1 - La perplexité du
peuple français
Monsieur le
Président,
Vous n'êtes pas le premier Président de la Vè République à
plonger longuement le pays dans la perplexité. Les politologues
perspicaces, les historiens de sens rassis, les psychologues
avertis, les ethnologues surpris, les économistes sceptiques,
les sociologues expérimentés se demandaient déjà comment M.
François Mitterrand allait se tirer du guêpier dans lequel son
ambition de conquérir le pouvoir quel qu'en fût le prix l'avait
fait tomber, comment M. Giscard d'Estaing s'était laissé
fasciner et piéger par les fastes de la République, comment
Jacques Chirac, le vaillant saint-cyrien, avait tenté de
reconduire la France aux bénitiers, puis aux grigris des
magiciens et des sorciers des arts premiers.
Mais vous,
Monsieur le Président, c'est la France de Descartes et de
Voltaire que vous plongez dans le plus profond étonnement, parce
que vous demeurez à leurs yeux une énigme difficile à
déchiffrer. Nous ne vous comprenons pas, Monsieur le Président.
Depuis trois ans, nous nous grattons la tête sans parvenir à
nous éclairer sur les ressorts et les rouages de votre
politique. Ce n'est pas faute que nous mettions toute notre
bonne foi et toute notre bonne volonté à tenter d'expliquer ce
qui est arrivé au peuple de la raison et à la nation de la
réflexion. Après trois ans d'efforts, nous donnons notre langue
au chat.
D'aucuns tentent
de nous convaincre que vous seriez l'otage et le représentant
d'un gouvernement étranger. Mais vos compatriotes se souviennent
de votre discours de Ramallah : dans votre bouche, la France
n'use pas des deux poids et des deux mesures auxquels Israël
recourt en Palestine. Non seulement vous avez paru défendre avec
la plus grande fermeté la politique de votre prédécesseur au
Liban, mais vous ayez tendu la main à la Syrie. Nous nous
félicitons de ce que vous ayez reçu M. Bachar El Assad en invité
d'honneur de la République à l'occasion du défilé traditionnel
de nos armées sur les champs Elysées le 14 juillet 2008. Mais
comment se fait-il que vous ayez aussitôt réduit à néant votre
politique de rapprochement intensif et spectaculaire non
seulement avec le monde arabe, mais avec l'Iran? Comment se
fait-il que vous ayez si rapidement, mais en catimini, sacrifié
sur l'autel de l'expansion militaire d'Israël en Cisjordanie une
alliance riche de promesses diplomatiques pour la France?
Pourquoi, quelques semaines seulement après de si belles
retrouvailles avec Damas êtes-vous allé supplier votre nouvel
allié de changer son fusil d'épaule et d'exercer tout subitement
ses talents diplomatiques à faire pression sur Téhéran au profit
des armes du peuple hébreu? Ignoriez-vous qu'il n'y a pas
d'entente plus indissoluble que celle de la Syrie avec l'Iran,
ou bien avez-vous accédé au vœu de Tel-Aviv en toute
connaissance de cause et au mépris de nos intérêts dans le monde
musulman?
2 -
L'échec de l'alliance des pays riverains de la Méditerranée
Vous avez
également fondé une union riche d'avenir avec les pays riverains
de la Méditerranée et vous y avez tout naturellement inclus la
Syrie, ce qui a fait froncer les sourcils au Président des
Etats-Unis de l'époque. Quel courage ! Mais pourquoi avez-vous
ensuite réduit cette alliance à un tas de cendres, pourquoi
avez-vous tenté en douce d'y introduire Israël dans un rôle de
commandement? Saviez-vous que toute votre politique
méditerranéenne s'en trouverait enterrée sans fleurs ni
couronnes, saviez-vous que le refus de Tel-Aviv qu'il fût fait
la plus légère allusion aux territoires occupés en Palestine
serait catégorique? Vous avez également paru éprouver un instant
d'horreur, d'effroi et de dégoût au spectacle de Gaza encerclée,
affamée et réduite à un camp de mourants sous le soleil de Jahvé
- puis on vous a vu rire à gorge déployée à Jérusalem aux côtés
de M. Olmert, de Mme Merkel et des représentants d'une Europe
vassalisée. Que l'Allemagne n'en finisse pas de payer la dette
de Hitler à Israël s'inscrit dans la nature des choses, mais que
le Président de la République croie à la pérennité d'un
équilibre tout momentané des forces morales et immorales dans le
monde actuel ressortit au mystère insondable qui entoure votre
diplomatie.
