|
Mondialisation.ca
Le golpe blanc du
Pentagone
Manlio Dinucci
Le directeur de la
Cia, Leon Panetta, avec l'ex-président égyptien,
Hosni, Moubarack au Palais présidentiel le 28 janvier 2008.
Source :
Daylife
Dimanche 13 février 2011
Le fait que ce soit le directeur de la Cia, Leon Panetta, qui
ait annoncé jeudi (10 février 2011) « la forte probabilité que
Moubarak puisse s’en aller dès ce soir » indique que la décision
a été prise à Washington avant le Caire.
Et la déclaration de ce même directeur de la Cia d’ « espérer en
une transition ordonnée en Egypte » confirme que le feu vert a
été donné pour le plan annoncé par le président Obama : la «
transition ordonnée et pacifique » qui, mettant de côté le
désormais insoutenable Moubarak emporté par la rébellion
populaire, laisse intacts les piliers de la domination
états-unienne sur le pays : et avant tout la structure portante
des forces armées égyptiennes que les Etats-Unis ont financées,
équipées et entraînées.
C’est donc le général Sami Anan, chef d’Etat-major, qui a
annoncé place Tahir que ce seront les forces armées qui «
sauvegarderont les requêtes du peuple et sa sécurité ». Celui-là
même que le secrétaire de la défense, Robert Gates, avait
convoqué au Pentagone au début de la crise et à qui il avait
donné des instructions au jour le jour sur les mouvements que
l’armée égyptienne devait accomplir. Cette armée que le
président Obama avait félicitée pour son « patriotisme et
professionnalisme », en la désignant comme garante de la «
transition pacifique et ordonnée ». Cette armée qui, par
l’intermédiaire du général Hassan al-Rouini, commandant de la
place du Caire, a annoncé aux manifestants de place Tahir : «
Toutes vos requêtes seront exaucées aujourd’hui ».
Le pouvoir passe au Conseil militaire suprême qui, réuni
sans le « commandant en chef » Moubarak, annonce « des
mesures pour sauvegarder les conquêtes et les ambitions de notre
grand peuple ».
En réalité, ce sont d’autres conquêtes et ambitions que l’armée
égyptienne est appelée à sauvegarder : celles des Etats-Unis qui
ont fourni à l’Egypte des aides militaires d’un montant de 60
milliards de dollars environ, selon des chiffres officiels,
auxquels s’ajoutent d’autres financements, secrets ; qui ont
fourni aux forces armées égyptiennes les armements les plus
modernes, comme les chasseurs bombardiers F-16 et les chars M1A1
Abrams fabriqués en Egypte sur la base d’un accord de
co-production, plus d’énormes quantités d’armes que le Pentagone
a en excédent ou qui sont remplacées par d’autres de nouvelle
génération ; qui ont entraîné des officiers et des soldats
égyptiens, surtout dans les forces spéciales, en organisant
l’opération « Bright Star », cette grande manœuvre biennale qui
se déroule en Egypte avec la participation de 25mille militaires
états-uniens.
On se souviendra aussi que, dans les commandements établis par
le Pentagone à l’échelle mondiale, l’Egypte n’entre pas dans le
Commandement Africa mais a été détachée du continent pour être
annexée au Commandement Central (CentCom), dont la zone de
responsabilité comprend le Moyen-Orient. L’Egypte, explique le
CentCom, « joue un rôle clé dans l’exercice d’une influence
stabilisante au Moyen-Orient », en particulier pour « affronter
l’instabilité croissante à Gaza ». Le CentCom continue ainsi à
opérer en contact étroit avec les forces égyptiennes pour «
bloquer les envois illicites d’armes aux extrémistes de Gaza et
pour empêcher que l’instabilité de Gaza ne se répande en Egypte
et au-delà ».
Le gouvernement égyptien, en fait, « doit faire face à une
menace extrémiste intérieure ». L’aide extérieure états-unienne,
surtout militaire, est donc, « fondamentale pour renforcer le
gouvernement égyptien ».
C’est cette armée, qui durant le régime Moubarak a été le vrai
détenteur du pouvoir, qui l’exerce à présent ouvertement.
Washington, qui pendant ces dernières années à élevé une
nouvelle classe dirigeante égyptienne -en finançant des dizaines
d’organisations non-gouvernementales formées de jeunes
intellectuels et de professions libérales- entend en tous cas
donner un visage « démocratique » à un pays où le pouvoir puisse
continuer à prendre appui sur les forces armées et où, surtout,
l’influence états-unienne puisse rester dominante.
Il manifesto, 11 février 2011
http://www.ilmanifesto.it/il-manifesto/in-edicola/numero/20110211/pagina/03/pezzo/296993/
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
Manlio Dinucci est géographe.
© Droits d'auteurs Manlio Dinucci,
Il manifesto, 2011
Publié le 15 février 2011
Le dossier Egypte
Dernières mises à
jour
|