Focus
Vers une crise de
régime en France (2) :
L'affaire Cahuzac révélatrice d'une
« démocratie » de théâtre bloquée
Luc Michel
Mercredi 22 mai 2013
PCN-SPO / Focus / 2013 05 21 /
Focus : Le fait du jour décrypté par Luc
MICHEL
pour le Service de Presse du PCN /
PCN-SPO Lu dans
LIBERATION (Paris)
Ce 21 mai 2013 : « Mediapart
dénonce des enquêtes policières visant
les journalistes (…) Le fondateur de
Mediapart Edwy Plenel a dénoncé mardi
"l'utilisation de l'administration
policière pour porter atteinte au secret
des sources", lors de la première
journée de la commission d'enquête
parlementaire sur l'action du
gouvernement pendant l'affaire
Cahuzac. » Un
premier dysfonctionnement, comme disent
pudiquement les médias du Système.
« Un message envoyé le 11 décembre 2012
par la chef de cabinet du ministre du
budget, Marie-Hélène Valente, fait en
effet état de conversations
téléphoniques entre Edwy Plenel et une
source de l'affaire », explique Fabrice
Arfi, journaliste du site d'informations
en ligne, à l'origine des révélations:
« La police a été mise en branle pour
surveiller les rapports téléphoniques
entre Edwy Plenel et l'un des
protagonistes de l'affaire. Nous ne
savons pas si le ministre de l'Intérieur
en personne est au courant de ces
investigations. Nous n'avons pas
d'éléments », affirme-t-il.
Qui dissimule un second
dysfonctionnement : l’omerta des
politiciens sociaux-démocrates jusqu’au
sommet de l’état français. Il n’est pire
aveugle que celui qui ne veut voir, dit
la sagesse populaire …
« Si un rapport du DDSP (ndlr: directeur
départemental de la sécurité publique)
existe, il a sans doute remonté », a
toutefois ajouté M. Plenel, qui a estimé
que « beaucoup d'éléments étaient à la
disposition des services de police ».
« Tous ceux qui voulaient savoir au
coeur de la République, pouvaient
savoir », a par ailleurs de nouveau
affirmé Edwy Plenel, qui précise avoir
d'ailleurs, dès mi-décembre, rencontré à
leur demande « plusieurs responsables de
cabinet de l'Elysée et de Matignon ». Il
a ainsi expliqué avoir rencontré des
collaborateurs de François Hollande le
18 décembre. Et qui
conduit à un troisième
dysfonctionnement : la manipulation.
Evoquant ensuite l'attitude du ministre
de l'Economie, Pierre Moscovici, M.
Plenel a déclaré non sans ironie cynique
: « Je ne dis pas que M. Moscovici a
menti, je dis qu'il a mal travaillé »
(sic), évoquant « deux hypothèses:
amateurisme ou légèreté, ou, seconde
hypothèse, une instrumentalisation ».
« La question qui se pose à vous c'est
comment, sur la foi des mêmes
informations, Bercy obtient une réponse
négative de la Suisse, tandis que la
justice obtient une réponse positive »,
a complété M. Arfi.
Le tout révèle le mal profond qui ronge
le régime parlementaire français.
« Cette affaire illustre le mauvais
fonctionnement de notre démocratie. Un
pouvoir exécutif tétanisé, un pouvoir
législatif coalisé, puisque dans
l'ensemble des familles politiques, il y
a eu des refus de voir la réalité de nos
informations, enfin un pouvoir
judiciaire immobile », conclut
pertinemment Plenel.
COMMISSION PARLEMENTAIRE : LES QUESTIONS
QUI DERANGENT … M.
Moscovici mais aussi les ministres de
l'Intérieur, Manuel Valls, et de la
Justice, Christiane Taubira, ainsi que
Jérôme Cahuzac seront entendus par la
commission. Après les journalistes de
Mediapart, qui ont fait éclater
l’affaire Cahuzac. La commission vise à
déterminer "d'éventuels
dysfonctionnements" (sic) dans l'action
de l'Etat du 4 décembre 2012, date des
premières révélations de Mediapart sur
le compte en Suisse non déclaré de
l'ancien ministre délégué au Budget, au
2 avril 2013, date de sa mise en examen.