M.
Obama n'a pas tardé à rappeler Israël à la raison. Certes, ce
néophyte y a essuyé un échec pitoyable et sa candeur en a paru
toute surprise. Mais le 21 avril 2010, l'ancien ambassadeur des
Etats-Unis en Israël, M. Martin Indyc, a déclaré sur un ton
péremptoire que cet Etat microscopique devait se décider "prendre
en considération les intérêts américains"; et d'ajoute : "Tel-Aviv
pourra se permettre de prendre ses décisions en solitaire le
jour où, du moins à ses propres yeux, il sera devenu la capitale
d'une grande puissance et qu'il n'aura plus besoin de l'aide
financière américaine". Je suppose que le Quai d'Orsay
observe le vol des oiseaux avec autant d'attention que le
Département d'Etat et que le Ministre des affaires étrangères de
la France s'y connaît en signes et présages.
3 - Suite des entrechats de la France
Mais, ici encore,
Monsieur le Président, nous ne savons pas quel est le jeu de vos
haruspices et de vos augures sous le ciel bourdonnant des
prières de la démocratie mondiale; car il se trouve qu' à la
suite de la tentative si piteusement avortée de la puissante
Amérique de mettre un terme à l'extension guerrière du peuple
juif, vous avez déclaré à votre tour à M. Netanyahou qu'à
l'instar de toutes les nations de la terre, la France observait
le vol des esprits dans le ciel de la Liberté et de la justice
du monde et qu'à ce titre, Paris devait la vérité à ses
meilleurs amis: la démocratie mondiale des auspices avait
ordonné la cessation de l'expansion sauvage des colonies
d'Israël en Terre Sainte, de sorte que les verdicts souverains
du ciel américain seraient respectés dans le temple de la foi
républicaine. Mais, à la suite de l'échec répété de la
magistrature des idéalités mondiales de convaincre l'intéressé
du bon droit des opprimés - Washington a dû reculer une seconde
fois en raison de la puissance du groupe de pression dont ce
petit Etat dispose dans le monde et qui réduit à un nain le
géant qui le protège - vous vous êtes précipité à Bruxelles pour
demander à la Commission qu'elle engage en toute hâte l'Europe
tout entière à conclure une alliance plus étroite encore avec le
génocidaire de Gaza. Par bonheur Mme Ashton a puisé dans ses
dernières forces pour refuser que l'Europe agonisante de
Lisbonne se lie davantage à Israël.
Les Français,
Monsieur le Président, voudraient comprendre les flottements et
l'errance dont souffre votre politique étrangère. Car, avant
même que votre gouvernement entrât en fonction, vous avez cédé
au pouvoir que la communauté juive de France exerce sur les
gouvernements successifs du pays. Il est vrai que cet escadron
est monté à l'assaut de l'Elysée comme un seul homme; il est
vrai que vous avez été sommé de renoncer à la nomination de M.
Hubert Védrine au Quai d'Orsay. Mais pourquoi avez-vous
obtempéré au point d'avoir appelé un coreligionnaire du
Président omnipotent du CRIF, M. Kouchner, à succéder aux
Vergennes et aux Talleyrand?
Puis, le 6 avril 2010, M. de Charette a apostrophé ledit Bernard
Kouchner à Assemblée Nationale et cet ancien ministre des
affaires étrangères de M. Juppé s'est indigné de ce que la
France et l'Europe ne fissent rien pour arrêter le boucher de
Gaza. Comment se fait-il que M. Kouchner lui ait répondu: "Qu'est-ce
qu'on peut faire, Qu'est-ce qu'on peut faire, Qu'est-ce qu'on
peut faire?" (sic ) au lieu du bon français, qui dit: "Que
peut-on faire?" Que peut-on faire? Que peut-on
faire? Que peut-on faire? Que peut-on faire? Que peut-on faire?
