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Le Coran est-il hostile aux juifs et aux chrétiens
Leena El-Ali
Jeudi 17 décembre 2009 Lorsqu’un acte de violence
est commis au nom de l’islam, les auteurs affirment souvent que
les musulmans n’ont jamais eu vocation à s’entendre avec les
fidèles des autres religions, précisément les juifs et les
chrétiens. Ils citent automatiquement des textes du Coran qui
prouveraient, selon eux, que les juifs et les chrétiens sont
intrinsèquement hostiles aux musulmans. Automatiquement,
certains non-musulmans reprennent ces mêmes citations pour
prouver que les musulmans constituent une menace à leur mode de
vie, justifiant ainsi leur propre hostilité à l’égard de
l’islam.
Mais cette interprétation des textes est-elle la
bonne ?
On oublie trop souvent que le Coran a été révélé
au prophète Mahomet tout au long des 23 années que dura son
pouvoir spirituel et politique, auquel il accéda à 40 ans pour
ne le quitter qu’à sa mort, en 632. A mesure que les versets lui
étaient communiqués, selon la croyance, par l’archange Gabriel,
ils répondaient forcément aux enjeux qui se présentaient à la
communauté musulmane naissante, au-delà des questions
théologiques et spirituelles sur lesquelles toute religion doit
se prononcer.
C’est ainsi que près des deux tiers du texte
relate la vie des prophètes hébreux et de Jésus et Marie,
expressions de l’idéal spirituel, le dernier tiers énonçant des
règles de vie précises à l’intention des fidèles de la toute
nouvelle religion.
En règle générale, ces règles s’organisent
autour de deux grands thèmes : d’une part les règles de vie
personnelle, sociale et familiale, et, d’autre part les
commentaires particuliers applicables à des événements
conjoncturels, présents ou passés, y compris des problèmes
politiques ou communautaires.
Les versets censés être hostiles aux juifs et
aux chrétiens entrent dans cette deuxième catégorie. Par
exemple, alors que ces deux communautés sont respectueusement
désignées par l’expression “Peuples du Livre”— les peuples qui
ont reçu leurs écritures du même Dieu que celui qui donna le
Coran aux peuples de la péninsule arabique — la plupart de ces
versets (soit environ une trentaine sur plus de 6.000) portent
sur les tensions qui opposaient les chrétiens et les juifs aux
musulmans des premiers temps. L’enseignement de Mahomet, tout
nouveau, était considéré avec méfiance et jugé illégitime par la
majorité des juifs et des chrétiens de l’époque.
On ne s’en étonnera pas, puisque l’histoire nous
montre qu’il a toujours été impossible pour la grande majorité
des fidèles d’une religion de se rallier au fondateur d’une
religion nouvelle apparu en leur sein.
De plus, les versets considérés comme étant
hostile envers les juifs et les chrétiens doivent être replacés
dans leur contexte : ainsi à une certaine époque de la
transcription du message, une tribu juive alliée aux musulmans
avait trahi ceux-ci. Tout naturellement, les musulmans se sont
vu déconseiller de rechercher des protections ou des alliances
parmi les autres communautés.
Une question de pose : les recommandations du
Coran relatives à des incidents aussi précis doivent-elles
s’étendre aux rapports entre musulmans, chrétiens et juifs à
notre époque ?
La Torah et les Evangiles sont cités chacun une
douzaine de fois environ — toujours dans un sens favorable — et
sont décrits comme “guide et lumière” de l’humanité. Ceux de
leurs fidèles qui sont vertueux, tout comme les musulmans
vertueux, "n’auront rien à craindre et ne seront point
affligés". (Coran 2:38)
Moïse est mentionné par son nom en arabe
—Moussa—136 fois, pas moins, dans le cadre de la répétition des
histoires bien connues pour le lecteur de la Bible : sa
confrontation avec Pharaon au sujet de l’esclavage des enfants
d’Israël en Égypte en particulier est répétée de nombreuses
fois.
Jésus, quant à lui est aussi mentionné par son
nom en arabe – Issa—25 fois, ainsi que par des titres tels que
Messie, fils de Marie, Parole de Dieu, et Esprit de Dieu tout au
long de 15 chapitres. Les récits bibliques de sa vie sont
relatés dans le Coran, notamment sa naissance immaculée, la
guérison de l’aveugle et du lépreux, et la résurrection des
morts ; le chapitre cinq est en fait intitulé "La dernière
cène". Marie est mentionnée 34 fois par son nom, un chapitre
entier lui est consacré et elle décrite comme la femme du rang
le plus élevé de toute la Création.
On dit même aux musulmans que le mariage avec
les juifs et les chrétiens est permis par l’islam. Toutefois,
comme et la coutume patriarcale, et le verset correspondant
semblent s’adresser à des hommes, une femme a généralement des
difficultés à contracter une union avec un juif ou un chrétien
(qui serait considéré comme le chef de famille).
Dans le Coran pas un seul passage faisant
allusion à Jésus ou aux Evangiles, à Moïse ou à la Torah, qui ne
soit positif et respectueux. Ce fait est essentiellement
rassurant pour ceux qui croient que Dieu n’enverrait pas à
l’humanité une religion, lui permettrait de s’imposer à des
millions d’âmes pendant des siècles, pour ensuite en envoyer une
autre pour la "parfaire" ou la "compléter" - ainsi que certains
musulmans d’aujourd’hui interprètent le rôle prévu pour l’islam
à l’égard du judaïsme et du christianisme. Il y a cependant une
différence théologique avec la foi chrétienne : si Jésus a le
rang de prophète hautement respecté, il n’est pas le fils de
Dieu. Malgré tout, le message d’ensemble prêche la coexistence,
et non division.
Comme il est tragique de voir certaines
personnes faire feu de tout bois pour nourrir un sentiment de
peur ou de haine à l’égard de ce que nous ne comprenons pas,
projetant cette crainte sur les saintes écritures - les nôtres
ou celles des autres - en l’occurrence sur le Coran. Si nous
écoutons ses paroles sans préjugés, nous pourrons être rassurés,
voire subjugués, par son message à la fois retentissant et
familier.
Leena El-Ali, Directrice de Partenaires pour
l’Humanité, un programme qui encourage des relations vibrantes
et constructives entre musulmans et occidentaux, dans le cadre
de Search pour Common Ground, organisation internationale qui se
consacre à la transformation des conflits. Cet article, écrit
pour le Service de Presse de Common Ground (CGNews) et paru
d’abord dans in The Bradenton Herald, fait partie d’une série
portant sur le mythe d’une violence inhérente à l’islam.
Dossier religion musulmane
Publié le 17 décembre 2009 avec l'aimable
autorisation d'Oumma.com
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