Moscovici est au centre des critiques.
« Naïf, amateur ou manipulé », selon
Mediapart : la commission parlementaire
sur l'affaire Cahuzac s'est penchée ce
mardi sur l'"attitude" du ministre de
l'Economie et des Finances, Pierre
Moscovici, durant la première journée de
leurs auditions. « La bonne foi
n'exempte pas parfois de la maladresse,
de la naïveté ou d'un mauvais
fonctionnement de l'Etat. Je ne veux pas
dire que M. Moscovici a été forcément
complice d'une manoeuvre voulant
absolument cacher la vérité, je dis
néanmoins qu'il a mal travaillé! », a
donc affirmé Edwy Plenel qui a, à de
nombreuses reprises, évoqué l'ancien
ministre de tutelle de M. Cahuzac.
Déjà mise en cause par la droite mais
aussi par une partie de la gauche pour
sa gestion de la crise économique,
plusieurs membres de la commission
d'enquête ont clairement expliqué mardi
que l'attitude du ministre de l'Economie
était au coeur de leurs investigations.
Et surgissent les questions qui
dérangent !
« L'une des questions que nous devrons
trancher, c'est l'attitude du ministre
de l'Economie », a relevé, avant le
début des auditions, le député centriste
UDI Charles de Courson, qui préside la
commission. « Notamment lorsque le
directeur général des finances publiques
a saisi les autorités helvétiques » pour
l'interroger sur un compte de Cahuzac:
« pourquoi est-qu'on a saisi uniquement
sur la banque UBS ? Est-ce qu'à
l'époque, il savait que la réponse ne
pouvait qu'être négative ? »
« Il faut nous expliquer pourquoi on n'a
pas saisi sur la banque Reyl et
Singapour », ville-Etat avec laquelle
« Paris a une convention d'assistance
administrative mutuelle », a-t-il
ajouté. Cahuzac avait transféré son
compte d'UBS à Reyl en Suisse puis à la
filiale singapourienne de cette banque.
MOSCOVICI : CONFLIT D'INTERETS OU DUPE
CONSENTANT ? Sur
cette question des demandes à la Suisse,
le journaliste de Mediapart Fabrice Arfi,
à l'origine des révélations et
auditionné aux côtés Edwy Plenel, est
sans appel.
« Les questions posées à
l'administration fiscale suisse sont
objectivement de mauvaise foi. Quand on
cherche un compte (...) on ne cherche
pas seulement M. Cahuzac en tant
qu'ayant droit, on cherche autour, on
cherche le gestionnaire de fortune, on
cherche Reyl qui est cité, pour avoir la
vérité », a-t-il détaillé.
« M. Moscovici a dit qu'il voulait la
vérité. On voit avec quel succès, il l'a
eue! », a ajouté, avec ironie, le
journaliste qui a estimé qu'il y avait
eu « une entreprise de communication
pour mettre un terme à cette affaire ».
« « La question qui se pose à vous c'est
comment, sur la foi des mêmes
informations, Bercy obtient une réponse
négative de la Suisse, tandis que la
justice obtient une réponse positive »,
a complété M. Arfi.
Ce mardi matin, Moscovici, qui, comme
ses collègues de la Justice et de
l'Intérieur, sera entendu par la
commission, a de nouveau affirmé sans
rire que « l'administration avait fait
tout ce qu'elle pouvait, tout ce qu'elle
devait ». « Elle a été exemplaire sous
mon autorité »
(sic), a assuré le ministre.
Autre grief de Mediapart à l'égard du
ministre: le conflit d'intérêts dès le
moment où l'affaire éclate. « M.
Moscovici a été dupe. Il a été dupe
pourquoi? Parce qu'il a accepté le
conflit d'intérêts », a expliqué M.
Plenel. Osons poser la question qui
arrête Plenel : dupe ou dupe consentente ?
UN REGIME PARLEMENTAIRE BLOQUE
Car l’affaire Cahuzac au-delà des
dysfonctionnement et de l’omerta qu’elle
révèle jusqu’au sommet de ce qui reste
d’état en France est surtout
l’indicatrice du mal profond qui ronge
le régime parlementaire bourgeois.