(Bernard Kouchner, Assemblée Nationale le 24 mars 2010)
-
Un dialogue
imaginaire, donc sérieux, entre M. Barack Obama et M.
Benjamin Netanyahou
, 4 avril 2010
4 - Sommes-nous dehors ou dedans ?
Serait-ce votre impuissance diplomatique au Moyen Orient que
vous avez fait proclamer ce jour-là par la voix de votre
Ministre des affaires étrangères, ou bien serait-il tombé de la
dernière pluie? Est-il de bonne foi quand il constate avec tant
de candeur le naufrage de l'union des pays riverains de la
Méditerranée et qu'il s'en déclare aussi surpris, semble-t-il
qu'un enfant de chœur? "Il va falloir trouver autre chose"
a-t-il murmuré. Est-ce par naïveté que vous vous entourez de
néophytes?
En
un mot, quel est le degré de conscience politique de l'apôtre
des droits de l'homme que vous avez nommé ministre des affaires
étrangères, Monsieur le Président ? Votre politique et la
sienne, s'il en a une, se confondent-elles au Moyen Orient ? Car
la France a ensuite eu l'audace de vendre le Mistral à la
Russie. Certes, elle a insisté sur le fait que ce navire de
guerre est désarmé ; certes encore, Mme Clinton est venue tout
spécialement à Paris pour souligner que, vingt ans après la
chute du mur de Berlin, la guerre froide venait tout juste de
s'achever et que la Russie était enfin redevenue une partenaire
à part entière du nouveau continent que l'Amérique a porté sur
les fonts baptismaux et qu'elle a baptisé l'Euramérique.
-
Alice Clinton au pays des
merveilles, 15 février
2010
Mais comme les
pays otanisés, la France exceptée, demeurent occupés par des
centaines de garnisons américaines et par une riche semailles
d'ogives nucléaires pointées contre la Russie - Washington
refuse obstinément de les retirer de leur territoire - le grand
frère d'outre-Atlantique a froncé le sourcil et jugé la France à
nouveau tentée par l'indocilité.
5 - Notre retour
dans l'OTAN militaire
Quel soldat de
Valmy êtes-vous, Monsieur le Président? Non seulement il semble
que vous ayez affronté sans broncher le terrible froncement de
sourcils du commandant en chef de l'OTAN, mais que, de surcroît,
la France se veuille partie prenante à la construction d'une
Europe politique et qu'elle soit prête à s'allier plus
étroitement que jamais avec l'Allemagne; il s'agirait, dit-on,
de sceller à ses côtés une alliance stratégique nouvelle avec
Moscou et avec la Pologne. La France entendrait-elle élever
l'Europe au rang de pôle central de la politique du monde
dévassalisé de demain?
Il
semble également que le Monde ait changé de peau.
Aurait-il réduit au silence les Glucksman, les Finkielkraut, les
Béhachel, les Adler, qui montaient régulièrement à l'assaut de
la Russie et qui la présentaient sous les traits de Gengis Khan
et de Tamerlan? Le génie olfactif de cette escouade a flairé le
danger que représenterait pour Israël la reconquête par l'Europe
de son ancienne grandeur. Mais, comment se fait-il que, dans le
même temps, vous ayez replacé dare-dare la France sous le
commandement militaire intégré de l'OTAN dont le Général de
Gaulle nous avait libéré, ce qui, naturellement a rapetissé la
nation sur la scène internationale?
Comme nous sommes un membre à part entière de l'alliance dite "atlantique"
- il s'agit d'un pacte stratégique librement conclu entre des
Etats souverains et profitable à leurs intérêts communs, cela
suffisait à nous donner un bien plus grand poids diplomatique
que la subordination de nos armes au commandement d'un Général
étranger. Il n'y a pas de souveraineté réelle sous le sceptre et
le sabre d'autrui. Nous avons participé, par exemple, au combat
diplomatique de l'Allemagne et de l'Angleterre contre
l'extension militaire unilatérale et obstinée de l'empire
américain en Pologne et en Tchéquie, parce que notre influence
politique ne se trouvait pas réduite par les chaînes qui
entravent les pays captifs d'un empire d'au-delà des mers. Et
maintenant, nous avons affaibli notre atout fondamental, celui
de nous trouver délivrés de la présence des bases militaires
d'une puissance étrangère qui ne campent nullement à titre
provisoire sur le territoire de nos alliés européens et qui
entendent bien y demeurer implantées à jamais. Qu'est-il advenu
du fossé qui séparait si heureusement notre souveraineté
solitaire de leur vassalité collective?
