Opinion
Le blogueur et
activiste Zakaria Bouguerra encore une
fois agressé par la police
Malek
Khadhraoui
Jeudi 2 février
2012
Le blogueur et activiste Zakarya
Bouguerra a été arrêté le 1er Février
2012 alors qu’il participait à une
manifestation de soutien à Samir Feriani
à la Kasbah. Il venait de reconnaître le
policier Issem Dardouri parmi les
policiers qui manifestaient au même
moment, celui-là même qu’il accuse de
l’avoir
sauvagement agressé le 13 novembre 2011
à l’aéroport Tunis Carthage alors
qu’il filmait l’expulsion musclée de
supporters marocains d’un match de foot
entre l’espérance sportive de Tunisie et
le widady marocain.
C’est la deuxième fois que ce jeune
étudiant en 5eme année de médecine se
retrouve face à face avec son agresseur.
Il l’avait auparavant revu le 20 janvier
2011 sur l’avenue Habib Bourguiba à
Tunis alors qu’il se promenait avec des
amis. Une rencontre très douloureuse
pour l’activiste qu’il raconte dans un
témoignage poignant publié sur sa page
Facebook et repris sur notre blog.
« Je l’interpelle alors par son
nom « Dardouri ! Dardouri ! » Il ne
me reconnaît pas au début c’était
sûrement a cause de la casquette. Je
lui demande alors « tu te rappelles
de moi ? Tu te rappelle de moi ? »
Là son regard a changé, ses pupilles
se sont dilatées et j’ai su qu’il
m’avait reconnu. Pourtant, d’un air
dédaigneux, il me regarde et feint
de ne pas savoir. […] Je lui dis
encore que je suis celui sur qui lui
et cinquante de ses amis se sont
acharné sur moi une certaine nuit de
novembre. Il a compris que je ne
lâcherai pas facilement! Il se
trouble, il barbote, un vieux tic le
prend, il se mord la langue et me
dit « Bon okay, je t’ai reconnu que
veux-tu ?».
Tabassé et humilié par les forces de
l’ordre lors de son arrestation et au
sein du poste de police de Bab Bnet,
Zakarya a été relâché deux heures plus
tard après s’être engagé par écrit à ne
plus adresser la parole, ni parler
publiquement du policier Issam Dardouri.
Contacté par téléphone, Zakarya
Bouguerra, revient sur les circonstances
de son arrestation et de son agression
par les forces de l’ordre.
“J’ai répondu à l’appel lancé
sur Facebook pour soutenir
l’officier Samir Feriani devant le
Premier Ministère Place du
Gouvernement. Sur les lieux, il y
avait également une manifestation du
syndicat des forces de l’ordre.
Alors que je discutais avec des amis
activistes, j’ai aperçu, de l’autre
coté de Place, Issem Dardouri, le
policier qui m’a agressé à
l’aéroport le 13 novembre 2011. Il
me fixait avec son sourire narquois».
Il continue :
« Je ne pouvais pas rester à
rien faire, en voyant cet air
supérieur que ce policier arbore. Un
air qui transpire le mépris et
l’assurance de l’impunité. J’ai
alors pris mon téléphone, je l’ai
mis en marche en mode vidéo et je me
suis dirigé vers lui en filmant»
Zakarya interpelle alors le policier
: « tu m’as sauvagement tabassé
ainsi que des dizaines de supporters
marocains et tu as le culot de venir
manifester ici pour revendiquer du
respect et de la considération pour ton
métier ? […] ”. Sans arrêter de
sourire, Dardouri esquive et rejoint un
groupe de policiers qui se trouvaient du
coté du Premier Ministère.
Cette rencontre pouvait en rester là,
mais une heure plus tard, alors que
Zakarya avait quitté ses amis pour aller
acheter des cigarettes au débit de tabac
près de la Place du Gouvernement, trois
policiers l’interpellent et l’informent
qu’ils vont l’emmener au poste de police
de Bab Bnet.
Zakarya raconte :
« Je ne me suis pas débattu et
j’ai suivi les policiers jusqu’à
arriver au niveau de mes amis. C’est
alors que j’ai commencé à crier pour
ameuter mes compagnons. Très
rapidement un groupe d’une dizaine
d’agents de la BOP m’a encerclé et
un des trois policiers qui m’ont
interpellés s’est jeté sur moi pour
me menotter. »
Zakarya va alors vivre un véritable
calvaire. Tout en obligeant le jeune
blogueur à avancer, les policiers
l’insultent et lui assènent des coups
sur la tête, des gifles, des coups de
pieds et de poings au dos.
Entre temps, l’alerte est donnée sur
les réseaux sociaux. Plusieurs
activistes et blogueurs se sont alors
dirigés vers le poste de police de Bab
Bnet pour exiger la libération immédiate
de leur ami.
Au commissariat, les insultes et les
coups continuent. Les policiers évitent
soigneusement le visage pour ne pas
laisser de traces. C’est un policier qui
met fin à cette ratonnade hystérique en
conduisant Zakarya au bureau du chef de
poste où ils sont rejoints par Dardouri.
Devant le commissaire, Dardouri nie
en bloc les accusations de Zakarya. Le
chef du poste de police n’insiste pas et
reste sourd aux affirmations du jeune
activiste. Il exige des deux parties de
signer un engagement les astreignant à
ne plus s’adresser la parole. Zakarya
s’engage également à ne plus évoquer le
nom de son agresseur et de cesser de
proférer ses accusations en public.
Il est important de rappeler que
Zakarya avait déjà déposé une plainte
suite à son agression à l’aéroport,
plainte qui reste, à ce jour, sans
réponse.
Le commissariat de Bab Bnet refuse de
commenter cet incident et le chef du
poste semble même agacé qu’on y accorde
autant d’importance.
Contacté par téléphone, Adbelhamid
Jarreya, porte parole du syndicat des
forces de sécurité intérieure déclare
qu’il s’agit d’un malentendu. Selon ses
dires, Zakarya a mal reconnu son
agresseur. Pour les coups, « à ma
connaissance, il n’y a pas eu de
violence. Le jeune homme a été conduit
au poste pour essayer de trouver une
solution à ce malentendu »
affirme-il un peu gêné.
On ne peut que comprendre la
difficulté du syndicat d’admettre
l’agression lorsqu’on sait que Dardouri
est le secrétaire général de la section
de l’aéroport de ce même syndicat. Une
fois encore, l’omerta se perpétue au
sein des forces de l’ordre qui
continuent à faire bloc dès lors qu’il
s’agit de mettre en cause l’un des
leurs.
Zakarya est, quant à lui, déterminé à
aller jusqu’au bout de ses démarches
afin de faire reconnaître le tort qu’il
a subi et mettre fin à l’impunité dont
jouissent certains membres de la police
nationale.
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