Démocratie de théâtre, de plus en plus
paralysée par ses mensonges et ses
impostures. Système bloqué où une classe
oligarchique parasitaire –
partis-médias-intellectuels-saltimbanques,
les copains et les coquins … – a
confisqué le pouvoir et n’assume plus la
survie de celui-ci.
Le grand Pareto et ses épigones
néo-machiavéliens ont depuis longtemps
diagnostiqué que lorsque la circulation
des élites se bloque vient le temps des
révolutions. RETOUR
AUX THEORIES DE LA CIRCULATION DES
ELITES L’école des «
Machiavéliens » désigne tout un courant
sociologique qui, à la suite de
Machiavel, au début du XXe siècle, s’est
principalement intéressé à
l’appropriation permanente et éternelle
du pouvoir par une élite : Vilfredo
Pareto, Gaetano Mosca, Roberto Michels,
prolongés par Wright Mills, James
Burnham. Ils se rattachent à la
tradition machiavélienne, qui considère
que les masses sont manipulées par des
élites dirigeantes qui utilisent, la
force (lions) ou la ruse (renards).
La théorie néo-machiavélienne de la «
circulation des élites » a été élaborée
en Italie et en Allemagne à la fin du
XIXe siècle essentiellement, pour
dénoncer les limites et les
impossibilités de la démocratie
représentative. On était alors, comme on
l’est de nouveau aujourd’hui, dans un
contexte de « crise du parlementarisme
», se traduisant par la difficulté de
voir se concrétiser une réelle
participation politique des citoyens aux
affaires de la cité et une véritable
représentation de leurs intérêts. La
critique des élites s’attaque au
décalage entre la théorie de la
démocratie parlementaire et la pratique
de la représentation politique. La
notion centrale de la Théorie est donc
le concept d’ »oligarchie ».
Les théories « néo-machiavéliennes »
mettent le doigt sur un point
aveugle des processus de
démocratisation, à savoir le caractère
oligarchique du pouvoir politique,
c’est-à-dire le fait que le pouvoir
politique est exercé, partout et
toujours, par une minorité. Le
multipartisme ne supprime pas ce
phénomène, puisque l’élection y
contribue. Les théoriciens
néo-machiavéliens attirent notre
attention sur la mystification d’une
théorie de la démocratie parlementaire
comme « gouvernement du peuple, par le
peuple et pour le peuple ». La
démocratie parlementaire comme pouvoir
de la majorité, de tous ou de la plus
grande partie est une illusion. En
réalité, la responsabilité politique est
entre les mains de minorités. Les autres
sont apathiques ou profanes et préfèrent
laisser à celles-là les prérogatives.
Les partis politiques sont des
organisations dirigées par une
oligarchie. Cette
théorie est plus que jamais actuelle.
Curieusement ou plutôt fort logiquement,
nous sommes les seuls aujourd’hui à
l’évoquer et à l’utiliser comme grille
d’analyse … Face à
cette réalité du blocage de la
circulation des élites, le régime joue
ses dernière cartes, celle des
imposteurs – front des milliardaires ou
tribun professionnel de la politique
politicienne qui prétendent parler au
nom du peuple – chargés d’endiguer la
révolte populaire. Combien de temps
encore ces jeux stériles, ces vieilles
tromperies éculées, endormiront-ils les
Français ? Luc
MICHEL (sources :
AFP)
http://www.lucmichel.net/2013/05/21/luc-michel-focus-vers-une-crise-de-regime-en-france-2-laffaire-cahuzac-revelatrice-dune-democratie-de-theatre-bloquee/
https://www.facebook.com/notes/pcn-ncp-press-office-service-de-presse-du-pcn/-luc-michel-focus-vers-une-crise-de-regime-en-france-2-laffaire-cahuzac-revelatr/524789060919384
Lire la première
partie de cette analyse :
Luc MICHEL, VERS UNE CRISE DE REGIME EN
FRANCE (1) : HOLLANDE
… „FLAMBY“ AUX COMMANDES ?,
PCN-SPO / Focus / 2013 04 26,
Sur
http://www.lucmichel.net/2013/04/27/luc-michel-focus-vers-une-crise-de-regime-en-france-1-hollande-flamby-aux-commandes/
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