6 - Ce que les
Français ne sont pas
Monsieur le
Président, nous voudrions connaître la boussole de la France que
le peuple a remise entre vos mains. Sur quels Océans faites-vous
naviguer la nation, de quel navire tenez-vous le gouvernail,
quel pilote de la France êtes-vous dans le siècle? Au début de
votre quinquennat, vous avez compromis notre vieille alliance
avec l'Allemagne, faute qu'une science de l'âme et de l'esprit
des peuples insulaires vous ait informé de l'impossibilité
viscérale qu'une alliance politique vivante et durable de
l'Europe avec l'Angleterre puisse jamais voir le jour. Puis vous
avez engagé la France des Condorcet et des Diderot dans une
défense anti-républicaine des moulins à prières du Tibet, alors
que, depuis la Première République, non seulement la France ne
reconnaît, donc ne légitime le ciel d'aucun culte, mais que, de
surcroît, la Révolution nous a placés à la tête du combat de la
raison dans le monde entier.
La France de la
pensée politique désacralisée, de la philosophie critique
post-kantienne et d'une science historique délivrée de
l'interprétation théologique du temps humain n'est pas seule à
s'interroger avec angoisse sur l'esprit de raison qui inspire
votre diplomatie parfois si résolument religieuse; le peuple,
lui aussi, vit dans une douloureuse oscillation entre l'angoisse
et la stupéfaction. Il y a longtemps que vous avez fait perdre
le sourire aux Français que la Révolution de 1789 a déconnectés
des cosmologies mythiques, parce que les questions nouvelles
qu'ils se posent sous votre houlette ne les embarrassent pas
seulement - elles les désarçonnent. Le pays se dit que son
Président est responsable de l'idée de la France logicienne
qu'il présente au monde, responsable de la manière dont il
incarne une nation cartésienne, responsable de l'art et du
talent avec lesquels il conduit les citoyens à se reconnaître
dans le miroir du pays dont l'hôte de l'Elysée leur renvoie
l'image. Georges Pompidou leur présentait une effigie de la
solidité paysanne de la Gaule et de l'alliance de notre terre
avec notre culture, Valéry Giscard d'Estaing leur offrait une
photographie flatteuse des bonnes manières du pays et de
l'élégance de son langage de gentilhomme, François Mitterrand
jouait au doge de Venise mâtiné de roublard de village, Jacques
Chirac avait la carrure du chef militaire vaillant et généreux.
Mais vous,
Monsieur le Président, les Français ne savent sur quel pied vous
les faites danser. Ils n'aiment l'excès ni de la familiarité, ni
de la hauteur, ni de l'agitation, ni de la solennité, ni de la
fébrilité, ni de la componction. Mais surtout, ils veulent que,
par la médiation de ses attitudes, de ses gestes et de son
langage policé, le chef de l'Etat leur présente un personnage
éduqué, à la fois bien visible et insaisissable, vivant et un
rien majestueux, aimable et discrètement hiératique. Cet acteur
du monde, ils l'appellent la France.
En vérité, ils ne
savent s'il s'agit d'un géant en chair et en os ou d'un
personnage auquel la tenue de théâtre qu'il endosse lui fait
jouer un rôle de composition ou parler avec ses tripes. Mais ce
que savent tous les Français, Monsieur le Président, c'est ce
qu'ils ne sont pas. C'est le faux portrait d'eux-mêmes que vous
leur présentez qui leur tourne les sangs. Jamais ils ne
porteront le vêtement de confection qui les déguise en
serviteurs d'un Etat de fiction dans lequel ils ne se
reconnaissent pas et dont la livrée porte la marque d'un
tailleur étranger.
