que si je
n'ai pas mis cette semaine sur le site
la suite de ma réflexion du 18
septembre, qui portait sur l'avenir
intellectuel et spirituel du "printemps
arabe", c'est pour le motif que sa
suite naturelle le "printemps
palestinien" occupe désormais
l'avant-scène de la planète et qu'il
fallait aborder tout de suite la
question qui se posera après Mahmoud
Abbas, âgé de soixante-seize ans et qui
aura joué un rôle de transition tantôt
dignement, tantôt non. Car, la question
des relations des peuples arabes avec
leurs Etats de demain se situe d'avance
dans l'enceinte de la problématique
palestinienne. Comment la démocratie
mondiale ne connaîtrait -elle pas à son
tour le drame de la scission entre le
droit des peuples proclamés souverains
en 1793 et des appareils d'Etat aussi
éloignés des citoyens qu'au sein des
monarchies de l'Ancien Régime?
Mais si,
d'un côté, l'avenir politique du monde
se joue désormais dans l'arène de la
géopolitique, les peuples demeurent
encore moins initiés à la dimension
internationale de l'histoire que leurs
pauvresses de classes dirigeantes, dont
l'œil vissé sur leurs circonscriptions
n'observe la planète qu'à travers la
lucarne des petitesses régionales et
municipales. C'est pourquoi, après une
extension du champ du regard à la
paléo-anthropologie (L'australopithecus
Sediba et nous, Un nouveau départ de
l'anthropologie critique, 25
septembre 2011)
je reviendrai les 9 et 16 octobre sur
les difficultés pédagogiques que
rencontre la seconde Révolution
démocratique que le monde attend, celle
qui enfanterait une élite internationale
des peuples instruits et qui ne
porterait au pouvoir que des dirigeants
d'envergure. Les circonstances semblent
se prêter à une mutation interne du type
de démocratie née dans les balbutiements
de la fin du XVIIIe siècle ; car, pour
la première fois en 2007, le peuple de
1789 s'est laissé égarer par un candidat
à la présidence de la République
entièrement étranger à toute vision
ascensionnelle et de haute portée de la
politique internationale et
viscéralement inapte à se présenter sur
une scène réservée aux presbytes.
Comment une mésaventure du suffrage
universel de ce calibre ne
servirait-elle pas de leçon à toutes les
démocraties de la planète à venir,
comment ne présenterait-elle pas sous un
jour entièrement nouveau la question
posée aux démocraties depuis Périclès?
Car les notables haïssent le génie de
crainte que l'un d'entre eux se change
en tyran, mais les peuples demeurent
plus aveugles encore, eux qui cèdent le
pouvoir à d'habiles démagogues.
Car
enfin, on comprend que dans quelques
lointaines tribus africaines, le sorcier
du village se hisse au pouvoir à force
de promettre au peuple des huttes qu'il
pleuvra tous les jours. Mais que deux
siècles après la prise de la Bastille,
des journalistes et des hommes
politiques reprochent sincèrement, mais
pendant des années aux sorciers de la
démocratie, non point d'avoir promis
toutes les richesses du ciel à la
population, mais de n'avoir pas tenu
leurs engagements météorologiques, voilà
qui exige un regard de
paléo-anthropologue sur la politique et
sur l'histoire de notre espèce en ce
début du IIIe millénaire L'heure
théologique et idéologique de la
politique est close, l'heure d'une
lucidité digne des démocraties de la
raison a sonné.
Mais
comment sélectionner, dans le troupeau
des sorciers des idéalités, des élites
dirigeantes cérébralement supérieures à
celles des anciennes monarchies de droit
divin?
Suite la semaine prochaine
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