Les Français sont
des aristocrates bon enfant et des rieurs sérieux. Bizarrement,
les tenues qu'ils refusent de porter sont également celles dans
lesquelles ni la nation, ni eux-mêmes n'entendent habiller la
politique du pays sur la scène du monde. L'histoire,
pensent-ils, est un théâtre où le passé et le présent ont scellé
une alliance vivante. Vous avez rendu fragile le pacte que les
Français ont conclu avec la durée. Pour un peu vous les feriez
douter de la présence de la France dans le temps de l'histoire
du monde, pour un peu, vous rendriez éphémère la nation de
Montaigne et de Molière, pour un peu vous briseriez le mariage
des Français avec la mémoire de leur pays.
7 - L'identité de la France
Il est vrai que
les Etats sont des vases de Soissons. Mais quand vous montez sur
le perron de l'Elysée en culottes courtes, quand vous faites la
fête au Fouquet's , quand vous vous prélassez sur le pont du
yacht de luxe de l'un de vos richissimes commanditaires, quand
vous vous extasiez sur les ours en peluche du parc américain de
Disneyland, les Français en sont estomaqués. Quel est donc, se
demandent-ils, ce roi sautillant qu'ils ont élu par inadvertance
et qui leur joue le vilain tour de se montrer désopilant aux
yeux de la terre entière?
Voyez-vous,
Monsieur le Président, la France, la République et la démocratie
sont des personnages historiques par définition. Elu par le
peuple qui vous a demandé de représenter ces acteurs du monde,
vous êtes devenu, vous aussi, un héros de l'histoire vécue. Les
Français veulent voir en vous leur propre noblesse et celle de
la France, et la hauteur du politique, et la surréalité des
peuples et des nations, et la grandeur de la condition humaine.
Pourquoi les hommes se présentent-il rassemblés sous la houlette
des nations? Parce que les nations incarnent l'esprit des
peuples.
Quand vous criez à un syndicaliste: "Viens un peu ici si
t'es un homme", quand vous renvoyez un impertinent par
ces mots: "Casse-toi, pauv'con", quand vous dites
à un adolescent qui s'essuie les mains pour avoir touché votre
droite: "Fais pas l'malin, toi, fais pas l'malin, fais pas
l'malin", quand, d'un geste faussement furtif vous
essuyez une fausse larme sous l'œil des caméras à la lecture de
la lettre de Guy Mocquet à sa mère, les Français découvrent,
dans l'ahurissement et la stupeur, que vous êtes un particulier
et qu'ils ont prêté les habits du souverain qu'ils sont à
eux-mêmes à un particulier tout embarrassé par la majesté du
peuple, par la royauté de la nation et par la sacralité des
Etats souverains. Voyez-vous, Monsieur le Président, les peuples
symbolisent le genre humain, les nations sont à elles-mêmes leur
propre chambre ardente. Ne souillez pas, n'humiliez pas, ne
rabaissez pas cette surréalité.
8 - Qu'est-ce qu'une nation ?
Quand ils vous
voient hisser votre fils cadet sur un trône en or massif et que
vous reculez seulement parce que deux cents journalistes
accourent du monde entier pour assister, morts de rire, à une
intronisation aussi auguste que celle des papes et des rois,
quand ils vous regardent traîner en justice un Premier Ministre
que vous accusez d'un délit inconnu du code pénal, quand le
Conseil Constitutionnel vous fait renoncer à remplir les coffres
de l'Etat de bons de caisse tirés sur l'air qu'ils respirent et
qui, à vous entendre, rendent vos compatriotes responsables de
l'asphyxie des six milliards d'habitants que compte la
mappemonde, quand ils vous voient enrichir les laboratoires
pharmaceutiques d''une commande de quatre vingt dix millions de
vaccins censés prévenir une grippe imaginaire dont le globe
terrestre se trouverait menacé, quand ils voient la France
officielle rédiger des copies dans les Préfectures sur l'
identité de la nation, alors que en prenez le contre-pied, le
peuple se tâte, se pince, le peuple n'en croit pas ses yeux et
ses oreilles, le peuple s'écrie que les bras lui en tombent, le
peuple ahuri, abasourdi, esbaubi retrouve les exclamations
oubliées qui donnaient à la langue des ancêtres la verdeur et la
fraîcheur de la jeunesse de la nation.
Monsieur le
Président, vos compatriotes sont mal initiés aux usages de cour
qui commandent les relations diplomatique entre les nations. Et
pourtant, quand ils vous entendent clamer sous les projecteurs
que M. Barack Obama est votre copain, quand ils vous voient lui
taper familièrement sur l'épaule, ils se frottent les yeux, les
pauvres, et ils se disent qu'il doit y avoir un malentendu
quelque part, qu'ils se trompent sans doute et qu'on s'ingénie
sûrement à leur cacher quelque chose, tellement il est peu
croyable que les chefs d'Etat se tutoient et qu'ils jouent entre
eux à la marelle dans les préaux de l'histoire du monde.
Les Français se
regardent, et se disent les uns aux autres: "Ce n'est pas
d'Israël que ce Président est l' homme à gages, c'est de son
propre déracinement qu'il porte la livrée. Certes, Israël joue,
comme lui, sur tous les tableaux à la fois, Israël défend, comme
lui, en paroles seulement le droit et la justice sur la terre.
Mais, en politique, on ne donne le change que pour un temps; et
vous, vous ignorez qu'on ne joue pas impunément ce jeu-là avec
les plus grands Etats de la planète.
M. Nicolas
Sarkozy, vous êtes un habile particulier. Comme les particuliers
adroits, vous vous battez sur tous les fronts pour survivre,
comme les particuliers malins, vous tentez de tirer votre
épingle du jeu sur la terre, comme les particuliers
débrouillards, vous ménagez tous les jours la chèvre et le chou,
comme les particuliers ambitieux, vous vous glissez entre les
mailles du filet, comme les particuliers qu'on ne roule pas dans
la farine, vous colmatez les brèches et bouchez les trous ,
comme les particuliers avertis des pièges de ce monde, c'est
cahin-caha que vous courez au tombeau. Mais la France ne joue
pas à colin-maillard avec l'histoire, la France est une
princesse, la France va droit son chemin, parce qu'elle porte le
flambeau de la dignité du peuple français parmi les nations
9 - La France, c'est nous
Les relations que
les citoyens entretiennent avec leur pays sont secrètes.
Voyez-vous, Monsieur le Président, vos compatriotes ne sont ni
de profonds historiens, ni des philosophes de la condition
humaine, ni de savants psychologues. Et pourtant, ils savent
d'instinct ce que vous ne savez pas et que vous n'apprendrez
sans doute jamais : que les peuples sont les grands dignitaires
de l'âme, de la mémoire et de la dégaine de leur pays. C'est à
ce titre qu'ils se donnent à reconnaître à leur voix, à leur
âge, à leurs joies et à leurs colères, c'est à ce titre que tout
citoyen est à lui-même un chef d'Etat.
C'est pourquoi
les Français se demandent comment vous avez pu assister à tant
de conseils des ministres, côtoyer plusieurs de vos
prédécesseurs, vous initier aux secrets diplomatiques et aux
arcanes de l'histoire des nations et n'avoir jamais entendu
sonner le pas de la France. Comment se fait-il que les Français
vous ressentent viscéralement étranger à leur pays ? Vous êtes
énergique en diable, vous vous démenez comme un beau diable,
vous êtes un diable d'homme, vous êtes diaboliquement habile,
vous êtes sans cesse sur la brèche, vous courez d'un incendie au
suivant, vous en éteignez un pour en allumer d'autres, mais vous
êtes luciole, feu-follet et brindille dans le vent.
Comment se fait-il que vous ne soyez personne, que vous n'ayez
pas de for intérieur, que l'on vous sente sans attaches ni
racines, que vous ne soyez viscéralement de nulle part, qu'on
voudrait vous planter dans un sol, vous trouver une terre à
féconder, faire de vous un arbre porteur de fleurs et de fruits,
mais que vous flottez dans le vide et que la France se dise:
"Décidément, cet homme-là nous rend un grand service, cet
homme-là est tellement absent à lui-même et son énergie est si
poignante à l'agiter dans le vide qu'il nous contraint à nous
chercher, à nous reconnaître, à nous retrouver et à nous
demander: "Qui sommes-nous ? Quel est notre secret ? Quel
mystère parle-t-il en nous? Quelle voix nous dit-elle que la
France, c'est nous?"